(circé) luna de papel.

traits de caractère / Elle est excessive, Circé, jamais d'avis à demi-teinte : elle peut aimer passionnément, à s'en détruire l'essence comme s'en foutre, la seconde d'après. Instable, la folie lui donne des envies de grandeur, à se croire pour la Reine du monde, Arès comme guide spirituel. Elle hurle, domine et fait des caprices, pouvant aller jusqu’aux larmes pour un désir des plus futiles. Pourtant, Circé a de l’ambition, rêve de s’élever dans le dessin, songe qui la maintient en vie, refuge d’une existence malgré les chicanes de sa fratrie. Alors, pour cette chose vaine, elle se tait, Circé, mais ne se gêne pas pour faire ouïr sa fureur, les crises quotidiennes, volcan en constante éruption, ouragan dévastateur. Et puis, elle est narquoise, le venin au bord des lèvres, substitut de salive, l’arsenic dans la bouche, elle s’amuse de tout et des autres. Frivole, celle qui ne prend rien au sérieux, se moque éternellement des pantins, sans se rendre compte qu’elle est elle-même ravagée. Anéantie par le fait de n’avoir aucun point d’ancrage sain, la démence devenue sa meilleure amie, ils sont tous atteint les Solomos et son âme jumelle est la seule à la déchiffrer. Ensemble, ils sèment le chaos, s’acharnent sur les voisins, annihilent le matériel comme le spirituel, concret comme abstrait, pas de miséricorde, les poignards jetés les mirettes closes. Elle a le talion dans la peau, Circé, le palpitant criant vendetta, elle apprécie la destruction, celle lente et térébrante, odieuse, aime donner de l’espoir pour mieux étrangler, trancher et abolir, elle se munie de son plus beau sourire pour piquer, tailler et manipuler, rares sont ceux qui échappent à son jeu de prédatrice. Mais, il n’y a pas que de la mesquinerie derrière la risette de la gazelle, elle sait être sobre pour mieux disséquer et usurper, hypocoristique par fréquence, tous les trente-six du mois, dirons-nous. Bonne vivante, diront certains aliénés, d’autres diront qu’elle n’a peur de rien. Elle ne compte pas réellement de proches, mais reste loyale, prête à toutes les folies démentes pour eux, quitte à se mettre dans le pétrin. Il y a également une part du pudeur chez elle, continence inavouée, pour celle qui se montre sans aucune faiblesse. Bordélique tant physiquement que mentalement, rien ne tourne rond chez elle, sûrement causé par la toxine qu’elle ingurgite plusieurs fois par jour, jamais propre ni nette, elle joue au funambule sur le fil de la vie, l’adrénaline comme breuvage, persuadée qu’il ne pourra rien lui arriver, qu’elle contrôle sa vie. Il n’en est rien : déjà destinée aux Enfers, Circé, elle se pourrit un peu plus chaque jour, cachant son désespoir, brisée par le simple fait d’être une erreur. Parce que c’est ce qui se cache derrière ses grands airs : la possessivité comme arme de désagrégation afin de cacher l’absence d’affection, d’amour, le marasme caché. Et au fond, elle aimerait mourir, Circé.

((CARNAGE)) Née en Grèce, selon Venus et Hadès, elle ignore tout de sa généalogie, mémoire nébuleuse de l’orphelinat sur le sol Américain. Elle sait juste qu’ils n’ont jamais été adopté, les gosses tumultueux, jumeaux insupportables et qu’elle en est partie à huit ans, lorsque Hadès a eu le courage de les élever. Venus, elle l’a très peu vu, Circé, elle s’entendait bien avec Eros et Hestia, mais pas autant qu’avec Crios. Elle sait aussi qu’elle adorait se battre à l’orphelinat, jouer avec les garçons et elle appréciait casser des dents, tourmenter ceux qui osaient la rabaisser. Dominante, cette place lui a toujours plu, tempérament fêlé dès la petite enfance. Elle a fait quelques études, Circé, mais n’a jamais obtenu de diplômes. Elle, son truc, c’était le dessin : mais cela coutait trop cher, alors, songe bafoué, elle a enchaîné quelques petits jobs miteux, pour gagner de l’oseille, disait Hadès. Puis, il l’a enchaîné à l’Olympia, bar miteux, dans lequel elle tente de faire des cocktails, pas tous réussis, mais comment s’agacer face à ce sourire faussement candide ? Elle est dangereuse, la déesse, derrière ses allures angéliques. L’arnaque dans le sang, l’affection insolite, l’âme putride.

Circé n’en dit rien, mais elle dissimule un effroyable mystère, à la fratrie : son overdose en début d’année. Secret capable de faire exploser le cocon, déjà bien explosif.

((MYSTÈRE)) Deux Janvier 2019 : « Je pars à l’aventure, ne me retenez pas. » Tu parles, ils ne la croyaient pas, avec ses quelques dollars en poche, Circé, une détermination en béton armé. Sac de randonnée sur le dos, les mêmes vêtements depuis deux jours, elle claquait la porte, la brune et s’est rendue en auto-stop à quelques heures de New York. Road trip puis avion jusqu’à San Diego, elle s’amusait, Circé, l’argent de quelques pantins en poche, mais aussi des billets de la caisse du pub. Cocaïne omniprésente dans les ruelles, elle n’y a pas échappé, Circé, quotidien rythmé par la poudre blanche et l’herbe. Des rencontres malsaines qui l’ont poussé dans ses retranchements, jusqu’à sa première overdose. Elle se souvient encore de ses berlues, de ses soubresauts, de la teinte céruléenne de ses pulpes, de la froidure de son épiderme, des excrétions et cette migraine, jusqu’aux convulsions, moiteur abondante, puis le trou noir, comateuse à la bouche pâteuse, le vomi séché au bord des lèvres. Chienne gisant sur le bitume, le palpitant faible et l’ange envoyé du ciel la couvant, expédiant cette épave à l’hôpital, lui sauvant la vie, brun portant le prénom de la ville. C’est grâce à lui, Diego, qu’elle a survécu, Circé et cette connasse ne lui a jamais été redevable, aucun mot tendre adressé sur le retour de New York. Et pourtant, il est le seul à savoir, capable de foutre en l’air l’équilibre familial : Circé se la joue amnésique par moments, honteuse, mais odieuse ordure. En attendant, Circé est rentrée une fois rétablie, comme si de rien était, chez elle, le sourire aux lèvres,  propos falsifiés de ce trip lointain.