aileen // the weight of the world

1/ l’enfance

c’est comme un gouffre noir qui a tout avalé. Les souvenirs semblent ne pas lui appartenir, comme si à force d’entendre les gens qui l’entourent parler de leurs souvenirs, elle se les appropriait. Comme un songe qui n’est pas le sien. Elle n’a plus aucune certitude. On lui dit qu’elle a été une enfant calme, posée, réfléchie, une enfant qui lit à longueur de temps, qui ne se mêle pas à la foule. N’est-ce pas facile de lui inventer cette enfance, alors qu’elle est une adulte du même acabit? Elle n’en sait rien. Elle était pourtant pétrie de tant de certitudes, il y a quelques mois seulement! Le silence qui entoure ses premières heures ne l’aide pas à y voir un mystère insoutenable. En attendant, la vérité quelle qu’elle soit, est toujours ensevelie sous un nuage de fumée opaque.

2/ la passion

depuis cette petite enfance, Aileen s’est vu acquérir une grâce peu commune. Elle était prédestinée à la danse, c’était ce que ses professeurs lui disaient. Elle s’épanouissait dans cette passion, s’y investissant corps et âme, y espérant un avenir professionnel. Sauf que ce n’est jamais arrivé. Car ce n’est qu’un rêve d’une enfant. Mais les décisions n’appartiennent à personne d’autres qu’à ses parents, elle n’est qu’un objet, un objet qui devait valoriser la famille McMillan, par son métier, par ses études. Danser c’est bon pour le temps libre, juste pour faire joli sur le dossier pour l’université. Mais on ne vit pas de ça. On ne s’enrichit pas de ça.

3/ les études

heureusement, c’est une fille qui obéit, c’est une fille qui écoute, c’est une fille sage qui suit les paroles sacrées de ses géniteurs. Et heureusement aussi, c’est une fille qui sait étudier, une fille qui sait se concentrer, qui est appliquée, consciencieuse, studieuse. Elle a eu le choix, entre différents domaines, et a réussi à convaincre ses parents de la laisser faire médecine. Dès lors, elle s’est perdue dans ses livres, a oublié sa jeunesse, s’est enfoncé avec acharnement dans ces matières qui semblaient si compliquées pour bien des autres, si bien qu’elle a eu l’occasion de faire ses études à à l’école prestigieuse de Harvard, bien que la sélection fut bien étroite. Elle oublie sa jeunesse à coup de matières imbuvables et de cours intensifs.

4/ la médecine

Mais malgré la difficulté, malgré l’études intensive, Aileen trouve en la médecine quelque chose qui la porte jusqu’au bout: l’humanisme. Contrairement à bien des autres autour d’elle, elle est focalisée sur l’aide qu’elle pourra apporter au monde si elle arrive au bout de ses projets, elle est pleine d’illusions, avec l’espoir de pouvoir aider cette misère qui lui fait si mal au coeur, elle, fille privilégiée, avec sa cuiller en argent dans la bouche. Elle se spécialise dans le cerveau qui la fascine, par tout ce qu’il peut engendrer dans un corps, mais aussi tout ce qu’il peut détruire par une blessure. La précision. Ses mains, gracieuses et fines, ont une précision impressionnante. Lorsqu’elle pratique son métier, Aileen n’a plus rien de la fille réservée et timide, elle s’affirme et sait se montrer sûr d’elle, déterminée et vive d’esprit et de geste.

5/ la mère

Maintenant qu’elle sait une part de la vérité, Aileen éprouve un vrai soulagement vis à vis de cette mère qui ne l’a pas nourrie au sein. Elle éprouve un soulagement de ne pas éprouver cet amour que l’on doit à cette femme qui nous a élevé. Il faut dire qu’elle a toujours eu le mot qui blesse Mme McMillan, le pincement de peau sur ses hanches quand elle trouvait qu’Aileen prenait ne serait-ce qu’un peu de poids. Ce regard de jugement constant, cette pression qu’elle mettait sur ses épaules, alors qu’elle se contentait d’être Madame McMillan, et dilapider l’argent qui entrait sur les comptes familiaux. Désormais, Aileen n’avait plus aucun complexe à la regarder avec l’irrespect qu’elle lui avait toujours lancé au visage. Un juste retour des autres.

6/ le père

Ce père, ce modèle. Cet homme absent mais qui pourtant lui donnait bien plus d’amour et d’attention. Il semblait si vrai, si sincère quand il la serrait dans ses bras, qu’il lui disait qu’il était fier. Cela valait de mettre la danse sur pause, cela valait de passer des heures à étudier à se remplir le cerveau de toutes ces informations. Cela valait le silence qu’elle s’imposait, ainsi que le calme qu’elle s’efforçait de garder. Cela valait tout ça, d’être aimée par cet homme, d’être regardée. Il avait la bonté dans le coeur, pour elle. Selon elle, c’était le meilleur père du monde, et c’était bon de se dire que c’était le sien.

7/ la déception / les secrets

Sauf que les rêves sont faits pour se briser. Les illusions aussi, aussi longtemps ont-elles pu durer. Quand Aileen découvre par hasard ce que son père trafique sous couvert de son grand business dans les hôtels de luxe, elle déchante. Elle sombre même. Trafic d’armes dans les pays défavorisés… Elle n’a pas le temps d’en voir davantage, mais qui sait ce que cache encore ce regard bleu qui était selon elle celui de l’homme le plus aimant au monde? C’est insupportable, c’est comme si ce secret prenait trop de place dans son corps, ça la démange, ça lui provoque des crises, son monde s’effondre, à l’instar de ses certitudes. Alors elle décide d’engager un homme, discret, pour enquêter sur les autres secrets de sa famille. Ceux-ci sont bien gardés, pas moyen d’en tirer grand chose. A part un secret auquel elle s’attendait encore moins à être confrontée: son adoption.

8/ la solitude

que ressent-on lorsqu’on n’a plus rien? Quand toutes nos certitudes s’envolent? Plus rien. Rien que du vide. C’est comme si Aileen n’avait jamais connu personne, qu’elle était vierge de toute relation, car tout lui semble faux, sa confiance est impossible à acquérir de nouveau, elle est lésée, seule, et son métier ne suffit plus à combler l’absence, l’absence d’amour, l’absence de vérité, elle qui se sent si sincère, se sent seule dans un monde où tout le monde cache trop de choses.

9/ la remise en question

que faire maintenant? Continuer à creuser? Trouver d’où elle vient? Ou laisse couler, et se laisse porter par la vie qu’on lui a construite de toute pièce, avec ce métier qu’on lui a inventé, ce confort qui ne lui appartient pas. Tout plaquer? Rejeter la terre entière? A quoi bon. Mais Aileen vit désormais sans savoir de quoi demain sera fait, ni si elle a la force de continuer dans cet univers qui lui semble si hostile. Sa tête fourmille de question, elle qui arrivait tant à se focaliser sur son objectif n’a plus d’objectif, plus de raison de le suivre.

10/ judah / le mariage

Judah. Si son cauchemar revête de plus en plus de visages différents, Judah en fait désormais partie. Elle le connaît parce que malgré elle, leurs deux familles se répondent depuis toujours dans des coups bas toujours plus malsains. Parce que la concurrence est rude. Aileen ne supporte pas ce que Judah représente. L'insouciance, l’inconscience, l'irrévérence… la liberté. Elle hait tout ce qu’il est, elle qui est pourtant si peu capable de détester. Peut-être qu’elle le jalouse aussi. Et puis, toutes ces femmes qui l’entourent, qui le touchent, qui n’ont aucune fierté. Elle ne peut supporter cette image.
Mais la famille Ainsworth a obtenu des informations. Des informations que Mr McMillan pense n’avoir révélé -malgré lui- qu’à Aileen récemment. Ainsworth peut le détruire. Le monde s’effondre quand pour le père McMillan, dans sa façon de punir sa fille qu’il croit responsable de son presque échec, il la met sur la table des négociations. Et c’est à ce moment que celui qu’elle hait plus que tout, devient celui qui lui est promis. Les deux familles se liguent contre cette nouvelle chaîne d'hôtel qui débarque en ville. Pour Aileen, la punition est salée. Et insupportable. D’autant plus que ce n’est pas elle qui a trahit.
Mais cela n’aura plus d’importance quand elle devra se coucher aux côtés de celui qu’elle abhorre le plus dans ce bas monde. Et qui sait, quand elle devra lui donner une progéniture.