attentat. world trade center. des avions. des morts. des blessés. des cris. tours jumelles. terroristes. appels au secours. le feu. les pompiers. le sang. urgence.ce qu'elle comprend de ce jour-là ne sont que des mots qu'elle capte dans son esprit d'enfant. elle ne fait pas les liens, elle est encore bien naïve et n'assemble rien. elle ne sait pas l'horreur qui semble se jouer à une heure si matinale pour des milliers d'américains. dont le plus important. c'est l'heure de l'école et tranquillement, elle termine d'enfiler ses chaussures avec l'aide de maman quand le téléphone résonne. le haut-parleur n'est pas actionné, pourtant elle entend des bruits. de ceux qui n'avaient aucune place sur le lieu de travail de papa. des cris, toujours des cris, des explosions aussi. sa voix à l'autre bout du fil semble différente. et elle ne sait toujours pas aspen. tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle restera à la maison ce jour-là, elle n'ira pas à l'école. et maman perdra pied, un peu. et maman pleurera, sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi.
notre tour a été percuté, toutes les issues ont été bloqué. si ça tourne mal, je veux pas que vous oubliez que je vous aime. elle n'a pas voulu répondre aux questions maman, elle paniquait. elle ne l'avait jamais vu comme ça la petite brune, alors elle ne savait plus quoi faire.
maman, il est où papa ? il était plus de 20h30 et elle n'avait toujours pas rejoint son lit. papa n'était toujours pas rentré et rien ne s'était passé comme d'habitude aujourd'hui. maman templeton a regardé son enfant et elle a éclaté en sanglots, incapable de formuler une véritable phrase avec des mots qui lui écorcheraient les lèvres comme ils l'avaient déjà fait avec son coeur et qui rendraient les faits beaucoup trop réels. elle n'a pas insisté aspen, elle s'est simplement blotti dans les bras de maman, au creux de ce petit être qui bientôt agrandirait leur famille, pour y trouver un réconfort dont elles avaient toutes deux cruellement besoin.
ce n'est que bien plus tard qu'elle a vraiment su ce qu'il en était. elle a beaucoup pleuré elle aussi. et ses larmes ont bien longtemps souillé son oreiller chaque nuit.
il était une fois le 11 septembre 2001...✻ ✻ ✻
kenan,
parfois j'aimerais être plus forte que ça. pour être capable de te dire ce que mon coeur sait déjà. mais chaque seconde, chaque minute, chaque heure, de chaque jour, je n'ai qu'une peur. celle de te perdre.
pour être honnête, je crois que tu représentes bien plus que tu ne devrais, à mes yeux. je vis avec l'inquiétude constante qu'une fille débarque dans ta vie et te fasse tomber dans ses filets. tu renterais dans son jeu et ferais d'elle la gagnante d'une partie jamais véritablement instaurée. elle remporterait ton coeur, celui que je rêvais secrètement de posséder.
je veux être la seule à tout savoir de toi, la seule à qui tu confierais tes bonheurs et tes malheurs. pas celle avec qui tu ne ferais qu'évoquer la pluie et le beau temps. je veux être la fille, celle qui te connait par coeur.
tu sais, je suis la première à craindre l'amour. ce sentiment parfois si destructeur. mais je n'avais rien calculé et je suis tombée sous ton charme. tomber sans avoir mal, je ne pensais pas que ça pouvait exister.
tu m'as ensorcelée par je ne sais quel tour de magie. alors malheureusement, je suis amoureuse de toi même si je sais que ce n'était pas le deal. même si je sais que je viens peut-être égoïstement de tout gâcher. je ne pouvais juste plus vivre avec ça.
ne m'en veux pas kenan, mais je t'aime plus que tu ne pourrais même le voir.des mots finalement couchés sur papier pour une déclaration trop longtemps retenue. un footballeur américain talentueux. une petite cheerleader. un lycée. et un cliché. ou l'illustration parfaite du couple phare des séries américaines.
il était une fois l'évidence...✻ ✻ ✻
et puis elle en a eu marre aspen. parce que maman a complètement vrillé, elle a même perdu le bébé. ce nouveau-né qui aurait dû panser des blessures et apporter un nouveau souffle à cette famille meurtrie. elle en a eu marre de tout assumer toute seule. le foyer, les dépenses et maman en prime. en plus du jonglage entre ses études et les petits boulots qu'elle peinait à trouver mais qu'elle enchainait quand même pour ne pas couler. alors elle a craqué.
maman j'vais partir, avec kenan. c'est pas normal ce qu'on vit, c'est pas normal ce que tu me fais vivre. elle secoue la tête, tant ça la choque.
j'ai même pas 18 ans et je porte déjà trop de responsabilités sur mes épaules. ça devrait pas être moi la mère, c'est toi qui devrais prendre soin de moi et veiller sur moi. sauf que maman s'était exempté de ce rôle au moment même où leur vie avait été bouleversé par le drame.
j'suis désolée, mais j'y arrive plus. et elle rigole maman, ce à quoi elle lui lance un regard interdit aspen.
j'suis ravie que ça te fasse rire. encore plus que tu le prennes comme ça. sans le savoir vraiment, elle lui facilitait la tâche en un sens. parce qu'elle l'avait longuement imaginé la supplier de rester quand elle lui annoncerait la nouvelle. finalement, c'était encore plus facile que tout ce qu'elle avait pu espérer.
c'est impossible puisque kenan est ton frère. un ange passe. puis deux. les mots ne font pas immédiatement sens dans son esprit déjà parti bien loin d'ici. elle repose enfin son regard sur sa génitrice, un mélange d'insistance et d'incompréhension.
tu veux bien répéter ? soit elle faisait semblant de pas comprendre, soit elle aimait se torturer au point d'avoir envie de répéter l'expérience arrache-coeur.
kenan est ton frère, vous avez le même père. deuxième fois qu'on lui balance l'information et ça fait toujours le même effet.
qu'est-ce que tu racontes maman ? tu te moques de moi ? dis-moi que tu te moques de moi, je t'en supplie... sa voix d'abord criarde, s'éteint à mesure que les mots passent la barrière de ses lèvres. à mesure qu'elle comprend tout ce que ça implique aussi.
maman... t'as pas le dro... en réalité, c'est elle qui n'a plus le droit. plus le droit de l'aimer. parce qu'on ne peut pas être amoureuse de son frère, si ? alors les projets de départs ensemble furent avortés. elle lui a dit qu'elle avait changé d'avis, les mots tranchants ont déferlé alors qu'elle cherchait à le blesser pour ne plus qu'il veuille la revoir. puis, elle n'a plus jamais donné de nouvelles aspen, elle s'est contenté de souffrir en silence. auprès de cette mère qui avait brisé son coeur en mille-et-un éclats.
il était une fois la chute...✻ ✻ ✻
de tara, à 10h52.
t'es où ?
de aspen, à 10h54.
j'suis désolée tara, j'viendrais pas.
de tara, à 10h56.
quoi ? qu'est-ce que tu racontes ?
qu'est-ce qui s'est passé ? réponds.
de aspen, à 10h59.
j'ai changé d'avis.
j'peux pas laisser ma mère toute seule. elle a besoin de moi.
j'suis désolée tara, prends soin de tes frères pour moi.
de tara, à 11h01.
nous oublie pas :(
de aspen, à 11h02.
♡ ♡ ♡
✻ ✻ ✻
elle était là, allongée sur son lit. on aurait dit qu'elle dormait. d'un sommeil paisible, pour la première fois depuis des années. elle s'est attendrie aspen. pour cette mère que la vie n'avait pas épargné et qui dans le même temps avait perdu le manuel de survie pour elles deux. jamais elle ne cessait de l'aimer même si elle lui en voulait de la forcer à grandir trop vite. sauf que l'inertie a trop duré pour que ça paraisse normal. elle s'est approché, elle l'a appelé, elle l'a secoué et maman n'a jamais bougé. c'est à cet instant qu'elle a hurlé aspen, en comprenant qu'elle avait perdu les deux êtres qui l'avaient mise au monde. aujourd'hui, elle était livré à elle-même, sur cette terre bien trop effrayante pour une petite chose si fragile. ne lui restait plus que l'option de naviguer en solitaire, depuis qu'elle avait laissé kenan sur le bas-côté parce qu'il lui était interdit de simplement l'aimer.
et il y a eu la lettre, qui a encore tout envoyé valser. parce que maman a pris soin de lui laisser un mot avant de s'envoler vers les cieux.
je t'ai menti, kenan n'est pas ton frère. je t'ai menti, kenan n'est pas ton frère. je t'ai menti, kenan n'est pas ton frère. ça a tourné en boucle des jours et des jours dans sa tête. elle va, elle vient, elle perd le cap, elle ne sait plus où elle en est aspen tant les évènements de la vie se plaisent à la malmener dans un sens ou dans l'autre. pourtant, elle s'est décidé à faire un pas vers lui par lassitude de toujours laisser les autres décider de son existence. mais une fois encore, rien ne s'est passé comme prévu. d'abord, son visage s'est illuminé quand elle l'a vu, il lui avait tant manqué pendant ces dernières années. et l'excitation est redescendue aussi vite quand elle a vu une fille à ses côtés et encore davantage quand elle a senti l'ignorance sur sa personne. le constat était dur mais très clair, il avait tourné la page. aspen, victime de sa naïveté. d'eux deux ne resteront plus que des souvenirs d'instants du passé.
il était une fois décembre 2018...