can you feel the sun -- vi.

Tu lâches un bâillement, refermant ton bouquin d'un geste agacé. Tes paupières sont lourdes, tes pensées tout autant, et tu n'arrives pas le moindrement à te concentrer. Tu ne veux que parvenir à t'occuper l'esprit, chasser cette brume qui te suit à cause de ton insomnie. La fatigue qui te brime encore plus, sans doute devrais-tu sortir dans les rues de New York pour tenter de disperser ce cafard qui te poursuit, mais tu n'en ressens pas vraiment la force. T'es pas arrivée à fermer l'oeil de la nuit, et pour aucune raison particulière, tes pensées ne cessant de filer vers des improbabilités. Y'a rien qui t'énerve plus que ça, et maintenant que tu es exténuée tu n'arrives pas à occuper ton temps de manière productive. Emir est dieu sais où, tu songes à te mettre un film à la télé mais tu décides plutôt de te réfugier sous les couvertures, même au risque de fixer le plafond pendant quelques heures avant de trouver le sommeil. Tu ne sais pas ce qui te prend, une léthargie qui ne te ressemble pas, mais ça s'agite dans ta tête, un drôle de pressentiment dans le creux de la poitrine, comme si les étoiles étaient en train de s'aligner pour quelque chose qui n'était pas encore à ta portée.

Tu entends des coups à la porte de l'appartement, et tu lâches un grognement. Tu n'as pas envie de voir personne, que ce soit un visage familier ou un simple vendeur, tu ne voudrais que pouvoir tout éteindre et ne plus penser. Mais tu sais que ça pourrait être important, alors tu repousses la couverture et tu sors de ton lit, frottant tes paupières irritées. Cheveux rassemblés dans une longue tresse, un vieux sweat à ton frère, tu es le portrait même de la fille qui est restée enfermée toute la journée, mais tu t'en fous. T'as pas l'ambition d'impressionner qui que ce soit, de toute façon. Sans réfléchir, tu déverrouilles la porte et tu ouvres cette dernière, t'attendant à tout sauf qui se trouve de l'autre côté du seuil. Ton souffle se bloque dans ta gorge, et tu te retrouves paralysée. Tu te crois devant un fantôme, pendant un bref instant, et une partie de toi n'a qu'une seule envie : repousser le battant pour fermer cette foutue porte, et ne pas accepter que c'est Vi de l'autre côté. Tes muscles n'écoutent pas ton cerveau, cependant, et tu restes plantée là, à la regarder comme un spectre.

C'est elle, pas de doute - les mêmes cheveux sombres, visage pâle, un regard qui avait su t'envelopper d'une chaleur comme aucune autre, l'ombre d'une soeur que tu n'avais jamais eu, mais aussi la démone qui avait fracassé le coeur de ton frère sans regarder en arrière. Tu serres la mâchoire. « Qu'est-ce que tu fais ici ? » Tu es méfiante, tu es prudente, tu ne la laisseras pas réapparaître ainsi sans explication - mais tu es bouleversée, Rym, ton coeur sursaute à chaque seconde qui passe et tu es déstabilisée. « Si tu m'dis que tu veux te faire pardonner, crois-moi, j'te claque la porte au nez. » La colère commence à pointer le bout de son nez. Parce que tu m'as fait mal, Vi.
À moi, à Emir.
Et j'suis pas prête de te pardonner.

-- @vi stygian