dragonstone (bear)

01/ gamin orphelin d'une mère. Gamin responsable de sa mort, ce qu'on t'a parfois dit à l'école pour t'énerver. T'as jamais été d'accord. Ou un peu. Mère morte en couche, pour toi. Une mère qui a préféré te savoir toi vivant plutôt qu'elle. Une mère qui s'est sacrifié. Et un père qui apparemment t'en as voulu dans les premières semaines de ta vie fragile. Qu'un bébé. Incapable de vivre sans autrui, désireux d'attention et d'affection. Il a fini par revenir vers toi. Il a fini par te prendre contre toi, t'a-t-on raconté. Il a fini par t'aimer mais d'un amour moindre. Tu lui avais enlevé l'amour de sa vie, sa femme, ta mère. 02/ père affectueux mais souvent sur la retenu. Quand t'y penses, t'as toujours recherché son affection, son approbation. T'as toujours recherché son regard fier, son sourire, sa main sur ta tête d'enfant, d'ado. T'as longtemps attendu les phrases d'amours, celles où il te prouvait qu'il t'aimait, celles où il te prouvait qu'il était fier de t'avoir comme fils. Et putain, t'as attendu. Jusqu'à aujourd'hui. 03/ remariage, rapide. Tu t'es toujours demandé si au départ ton père ne s'était pas remis avec cette femme pour se consoler. Pour recevoir de l'affection, comme toi tu désirais la sienne. Belle-mère dès ta troisième années, tu ne t'en souviens pas. Tu ne te souviens pas de son arrivée. Juste qu'elle a toujours été là, dans les souvenirs les plus anciens. Affectueuse, plus ou moins. Elle préférait sa fille, conçue avec autre homme que ton père. Autumn, comme la saison. Comme étrange est ton prénom, tu t'es toujours interrogé sur la capacité de ton père à nommer des personnes. 04/ jeunes couples dans leurs têtes tandis que les années vieillissent leurs corps. Ils vous aimaient, ta demi-soeur et toi mais bien moins que la liberté. Bien moins que vivre tels deux jeunes amoureux dans les premières années. Chez eux, les premières années se sont accumulées. Fougueux (ou égoïstes), vous avez rapidement été laissés à votre grand-mère commune. Élevée par cette vieille femme, t'as su trouvé l'amour maternel que t'attendais. A défaut d'avoir un minimum de reconnaissance de la part de ton père, tu n'attendais rien de ta belle-mère. T'étais comme ce chien qui attendait la récompense. Tu pardonnais presque quand ton père revenait d'un voyage, un cadeau pour toi. Comme si ça suffisait à le pardonner de son absence. Pas de mensonges ici, trop gentil, trop con, ça suffisait presque. Rempli d'espoir, celui-ci s'effondrait toujours quand tu le (les) revoyais partir, pour de nouvelles aventures, pour de nouvelles passions. Sans vous, les gosses, épines dans les pieds. Sans toi. 05/ gamin facile, gamin influençable. T'as fait ça pour lui, sans te poser de question, sans chercher à comprendre pourquoi c'était si pressant, sans savoir pourquoi il avait besoin de ces réservations. Et puis t'as compris. T'as capté quand tu t'es retrouvé plaqué, le côté droit de ta face contre le béton dégueulasse de la rue. T'as tout compris quand tu t'es retrouvé accuser d'un détournement de fonds que tu n'avais pas commis, dont tu n'avais même aucune idée. T'as pris pour eux. Accusé d'avoir aidé les voleurs -ton très cher papa et sa femme- à s'enfuir. T'as réellement réalisé quand tu t'es retrouvé au tribunal, quand t'as compris que t'avais aucune chance alors que tu clamais ton innocence, quand tu t'es retrouvé dans cette cellule. Pendant un an. Un an à clamer ton innocence. Un an derrière des barreaux, un an qui a gâché ta vie. Parce que oui, t'as fini par sortir. On a fini par te croire, par t'indemniser de l'erreur judiciaire que tu as subi quand on a retrouvé la trace de ton père. Mais une année est une année de trop. Une année et un père qui ont gâché des points de ta vie.