yo sé que en el amor soy un farsante // féliz

01/ t'as grave galéré dès l'enfance. et pourtant, t'es presque certain que ta mère t'aimait. malgré son job de merde, le salaire de misère, tu trouvais toujours de l'amour dans ses yeux. toujours un réconfort dans ses bras. malgré ton père. malgré l'alcool qui irriguait ses veines, enflammant son caractère d'enfoiré. t'en as mangé, des claques. toi le gamin à la langue trop pendue. à la réplique mordante. des coups de ceinture qui zébraient ta peau, marques d'une famille dysfonctionnelle, où les cris fusaient plus que les mots. 02/ t'as toujours été un peu bizarre, féliz. pour toi, le monstre sous le lit n'était pas une histoire pour te faire dormir. tu pouvais le sentir. tu les sens encore parfois, ces ombres qui te guettent, qui te susurrent des mots. comme cette vague de chaleur qui parfois t'enveloppe, douce, réconfortante. tu sais qui c'est, mais personne ne te croit. 03/ ton père, t'as rêvé de le tuer. et t'as failli le faire, tu t'en souviens. t'étais seul à la maison. sans savoir pourquoi, t'as commencé à fouiller les papiers que ta mère gardait précieusement dans une boite, dans sa chambre. et t'es tombé sur ce papier. ton père, ce connard qui levait la main sur toi trop souvent, n'était pas ton père. le choc. le coeur qui s'emballe, le sang qui chauffe, qui bouillonne. et là il apparaît derrière toi. tu te souviens de la poussière sur le sol. quand une claque derrière la nuque t'as envoyé au tapis. le lendemain, t'as pris tes affaires et t'es parti. 04/ t'es tombé sur sasha. ah, ces temps de folie. c'est comme si vous vous connaissiez depuis toujours. les mêmes délires. les mêmes trips. sous le même toit. l'amour est venu se glisser entre vous. les cris aussi. les câlins de réconciliation. instables, vous deux. on raconte qu'on ne peut connaître la valeur d'une personne avant de la perdre. c'est ce qui est arrivé. quand sasha a décidé que ça ne pouvait pas continuer comme ça. ce n'était que le début de ta descente en enfer. parce que tu ne le savais peut-être pas encore, mais sasha, c'était ta bouée, celle qui te maintenant la tronche hors de l'eau. 05/ t'as vécu dans la rue. quelques mois. t'as appris à trouver les meilleurs abris. à rester propre sur toi. tes potes t'ont aidé, te prêtant lits, divans et canapés. puis t'as appris que ta mère avait un cancer. t'es resté des heures sur les toits du bronx, à pleurer. à boire, à fumer de l'herbe. t'as failli sauter, beaucoup trop de fois. incapable. c'est là que t'as commencé à chanter. tes propres mots, tes propres paroles. cette période de ta vie, c'est la plus sombre. celle où tu ne veux pas retourner. parce que la meth a inondé ton corps. que t'avais besoin d'argent. pour manger. pour te loger. pour vivre. alors t'as craqué. vendant ton corps comme un morceau de viande. une. deux. trois fois. puis ta mère s'en est allée. et ton corps, il a pleuré toutes tes larmes. chaque parcelle de ton coeur a failli exploser sous la douleur. mais pour ta mère, tu t'es promis de rester fort. de te sortir de la merde dans laquelle tu t'étais noyé. et t'as commencé à ramer. vers le haut. 06/ ton étoile, elle y est peut-être pour quelque chose. ton oncle, un vieux monsieur que tu voyais une fois par année à noël, a gagné au lotto. et à l’enterrement de ta mère, il t'a proposé de te prendre sous son aile. providentiel. t'es allé en cure de désintoxication. pour la meth. depuis t'es clean. mais tu fumes de l'herbe. tu bois trop souvent. t'es accro au sexe, aux fêtes, aux sensations fortes. t'es toujours prêt pour les coups foireux, ceux qui peuvent t'attirer des ennuis. féliz. où tu vas. t'en sais rien. t'es paumé, féliz. capable du pire comme du meilleur. feu et glace. t'es trop sanguin. tu te cherches, sans doute. et pourtant t'es un battant. un survivant. de ceux qui ne se laissent plus abattre, prêts à tout pour sortir la tête hors de l'eau.