((noé)) luna de papel.

traits de caractère / ((devant les caméras)) risette étincelante, jambes repliées, chevelure disciplinée, tenues inconfortables, talons trop hauts, fine, élancée, sympathique, drôle, bienveillante, bavarde, modérée, modeste, éduquée, voici ce qu'elle incarne lorsque les lumières viennent avaler les ténèbres, que le monde entier est rivé sur cette gamine désabusée. reconnue pour ses talents évidents, l'on apprécie la simplicité de noé, son rire cristallin, ses bonnes manières et son respect des autres. puis, lorsque les lumières s'éteignent et que ses parents viennent la tirer dans les loges, s'ensuivent une déferlante de critiques, pointilleux, exigeant, ils s'acharnent sur la petite, à lever le ton ou les poings s'ils n'aiment pas le comportement de leur fille unique. à l'écoute, attentive, le dos droit et le silence qui règne, il n'y a de la place que pour le business, ici.

((derrière les caméras)) passionnément excessive, elle n'a jamais d'avis en demi-teinte, elle adore, idolâtre ou détruit, hait. provocatrice, joueuse, inconsciente, les limites ? noé les a écrasé, dépassé et entraîne les autres dans ses vices, l'influente, la dictatrice, dominatrice, derrière ses sourires enjôleurs, elle apprécie le chaos, le désastre et la souffrance, parce qu'elle s'en fiche des autres, noé, égoïste (ou peut-être pas), elle se cache, se préserve, se protège. parce que oui, noé est blessée par l'éducation reçue, ce cocon familial exigeant, qui ne voit que l'argent au travers elle, aucune considération, pas de sentiment. l'on dirige noé, l'on malmène noé et elle ne dit pas grand-chose, plus maintenant, terrifiée, endoctrinée. jalouse, possessive, en quête d'amour, il faut que les regards soient braqués sur elle, sinon, halte aux coups bas, aux insultes et aux coups de griffes. l'hypocrite se réveille, déchire les essences et s'en délecte, le cruor comme élixir de jouvence. instable, imprévisible, capricieuse, elle peut hurler pour obtenir ce qu'elle désire, frapper pour le plus futile des fantasmes et s'en lasser quelques secondes plus tard. elle est narquoise, le venin au bord des lèvres, substitut de salive, l’arsenic dans la bouche, elle s’amuse de tout et des autres. frivole, celle qui ne prend rien au sérieux, se moque éternellement des pantins, sans se rendre compte qu’elle est elle-même ravagée. anéantie par le fait de n’avoir aucun point d’ancrage sain, les parents absents, aveuglés par le pouvoir, elle les provoque avec ses fréquentations de la plèbe, son attirance pour les deux sexes, les coups jamais bien loin. pas de miséricorde, poignards dans les mots lancés, elle est narquoise, le venin au bord des lèvres, substitut de salive, l’arsenic dans la bouche, elle s’amuse de tout et des autres, manipulatrice, malsaine, le palpitant criant vendetta, mesquine poupée. puis, derrière ses grands airs, elle est ravagée, noé, détruite par ses parents qui ne l'écoutent pas, qui s'acharnent encore et encore, alors pour se venger, elle porte des masques, odieuse, impitoyable. elle détruit les autres, les fait chuter dans la décadence, sans y porter une plus grande importance. elle pourrit un peu plus chaque jour, la gamine perdue, elle qui a tant d'amour à donner comme recevoir, pourrie, putride, anéantie, la mort au bout des lèvres, marasme caché.

Il y a les larmes de maman qui coulaient le long de ses joues et son corps dépourvu de force, proche de la dérive, avec papa la tenant dans ses bras, de manière à ce qu’elle ne sombre pas plus dans la démence du désespoir. Les bras enflés par les injections de médicaments, désespérée par ces rapports sexuels programmés pour mettre toutes les chances de leur côté, la mère décida de tout arrêter et ce fût quelques jours plus tard, que la magie opéra. Miracle pour ces amoureux en crise, une grossesse tant attendue que l’amour qui s’en était allée, revenu au galop, sans se soucier des frasques traversées. De cette gestation naquit une petite tête rousse, aux cris si stridents qu’ils hérissaient les crins des infirmières et des infirmiers. Elle aura du caractère, qu’ils disaient aux parents, eux qui nageaient en plein bonheur. Lilas et James Beauchamp, comblés, prenaient soin de la petite Noé, déjà exposée sur les réseaux sociaux, les médias, sur la toile publique : elle était née, l’enfant star, digne représentante des célébrissimes acteurs. Gamine adulée, idolâtrée, dont la vie était déjà transcrite sur des carnets, dans les têtes des géniteurs, assignée à prendre la relève de l’Empire familial, à être la plus populaire des enfants star. Alors, dès ses dix ans, on a inscrit la précieuse à ses premiers castings, la voilà propulsée dans un univers de strass et de paillettes dans des séries disney, d’adolescents, là où les rires sont enregistrés, où les situations deviennent ridicules et les effets spéciaux, de mauvais goût. Autoritaires, strictes, ils ne laissaient rien passer, quitte à lever la main, hausser le ton sur cette rouquine, endoctrinée afin d’afficher un côté lisse, parfait, poupée de cire dont les sentiments étaient mis de côté, lapidés, l’estime négligée, la confiance perdue dans les géhennes.

Puis, y’a eu l’âge ingrat, l’adolescence, au milieu de sa carrière en totale expansion : l’euphorie de provoquer ses parents, de les rendre désaxés : mauvaises fréquentations, caractère insoutenable, imprévisible, instable, malsain en place, Noé fréquentait les personnes des classes inférieures, allant jusqu’à jouer avec ces pauvres âmes aussi égarées que la sienne. Manipulatrice, directive, glaciale, malicieuse, avec ses airs angéliques, sa risette enjôleuse, l’on ne disait rien à cette rouquine, non, tous les regards braqués sur cette actrice si jeune, si désabusée, que l’on admirait. Et il y a des personnes qui l’ont marqué, comme Milo, ce brun plus âgé, lors d’une soirée où l’on avait convié l’infâme. Symbiose pure, alchimie folle, elle avait le coeur qui s’emballait, la jolie, les joues teintées de carmin et les poignards au bord des lèvres. L’amour, le premier, l’unique, sa première fois également, une attirance camouflée sous un jour, celui du « cap ou pas cap ? ». Autrefois si innocents, ils se sont perdus, les enfants, augmentant un peu plus l’intensité du divertissement, jusqu’au point de non-retour : « cap ou pas cap de te piquer ? » Qu’elle lui lançait, inquisitrice, les jambes croisées, dans sa belle robe sombre, à le bouffer du regard, la vipère face à sa victime, le « je sais que tu feras tout pour moi » dans les prunelles au milieu des amis, des étrangers. Sauf, parce qu’il y a toujours une péripétie dans ce genre d’aventure, elle a flippé, Noé, lorsqu’elle a vu l’aiguille, elle s’est barrée, pétrifiée par cette vision d’elle-même, dégoûtée. Ils ne se sont plus revus après ça, car la jeune fille a été arrachée de son lit, dans la nuit, pour aller étendre sa carrière à l’étranger. Départ précipité.

Quelques heures après l’horreur, enfermée dans un avion, un séjour qui aura duré quatre ans, où Noé a grandi, sous les flashs et les projecteurs, parcours professionnel qui n’a jamais cessé de grandir, d’évoluer, jusqu’aux plus gros films. Visage affiché dans les rues animées de la ville, sur les buildings, la star est revenue chez elle il y a un petit mois, sans oublier le drame, les chimères du passé, mais un caractère encore plus exécrable en poche, divine pécheresse, effroyable tyran.