nothing is unbearable.

un/ son père l'a élevé seul, d'un amour qui a largement comblé celui du manque d'une mère qui était, est, et restera aux abonnés absents. il ne connaît rien d'elle, chaque fois qu'il tenta d'aborder le sujet, son père tapait du poing sur la table en criant d'une voix grave que c'était une histoire du passé, et que les histoires du passé on ne les remet pas sur le tapis. l'amour maternel, il a su s'en passer et se contenter des durs choix de la vie bien qu'il ne voyait sa marâtre uniquement comme une lâche et irresponsable personne. deux/ son père a travaillé sur des bateaux et déchargé des marchandises sur les quais jusqu'à la fin de ses jours et ted, amateur de l'ordre et de la justice, n'a jamais été capable de supporter la mer lui-même, pas à cause du mouvement, mais de la simple étendue d'eau. enfant, il craignait que cela l'engloutisse et, à ce jour, cette peur le rend violemment malade du mal de mer chaque fois que son regard n'aperçoit plus la terre. puis lorsque ted avait dix-huit ans, son père est décédé en mer, emporté par les sirènes des océans - la déchirure de trop, marquant la première grande tristesse affaiblissant le cœur de ted jusqu'alors tenu hors de danger. parfois, il repense à son père et son argot de pêcheur tordu et il en rit. mais au fond, il lui manque, et ce, même s'ils n'ont jamais été très proches. trois/ c'est le même schéma accablant qui se répète indéfiniment dans sa tête, comme un disque de mauvais goût. les détails sont si affligeants, tout est malheureusement si clair dans son esprit qu'il n'arrivera jamais à faire le deuil. les flammes, l'odeur toxique de la fumée, les quintes de toux de sa fille, les adieux de sa femme, les crépitements et les cris de panique. puis deux corps sans vie, soudain. il a tellement pleuré, ted. des larmes que ses paupières n'avaient pas senties depuis quinze ans qui inondèrent ses yeux lorsqu'ils les contemplaient face à lui. il a hésité à les rejoindre dans leur voyage éternel, mais rattrapé par la raison, s'est juré qu'il se battrait pour elles. quatre/ depuis l'incendie, ted est en proie à la culpabilité du survivant et à une grave dépression. mais par-dessus tout, il est atteint de sérieux trouble stress post-traumatique (tspt). il le cache bien, est très pudique par rapport à ses soucis mentaux, au point qu'il est difficile de voir qu'il est atteint d'un quelconque problème (à part quand les symptômes s'imposent). il a une chance décente de se rétablir, mais il sait que s’il ne commence pas à nouer des liens avec des personnes et à ne pas trouver le goût pour la vie à nouveau, la fin peut s'avérer plus proche qu'escompté.

(uc)