feel its warmth. (ewan)

Rêveuse. Déconnectée. Déconnectée de la réalité, parce que c’est bien plus facile ainsi. Déconnectée de la réalité, parce qu’elle ne demande qu’à vivre. Vivre, quand son quotidien l’en empêche. Vivre, quand son corps la condamne. Quand la maladie n’est plus qu’un tombeau voué à l’enfermer pour toujours. Elle, l’oiseau libre. L’âme volage et solitaire. Elle, aujourd’hui posée à New-York, loin des plus belles aventures passées. Et des soirs comme celui-ci, tu ne peux t’empêcher d’y penser, Peyton. Des soirs comme celui-ci, la tête dans les nuages, tu t’imagines ailleurs. Sur les plages de Bali ou voguant à travers les temples Asiatiques. Tu t’imagines ailleurs, même si t’es heureuse d’avoir retrouvé ta famille. Ta famille, et de nouvelles rencontres, comme lui. Ewan. Il est son grain de folie dans cette vie beaucoup trop calme. Il est sa bouteille d’oxygène lorsqu’elle se sent à bout de souffle. Parce qu’avec lui, elle peut être elle. Avec lui, elle peut être elle-même. Ce qui semblait pourtant si simple est devenu bien plus compliqué. Elle n’a toujours eu que cela à faire, Peyton, être elle-même. Elle n’a toujours eu que cela à faire, suivre son instinct, suivre son cœur. Mais son cœur, il ne bat plus. Il ne bat plus correctement, créant en elle une multitude de frustrations. Il n’y a qu’avec lui, qu’elle parvient à s’en défaire. Qu’elle parvient à s’échapper. Il ne te regarde pas avec pitié, Peyton. Il ne te regarde pas comme une malade. Il te suit dans tes folies avec les yeux pétillants. Et toi, tu aimes ce que tu ressens avec lui. Tu aimes ce que tu éprouves en sa présence. Sensation perdue depuis des mois, sensation perdue depuis trop longtemps déjà, que tu retrouves, grâce à lui. Avec lui. Lui à tes côtés, c’est tout ce que tu pourrais demander. Et ce soir, c’est bien avec lui, qu’elle a décidé de tout oublier. Quelques bières attrapées à la volée dans un sac et elle est prête pour l’aventure. Moins grande, bien moins grande que celles autrefois connues, mais l’aventure à deux. L’aventure partagée avec Ewan, explosant l’alchimie si singulière entre eux. Une main accrochée à la sienne, elle l’attire avec elle, grimpant depuis quelques minutes déjà pour parvenir à surplomber New-York. Vue magnifique en haut d’une colline. Moment rien qu’à deux, pour exploiter l’intensité du moment. - Tu vas voir, c’est superbe. On est bientôt arrivés. Qu’elle lui souffle, large sourire sur les lèvres, malicieuse. Elle a hâte. Hâte de pouvoir lui montrer. Hâte de pouvoir profiter, rien qu’avec lui. Seulement ton corps, ton cœur, ils ne sont pas du même avis, Peyton. Et tout ce que tu fais, une fois de plus, c’est te mettre en danger. Oubliant parfaitement que tes efforts doivent être limités.

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Le cœur d’Ewan se met à palpiter de plus en plus fort dans sa poitrine et il ignore si c’est l’effort physique qui met son corps à rude épreuve, ou s’il doit trouver l’explication dans cette proximité qu’il partage avec Peyton. Comme à chaque fois qu’elle a une idée farfelue, il a accepté de se laisser guider, sans même lui demander où elle comptait bien l’emmener comme ça. Après tout, il s’en fout, tant qu’il est avec elle et qu’elle lui en met plein les yeux, comme à chaque fois. Son sourire radieux dévoilant ses belles dents semblables à des perles ornant ses lèvres fines, le danseur emboîte le pas de sa belle, la suivant entre les arbres qui se dressent sur leur chemin, la végétation ayant repris tous ses droits en ces lieux. Ici, on a l’impression d’être à des milliers de kilomètres de la ville de New York, de son tintamarre incessant, de son bitume et de ses gratte-ciels qui se dressent vers les étoiles, tels des géants d’acier, de béton et de verre. Et pourtant, il suffit de quelques enjambées pour atteindre le sommet de cette colline, invisible quand on est dans la masse grouillante de la grosse pomme. Cette colline, qui ne paraît pourtant pas bien grande, est suffisamment haute pour surplomber la ville qui ne dort jamais. Alors que le duo impossible à dissocier est sur le point d’atteindre le sommet, la jeune femme glisse sa main dans celle d’Ewan, brûlante et douce. Elle le tire vers elle, l’encourage à faire ces dernières foulées qui le conduiront au lieu à atteindre, défini par Peyton. Son cœur bat encore plus fort à cet instant, et il ne peut que la croire sur parole quand elle lui assure qu’il ne sera pas déçu de s’être déplacé jusqu’ici. « J’en suis certain. » soupire-t-il dans un sourire éblouissant, qui n’a rien à voir avec ceux qu’il a l’habitude de feindre quand il danse. Et leurs jambes cessent enfin d’avancer pour s’immobiliser, afin de les laisser reprendre leur souffle au terme de cette ascension interminable. Ewan ne se résout pas à lâcher la main de Peyton, même si elle n’est plus obligée de le traîner derrière elle, maintenant qu’ils sont arrêtés, les pieds plantés dans le sol, côte à côte. Ewan reprend peu à peu son souffle et son regard azur transperce l’horizon. La vue est éblouissante. C’est vrai. Elle ne lui avait pas menti. « C’est magnifique, Peyton. Merci de m’avoir amené ici. » souffle-t-il du bout des lèvres, tournant légèrement la tête vers la jeune femme, dont les yeux brillent et renvoient la lumière de la ville. Le soleil commence à peine à se coucher, englobant New York de couleurs automnales resplendissantes, magnifiques et chaleureuses. Des couleurs qui illuminent littéralement le visage si serein de Peyton. « Mais pourquoi tu m’as conduit jusqu'ici ? Cet endroit signifie quelque chose de particulier pour toi ? » Ewan crève d’envie que la jeune femme lui confesse que cet endroit a une symbolique toute particulière à ses yeux, et qu’elle voulait partager ça avec lui, qu’avec lui. Un tel aveu ferait certainement éclater son cœur dans sa poitrine, mais il est prêt à prendre le risque.

Pando

Il ne pose jamais de questions, Ewan. Il ne lui dit jamais non, Ewan. Comme si, au fond, ils n’étaient qu’une seule et même âme. Comme si elle avait trouvé en lui une sorte d’âme sœur, une connexion tellement singulière qu’elle détonne par sa rareté, qu’elle l’enveloppe de beauté. La peur n’existe plus, lorsque son regard croise le sien. Les doutes s’envolent, lorsque leurs rires entrent en communion. T’as la sensation que la vie te donne un sursis, Peyton, chaque fois que tu passes un moment avec lui. T’as l’impression que ton cœur bat à nouveau, lorsqu’il te regarde avec ses yeux pétillants. Il a ce petit quelque chose en plus, Ewan. Ce petit quelque chose qui la transporte. La vie. Il porte la vie en lui, et il lui en donne un peu. Il la partage avec elle, qui n’est plus capable d’en faire autant. Parce qu’elle est triste, bien plus triste, la vérité. Ce n’est plus qu’avec lui, qu’elle parvient encore à se bercer de belles illusions. Ce n’est plus qu’avec lui, qu’elle s’imagine encore capable de sauter en parachute ou de faire le tour du monde. Et t’aimerais pouvoir y vivre, dans ces illusions, Peyton. T’aimerais pouvoir y vivre, pour toujours. Te cacher dans ton propre monde et oublier, simplement oublier. L’occasion se présente, ce soir, lorsqu’ils parviennent enfin au sommet, le périple achevé. Et les yeux qui s’illuminent, chez l’un comme chez l’autre. Tous deux effleurés par le coucher du soleil qui vient éteindre la ville. Puis il y a leurs mains. Leurs mains qui restent accrochées, comme littéralement captivés par la vue, captivés, l’un par l’autre. - Je savais que cela te plairait… Qu’elle lâche, en souriant, plongeant son regard dans le sien avec une intensité qui lui est propre. Les questions du beau brun se font finalement entendre. Les interrogations qui fusent, sur sa présence ici, sur cet endroit secret, pourtant si beau. Les questions fusent, et les réponses suivent, plus sincère que jamais. - Quand je suis ici, j’ai la sensation de voir le monde. Le monde tout entier. Et cela me rappelle un petit peu tous les voyages que j’ai eu la chance de faire. Voyages qui ne sont plus que des souvenirs, pour toi, Peyton. La vagabonde aux valises posées. La bohême au cœur trop faible. - C’est une partie de moi, en quelque sorte, et je voulais que tu puisses la voir. Son regard se fait plus malicieux, sa voix aussi, elle a besoin de lui. Besoin de lui pour des moments comme celui-ci. Elle qui, autrefois si solitaire, semble aujourd’hui bien plus accrochée. Plus qu’elle ne veut bien le réaliser.

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Ewan n'a jamais trop compris pourquoi Peyton ressentait ce besoin irrépressible de dépasser constamment les limites, de fuir son quotidien encadré par cette routine que l'on connait tous, comme si elle cherchait à fuir quelqu'un ou quelque chose. On dirait qu'elle espère se libérer d'elle-même en se débattant ainsi contre l'ennui et l'oisiveté, mais on dirait surtout qu'elle essaye d'échapper à son propre corps, comme si celui-ci la maintenait prisonnière au moyen de chaînes invisibles pour ceux qui ne la connaissent pas suffisamment. Un corps, pourtant, n'est que rarement une barrière quand il possède toutes ses fonctionnalités, et ça semble être le cas de celui de Peyton. D'ailleurs, ce n'est certainement pas Ewan qui ira dire le contraire. Son corps lui a permis de repousser bien des limites et d'exécuter de nombreuses prouesses. Il lui a permis d'accéder à son rêve d'enfance, celui qui lui permet de garder un lien avec sa mère, qu'il a si peu connu. Dans sa mémoire, il ne reste que de vagues souvenirs d'elle, très flous, régulièrement ravivés par de vieilles photos qu'il garde précieusement dans une petite boîte, chez lui. "Tu lis en moi comme dans un livre ouvert." se plaît-il à lui souffler d'une voix douce et caressante. Parce qu'elle mise toujours juste, Peyton. Jusqu'à aujourd'hui, elle n'a jamais commis d'erreur ni de fausses notes. C'est comme si elle lisait dans ses pensées, comme si elle avait le pouvoir de tout préméditer. "J'crois que t'as raison... soupire-t-il en se résignant à lâcher doucement la main de Peyton pour planter ses poings dans le creux de ses hanches, levant le nez vers le ciel qui arbore désormais des nuances allant du pourpre au bleu nuit. "D'ici, on doit probablement voir la même chose que les personnes qui observent le ciel au même moment que nous, dans un autre pays." Dans les limites du décalage horaire, évidemment, le coucher du soleil n'atteignant pas chaque continent à la même heure. Mais Ewan aime cette idée. L'idée d'être relié à une personne qu'il ne connait même pas simplement en faisant la même chose qu'elle. Mais pour l'instant, il a la preuve, sous les yeux, qu'une personne s'adonne exactement à la même activité que lui, et cette personne, elle ne se trouve pas à des milliers de kilomètres. Elle est même carrément accessible. Il pourrait toucher sa peau s'il prenait la peine de diriger ses doigts dans sa direction. Peyton. "Est-ce que tu es en train de me dire que je suis un VIP ?" Le sourire malicieux et l'épaule qui vient effleurer celle de Peyton dans un geste presque imperceptible, Ewan fléchit les jambes et s'assoit dans l'herbe humide, le nez toujours levé vers les étoiles qui commencent à apparaître. Au milieu de l'azur, on peut commencer à distinguer les contours de la lune, pleine, et particulièrement énorme vue d'ici. "Pourquoi tu ne voyages plus, Peyton ?" Parce qu'il a bien remarqué qu'elle évoque ses voyages comme de vieux souvenirs presque effacés, comme des aquarelles sur lesquelles on aurait renversé de l'eau par inadvertance et qui commencent à s'estomper peu à peu, pour ne laisser la place qu'à des taches colorées et difformes sur une toile blanche.

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Simple. Tout est simple, avec Ewan. Tout est simple et s’en est presque étrange. Parce que les relations humaines, ce n’est pas ce qu’elle gère le mieux, Peyton. Bien au contraire. Une vie entière consacrée à voir le monde, sans jamais prendre le temps de s’arrêter, sans jamais laisser l’opportunité à son cœur de s’accrocher. Mais tout est différent, avec Ewan. Elle se sent comme connectée à lui, comme en fusion avec son être tout entier. T’as le sentiment que vous êtes capables de ne faire qu’un, parfois. Qu’il sera toujours à sa place avec toi, que tu seras toujours à la tienne, avec lui. Et les paroles du beau brun ne sont qu’un écho supplémentaire à ce qu’elle éprouve, qu’une preuve qu’ils sont sur un seul et même chemin, tous les deux. Une preuve que ce qu’elle ressent, lorsqu’elle se trouve en sa présence, est parfaitement réciproque. Sentiment donc elle manque cruellement. Sentiment qu’elle était capable de ressentir seule, avant. Avant. Mais sa présence t’es nécessaire, désormais, Peyton. Sa présence t’es vitale, pour sentir en toi un million de petites étincelles s’allumer, encore. Le plus fou, c’est qu’elle n’en a peut-être même pas conscience. Elle ne réalise pas combien il compte pour elle. Combien chaque moment à ses côtes est précieux. Combien chaque regard de sa part vaut tout l’or du monde. - C’est mon petit talent caché. Qu’elle répond malicieusement. Ce n’est pas un talent, pas du tout, c’est simplement l’instinct. L’instinct parce qu’ils partagent les mêmes envies. Parce qu’ils éprouvent les mêmes émotions. Doux cadeau de la vie, Ewan. Rencontre inattendue et véritable coup de cœur. Ce n’est pourtant tellement pas toi, de t’attacher de cette façon. De tenir à quelqu’un de cette façon. Et ses yeux brillent à nouveau, lorsqu’il reprend la parole. Ses yeux brillent, parce qu’il exprime en une phrase, une seule, tout ce qui peut bien s’agiter au creux de son cœur. - C’est exactement ce que je me dis aussi. Un rire s’échappe de ses lèvres, alors qu’elle s’installe à son tour sur l’herbe, tout près de lui. Sentant presque sa chaleur à se côtés. - Bien sûr que tu es un VIP. Tu penses que n’importe qui aurait la chance de découvrir mes endroits secrets. Et soudainement, ce n’est plus la vue qu’elle regarde, mais bien lui. Lui, et cette complicité entre eux bien plus belles que tout le reste. Bien plus prenante que tout le reste. Il n’y a rien qui lui semble plus agréable, à cet instant précis. - Je suis revenue près de ma famille. J’étais partie bien longtemps et… Il fallait que je revienne. Ce n’est qu’une demi vérité. La mort de son frère l’ayant poussé à s’en aller, elle a eu la chance de pouvoir s’épanouir à l’étranger, mais la maladie est venue la frapper. Maladie qui lui a permis de réaliser combien ceux qui restent sont importants. - Et toi ? Est-ce que tu as déjà pris le temps de voyager ? Qu’elle demande, sans lâcher son regard, désireuse d’en apprendre un peu plus sur lui. T’as envie de fouiller, de voir ce qui se cache derrière cette apparence de danseur parfait. De monsieur parfait. Parce que c’est un peu ce qu’il représente, à tes yeux, Ewan. Parfait. Parfait et rien d’autre.

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Dans cet endroit merveilleux, Ewan et Peyton pourraient croire qu'ils sont seuls au monde, perdus au milieu de la nature, et que les codes avec lesquels ils sont amenés à vivre au quotidien ne comptent pas ici. Au sommet de cette colline, seules leurs propres règles sont valables et la première qu'Ewan s'est imposé, c'est de couver des yeux Peyton sans la moindre pudeur, sans avoir ce réflexe qui consiste à détourner le regard au moment où elle tournerait la tête vers lui, faisant semblant de ne pas être occupé à la contempler alors qu'elle sait que c'est le cas. "Tu en as d'autres ?" murmure-t-il avec un sourire ornant ses lèvres, se demandant ce que la jeune femme lui réserve pour le surprendre encore, et toujours, alors qu'il ressent aussi ce sentiment paradoxal qui consiste à lui laisser penser qu'il la connait déjà par coeur. Et alors qu'elle laisse échapper un rire léger, qui s'envole dans les airs comme une lanterne lumineuse au gré du vent, Ewan rit à son tour. C'est étrange comme les pensées de deux êtres complètement différents peuvent parfois se connecter les unes aux autres comme si elles provenaient d'un seul et même esprit. Cette coïncidence fait palpiter d'autant plus le coeur d'Ewan, qui s'emballe comme celui d'un adolescent face à l'effusion des premiers sentiments, à la fois tellement intenses et nouveaux. Ça lui fait tellement peur de ressentir tout ça. Il a l'impression que ça fait des siècles que ça ne lui est pas arrivé et à chaque fois, par le passé, ses illusions se sont envolées soudainement, comme un nuage de fumée. À chaque fois, la chute a été terrible et fracassante. Peyton s'installe à son tour dans l'herbe, juste à côté de lui. Ils sont très proches, maintenant. Trop proches. Avec un air parfaitement innocent, Ewan pose sa main droite dans l'herbe, juste derrière Peyton, afin que son corps se retrouve légèrement incliné vers elle. D'ici, il peut humer son parfum délicat. "Je sais pas... Mais je crois que si c'était le cas, je serais peut-être un peu jaloux." ose-t-il avouer à demi-mot alors qu'un sourire énigmatique éclot sur ses lèvres. Un peu... Un doux euphémisme qui laisse penser qu'Ewan serait capable de gérer ses émotions et ses sentiments alors que ça n'a jamais été le cas. Il vit toujours chaque état d'âme avec une intensité déconcertante, et si Peyton l'abandonnait pour se consacrer à un autre, il serait probablement anéanti. "Je comprends..." Il garde pour lui la pensée que ce n'est pas une si mauvaise chose qu'elle reste à New York, parce qu'elle lui manquerait trop si elle s'en allait, même deux malheureuses petites semaines. "Ça ne te manque pas, parfois ?" Probablement que si. À peu près autant que la danse pourrait manquer à Ewan s'il était condamné à mettre fin soudainement à sa carrière. Mais il a le sentiment que Peyton n'est pas tout à fait honnête avec lui, que sa famille n'est pas la seule raison pour laquelle elle a été contrainte de ranger au placard ses rêves. Et il la regarde, alors qu'elle lui demande s'il a déjà voyagé lui aussi, et que leurs regards se croisent pour se capturer, s'apprivoiser et ne plus jamais se lâcher. "Pour des représentations, dans quelques états du pays. Mais peut-on vraiment parler de voyages dans la mesure où je n'ai pas vraiment eu l'occasion de visiter les villes dans lesquelles je séjournais ?" Et même si Ewan l'avait voulu, il n'aurait probablement pas eu le temps. La troupe ne restait qu'une seule soirée dans une ville, avant de s'envoler vers un autre État. Ça ne laisse pas beaucoup de marges pour flâner et découvrir. "Mais tu vas pouvoir rectifier ça. Surtout qu'à mon grand âge, on est plus proche du cercueil que du berceau, alors il serait temps que je me mette à faire des choses que j'ai jamais faites avant." lui souffle-t-il sur un ton enjoué, alors qu'il constate que, s'il le voulait, il lui suffirait de se pencher un peu vers elle pour l'embrasser.

Pando

Il a ce pouvoir, Ewan, presque irréel, d’intégrer totalement sa vie. Son univers. Il a ce don, que bien d’autres n’ont pas, de réussir à la captiver, à entrer en fusion avec son âme pourtant si solitaire. La sensation de pouvoir se retrouver en lui, ici comme à l’autre bout du monde, maintenant comme dans une dizaine d’années, dans cette vie ou bien dans une autre. La sensation de pouvoir se retrouver en lui, toujours, même lorsqu’elle se perd elle-même. Même lorsque la maladie tend à lui faire oublier qui elle est réellement, ce qu’elle est réellement. Dans ses yeux, tu ne peux pas te perdre, Peyton. Ewan est comme la boussole guidant tes pas jusqu’à chez toi. Comme l’ancre t’empêchant de divaguer un peu trop loin dans les océans. Ewan, il est cet être magique, parfait, survenu dans ta vie lorsque tu t’y attendais le moins. Il prend de la place, de plus en plus, dans sa vie. Il s’installe un peu partout, à tel point qu’elle ne saurait plus comment faire sans sa présence, aujourd’hui. A tel point qu’il lui manquerait bien trop, s’il venait à s’en aller. C’est pourtant toi, la fuyarde, Peyton. Celle qui s’échappe systématiquement, dès lors que la situation se complique. Celle qui disparaît sans laisser de trace plutôt qu’affronter la réalité. C’est toi, la fuyarde, mais pour la première fois, t’as peur que de voir quelqu’un d’autre s’évaporer dans les airs. - J’ai des endroits à moi un peu partout dans le monde. Un brin malicieuse, elle mime une petite moue toute fière d’elle. Fière de pouvoir lui répondre qu’il a encore beaucoup à apprendre d’elle, tout en sachant pertinemment qu’il possède toutes les clefs pour la découvrir, Ewan. Sa présence si près d’elle en témoigne, bien plus qu’elle ne voudrait l’admettre. Parce qu’elle se sent bien, à ses côtés. Elle se sent bien et capable de tout oublier. Il révèle ce qu’il y a de meilleur en toi, Peyton. Il révèle ce qu’il y a de plus beau, et peut-être qu’il n’en a même pas conscience. - Jaloux ? C’est vrai ? Le sourire qui ne s’efface pas, alors que cette révélation vient pourtant picoter son cœur fragile. Il tient à elle, beaucoup. Elle tient à lui, peut-être encore plus. Et elle ressent en elle cet attachement si fort. Ce sentiment mis en hibernation durant trois longues années à parcourir le monde. Trois longues années de solitude, sans jamais prendre une seconde pour se poser. Pour s’attacher. Et l’artiste se livre à lui, à moitié, concernant sa vie passée à vagabonder. Concernant cet arrêt, si brutal, si sauvage, de l’ensemble de ses voyages. - Si. Qu’elle répond simplement, solennellement. Si, cela lui manque. Terriblement. Mais elle apprend, tous les jours, à trouver de nouveaux petits bonheurs. Comme avec lui. Comme lui. Lui qu’elle écoute attentivement, lui qui se confie sur sa vie à cent à l’heure, à vivre sa passion de façon si intense qu’il n’a pas pris de temps pour tout le reste. Et ses paroles provoquent un rire, nouveau rire, puissant. - En effet, avec ton grand âge, il serait temps que tu te mettes à vivre ! Et ne pas voyager est un crime ! Un écart d’âge entre eux qu’elle ne remarque même pas, bien qu’il soit présent. Un écart d’âge qu’elle ne remarque pas parce qu’ils se complètement parfaitement. - Si tu devais choisir une destination, là, maintenant, qu’est-ce que tu choisirais ? Vivre l’instant, c’est ce qu’elle sait faire de mieux. Profiter des plaisirs les plus simples de la vie, c’est ce qu’elle sait faire de mieux. A son image, simple, joviale, libre. Et tu sais que quoi qu’il réponde, tu ne seras pas déçue, Peyton. Le sentiment au plus profond de toi qu’il ne sera jamais capable de te décevoir. Pas lui.

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Peyton est tellement attachante. Elle est à la fois une enfant émerveillée face à tout ce qu'elle voit et la jeune femme créatrice de ces instants inoubliables. D'où lui viennent ces idées fabuleuses qui la conduisent à balancer un sac sur son épaule, avec presque rien dedans, et à emmener Ewan au sommet du monde - leur monde - pour effleurer les étoiles du bout des doigts ? "Tu y as planté ton petit drapeau, avec Peyton écrit dessus, c'est ça ?" la taquine-t-il un peu, son sourire dévoilant ses dents amusées, alors qu'il imagine Peyton dans un habit de cosmonaute, explorant des univers nouveaux tel le premier homme qui aurait posé le pied sur la lune, probablement avec les mêmes palpitations que lui dans le myocarde. "Mh... Peut-être..." qu'il confesse à demi-mot en détournant pudiquement le regard, les joues s'empourprant légèrement face à cette révélation qu'il a formulée à voix haute, comme s'il avait oublié, l'espace d'un instant, que Peyton n'était pas encore au courant du taux d'endorphines qu'elle fait grimper en lui à chaque fois qu'elle se trouve dans la même pièce que lui. Et il ne lui répond rien au moment où elle reconnait que les voyages lui manquent, parce que, parfois, les silences compréhensifs valent mieux que des discours qui ne créent leur consistance qu'au travers de mots superficiels. Et au moment où le rire fleurit au bord des lèvres de la jeune femme, Ewan jette un coup d'oeil furtif vers ses hanches, faisant mine de les examiner avec attention, avant de répondre : "Un crime ? Mais je ne vois aucune paire de menottes accrochée à ta ceinture, pourtant. Tu comptes m'arrêter comment ?" Et il prend cet air très sérieux, les sourcils froncés et le regard solennel, tel le prisonnier, résigné, qui se prépare à recevoir sa sentence, inévitable. Ewan se laisse alors tomber en arrière, allant écraser les herbes et les brindilles dans un bruit sourd, fixant la lune qui commence à apparaître en se disant que cet endroit serait vraiment parfait pendant un crépuscule d'été. Il passe son avant-bras droit derrière sa tête, pour s'en servir comme d'un oreiller de fortune, et se met à réfléchir pour répondre correctement à la question de Peyton. Il sait qu'elle ne le jugera pas mais dans un sens, il n'a pas envie de la décevoir non plus. "J'ai pas de destination précise en tête, mais je dirais que dans l'idéal, je voudrais aller dans un endroit qui serait complètement différent de New York, parce que quitter une grande ville faite de bitume et de nuages de pollution, pour aller dans une autre grande ville du même genre, ça n'aurait pas grand intérêt." Il détourne alors son regard de la voûte céleste pour braquer ses rétines sur le visage de Peyton. "Toi qui es une spécialiste des voyages, tu aurais une destination à me suggérer du coup ?" Ewan qui fait une confiance aveugle en Peyton, et qui la suivrait volontiers les yeux bandés à bord d'un avion, d'un bateau ou d'une voiture, parce qu'il sait qu'il ne serait jamais déçu. "C'est quoi la suite du programme ?" s'enquiert-il alors d'une voix ténue, réalisant que le silence est parfaitement intact autour d'eux et se demandant ce que Peyton a prévu du reste de la soirée, parce que chaque chose qu'elle met en place et qu'elle partage avec lui attise sa curiosité comme jamais. Peu importe ce qu'elle a imaginé pour la suite, même s'il s'agit de la plus simple contemplation des constellations que l'on peut apercevoir d'ici, il espère juste que cette nuit ne finira jamais.

Pando

Merveilleux. Il est merveilleux. Il ne ressemble à aucun autre homme, à aucune des images qu’elle peut bien se faire des hommes. Parce qu’elle a toujours vécu sans, Peyton. Entre un père disparu depuis la mort de sa mère, et la priorité qu’elle a donné à sa famille, puis à ses voyages, elle n’a jamais vraiment eu le temps de laisser sa chance à l’un d’entre eux. Peut-être pas l’envie, non plus. Peut-être pas le besoin. Ou bien peut-être que la peur parle à ta place, Peyton. Peut-être que tu t’es enfermée dans ce cycle de vie depuis bien trop longtemps, si bien qu’aujourd’hui, tu n’es plus capable d’imaginer ton existence autrement. Il ne ressemble à aucun autre homme, Ewan. Ni même à aucune autre personne. Et c’est certainement pour cette raison qu’il a su se faire sa place dans son cœur, dans sa vie. Place unique, rare, qu’elle n’offre jamais, d’ordinaire. Elle se laisse pourtant guider par ce qu’elle ressent, par cette magie glissée sur terre, entre eux, dans ce petit coin de paradis. - Exactement. D’ailleurs, la prochaine fois que je viens ici, j’en plante un. Son ton est enjoué, éprit d’humour, pourtant, une idée lui vient réellement. L’idée de laisser ici, quelque chose, qui n’appartiendrait qu’à eux. Quelque chose de symbolique, marquant à jamais leur présence. Et t’as la sensation que ce sont les paroles d’Ewan, qui resteront gravées dans ta tête, Peyton. Le mot jaloux qui s’inscrit en toi, un faible sourire qui s’installe sur tes lèvres alors que tu baisses les yeux. Cette fois, t’oses à peine le regarder. A peine, parce que tu sens bien que ce n’est peut-être plus aussi simple, transparent, que ce que tu pensais. C’est tout elle, au fond, de refuser de voir. De ne pas ouvrir les yeux. Aveuglée par ses propres préceptes. Aveuglée par sa seule opinion, par ce qui lui semble être le mieux, alors que le meilleur est peut-être bien ailleurs. Peut-être bien juste sous ses yeux. - Je ne veux pas t’arrêter, mais plutôt te prendre un billet d’avion tout de suite ! Nouveau rire qu’elle ne maîtrise pas alors qu’elle se laisse tomber à ses côtés dans l’herbe, installée sur son coude, sa tête penchée vers celle d’Ewan. Pour le regarder lui. Lui, et pas le ciel. Il est bien plus extraordinaire que toutes ces étoiles. Bien plus que l’horizon laissant apparaître les plus belles villes. Il est lui. Simplement lui. Et les paroles du brun l’entraînent plus loin dans ses propres réflexions, ses propres souvenirs, jusqu’à ce qu’un nom s’échappe de sa bouche, comme une évidence. - Lisbonne. C’est là-bas que tu devrais aller. Certaine que cela lui plairait, le ciel bleu, les couleurs illuminant chaque mur, chaque coin, le bon vivre et la chaleur. Certaine qu’il s’y sentirait à sa place, comme elle a pu s’y sentir par le passé. Sa main libre se tend alors, attrapant son sac, et plus particulièrement le contenu de ce dernier. Extirpant les bières, elle en donne une à Ewan en reprenant. - Voilà la suite. Quoi de mieux qu’une bière sous les étoiles et… Toi… Et son sourire se fait plus timide, moins assuré, moins joueur. Elle n’en a même pas conscience, à cet instant précis. Tout ce qu’elle sent, c’est son cœur. Sincère et plus ouvert que jamais.

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Ewan se met à rire doucement au moment où Peyton affirme qu'elle plantera un drapeau au sommet de cette colline la prochaine fois qu'elle viendra ici, pour signaler à la terre entière que ce territoire lui appartient. C'est un modeste lopin de terre, sans grande envergure de prime abord, mais tous les royaumes ne sont pas nés sur d'immenses étendues désertes, et Peyton est le genre de femme capable de rendre plus grand tout ce qui était a priori minuscule. Et elle lâche un rire cristallin, naïf, au moment où elle se laisse tomber dans l'herbe humide, juste à côté de lui. Les voilà à nouveau plus proches, la distance qui les sépare semblant se réduire toujours plus. Ewan a presque du mal à détourner le regard par intermittence, histoire de ne pas avoir l'air de la fixer obstinément, avec cette passion dans les yeux qui transperce ses rétines. "Et je suis certain que s'il y avait un peu plus de réseau ici, tu serais déjà sur un site de réservation pour nous prendre deux billets." Il affirme ça comme s'il la connaissait par coeur, comme s'il lui suffisait de sonder son regard pour deviner le fond de toutes ses pensées. Et peut-être qu'il crèverait d'envie que ce soit possible, parce que ça lui permettrait de savoir ce qu'elle ressent pour lui. Est-ce que son coeur s'affole complètement aussi quand elle le voit ? Au point d'être à deux doigts de se décrocher dans sa cage thoracique, comme le sien ? "Lisbonne ? Pourquoi Lisbonne ?" demande-t-il avec cette petite moue amusée alors qu'une mèche de cheveux de la jeune femme glisse doucement sur son visage. Ewan ne peut pas résister à l'irrépressible envie de la remettre en place, de caresser son visage, qui se trouve juste au dessus du sien, en lévitation. Il lève doucement son bras et guide sa main vers la mèche rebelle, l'attrapant entre son pouce et son index, pour la remplacer à l'endroit où elle se trouvait initialement : derrière son oreille. Ses doigts terminent leur course sur sa mâchoire, l'effleurant délicatement, tels des pétales de rose, puis son avant-bras finit par retomber mollement sur son torse, sa cage thoracique se soulevant et s'abaissant nerveusement désormais. Peyton s'éloigne un peu, faisant légèrement obliquer son corps pour attraper deux bouteilles de bière dans son sac. Cet éloignement permet à Ewan de reprendre ses esprits alors qu'il saisit la bouteille et la décapsule. L'aveu de Peyton fait vibrer toutes ses veines et ses artères. Ses tempes tambourinent tellement fort qu'il a l'impression de n'entendre que son coeur qui bat la chamade, dans un rythme désordonné. Il se redresse légèrement en s'appuyant sur son avant-bras, maintenant sa bière plantée dans l'herbe. De son autre main, il exerce une légère pression sur l'épaule de Peyton pour l'obliger à rouler légèrement et à se laisser tomber sur le dos. En se dandinant un peu, il se rapproche d'elle. D'ici, il peut sentir la chaleur de son corps traversant ses vêtements. Il incline légèrement la tête vers elle, pour contempler son visage devenu presque timide. "Tu comptes pas me faire boire pour faire des vidéos compromettantes de moi et me faire du chantage, hein ? Parce que je suis pas si riche que ça, tu n'y gagnerais pas grand chose." Ewan, il a besoin de lâcher prise, de raconter n'importe quoi pour détendre l'atmosphère et pour s'efforcer de penser à autre chose qu'aux lèvres de Peyton, qu'il meurt d'envie d'embrasser. Il a besoin de relativiser, parce qu'il a du mal à saisir le sens des dernières paroles de Peyton. Et toi. Et lui ? Qu'est-ce que tu veux, Peyton ? C'est une question qui lui retourne les tripes, parce qu'il a peur de ce qu'il pourrait ressentir pour elle et de tout ce qu'elle ne pourrait pas ressentir pour lui.

Pando