[all heat but no warmth]

01/ Resen ne parle pas souvent de sa famille. Non pas que le sujet manque d'intérêt à ses yeux, simplement il préfère garder pour lui ce petit jardin secret qui représente aussi, un peu, son havre de paix dans les tourments de son quotidien. Le garçon possède deux vies : celle que la majorité des gens lui connaissent, dans laquelle ses amis deviennent acteurs, et cette réputation qui semble lui coller à la peau – bien qu'elle ne soit pas toujours vraie : les rumeurs, elles vont de bon train sur son dos –, et celle que ses parents, ses sœurs, lui attribuent, qu'il aimerait réelle. Sa famille ne sait pas tout ; au contraire, il part du principe que le moins ils en savent, le mieux ils se portent. Bien sûr, ils le savent étudiant en journalisme. Bien sûr, ils connaissent ses notes, ses avancées. Mais pourquoi irait-il leur avouer la façon dont il paye ses études, son loyer, quand il sait qu'ils voudraient l'aider à s'en sortir et payer à sa place ? Sa fierté, c'est ce qui le pousse à garder ce secret, peut-être un peu couplée à l'idée désagréable qu'ils puissent être déçus de lui s'ils apprenaient la vérité. Il ne considère pas sa façon de faire comme un mensonge ; préfère simplement se dire que, pour leur bien-être, il n'a pas besoin de raconter tout ce qui fait, ce qui rythme son existence. 02/ Trois ans. Ça fait trois ans depuis la première fois qu'on lui a parlé de cette solution pour se faire de l'argent facilement, celle-là même qui ne devait être que le coup d'une fois pour réussir à payer son loyer et rembourser son prêt ce mois-ci. Trois ans, aussi, qu'il a laissé des mains traîner sur son corps, des bouches se perdre sur sa peau et redessiner les contours de ses muscles, prétendre à de l'amour quand ça n'était que du sexe. Il se dit souvent qu'il aurait pu tomber sur pire, comme première expérience. Qu'il aurait pu avoir du mal à se relever avec quelqu'un d'autre, que l'illusion de faire ça pour lui, parce qu'il en avait envie et non pas parce qu'il était question d'un besoin de ce type, aurait eu beaucoup plus de mal à tenir, avec d'autres mains, d'autres yeux, d'autres paroles. Il pensait aussi, avant de commencer, que le sentiment de saleté n'était qu'une histoire racontée dans les films, que ça ne touchait pas tout le monde, avant de grimacer sous sa douche en se rendant compte qu'il ne parvenait pas vraiment à s'en détacher. Il avait bu un verre, puis deux, puis trois ce soir-là, après avoir rangé le liquide qu'on lui avait glissé entre les doigts, et avait recommencé la semaine suivante, parce que pourquoi pas ? Resen parvient à les faire se sentir désirés, appréciés, presque aimés quand il les voit ; leur donne une importance qu'ils n'ont pas et n'auront probablement jamais, dans une illusion qui était d'abord bancale, avant de devenir un véritable mirage dans lequel ils se perdent, tous. Et après ça, il n'en parle pas. Ne cherche pas à nouer de lien avec des personnes dans sa situation. Ne veut pas débattre, commenter, en rire ni en pleurer. Il a apprit, avec les années, à fermer le loquet dans son esprit une fois ses vêtements remit sur son dos, son porte-feuille rangé, et la nuit bien avancée. 03/ Le sexe, à cause de son gagne-pain, il a un rapport particulier avec. Comme beaucoup, il l'a aimé, a fantasmé dessus, a éprouvé le désir brûlant et presque douloureux, les tortillements dans son bas ventre et la chaleur qui grimpait en lui. Depuis qu'il en a fait son fond de caisse, pourtant, il le voit autrement. Le sexe pour du sexe, il ne l'a pratiquement plus pratiqué depuis trois ans. Le désir qu'il éprouve pour les autres, il le révoque et l'envoie dans un coin de son esprit qui lui permet de l'oublier, se fait jouir seul et ne se donne plus avec la même liberté qu'il le faisait avant, parce qu'il a cette peur en lui de ne pas pouvoir ressentir l'envie, le plaisir et la jouissance réelle, comme ce à quoi il avait pu être habitué. Soupiré un prénom grâce au plaisir ressenti, trembler en se sentant approcher le paroxysme de l'ébat, sentir sa respiration s'accélérer et se couper sans avoir l'impression qu'il mourrait presque, poser sa tête contre un torse, une poitrine, entourer ses bras autour d'un corps et se dire qu'il peut s'endormir, là, sans avoir besoin de repartir de là d'où il venait, c'est tout ce qu'il aimerait retrouver, et tout ce qu'il a peur de ne plus ressentir s'il venait à essayer. Les quelques personnes qu'il a pu fréquenter, hommes comme femmes, depuis ces trois dernières années, ont toujours fait face à ses excuses pour éviter les contacts physiques trop poussés, et ont fini par se prendre le mur en pleine figure : plus de réponses à leurs messages, leurs appels, jusqu'à ce que Resen tombe peu à peu dans l'oubli pour eux. Ça fait quelques temps maintenant qu'il sent pourtant son cœur s'emballer un peu plus en croisant un regard, en posant le sien sur une silhouette toute aussi familière qu'étrangère. Il le regarde passer dans la rue, vers l'université, parfois à quelques pas de chez lui, et se plaît à imaginer de quoi peut être faite sa vie. Il lui a déjà parlé à quelques reprises ;  quelques mots échangés, à peine, quelques sourires quand ils se croisent, sans rien de plus pour l'instant. Mais sans qu'il ne puisse être en mesure de se l'expliquer, une chose chez lui l'attire, autant qu'elle parvient à lui faire peur. 04/ Loin d'être idiot, même plutôt intelligent et cultivé, Resen passe parfois des nuits blanches à bosse sur ses cours pour s'assurer que tout ce qu'il fait n'est pas peine perdue. Par on ne sait quel miracle – peut-être devrait-il commencer à croire en Dieu, après tout ? –, il arrive à tenir la route et à obtenir de bonnes notes, motivés par l'idée qu'une fois l'université terminée, il parviendra à sortir son cul de la situation dans laquelle il s'est fourré, pour obtenir un « vrai » métier, qui ne nécessiterait pas l'idée de retirer ses vêtements. Amateur d'art en tout genre depuis des années, il aimerait se spécialiser dans le journalisme culturel, plus particulièrement ce qui touche à la musique et au cinéma, et réussir à atteindre son objectif de vivre entouré de ces choses qu'il aime. En quatrième année à l'université de New York, il lui reste encore un an et demi à tirer avant de pouvoir espérer apercevoir la fin du tunnel, si seulement il parvient à maintenir ses notes à flots comme il le fait actuellement. 05/ En vrac : Resen fume – beaucoup –, boit – parfois un peu trop –, et consomme de la drogue. S'il ne se juge addict à rien d'autre qu'à la clope, il prend parfois de la cocaïne pour parvenir à garder son esprit éveillé le temps de ses révisions, jusqu'au petit matin, et a également pris l'habitude de fumer de l'herbe. // Il presque tous les genres de musiques, à quelques exceptions près. Il a cependant une préférence pour le rap/hip-hop, la pop et le rock. // Il aime traîner dans les musées quand l'occasion se présente. Ça lui procure une sensation de calme qui lui est importante, et lui permet de se laisser vagabonder en dehors de sa propre vie ; il fait ça principalement quand il se sent dans un mauvais jour, pour pouvoir se remettre sur pieds. // Il est le roi de l'humour noir et des « dad jokes », répond presque toujours au tac-au-tac, ne sait pas tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, et peu de personnes sont en mesure de comprendre la logique de son fil de pensée. // Il vit en colocation avec deux autres personnes, résultant donc sur de sacrés moments de bordel dans leur appartement. // Il adore les animaux en tout genre, excepté les araignées et les pigeons, qui lui hérissent les poils dès qu'il en voit ; il déteste aller dans un parc quand il mange, à cause de sa peur de se faire attaquer par un pigeon affamé. // Il a été végétarien pendant des années, mais ne parvenait pas à équilibrer son régime alimentaire pour rester en parfaite santé : à cause des carences dont il a souffert, il a recommencé à consommer de la viande, mais mange principalement du poulet plutôt qu'autre chose. // Resen est petit. Resen en a conscience, et il en a surtout ras-le-bol que des gens lui fassent des remarques sur sa taille, ou lui donne des surnoms qui vont dans ce sens ; ça l'a suivit toute sa vie, ça continue de le suivre encore maintenant. // Il a un nombre importante de tatouage : ses bras, son torse, ses jambes, et même ses fesses ont été encrés à un moment donné. Il n'en regrette aucun, pas même les moins beaux, pas même les plus irréfléchis. // Il aimerait être père, un jour, mais n'a jamais parlé de ce désir à personne.