( i feel the pages turning )

( madness ) il y a le silence, qui annonce la folie. ensuite, il y a les pas. rapides, lourds, sur le bois grinçant de l’escalier. strictes et effrayants contre le parquet vernis. il y a la porte, qui bruisse comme un couinement dès qu’on l’ouvre. un cri strident, qui la fait frissonner. il y a les voix. rauques, apeurées, suppliantes, amusées. puis il y a les coups. le fracas d’une palme large, immense, contre le derme délicat d’une mère aimante. une peau ouverte, tachetée, torturée par l’amour vache d’un père alcoolique. des os brisés avec passion. des insultes murmurées dans le creux de l'oreille meurtrie. et leigh, elle écoute, pleure silencieusement, impuissante, réfugiée dans l’obscurité d’un placard trop petit, sa petite soeur blottie contre sa poitrine. elle l’envie, maxine. avec ses grands yeux espiègles et son sourire bienveillant. elle n’entend pas. elle n’entend rien. ( wanderlust ) son poing se referme sur la terre battue. elle est humide et froide contre sa paume. c'est bientôt son tour. le trou est profond, rectangulaire. et le cercueil, il s'emboite aisément dans ce trou, s'abaisse, jusqu'à ce qu'il soit à peine visible. le soleil se reflète sur le bois vernis, lui fait plisser les yeux. il est mort, papa. un anévrisme, qu'ils disent. une artère, qui a pété. ou plutôt, le karma qui l'a rattrapé, selon leigh. les valises sont prêtes dans l'entrée de la maison. new york les attend, les bras ouverts, pour un nouveau départ, pour une nouvelle vie. ( shadows ) ce sont des ombres. des silhouettes aux épaules carrées, qui ondulent contre les murs. des corps, des âmes. des hommes, qu'elle compare, qu'elle assimile, qui se glissent entre ses draps, ses côtes. des partenaires aux prunelles brillantes, aux baisers langoureux, aux mots tendres et aux étreintes passionnées. ils comblent un vide, un trou béant dans sa poitrine, le temps d'une rencontre, d'une romance brève. mais jamais plus. parce que leigh, elle arrive pas à s'attacher. elle s'intéresse, puis se lasse. leur trouve des défauts, une excuse pour s'éloigner. elle a cette voix, cette petite voix, qui lui murmure qu'il pourrait être comme lui. comme cette pathétique excuse de père. pourtant, leigh, elle veut aimer et être aimée. ( apollo ) il ressemble à ces mannequins qu'on voit dans les pubs, avec son sourire lumineux. il brille par son charisme, sous ses airs de tombeur. et leigh, elle craque. elle se laisse envoûter par ses paroles susurrées du bout des lèvres. par ce jeu de regards, auquel elle se prête aisément. les lumières tamisées, et les effluves d'alcool dans son sang la font glousser comme une adolescente stupide. et accoudée au bar, la main posée sur son avant-bras, elle l'écoute blablater d'art, avec une passion qui brûle les entrailles.