furiosity runs into my dreams.

01/ le sang colombien coule dans ses veines fragiles. l'espagnol danse sur la langue, les r se roulent au fond de sa gorge. une culture ancrée dans ses gênes, malgré la nationalité américaine inscrite sur ses papiers. une mixité, dont elle tire profit au quotidien. pourtant, les travers colombiens tirent sa famille vers les tréfonds des cartels depuis des générations. chef de cartel, homme imposant, impressionnant et effrayant, pedro flores amasse des milliers de dollars tous les mois en restant assis dans un bureau. et lola, elle, elle occulte, fait abstraction des regards et des chuchotements, des traînées de poudre sur le plancher du salon. 02/ le portrait prône dans l'entrée. un portrait en pied, d'une femme qui porte ses traits, ses cheveux noirs, son sourire enjoué. elle l'admire, lola, la voit dans ses songes où sa voix mélodieuse apaise ses maux, caresse son visage d'une main maternelle. des reflets apposées. un sourire contre un autre, puis un trait, un relief au coin de l'oeil. lola était le fantôme d'une mère décédée. une relique éternelle, trainant les déceptions d'un père esseulé. parfois, il la détestait de ses pertes. et d'autres, elle était la concrétisation d'une douleur amoureuse qui l'enchainait dans le passé. criminel romantique, il n'avait jamais oublié le dernier baiser de son épouse. son regard vide et sa bouche pâle. 03/ l'art, cette échappatoire entre l'aquarelle et les teintes mielleuses de la toile. lola s'extasie face au toucher voluptueux de la soie. elle se délecte et s'inspire de la beauté immuable, figée entre les tracés cendrés et les coups de pinceaux. elle voudrait comprendre la raison derrière le sentiment. elle voudrait s'élancer et grandir, se libérer des jougs du cartels et des chimères de son histoire. elle n'est pas l'enfant tueuse. elle est l'artiste vagabonde, l'aventurière irascible, voguant de page en page, admirant les créations des autres, pour qu'un jour elle puisse laisser sa marque. elle étudie l'art et l'analyse. espère le créer puis l'expliquer aux autres plus tard. un choix de carrière inspiré par les collections de son père. un millier de tableaux négligés dans les hangars de la maison. Des pièces, que seule, sa mère adulait. et qui maintenant, ne sont qu'un souvenir de disparition. 04/ amour violent. il la frappe à coup de je t'aime. il la désire d'un poing à l'autre, laisse ses phalanges s'encrer dans ses côtes, son visage. mais elle l'aime lola. son corps est une déclaration, un prisme de couleurs violettes et empourprées, prêtant allégeance à l'homme qui se tient aux côtés de son père. elle a peur de le quitter. peur de se détacher de lui. parce qu'il est dangereux et vengeur. il tue pour vivre. il tue pour aimer. 05/ Une ombre couchée dans la nuit. Les boucles noires griffant les allées ténébreuses d'une maison immense. Il est la chaîne qui la maintient dans sa prison. Le protecteur imposé par un père distant et un amant enragé. Lola fuit ses pas enchâssés sur le goudron et ses soupirs agacés lorsqu'elle ose s'éloigner. Elle aimerait qu'il comprenne, qu'il lui rende un bout de liberté. Mais il est ces autres qui juchent, qui observent et exécutent. Il la pourchasse dans ses rêves et la ramène au cauchemar. Une présence habituelle qui devient pesante. Puis, tout s'éclaire entre les rangs de l'église. Il se tient debout, parallèle au cierge qui illumine la mosaïque. Et il semble si familier, il semble si chaleureux, Gabe. Avec ses silences et ses ratures, ses poings serrés et les gloires de ses victoires passées. Elle a regardé tous les combats. Elle a vu les successions de coups. Il a le talent de défier le monde mais il choisi de plier. Il choisi de n'être qu'une marionnette. Entre soupirs et confessions, un jeu de silences entre deux grands enfants qui s'apprivoisent dans la foire aux fous. Mais ce n'est pas grave. Un jour, Lola pourra s'éclipser. Parce que le manège ne cesse jamais de tourner et que le sien, s'élève vers les arcades du ciel.