till i collapse. (Morgan)

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{ till i collapse }
crédit/ tumblr ☾ w/@Morgan McGrath

Il est son point faible. Elle le sait, Ella, elle l’a toujours su. C’était comme ça dès le début. Dès la genèse d’un amour qui a fait voler aux éclats toutes ses convictions. Elle l’a senti aux prémices même de leur relation. Elle était censée être sous son contrôle. Lui, il était censé être sous son contrôle. Mais il y a quelque chose, en lui, qui l’a fait chavirer. Quelque chose qui a tout dépassé. À se plonger inlassablement dans ses prunelles, elle a fini par se noyer dans l’océan. Même beaucoup trop rapidement. Mais cette emprise qu’il a sur elle, la sulfureuse réalise à peine aujourd’hui que ce n’est pas seulement le cœur qu’il lui a dérobé. Il y a aussi toute sa raison, toute sa conscience, toute son âme en perdition. Qui se retrouve, auprès de lui, en lévitation. Il peut l’aider à voler, à s’élever, loin de toute cette réalité. Lui faire surplomber ce monde qui n’est pas le sien, pas le leur. Il peut lui donner cette illusion, celle de se laisser porter par leurs émotions. À défaut de comprendre l’univers qui les entoure, elle a pu toucher du doigt grâce à lui les étoiles au-dessus. Mais, Morgan, il peut aussi la faire chuter dix pieds sous terre. La plonger au cœur de l’enfer. Dans ses bras, quelques minutes seulement plus tôt, elle s’est sentie loin de la vie réelle, quelque part dans le ciel. Mais il la ramène brusquement sur la terre ferme.

La réalité t’a rattrapée,
à l’instant où il s’est détaché.

Elle a le cœur qui saigne. Mais c’est habituel. Elle ne fait plus attention à la douleur, devenue un effet secondaire. Elle supporte la souffrance comme une fatalité. Douloureuse, monstrueuse, tortueuse. Elle n’essaie même plus d’y échapper. Devant la distance qu’elle ressent subitement, elle ne lutte pas, ne s’enfuit pas. Elle se fait silencieuse, se perd un instant dans ses songes. Sa faiblesse, elle fait à nouveau des siennes. Alors qu’il s’éloigne davantage, à chaque nouvelle phrase. Et elle se demande, Ella. Ce qui peut bien se passer dans son esprit, pour qu’il la fuit ainsi. Ironie du sort, la sulfureuse, qui sait lire en chaque homme d’un seul de ces regards ravageurs, se retrouve devant les murs infranchissables de son âme torturée. Incapable d’y accéder. Elle ne parvient pas à déceler ce qui peut bien se passer dans ses pensées. Elle ne parvient pas à deviner toutes les choses qu’il refuserait de partager. Elle ne saurait même pas dire s’il a vraiment oublié. S’il l’a oubliée. Ou si son palpitant continue sa course effrénée, quand il se risque à la contempler. La jeune femme ne sait pas ce qu’il peut penser. Elle n’imagine même pas qu’il essaie de la préserver. La protéger de lui alors qu’il a toujours été le remède à toutes ses plaies.

C’est insensé, l’amour,
Insensé de croire que c’est pour toujours,

Tout donner à quelqu’un,
Pour tout reprendre le lendemain,

Plus insensé que tout, de croire qu’on peut décider de la fin.

Mais il l’a décidée, lui, chaque fois qu’il a choisi de partir. C’est ce qu’il fait une nouvelle fois, il veut partir. Il tente seulement de s’assurer qu’elle ne va pas s’effondrer en larmes s’il en vient à s’enfuir. La bonté enfouie sous forme d’une certaine conscience. Cette fois, c’est elle qui fuit son regard, laissant ses opales se fixer sur l’horizon. Ses mots la percutent comme les vagues s’échouent sur le sable. – Alors tu devrais peut-être t’en aller. Elle n’ose toujours pas poser son regard  ébène sur lui. Elle aurait trop peur qu’il voit ses iris le supplier de rester à ses côtés. Qu’il devine combien elle voudrait qu’il la garde contre lui, qu’il l’enveloppe, son corps contre le sien, comme il l’a fait un peu plus tôt. Et tu te détestes, pour ça également. – Merci d’avoir été là. ajoute-t-elle comme pour effacer tout scrupule éventuel. Elle ne veut pas le pousser à rester, elle s’est déjà trop immiscée. Comme elle l’a fait en se blottissant dans ses bras. Elle attend qu’il lui tourne le dos et fasse quelques pas pour oser tourner la tête vers lui. La silhouette qui s’éloigne, lentement, pourtant trop rapidement. – Morgan ! l’appelle-t-elle subitement avant de se relever. Comme si elle avait peur qu’il ne soit qu’une apparition. Une hallucination qui risque de disparaître une nouvelle fois, une énième fois. Elle avance vers lui, foule le sable les pieds nus, les escarpins laissés quelques mètres plus loin. Sans ses talons, il la surplombe de deux têtes. Ses yeux charbonneux, au maquillage imparfait, se relèvent pour pouvoir se raccrocher aux siens, étincelants de pureté. –  Pourquoi ça te fait mal ?, elle demande soudain. Comme si elle essayait de comprendre l’incompréhensible Morgan. Comme si elle essayait de déceler, enfin, ce qu’il se tue à lui cacher. Ce n’est peut-être rien, un reste de rancœur. Ou une nostalgie empreinte de douleur. Rien qui approche ce qui bat en elle à l’intérieur. Mais il ne devrait pas avoir si mal, pas s’il arrivait à tourner cette page. Pas s’il y arrivait, à l’oublier.

Tu le sais, Ella,
Parce que toi aussi t’as mal quand il est avec toi,
Mais t’as encore plus mal quand il s’en va.

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{ till i collapse }
crédit/ tumblr ☾ w/@Morgan McGrath

Marquée au fer rouge, liée à lui par cet amour. Elle se sent prisonnière, Ella. Dépossédée de son âme quand son cœur reste pris au piège. Elle l’aime comme une malédiction. Comme une addiction. Elle subit ce manque violent qui lui est imposé, alors qu’elle a seulement demandé sa présence à ses côtés. Une présence qui te ferait du bien, une présence dont tu aurais terriblement besoin. Mais une présence, aussi, qui pourrait te faire du mal. Une qui te serait peut-être fatale. Parce qu’ils se sont aimés à se haïr, ils se sont aimés à se déchirer les âmes. Le feu qui a brûlé entre eux, fort, si intense, qu’il ne s’est pas contenté de les enflammer. Il les a consumés, ne laissant autour d’eux que les effluves de cet amour cendré. Peut-être qu’il a raison, Morgan. Peut-être qu’ils se feraient encore plus de mal aujourd’hui. Elle ne sait pas, Ella, ce qu’il serait advenu s’il lui avait laissé une chance auprès de lui. Peut-être qu’elle aurait tout gâché une nouvelle fois, peut-être qu’ils se seraient détruits définitivement. Peut-être qu’ils seraient encore plus piégés, chacun plongé dans les tourments de l’autre. Ou peut-être qu’ils auraient appris à s’aimer correctement. Peut-être qu’il lui aurait donné l’occasion d’être là pour lui, peut-être qu’elle aurait fini par lui faire accepter l’homme qu’elle, elle voit en lui. Elle n’a pas de réponse à ces questions. Ne se les pose pas vraiment. Jamais concrètement.

Parce qu’il n’y a rien de pire,
Qu’imaginer quelque chose de possible,
Quand il est déjà en train de s’enfuir.

Il ne peut pas. Il ne peut pas lui dire de prendre soin d’elle, juste avant de s’en aller. Il ne peut pas lui donner l’illusion de compter, alors qu’il est déjà en train de s’échapper. Lui échapper, encore, toujours, sans arrêt. Il ne peut pas la laisser, une nouvelle fois, livrée à elle-même en sachant combien elle était bien plus forte quand elle l’avait, lui, à ses côtés. Elle ne parvient même pas à être touchée de le sentir concerné, juste l’impression qu’il veut se donner bonne conscience. Comme si, finalement, cela avait de l’importance. Comme si elle en avait encore. Comme si ce qui lui arrivait pouvait l’atteindre encore. Elle ne rebondit pas, Ella, elle reste plongée dans le silence, l’esprit envahi par ses songes. Par ses interrogations restées sans réponse alors qu’il l’abandonne encore. Puis, son nom qui sort de ses lèvres, subitement, comme le dernier cri d’un condamné. Le dernier souffle avant de partir, le souffle de celui qui ne demande qu’à vivre. Le corps lourd de Morgan qui s’arrête alors qu’elle se relève, sans plus réfléchir, pour le rejoindre en pressant le pas. Le rattraper avant qu’il ne lui échappe une énième fois. Il est là, devant elle, ses prunelles à nouveau ancrées dans les siennes. Dans les opales de la jeune femme, tous les doutes qui transparaissent. Et peut-être un peu d’espoir qui, malgré elle, apparaît. Dans les pupilles bleutées de Morgan, cette lueur d’inquiétude, cette demande silencieuse, comme s’il voulait qu’elle se taise. Comme s’il avait besoin à tout prix qu’elle le laisse faire.

Il voudrait que tu le laisses partir,
Mais tu souffres déjà trop de n’pas avoir su le retenir.

L’encre noyée dans l’océan, lippes fermées, elle attend. Elle attend la réponse qui tarde à venir. Les paroles qui tournent autour de ce qu’il a vraiment à dire. Ce n’est pas dans le genre du blond de tourner autour du pot. Ni de chercher ses mots. Elle sent presque son cœur s’interrompre. Le monde qui s’arrête, juste leurs opales qui s’affrontent. Il commence à lui parler de sentiments. Mais il se trompe, Morgan. Elle n’essaie même plus de se convaincre qu’elle ne ressent plus rien. Elle tente juste d’oublier ses émotions, l’oublier lui, sans y arriver. Sans réussir à se réparer. Il a marqué son cœur il y a déjà quinze ans, elle le ressent toujours autant. Sûrement éternellement. Elle ne s’oppose pas à ses dires, cependant. Elle attend, continue d’attendre devant son corps détourné, comme s’il ne pouvait plus la regarder dans les yeux. Jusqu’aux mots qu’elle n’attendait plus. Je t’aime toujours. Je t’aime toujours. Je t’aime toujours. Ils se répètent dans sa tête, oubliant ceux qui suivent, oubliant ce qu’il justifie. Oubliant pourquoi il la fuit. Il l’aime toujours. Trop longtemps qu’il ne l’a pas avoué, elle pensait que c’était terminé. Qu’il souffrait seulement de tous les souvenirs incapables de s’envoler. Mais il est là, à quelques centimètres, à lui dire qu’il l’aime. Elle avance lentement, alors qu’elle ne voit toujours que son dos. Sa main vient frôler la sienne dans un geste délicat, juste pour le retenir. Parce qu’elle sait qu’il ne pourrait pas partir. Pas en cet instant. – Il ne t’est jamais venu à l’idée que je pouvais aussi te faire du bien…? Peut-être, peut-être pas. Plus connue pour faire souffrir ceux qu’elle aime, la diablesse, plutôt que les guérir. – Je vois bien que ça va pas, Morgan. Même quand je suis pas là. Peut-être qu’il a raison, au fond, de s’enfuir. Elle recule doucement, douloureusement ses doigts pour laisser les siens libres. Le laisser, lui, partir. – Je veux pas te faire la morale, je vais pas… t’empêcher de partir. Je veux juste te dire que si t’en as besoin un jour… je serai toujours là.  Elle ne peut pas lui forcer la main, plus encore quand elle ne sait même plus si c’est vraiment d’elle qu’il a besoin.