Sujet: Les vieux amants | ft. Joames #2 Jeu 28 Jan - 15:51
Bien sûr, nous eûmes des orages. Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol. Mille fois tu pris ton bagage, mille fois je pris mon envol. Et chaque meuble se souvient, dans cette chambre sans berceau des éclats des vieilles tempêtes. Plus rien ne ressemblait à rien, tu avais perdu le goût de l'eau et moi celui de la conquête feat @James MarloweUne crevaison. Un abcès dans le corps. Une maladie qui vous infirme, qui vous change, qui détruit tout sur son passage. Le mal du siècle. La fin des maux tels qu'on les a connus. Une nouveauté à laquelle elle n'a jamais voulu penser. Une nouveauté qu'elle n'a jamais considérée. Mais elle est là, qui germe, qui pousse, qui la précipite dans le gouffre du désarroi.
Pour une fois, le sourire de la Harper n'est pas froid, il n'est juste pas là. Elle ne se pointe jamais chez lui, jamais auprès de sa famille. Quand la reine des glaces veut faire fondre son armure, elle trouve toujours son homme au loin, là où personne ne pourra les associer, où personne ne pourra les imaginer comme étant un duo. Pas à nouveau.
Mais elle est là, devant cette bâtisse bien trop chaleureuse pour représenter les Marlowe. Joana imagine Irène qui la regarde au travers des rideaux de dentelle, qui la scrute en se demandant ce que son espionne vient faire ainsi à découvert. Mais Irène importe peu à Joana. Si elle est venue ici ce soir, ce n'est pas pour voir la matrone ni pour forcer sa fille à sortir. Si elle est ici... c'est pour lui. A cause de lui. Son regard descend vers le pavé parfaitement entretenu du trottoir tandis qu'elle écrase sa cigarette de son talon parfait. Les épaules droites, Joana fait un pas puis l'autre, en direction de la demeure qu'elle n'a pas tant fréquentée. On l'intimide difficilement la gamine des rues, on la fascine rarement la voleuse de haut rang. Et pourtant, cette maison et tous ses secrets, cela a toujours représenté un manoir hanté pour elle. Lorsque James l'y traînait, Joana écourtait toujours ses séjours en prétendant quelque rendez-vous inventé ou en le traînant à la recherche d'une pizza en plein milieu de la nuit. Il lui avait demandé un jour si elle ne lui cachait pas une grossesse à force d'avoir ce genre d'envies. Mais elle ne faisait qui fuir ce qui l'effrayait le plus. La famille. Sa famille. Celle qui, si elle n'y avait pas pris gare, aurait pu devenir leur famille.
Ma main se pose sur le bois de la porte et mon coeur se retient de battre. Qu'est-ce que je fais là? Rien de bon. Les doigts glissent sur le vernis sans avoir fait un seul son jusque là. Il est encore temps de faire marche arrière. Mais ... mais je t'en veux trop pour ça. Tu n'y échapperas pas.
Sa main descend vers la clinche et elle tente d'entrer sans se faire entendre. La porte résiste. Evidemment. Il n'y a que dans les films que c'est facile, que dans les contes de fées que les héroïnes font tout comme elles le veulent. Mais dans la vraie vie, les complications interviennent toujours. Les complications. Une larme rageuse lui serre la gorge. Le regard noir de James tandis qu'il la possédait lors de leurs derniers ébats. Tu as gagné, tu peux être fier de toi. Un sourire amer se pose sur les lippes délicates de la brutale beauté de Joana. Faisant demi-tour, capitulant, elle voit cette absurde statuette d'un koala posée dans le coin du jardin. Le souvenir lui revient en tête, comme dans les vapes d'une autre vie. James qui la porte sur son épaule pendant qu'elle se débat. Joana riait aux éclats pendant qu'il lui ordonnait de faire moins de bruit, elle allait réveiller tout le voisinage. Les deux jeunes avaient trop bu et elle cherchait encore une fois à éviter d'entrer dans sa demeure.
Je me demande si...
Joana avance vers ce hérisson hideux pendant que la suite des événements lui reviennent en tête, un à un. James la fit tomber maladroitement, la grondant comme si elle avait fait exprès de tomber. La belle gigotait, se débattait. Pour ne pas retourner dans cette maison qu'elle détestait, elle avait osé lui dire qu'elle ne s'y sentait pas chez elle. L'alcool parlait bien plus que la Harper ne le faisait. James, toujours fort, toujours doué avait alors décrété qu'il remédierait à ça. Et pour le faire, avait creusé sous cet affreuse statuette pour y mettre sa clé. C'était sa propre clé qu'il avait enterrée là. Quelques minutes après, ils étaient bloqués et ne pouvaient rentrer dans la maison car il n'avait aucun double pour les secourir. Joana n'ayant aucune envie d'y aller avait imploré pour qu'il laisse la clé sous le hérisson, prétendant qu'elle s'en servirait un jour.
Ce jour est arrivé. Du bout de son pied, elle fait tomber le hérisson, le laissant s'écorcher une patte en tombant. « Fuck it James... » Evidemment, la clé était enterrée. Le roi de la mafia n'aurait pas laissé un accès à sa demeure à la surface. Elle sort de son sac ses propres clés et se met à remuer le sol, à la recherche de la clé cachée là des années auparavant. Quelles sont les probabilités que...? Le métal butte sur du métal et un franc sourire se dessine sur son visage. Toi et ton romantisme James...
La porte s'ouvre sans grincer. Joana sait très bien dans quelle pièce elle va le trouver s'il est là. Selon ses sources, il devrait être chez lui. Elle monte les escaliers, prenant soin de ne pas faire le moindre bruit. Et quand elle trouve enfin la chambre de James, fait glisser la porte lentement. Assis sur sa chaise de bureau, il lui tourne le dos. « Je t'ai manqué? » dit-elle en se déchaussant. Elle se manifeste comme si elle était ici la maîtresse des lieux. Chaque coin de cette pièce, elle le connaît, elle a vécu ici, malgré elle. Elle s'avance vers lui et s'assied sur ses genoux comme le ferait une petite amie docile qui retrouve ainsi son petit ami. La mascarade, elle connaît ça. Et en agissant ainsi, il sait à quel point Joana est hostile. Elle l'embrasse et dans ses yeux une flamme dangereuse se fait voir tandis qu'elle le regarde, attendant qu'il réagisse pour faire tomber son couperet.
Elle n'était pas prête, elle n'en voulait pas, elle n'en veut toujours pas. Mais il est le seul responsable et elle l'entraînera dans l'abysse qu'il a créé avec elle. Joana le déteste du plus profond de ses tripes, du plus profond d'elle, du plus profond d'eux. Car il y a un "eux" qui s'est nippé là, là où il n'a aucune place, là où il ne restera pas.
le vertige du temps passé, c’est là l’enfer qui ne se consume jamais. les heures défilent, les heures dévalent leur chanson infernale, il y a des mots qui surnagent la peine et le vide, d’autres qui s’y enfoncent, qui s’y perdent. qui ressurgissent sur l’éclat bleuté de l’écran, sensations abandonnées à l’orée du partage. elle est partie. il n’y a, dans son coeur, plus que ce vide que ne saurait combler la folie qui y gît, chaque jour à prétendre est une douleur à renfermer, dans le creux de blessures qui ne pourraient cicatriser. sa soeur a disparu, sa soeur l’a abandonné, pour tout ce qu’il a fait, pour tout ce qu’il n’a pas su dire, qu’il n’a pas su avouer. pour tout ce qu’il a manqué de partager, pour tout ce qu’il aura trahi entre ses bras serrés, pour les étreintes avortées. pour n’avoir pas su lui dire qu’elle était assez. assez pour cette vie désabusée, assez pour le vide sous leurs pieds, assez pour l’existence et l’après. assez. assez. depuis, les heures amorphes succèdent à l’aigreur de ne savoir plus comment se comporter. autrefois, il lui semble avoir eu l’allure de ceux qui doivent diriger, l’inflexible songe qu’il faut porter aux yeux du monde pour savoir accomplir ce que l’on se sera juré. il lui semble qu’il n’y a que quelques semaines encore, la vie avait pour lui moins de secrets, moins de trouble, moins de peine à conjuguer à son avidité. il lui semble… mais il ne saurait s’en persuader à présent, tant le temps lui arrache son masque et que sur sa peau s'étiolent les inflexions de ses insanités, et de sa perdition, le voilà mis à nu, planqué dans le secret de cette aile immense, qui fut jadis consacrée à la maladie et aux heures achevées dans les cris. peut-être est-il venu y crever lui aussi, comme un animal corrompu, abattu par ses propres guerres, épopées charnelles et aphones, des tons faux pour encore renier la vérité, la seule vérité qui soit. il ne peut se satisfaire de ce qu’il a, d’elle, d’elles. visages qui se superposent, il y a des parjures, des cris, des murmures, des soupirs, plaisirs qui déversent leurs parfums sous la peau qui se meurt.
james a froid ici, il ressent cette solitude profonde, plaie béante qui revient torturer ses plus jeunes années, des échos en surnombre qui se précipitent dans sa tête, dans sous souffle, et même sous son clavier. chaque phrase apposée sur l’écran trop blanc lui semble mal tournée, butée, éborgnée par ce fleuve qui suit le cours indécent de ses comportements. il serpente sous son épiderme, sous ses doigts, sous ses envies blessées, sous ses serments trahis. il la voudrait ici, son double envolé, le voilà amputé et plus imparfait qu’il ne l’a jamais été. comme à ce moment-là, comme à ce moment-là, quand son père le regardait et qu’il la voyait elle, dans chacun de ses regards émeraudes. pierre taillée pour parfaire la blessure du deuil, comment aimer son héritier quand il est l’image même de celle qui préféra la mort à la décadence d’un empire, élevé pour elle, et par elle ? comment apprendre à se supporter, quand dans les yeux de son père, il n’y a que le dédain, la douleur, et cet impassible mépris ? il soupire, un soupir profond qui soulève toute sa cage thoracique, et abat sur sa silhouette une fébrilité dont il aimerait se débarrasser. il n’aurait pas dû s’enfermer ici, dans cette maison désertée, et emplie de l’opprobre du passé. il n’aurait pas dû croire en ce refuge qui ressemble de plus en plus à une infâme prison. sa main vient s’enfoncer dans ses cheveux encore humides, la douche n’aura su chasser ni la contrariété ni le mal qui continue de le corrompre. c’est comme avoir commis un crime sans se souvenir de la beauté brutale du cadavre. et à chacun de ses souffles, il l’entend murmurer. la bête se confond à ses horizons pourpres qui désormais sont ses seuls points de fuite. tu n’as nulle part où aller. tu n’as plus nulle part où te planquer.
il ne s’attendait pas à la rencontrer, en cette nuit absolue, où ses peurs rejoignent ses délires, gravés sur son visage lorsqu’il réapprend ses contours dans le vide profond de la chambre. la seconde s’allonge et c’est comme une apparition, qui vient défigurer l’horreur de l’abandon. il ne l’a pas cherchée depuis qu’elle s’est évadée, depuis qu’elle a su encore lui échapper. il ne l’a pas cherchée, après l’avoir maudite dans le silence blessant de ce restaurant, le plaisir étanché au creux de ses reins, le désir toujours ancré jusque dans les replis de sa chair. tu n’as pas cédé, tu m’as détesté à chaque va-et-vient, et j’aurais tant souhaité te détruire, j’aurais tant souhaité trahir ce qu’à chaque fois je jurais, plus profondément, dans l’indécence de l’étreinte. notre étreinte n’est plus un combat, c’est une déchirure. constante. joana. son prénom, il ne le dit pas, les ombres défilent dans son regard et sur sa peau cendreuse, les nuits s’étranglent toutes dans la valse de ses insomnies. la réponse pourtant fleurit avec rage sur son visage mécontent, comme si sa présence injuriait le sanctuaire. c’est une vie à refaire, puis à défaire, ces années reconstruites quand elle hésitait toujours à pénétrer les lieux qui lui arrachaient son amant, car james ici n’est pas celui qui la veut, james n’est pas celui qui l’adore, dès lors qu’il recouvre le chemin du caveau. les serres de sa famille enfoncées dans les rêves et ces avidités qui ne prévalent jamais sur celle qui déclencha toutes les autres. la vouloir ici, la prendre ici, la serrer contre lui, juste à côté de sa soeur, c’était autant d’hérésie que de douleur. le plaisir qui rencontrait la perversion. il demeure mutique, sa fébrilité fichée sous l’épiderme glacé, et ses errances gravées dans l’absence de son regard. il ne l’accueille pas, il la reçoit, il la supporte, tout son contact est une violence qu’il cherche à dériver alors que son souffle s’accélère. il aimerait la repousser. il aimerait l’étouffer de seulement avoir osé reparaître ainsi, de se l’être seulement permis. il aimerait bien des choses mais il ne consent qu’à serrer le bord métallique du bureau auquel il s’agrippe, alors que sur ses genoux, la princesse tragique déploie tous ses mensonges emplis de cette hostilité qui renaît entre eux, viscérale. ancrée dans le désir qui ne peut renoncer, qui ne peut pourtant s’étancher. le baiser est empoisonné, il s’y laisse prendre, avec une ferveur aveugle, qui transcrit sa détresse jusque dans le secret de sa bouche. il mord sa lèvre inférieure pour y mettre un terme, et ses mots sont perturbés, même sa voix se fond dans une matière étrange. inconnue de celle qui ne frôla que de loin les ombres qu’il renferme pour ne les avoir jamais souhaitées. sauf ce soir peut-être, quand sur ses traits la brûlure se déploie, et qu’elle paraît d’une beauté dangereuse, létale. je ne crois pas t’avoir demandé de me rejoindre ici.
Sujet: Re: Les vieux amants | ft. Joames #2 Mar 9 Fév - 15:55
Bien sûr, nous eûmes des orages. Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol. Mille fois tu pris ton bagage, mille fois je pris mon envol. Et chaque meuble se souvient, dans cette chambre sans berceau des éclats des vieilles tempêtes. Plus rien ne ressemblait à rien, tu avais perdu le goût de l'eau et moi celui de la conquête feat @James Marlowe« Et depuis quand est-ce que je fais ce que tu me demandes? » La réponse fuse. Elle ne prend pas le temps de réfléchir, de cogiter à une manière différente de l'abattre. Joana n'est pas venue ici pour se faire un ami. Elle n'est pas là pour calculer comment l'attendrir ou comment le manipuler à mieux la retenir. C'est l'instinct qui l'a poussée à franchir la porte d'une demeure qu'elle a toujours détestée. Et maintenant qu'elle y est, elle déteste son propriétaire de l'en chasser. Parce qu'en vérité, ce n'est pas une visite de courtoisie qu'elle rend à son amant. C'est une visite de désespoir.
Eblouie par les lueurs noires de ton regard, ravagée par tes crocs ancrés en moi, je suis là, qui divague dans un océan d'incertitudes. Certains diraient que ce sont les hormones qui ont pris le contrôle. Mais je sais que cela n'est pas. C'est bien plus loin, bien plus fort. Oh James, si seulement tu savais. C'est un rêve devenu cauchemar et un cauchemar devenu rêve. Avec toi, je tangue entre les deux réalités. Je me perds dans les mires froides que tu m'adresses et je sais que je les mérite autant que tu mérites ma haine. Je sais que nous nous détruirons à petits feux. Mais dans cette destruction, y a-t-il place pour un "mieux"? Y a-t-il place pour un entre-deux?
Elle se lève, légère, insouciante. Elle lui tourne le dos et admire sans un mot cet univers qu'elle a laissé derrière elle des années plus tôt. Et soudain, le silence l'accable. Quel drame ce funeste son cache-t-il? Où sont les portes qui grincent au rez-de-chaussée? Où sont les paroles étouffées des femmes qui s'emportent au téléphone? N'y a-t-il personne ici avec eux, personne qui... personne qui puisse me sauver de toi si tu réalises que je suis porteuse d'une nouvelle vie et de la fin de la tienne? Elle se retourne et le dévisage, impétueuse, belle dans ce rayonnement des femmes enceintes. Elle sourit, un sourire sincère qu'elle ne retient pas. « T'as jamais eu envie de faire une trêve? » Elle regrette instantanément ces mots. Car s'il n'y a eu aucune paix possible entre eux, elle en est une des causes principales. « L'autre soir, tu as voulu parler, tu... » Elle s'arrête brusquement, tendant l'oreille malgré elle, perturbée par cette atmosphère qu'elle ne connaît pas à cette maison. « Mais enfin James, t'es tout seul ici? » L'incrédulité se lit sur son visage et peut-être aussi l'angoisse. L'angoisse de voir chacun de ses désirs enfouis se réaliser. Autrefois, elle aurait cher payé pour pouvoir arpenter les couloirs sans avoir Irène qui lui soufflait dans le dos, sans avoir Médée qui la surveillait de loin. Autrefois, elle aurait moins refusé l'idée de passer du temps ici si elle avait été ici, juste avec lui.
Mais ce que je voulais, je ne le reconnais plus. Et la solitude est une sentiment révolu. Car nous ne sommes pas seuls. Il y a avec nous le fantôme d'un être que je n'ai pas voulu.
Elle se penche et défait ses chaussures avant de s'installer sur le lit où leurs ébats ont été consumés et où d'autres femmes ont dû être possédées. Elle attrape un livre de comptabilité et le relâche, agacée de penser qu'il doit appartenir à la soeur Marlowe et non à James. La blonde est toujours entre eux sans que Joana ne s'en rende même compte. Le bouquin tombe au sol dans un bruit court et sec. Les yeux de Joana remontent sur James d'un coup et la phrase sort, tranchante, pour ponctuer ce son d'un drame indésiré. « Tu vas être père. » Elle sourit. Ce sourire n'a plus rien de gentil ou doux. C'est une sorte de victoire presque. Elle vient de porter un coup, un coup qu'elle sait fatal. L'annonce est exagérée car Joana n'a pas encore décidé de garder l'être qui grandit en elle. Mais elle voulait terrasser l'ennemi, abattra celui qui a osé... osé dénaturer son corps pour venir planter son héritage génétique en elle.
la réponse lui ressemble, tranchante, fulgurante. personne ne se permet de lui parler ainsi, personne. il y a dans l’ironie toujours bien en place quelque chose qui tient à ces sonorités narquoises qui lui vont si bien. il ne peut que réagir, immédiatement, à sa présence. le vide qui l’enserre dans cette maison aux allures de tombeau, tout ce silence dans sa tête et les aigreurs enfoncées dans son estomac, le vide qu’il détient comme un trésor dont il ne voulait pas, elle le lui arrache, aussitôt qu’elle est là. elle habille avec majesté la couleur sépia de son désarroi. en d’autres circonstances moins difficiles, sans doute aurait-il été subjugué, sans doute aurait-il choisi de croire à leurs jeux d’antan, l’imaginant noircir ses genoux à la recherche d’une clef depuis longtemps oubliée, comme si elle venait déterrer là quelque évidence. mais dans sa façon de le toiser, il n’y a qu’un gouffre, comme si elle aussi avait rencontré un autre précipice, loin de celui où il s’enfonce, encore et encore. il ne sait pas que ces abysses sont pourtant frôlées à deux. il ne le sait pas au moment où son désespoir à elle teinte ses yeux, un voile noir sur leurs errances, il ne le sait pas mais il le pressent. je ne t’attendais pas, je ne te voulais pas, ce soir comme l’autre fois, rien n’a changé dans l’envie contrariée que tu abandonnes à chaque pas. je ne t’attendais pas mais toutefois, mon monde paré de deuil s’éclaire dès lors que tu apparais, et ce soir, alors que ma tristesse me laisse exsangue, je n’ai même pas la force de te repousser. mes mots ne reposent sur aucun argument, tu pourrais saisir de moi bien plus que ce que tu as su voir pendant huit ans. tu pourrais saisir de moi ce vide que j’entrevois dans tes prunelles assombries par le chagrin. mais je ne comprends pas, si cette peine est la mienne, celle apposée sur tes lèvres blêmes, quand tu cherchais à te refuser. à retenir à l’aube de la jouissance ce que j’étais venu saisir. si tu savais tout ce que j’ai fait depuis. si tu savais comme je suis perdu, comme j’ai l’impression de porter un monde que je ne peux que morceler. es-tu venue le retenir à mes côtés ? ou bien balancer une dernière fatalité qui viendra faire voler en éclats notre passé ?
il la regarde parader, différemment qu’elle ne le fit ici. elle a toujours eu une sorte de précaution, comme une hantise à toucher un monde où elle n’était jamais totalement bienvenue, totalement reçue. il fallait qu’elle demeure de passage. il ne dit rien pour maquiller les craintes qui viennent déambuler sur ses traits, comme si la douleur, celle qu’il ressentait déjà, n’était pas suffisante. il fallait quelque chose de plus à ce grand désastre qu’il contemple dans l’encre de ses nuits confuses. deux âmes, deux âmes abandonnées là, voilà ce qu’ils sont. sans qu’ils n’aient le choix, voilà ce qu’ils resteront. la brutalité de ce sourire qu’elle offre et qu’il n’attend pas le désarçonne, il est trop fatigué pour seulement s’en méfier même s’il ne lui rend pas. il murmure, en écho, sans cet aplomb qu’il ne parvient plus à commander, sans passion non plus, quelque chose lui a été arraché et la plaie ne fait plus que saigner. peut-être… rien, rien ne pourra endiguer le flot de cette virulence, poison qui suinte des plaies, qu’il a pertinemment conjugué à sa chair comme pour mieux la dissoudre. il a un regard pour la fenêtre, pour la grande fenêtre. ce n’est pas ici qu’elle est morte. il se demande bien pourquoi il y songe, alors que joana est là, et attend ce qu’il pourrait lui avouer. j’en sais rien, écoute, je n’ai pas vraiment les idées claires et… la solitude. l’immensité de son abandon, qu’elle perçoit aussitôt, attentive toujours aux signes que personne ne voit. quelle importance ? il ne dit rien, il ne répond pas vraiment, sa carcasse demeure d’abord empêtrée dans l’absence de mouvement, pathétique pantin que l’on aura privé d’essence. puis il déploie sa silhouette, il fait quelques pas, s’éloigne en réalité, pour se poster près de la fenêtre, justement. toile de nuit sur laquelle il s’imprime, dans un unique soupir. tu es venue pour philosopher, vraiment ? sourire menu, confusion malhabile, qui le rend à des airs presque innocents. il ne suffirait que d’un mot pour qu’il sache la rejoindre. il ne suffirait que d’un geste pour qu’il se raccroche à elle, vu qu’elle a choisi de ne pas lui tourner le dos. il suffirait qu’elle lui dise que la trêve leur est enfin permise. il suffirait qu…
et la phrase explose, elle étend ses ailes ténébreuses et vient étrangler les prémices d’un espoir innocent. parce qu’il n’y a pas d’innocence, ni pour toi, ni pour moi. il y a tout le passé qui s’élance, et surtout toutes les angoisses tissées à mes instincts de violence. dans mon corps, et dans ma tête, j’imprime ce rejet qui me repousse dans un gouffre plus grand encore que celui qui m’accueillait. je ne comprends pas, je ne comprends pas. je ne veux pas entendre. je ne veux pas voir ni ton sourire, ni ton visage, je ne veux ni sentir ton corps entre mes bras, ni ta virulence contre moi. je ne veux plus de cette existence si tu l’écris dans cette tragédie-là. père. père. l’ombre du père arrachée aux enfers, le crime qui dévale la gorge et la serre, et les doigts qui tremblent, qui se raccrochent au vide, au seul vide en héritage. le seul vide qui m’est consacré, il n’y a que du vide dans les entrailles, que ce néant à vomir, sur les victimes de mes manigances. il n’y a que le néant auquel je retournerai. sans me prolonger, jamais. sans exister au-delà de cette mort que j’ai ancrée en moi quand j’ai commis la pire des horreurs. patricide. patricide. voilà ce que cette maison renferme, ce secret infamant, voilà mes armes forgées dans l’impiété la plus indicible. voilà le crime que je porte, le crime dont j’avorte, à chaque fois que la solitude me rejoint, pour m’enfermer enfin dans la prison qui m’est dévolue. je ne peux pas être père à mon tour, je ne peux pas. je n’en ai pas le droit. tais-toi, tais-toi.
il demeure, blême dans les lueurs nacrées de la Lune qui caressent son visage. il demeure, fustigé par la honte, envahit par la peine. menacé par la haine qui explose dans sa tête. contre elle. pour avoir seulement osé l’enchaîner, pour avoir l’audace de protéger en ses limbes de femme un morceau de son âme viciée. il espère qu’il l’a empoisonnée. à son tour, à son tour, atteinte par le mal qui le dessine dans la brutalité de cette injure. non. timbre lointain, déformé par cet autre qui l’habite, qui le soutient, qui le réapprend aussitôt que le voilà rendu à un désespoir dont il n’entrevoit plus de limite. non. je ne vais pas être père. tu divagues ma pauvre. il ne bouge pas, il ne peut pas. il ne peut pas. s’il la frôle il ira lui arracher la monstruosité qu’elle croit porter dans son ventre. qui crois-tu être ? qui ? il la regarde, il la regarde, et c’est la bête qui lui parle, celle qu’elle ne connaît pas, que peu ont eu la folie d’acculer. pour seulement… pour… le tremblement s’éprend de lui, tout entier, joue de sa peau, joue de ses allures blessées, joue de sa tyrannie malsaine qui blasphème devant celle qu’il ne peut plus que regarder comme un corps étranger, entièrement hermétique à cette révélation qu’il n’a même pas l’idée de remettre en question. il la connaît suffisamment pour savoir qu’elle est sûre de son état. il passe une main dans ses cheveux encore mouillés, comme pour se départir de sensations qui cherchent à déjouer la folie qui l’entraîne plus loin d’elle qu’il ne l’a jamais été. et pourtant il vient de se rapprocher, pour mieux la toiser, alors qu’elle trône encore sur ce lit qui connurent des temps plus cléments que cet ouragan qu’il sent prendre racine dans leurs chairs désunies. des cadavres. deux cadavres ne sauraient donner la vie. tu aurais pu te taire, et t’en défaire. pourquoi alors ? pourquoi venir me l'avouer ? ne me dis pas que tu imagines qu’on pourrait… il part d’un rire cruel, maladif aussi, qui secoue sa carcasse moribonde. quel piteux tableau nous donnerions, si nous choisissions cette trêve que tu as eu l’audace d’évoquer. quel heureux naufrage que de nous imaginer parents, toi la putain qui court après cette célébrité pour combler le vide que tu planques, moi qui m’improvise roi quand je ne règne que sur le néant. ce néant en héritage, ce néant pour immoler l’innocence d’un enfant. ce néant c’est la seule chose que nous saurons façonner, c’est la seule chose que nous saurons mettre au monde.
Sujet: Re: Les vieux amants | ft. Joames #2 Ven 12 Fév - 21:21
Bien sûr, nous eûmes des orages. Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol. Mille fois tu pris ton bagage, mille fois je pris mon envol. Et chaque meuble se souvient, dans cette chambre sans berceau des éclats des vieilles tempêtes. Plus rien ne ressemblait à rien, tu avais perdu le goût de l'eau et moi celui de la conquête feat @James Marlowe
Aurore du désespoir
Les yeux se baissent sur cette absence, cette absence funèbre qui présage la vie et son commencement. La tragédienne est dans les vestiaires, assise par terre et elle compte. Elle compte les jours comme on compte les tracas. Mais il n'y a pas d'erreur, elle le sait. Pourtant, elle veut s'accrocher à l'espoir illogique qu'il pourrait y avoir une autre explication. Patricia l'a dit en blaguant, a parlé de ses enfants et puis en désignant Joana, elle a sorti l'ironie ultime "Elle? Mère? Allons bon." Joana aurait voulu juste rire mais son corps s'est crispé dans l'angoisse de la révélation qui se faisait à elle. Le rire cruel avait éclaté sur le plancher de la scène de théâtre et quelques minutes après, minutes homicides, elle s'en allait pour aller voir ses sous-vêtements. Preuve irréelle de cette absence, l'absence du sang, prodiguée par le seul sanguinaire qui avait eu le courage de l'ensemencer. Froide, fatiguée, elle tourne et retourne sa bague sur son majeur, incapable de se lever pour aller en pharmacie. Quel besoin d'une confirmation? Elle sait. Elle sait qu'il y a en elle le berceau du mal, la création de l'infâme. Jamais cela n'aurait dû se produire. Patricia s'amusait à rire de l'idée de Joana mère mais si seulement elle savait qui est le père. Les rires se transformeraient en pleurs. Et c'est ça qui déchire son visage alors qu'elle ne peut plus éviter l'incohérence de ce cycle depuis trop longtemps perturbé : des larmes. Personne ne la trouvera ainsi. Elle se relève et se rhabille, sortant sans prévenir qu'elle quitte les répétitions. La diva n'a pas à se justifier.
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Il s'emporte. Le roi sans coeur s'emporte devant les questions qu'elle devine pertinentes. Joana n'y aurait vu qu'une heureuse coïncidence si elle ne ressentait pas dans son agacement que quelque chose le détruit de l'intérieur. Cela ne ressemble pas à James d'être à fleur de peau. Susceptible, il a des airs dangereux qu'elle ne lui a pas encore vus. Des airs d'homme qui n'a plus rien à perdre. Et elle sent la pointe d'une lame tranchante qui la perce lentement devant l'évidence : Ce n'est pas toi qui crée ce vide en lui. Quelqu'un ou quelque chose d'autre a pris l'emprise sur son âme. Ce constat sévère la poignarde sans détour et c'est ainsi qu'elle lui annonce leur triste nouvelle. Glaciale, elle se sert de ce bébé comme d'une arme. Et le but est atteint, la cible touchée. Joana ne se défait pas de son sourire acerbe. Comme si cette vie qui grandissait en elle n'était qu'un moyen pour atteindre ses fins, comme s'il ne s'agissait pas d'un morceau d'elle.
« Non? » L'actrice ne cache pas son amusement. Elle le laisse refuser l'idée alors qu'il n'y a aucun doute possible. Depuis qu'elle l'a appris, un mois s'est déjà passé. Elle n'avait pas l'envie de partager la nouvelle mais l'enfant avait déjà sa propre manière d'influencer ses pensées. Comme son père, il est violent et manipulateur. Comme son père, il impose ses volontés. C'est ainsi qu'elle a justifié son chemin jusqu'ici. Ce n'est pas elle qui voulait lui parler, c'était le foetus, le non né. Tu divagues ma pauvre. « Ah. » dit-elle comme s'il marquait un point. Le spectacle est réjouissant. La peine et le trouble que cette grossesse lui ont créé méritaient que James souffre au moins autant en apprenant qu'il allait être père. Joana n'était pas certaine de ce qu'elle voulait lui dire au sujet de cette progéniture surprise. Mais plus il avance dans son état de folie passagère, dans son besoin de nier les choses et plus elle prend conscience de son pouvoir. Ce jeu n'est jamais loin entre eux. « Qui je suis? » Elle se met au bord du lit et le quitte, marchant droit sur lui. Arrivée à quelques centimètres, elle répète « Qui je suis? » La main vole dans les airs à une vitesse surprenante et elle s'étale sur la joue trop parfaite de son amant. La violence n'est pas là. C'est de passion qu'il s'agit. Mais Joana le niera. La marque rouge de son passage ne fait pas de doute, elle a visé juste et fort. « Et toi qui tu es pour m'insulter de la sorte? » Son regard le perce. Je suis la seule capable de te tenir tête, la seule qui en ressortirait vivante. Ou pas. La seule qui s'en moque. La seule qui t'aime assez pour t'ouvrir des portes et qui te déteste bien plus encore pour savoir te les refermer au nez. Je suis celle que tu as pénétrée corps et âme pour en souiller les restes, pour en profaner la survie. Je suis tout sauf la catin que tu sous-entends que je pourrais être. Car de nous deux, je suis la meilleure partie de toi, la seule qui te survivra. Mais elle tait tous ces mots, toutes ces pensées et les niche dans un regard qui en dit plus long. Elle le défie de lui rendre le coup, presque certaine qu'il pourrait tenter de la frapper pour déloger l'infant qu'il a lui-même planté en elle.
Joana éclate d'un rire cruel lorsqu'il s'avance à supputer des choses irréelles. Un rire que se joint à celui de celui qui en ce moment est son ennemi. J'ai parlé de trêve dans l'illusion d'un abcès. J'ai laissé une émotion de nostalgie m'envahir parce que j'avais oublié. Oublié qui tu es. Mais jamais je ne me suis imaginée que toi et moi, nous jouerions à maman et papa. L'idée la consume, la rend folle. Son rire est sincère et méprisant à la fois. « Oh non James. » Sa voix ne cache pas le tremblement provoqué par l'hilarité. Elle l'appelle James, avec toute la froideur que ce prénom implique entre eux. James. Il n'y a plus de Dean qui tienne, il n'y a plus de petit comtesse, de petite duchesse ni de princesse. Les titres ont cédé la place à la réalité. « On peut rire ensemble tu vois. Mais c'est tout ce que nous ferons ensemble. » Elle lui tourne le dos, regarde la décoration murale d'un air distrait avant de faire volte-face à nouveau et de laisser les mots s'échapper lentement de ses lippes. Ce ne sont pas des mots qui sortent, c'est du poison qu'elle dissémine. Roméo avait choisi sa mort, il voulait rejoindre Juliette. Mais que James le souhaite ou pas, Joana l'entraînera dans sa chute. « Certains diraient que je suis venue te le dire parce que tu es en droit de savoir. » Elle penche sa tête, joueuse, pensive. « Mais tu me connais assez pour savoir que tu n'as aucun droit sur moi. » Elle se rapproche à nouveau de lui et tend la même main qui l'a giflé vers cette joue qu'elle a osé braver. La caresse est pernicieuse, plus violente encore que le coup précédemment donné. « Tu ne m'as pas demandé mon avis en te déversant en moi, en me prenant comme si tu étais roi, comme si mon corps t'appartenait et que tu étais en droit de le souiller comme bon te semblait. » Son sourire est dangereux, ses doigts s'avancent vers ses lèvres, les entrouvrent et les relâchent tandis qu'elle continue son discours « Je ne te laisserai pas le choix non plus. Je suis venue ici parce que tu as tué une part de moi en m'imposant cet enfant dans mes pans. Et je ne suis jamais en reste James, je paie mes dettes. » Sa main descend de son menton vers sa gorge, la menaçant d'un geste qu'elle ne serre pas mais qui encercle sa peau. « Je tuerai cette part de toi, cette vie dont tu ne veux pas. Voilà pourquoi je suis venue. Pour te dire que j'ai l'intention de te tuer, de tuer ce morceau de ton héritage, le seul que tu auras peut-être. »
Mensonge éhonté. L'actrice joue trop bien pour laisser paraître le moindre doute. Le sens de la tragédie l'anime et la sublime. Magnifique dans ce rôle de femme fatale, de femme létale, elle incarne son rôle jusqu'au bout. Mais Joana ne peut tuer cet embryon. Elle ne le peut car s'il est une part de James, il est surtout une part d'elle. Tu m'as volé ma vie. Tu m'as forcée à t'aimer et à te fuir. Et si j'ai réussi à te maintenir éloigné toutes ces années, quel délire que de te laisser maintenant m'attacher à toi... pour toujours. Mais la mort qui s'est glissée en moi en réalisant ce que tu avais fait, ce n'était pas là ma tragédie. Oh non. Parce que tu vois, ma tragique survie dépend de cet enfant, de cet espoir inattendu, de ce bébé que j'ai enfin reconnu. Il est ma salvation. Condamnée à être sauvée par l'amour que je ne pourrais lui refuser. Je le hais déjà de tant l'aimer. Et je te hais d'être le responsable de cette ridicule histoire. Mais je ne me séparerai pas de cette petite lueur de rédemption, pas pour toi. Cependant, Joana se garde bien de révéler son secret. Là, la rage est plus forte que l'amour et ils lui permettent de prétendre qu'elle avortera leur chance à tourner la page sur le vide de leurs existences.
l’absurdité de l’existence parachève son ignoble portrait, il se débat le roi, dans ces infinis qu’il a convoités, et qui à présent le scrutent et le menacent. il avait tout, absolument tout, l’univers à ses pieds, et tout le pouvoir entre ses mains pour le dépecer. il avait tout, pour gravir chaque marche et froisser ces sommets qu’il aurait précipités dans son monde déviant, pour mieux les dessiner à son image. difformes, monstrueux, ténébreux et célestes, s’immolant dans le néant dont il se défend. et puis, tout a basculé. il a tout fait basculer. en souhaitant ce qu’il ne devrait pas convoiter, pas de cette façon-là, il a précipité la perfection de son image dans les affres du stupre et de la folie. et l’avidité n’est plus capable de soutenir le vide qu’il a creusé. le vide qu’il contemple, dans l’effroi pavé des sursauts maladifs dictés par la rage, maintenant qu’elle est devant lui. avec son enfant qui creuse son corps telle une tumeur. corps adoré, corps étreint, corps violenté, corps avili tant de fois par le passé. dorénavant corps meurtri, corps profané par lui et par la mort. il la ressent, la mort. la mort dans sa tête, la mort entre les mains, la mort entre ses mains qui la serrent. pulsion aux couleurs d’obsidienne, plus aucun avenir qui pourrait s’y refléter, le monde arrêté, le monde fêlé. brisure, cassure, il n’y a plus de miroir à traverser, l’image est celle qui colle à la peau, vérité sur l’épiderme, pourpre et blanche, fleur de sang qu’il n’y a plus qu’à cueillir. qu’à arracher.
elle joue avec lui, alors qu’il renonce, qu’il nie, qu’il repousse l’idée pour ne pas la ressentir. et pourtant elle est partout, dans ses esprits les envies et la corruption côtoient désormais le vertige de ses imaginaires proscrits. est-il le père, est-il le fils, n’est-il plus rien alors qu’il s’est imprimé dans un autre corps, y abandonnant la luxure et l’agonie. que reste-t-il de lui ? il la regarde, ses yeux épris de fureur dévalent la vision qu’elle offre, insolence incarnée, qu’il cherche à écarteler. elle s’est rapprochée, et les mots acerbes flattent sa langue, avant qu’elle ne dessine la gifle qui ne parvient guère à le rendre à l’infinie fierté qu’il offre toujours. la douleur le tance, le mépris dévale sa joue, alors que là où la paume s’est apposée, un unique muscle tressaille. l’animalité se fige sur ses traits et il lui faut convoquer tout ce qui lui reste de maîtrise de lui-même pour ne pas la toucher à son tour. éloigne-toi. il feule, mais elle ne l’entend pas, la mise en garde sonne presque comme le chant mortuaire qu’il pourrait allonger sur son corps fragile et futile. sans moi, tu serais qui, au juste ? réalité déformée et mesquine qui coule de ses lèvres sur le ton de la guerre. guerre ancestrale, guerre fatale qui les emportera dans des abîmes qu’ils n’ont jamais visités. ils n’étaient que la partition de l’ironie, celle que l’on déjoue d’un revers de la main, mais désormais, ils sont ennemis, convoités par la haine que change l’origine du monde. celle que l’homme voue à la femme lorsqu’elle tente de le piéger. celle que la femme destine à l’homme quand il cherche à la renvoyer à ce rôle de nature, qui l’humilie. destin de femme, de ces millions de femmes, depuis l’aube d’un monde dégénéré, pour celle qui voulut s’improviser déesse. il sourit james, il sourit méchamment, alors qu’il la lorgne, qu’il la renvoie à cette peinture désuète qu’il abhorre, celle de la normalité qui le débecte. et pourtant, pourtant, alors que mon monde vacille, je ne souhaite que me raccrocher, à ta chair, à la misère qui la dévale, à la peine qui te brutalise. j’aimerais m’y complaire, m’acharner sur ton image pour la rendre aussi monstrueuse que la mienne. avouer tous les délires qui m’ont entraîné dans les bras de la fureur, les perpétrer sur ta peau pour mieux t’avilir, et nous désunir. que tu ne puisses plus jamais élever ton regard clair sur moi et croire que je t’appartiens. que je suis à toi, en toi, désormais, figé dans un avenir incertain, que je n’ai pas demandé. je ne l’ai pas souhaité. jamais, jamais. avec quiconque. si ce n’est elle dans la confusion de mes cauchemars. et te voilà, à porter l’engeance, à porter une vie déjà condamnée parce que je l’ai insinuée en toi, et tout ce que je crée je le détruis, tu sais. ce devrait être les prémices d’une beauté aveuglante et j’ai l’envie de hurler devant l’horreur que tu berces dans le secret de ton corps. où est le salut, dis-moi ? où est le salut que je cherchais encore en toi il y a quelques mois ?
leurs rires s’enchaînent, musique abyssale qui semble arrachée à quelque cercle infernal, deux démons qui se jaugent pour chercher le moyen de s’entre-déchirer. il repousse la seule lueur qui fut frôlée avant que la nouvelle ne le détruise, il repousse tout ce qui aurait pu s’élever au front de leurs croyances passées, qui pourraient véritablement s’enchaîner autour d’un être qui les conjugueraient enfin. la fusion qu’il cherchait, inavouable, elle est là, à l’intérieur. à l’intérieur. mais il n’en veut pas, il n’en veut plus, il l’abjure avec indécence. le prénom, son prénom, entre ses dents serrées est une blessure plus virulente que la gifle dont elle l’a gratifié, et quand elle semble se rendre à l’évidence qu’il vient de lui souffler, quelque chose en lui se révulse rien qu’à l’idée. comme si seul le combat entre eux importait. car je suis en train de me noyer, joana, je suis en train de me noyer, dans le vide dont j’ai hérité, que j’ai moi-même assigné à mon empire pour mieux le détruire. je suis en train de disparaître devant toi, de dévoiler bien plus qui ne fut déjà. je pars à la rencontre de cette désespérance qui entachera mon nom, et toute l’existence que je chérissais, et je ne m’en relèverai pas. je ne m’en relèverai pas. alors il se laisse nommer, démon ou diable, divinité autrefois adulée et maintenant méprisée, il se laisse nommer et quand il demande pourquoi, il n’est pas prêt à chérir ce qu’il a quémandé. alors qu’elle continue à prétendre, à jouer, à improviser dans son rôle de femme répudiée les instincts les plus meurtriers, et qu’elle le touche, et qu’elle vient le menacer, par des caresses plus avilissantes que ne seraient les coups portés, alors qu’elle lui offre un sourire qui la défigure, et qu’elle insinue les mots en lui, comme il a gravé sa jouissance entre ses cuisses, tout se brise. bruit blanc. bruit blanc, puis ensuite toute la résurgence d’une bestialité qu’elle vient de convoquer. son vrai visage se dévoile tout à fait et alors qu’il arrache sa main de son visage, qu’il broie au passage son poignet, c’est lui qui vient à son tour saisir sa gorge, pour la repousser, contre le mur où s’épanouissent des formes devenues absconses tant il ne voit plus qu’elle, et cette vie, ces deux vies à sa merci. il ne serre pas, pas tout à fait, mais il appuie, et il la projette contre le mur, pour l’y rejoindre, dans un seul mouvement dicté par une voracité qui s’enchaîne à elle, à ses mots, à ce qu’elle lui susurre. je t’ai dit de t’éloigner. mais c’est lui qui ne la laisse plus échapper, et qui pourrait ici et maintenant la faire taire à jamais. il en a l’idée, il la conçoit, il la reçoit comme un coup de poing dans l’estomac. alors que sa main enserre toujours la finesse de sa gorge, de la paume il vient appuyer sur son ventre, une pression menaçante, et pourtant dictée par un instinct viscéral, comme si la bête venait ressentir les frimas de cette vie suspendue au fil acéré de leurs folies entrelacées. tu crois quoi, que tu vas décider, que tu vas être seule à décider ? que je te laisserai échapper après ça joana ? que tu retrouveras ta liberté ? hein ? et d’un mouvement à peine contrôlé, il la repousse encore contre le mur, et sa tête cogne quelque peu, et il pourrait la briser, la briser ici. et maintenant. briser l’avenir, l’arracher, tuméfier le passé aussi, pour savoir l’oublier, elle, et ce qu'ils ont été. et l’engeance qu’elle est venue porter jusqu’à lui. j’ai tous les droits, j’ai toujours eu tous les droits. je pourrais te tuer ici, et tout s’arrêterait. ça serait enfin terminé. la bête frôle le ventre, indécence d’une caresse qui lui arrache un frisson, remonte les côtes, la gorge, jusqu’à sa joue qu’il cajole, dans une asymétrie troublante, éros et thanatos réunis. tu es si belle, tu l’as toujours été. je me demande ce que ça me ferait réellement de te précipiter dans le néant à mes côtés. je me demande. il sent toute la monstruosité remonter son échine avec lenteur, et cela le fait jubiler autant qu’il ressent la honte et la peine qui succèdent à l’euphorie malsaine. car malgré toute sa haine, malgré toute sa haine, il voit en elle le rêve de cette passion qu’elle a toujours versé, dans sa tête et dans son corps, sur son existence à chaque fois qu’elle apparaissait, il entend son rire et ses moqueries dédaigneuses, il réapprend les moments de calme après leurs plus vives tempêtes, quand parfois, par abandon ou par erreur, elle revenait dans ses bras. sa poigne autour de sa gorge, lentement se desserre, et son front vient se poser contre le sien, visages embrassés dans la lueur affadie de l’astre. tu n’existes pas. tu n’existes pas. et moi non plus, n’est-ce pas ? on va s'éteindre ici. tout doucement. mourir enfin. un sanglot remonte sa gorge, et il l’étreint, contre ce mur, pour la détenir, pour l’empêcher de partir, ou de le fuir. ou encore de dire tout ce qu’elle est venue lui crier. et il répète, avec fébrilité : je te laisserai pas. aveu plein de cette ambiguïté dont il est perclus, parce qu’il ne peut pas. qu’il ne peut pas la laisser porter son enfant, et qu’il ne peut lui permettre de le tuer. les tuer. il ne peut pas. alors il la retient, joana, contre ce mur, au papier peint fané, alors que leurs souvenirs dégoulinent jusqu’au parquet, et qu’il sent l’émotion le gagner, impossible à identifier. la bête est ravie, elle a ressenti l’existence déchue au creux de sa paume, il y a un morceau de ses ténèbres qui s’épanouit en elle, quelque chose dont elle ne pourra jamais se débarrasser, quoiqu’elle prétende. elle lui appartient désormais.
Sujet: Re: Les vieux amants | ft. Joames #2 Lun 15 Fév - 8:38
Bien sûr, nous eûmes des orages. Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol. Mille fois tu pris ton bagage, mille fois je pris mon envol. Et chaque meuble se souvient, dans cette chambre sans berceau des éclats des vieilles tempêtes. Plus rien ne ressemblait à rien, tu avais perdu le goût de l'eau et moi celui de la conquête feat @James MarloweDans nos tombeaux. C'est là qu'ils disent que nous trouverons enfin notre paix éternelle. Là, sous la terre, près des vers, nos seuls compères. Dans un cimetière commun, peut-être que quelqu'un aura l'idée viciée et tortueuse de nous unir dans nos cercueils et de graver sur nos pierres tombales "ci gisent deux amants fous." Mais d'ici là, jusqu'au moment fatidique où la mort nous emportera pour nous lier dans un lien plus profond que tout ce que nous avons expérimenté jusque là, nous devrons vivre. Et la vie à tes côtés ou la vie sans toi, les deux me coûtent des souffles d'existence. Les deux pourrissent toutes mes présences. Mais je t'en prie, délivre-moi donc de ce passage sur terre, de cette errance éphémère.
Il est odieux et pourtant, elle lit parfaitement dans son jeu. Habitués du poker tous deux, ils savent que le bluff fait partie intégrale de leurs stratagèmes. C'est à qui saura pervertir l'autre le mieux. C'est à qui abattra sa main sur un ton majestueux. C'est à qui détruira, voilà l'enjeu. Pourtant, ils ne jouent pas toujours sale. Et parfois, au milieu des simagrées et des visages que l'on feint d'endosser pour duper son adversaire, il y a quelques phrases qui sont sincères. Notamment celle pleine de menace que James lui lance avec force. M'éloigner? Pourrais-je le faire encore plus que je ne le suis déjà. Mais l'ordre n'est pas suivi d'une punition immédiate. Il préfère d'abord l'abattre avec ses mots, avec l'humiliation. Cependant Joana n'est pas jeune femme mondaine. Il en faut plus pour atteindre son courroux. Elle devine le désespoir qui pousse l'homme à ainsi attaquer. Elle ne sourit pas mais elle répond avec vivacité « Qu'est-ce que tu vas t'imaginer? » Sa voix est tranchante mais son visage demeure impassible. La brune ne bouge pas d'un cil. Elle sent le danger se rapprocher, elle voit le sang en lui bouillonner. Mais alors qu'elle devrait faire un pas en arrière, elle fait tout le contraire. Ses lèvres s'entrouvrent pour une nouvelle pique qu'elle ne peut contrôler. « Tu crois que je suis comme toutes les autres femmes de ta vie? Un pion que tu as manipulé et que tu as mené là où cela te chantait? » Violente, les lumières d'une rage passée s'écrasent dans ses pupilles tandis qu'elle continue « Tu penses que je suis arrivée là où j'en suis grâce à toi?! » Elle secoue la tête avec mépris. Un sourire se glisse sur ses lippes, ce genre de sourires qui prédisent le pire à venir. « Si je suis là où je suis, c'est malgré toi. » Mais elle a trop joué, trop pavané. Le mâle se lève et repousse la main qui le châtie, refoule les maux que la dame lui impose. Il la repousse jusqu'aux extrêmes, la défie contre un mur moins dur que ce que James ose. La violence ne s'était jamais manifestée en dehors de leurs ébats. Si parfois, il dominait en la fulgurant d'une impulsion sur un lit ou en la torturant d'un lien bien serré, jamais il ne l'avait encore brusquée de la sorte. Et Joana devrait avoir peur mais elle n'y arrive pas. Car cet homme, ce prédateur, c'est celui qu'elle est venue chercher ici ce soir.
Vas-y. Frappe. Cogne. Ebranle tout ce que nous sommes, gâche notre passé pour que rien ne se présage dans notre futur. Fais-moi donc mal, tu ne peux rien contre moi. Tue cette chose qui grandit en mon sein avant qu'elle ne t'atteigne. Brise donc nos liens, brise mon cou ou ce qu'il te plaira. Les yeux de Joana pétillent d'une menace tacite tandis qu'elle l'entend encore qui lui dit qu'il l'avait prévenue. Tous les deux, on s'est tant menacé, qu'il est drôle d'imaginer que les mots puissent encore avoir le moindre impact sur nous. Mais fais-toi plaisir, je suis ici à ta merci et tu verras que je n'esquive rien. Je t'attends, prête à encaisser, prête à te laisser te tuer toi-même. Mon châtiment en sera d'autant plus sévère. Ôte-toi donc d'un rêve, d'un espoir. Si je n'ai pas la force de nous délivrer de cette salvation inespérée, fais-le pour nous, délivre-nous... du bien. Sa tête heurte à nouveau le mur et elle sourit. Elle passerait démente pour n'importe qui d'autre mais probablement pas pour lui. Il la connaît assez pour savoir que si elle sourit, c'est qu'elle se sent victorieuse. Il la frappe mais c'est elle qui a le pouvoir. Pour qu'il en vienne à user des mains sur Joana, c'est qu'il se sent impuissant. Elle lui échappe, elle glisse entre ses doigts. « Tu n'as donc pas compris James? » Sa voix n'est plus la même. Elle semble avoir entonné un chant de compassion mais c'est une pitié hargneuse qui se déguise sous ses traits. « Nous n'avons jamais été libres. Jamais, de rien. » Cela va de son passé avec son père, de cet amour qu'elle n'a pas pu provoquer, de cette enfance qu'on lui a volée. Et cela se prolonge à Côme qu'on lui a volé dans les rires d'une adolescence trop tôt provoquée. La rue ne l'a pas désenchantée, elle a juste créé de nouveaux pans pour le monstre qu'elle était en train de devenir. Et James, James dans tout ça, c'était le point final, le désastre du destin. La goutte d'eau vouée à lui rappeler que quels que soient ses efforts, elle finirait projetée contre le mur de ses déboires, qu'elle finirait écrasée par ses espoirs. « Non. » C'est plat, sans plus. Elle le défie. Tu n'as aucun droit sur moi. Aucun droit que je n'ai pas décidé de t'octroyer. Si je suis là, sous tes mains, sous ton poids, à te laisser me broyer, c'est que je t'ai laissé le faire. Réfléchis James. Réfléchis. Ne suis-je pas venue ici de mon plein gré? A quel point me considères-tu idiote? Ne te connais-je pas assez que pour savoir que ton instinct te dicterait de me tuer? de nous tuer?
Joana le regarde se débattre et c'est violent. Car si elle sait ce qu'elle fait, elle ne s'attendait pas à affronter un homme aussi ravagé. Elle sent que d'autres démons le démangent. Mais pour la première fois depuis le début de la soirée, la harpie le sent qui dérive à nouveau vers elle. Nous n'avons jamais été libres et c'est pour ça qu'à ma façon, je t'ai aimé. Elle le voit qui s'échoue sur ses landes désertes d'amour, désertes de vie et la pensée qu'il pourrait la convaincre de renoncer à son désir d'avorter leur chance à deux la terrorise. Car Joana est consciente que sa seule chance est de prétendre qu'elle s'en débarrassera et partir loin de lui avec ce rejeton volé. « Tu ne me laisseras pas quoi? » Ce contrôle qu'elle avait part en éclats. Elle se sent soudain acculée. Physiquement, elle ne peut bouger, son amant est bien plus fort qu'elle. Mais émotionnellement, cette faiblesse qu'il affiche la rend nerveuse. Elle n'a pas l'habitude de le sentir ainsi, elle ne lui connaît pas ce travers. Tous les deux se sont toujours bien gardés de montrer la moindre faiblesse dans leur armure dorée. Devinés, les défauts de leur passé n'ont jamais été évoqués. Mais là, il s'abat sur elle avec une force qu'elle déteste. N'ai-je pas assez de mes tourments? Faut-il que tu y saupoudres les tiens? Elle baisse son visage dans la nuque de James et soupire. « Nous sommes de toute façon condamnés James. » La main de Joana remonte sans qu'elle ne puisse l'en empêcher et va se loger dans les cheveux de l'homme qui vient de la menacer de mort. La caresse en serait presque maternelle si elle n'était pas pleine de doutes. Interrompue par des soubresauts, par des questionnements qu'elle ne maîtrise pas, elle sent néanmoins le besoin de le pousser contre elle, comme si elle ne s'enfonçait pas déjà assez dans le mur. Si tu me tues, tu tues ce morceau de nous, tu te tues toi. Là est la perfidité de ma venue. Je t'ai exposé au dilemme cornélien. Je t'ai soumis à la tentation d'une voie sans fin. Je ne suis pas venue ici pour t'annoncer la bonne nouvelle. Tu peux bien rire en pensant que je nous projette dans un avenir avec un enfant qui nous tient par la main. Ris donc, il n'y a rien d'autre à faire. Mais tu oublies qui je suis. Est-ce pour cela que tu me le demandes sans cesse depuis que je suis arrivée? Je suis la seule à savoir comment contourner ton esprit, comment jouer mes cartes pour retourner contre toi les coups que tu m'as destinés. Je t'anticipe avant même que tu ne te sois planifié. Et tout ça, j'en suis capable uniquement parce que... Elle n'arrive pas à se l'avouer. Pourtant elle sait que connaître l'autre aussi bien ne peut survenir que d'un sentiment éternel, un sentiment sans défaut : l'amour. Elle l'aime tellement qu'elle s'en est empoisonné. Aurait-elle jamais pu tomber enceinte d'un autre que de lui? « Tu ne comprends donc pas? Quoique tu fasses, quoique l'on fasse, cet enfant c'est notre perte à tous les deux. » Car il n'y a pas de bonne voie. Il n'y a pas d'issue. Qu'ils le gardent ou non, ils ont perdu le contrôle. Et ce contrôle, c'est le pouvoir qu'ils n'ont cessé de s'arracher l'un à l'autre depuis le début. D'autres couples se voient unis par la naissance d'un héritier. Mais eux, eux ne peuvent que se résoudre à l'évidence : cet enfant sonne le glas de leur ère. Le contrôle tant désiré a quitté leurs mains. Il leur reste un seul et unique coup à jouer : tuer cet enfant. Et le premier à le faire sera le gagnant de leur guerre. Gagnant le titre de la force, de l'impitoyabilité et perdant à jamais toute estime de soi et toute chance à se retrouver. Or pour moi, cette chance lointaine, ce mirage d'un jour me joindre à toi, c'était le souffle de vent qui me permettait d'avancer dans mon périple humain bien trop chaud.
devoir vivre. qu’est-ce que ça veut bien vouloir dire, que de devoir vivre, lorsque l’absolu est incertain et que ce à quoi j’aspire toujours m’échappe. âmes amies perdues dans les instincts de rejet ou de fuite, tu feras bientôt partie d’elles, et à ton tour, tu partiras, pour ne plus souffrir mes instincts et mes envies de mort. à ton tour, tu ne reviendras pas, avortant de l’âme noire que tu portais, tu hurleras au loin la meurtrissure qui continuera de percer ton sein, et tu sentiras l’infection gagner jusqu’à tes songes. et tu fuiras encore, plus loin de moi, pour que jamais la tombe ne nous enchâsse tous deux dans la froideur éternelle de la pierre. non… non, tu ne reposeras jamais à mes côtés, car une part de moi morcelée n’aspire qu’à l’amoralité la plus profonde.
sa gorge sous ses doigts serrés, un seul geste pour rompre le lien, le briser. et la pulsion qu’il ressent grimper tout contre sa nuque, exquise sensation qu’il n’a plus qu’à embrasser. dans ses imaginaires sulfureux, il caresse les lèvres de son amante, exsangues. il déposera un dernier baiser passionné pour démentir tous les serments qu’elle croit élever par ses yeux bouleversés, aspirera ce souffle de vie menteur, vie injurieuse où elle voulût le lier, et finira par abjurer les sentiments sur la peau froide. les battements sont insidieux, une rythmique qu’il connaît, qu’il réapprend comme lorsque la bête lui murmure un secret. mais il côtoie au passage la promesse de sa légende, cajole du bout des doigts la courbe d’un ventre qui pourrait le prolonger dans une éternité qui lui donne le vertige. une part de lui exulte de cette seule idée, que de se perpétuer dans la trame humaine, comme pour un peu mieux la contaminer, la faire sienne, vitrioler sa beauté pour former la pâleur de sa plus indigne engeance. une autre partie, encore attachée au passé de ce garçon trop solitaire, devant la fenêtre béante où la mère s’était enfuie dans les bras de la mort, et qui subissait le regard trop lourd d’un père qui toujours le regardait comme l’écho trop honteux d’un échec, ce petit garçon lui tremble. il ne peut imaginer transmettre tout le vide qu’il berce en son coeur qui sonne parfois comme un artifice, papillon de papier qui brûle trop vite, trop fort, à chaque inflexion de sensations trop nues pour qu’il n’y succombe pas. il bat, il bat, il combat, l’envie et le déni, ensemble, conjugués au creux de sa main, et tout contre la gorge de celle qui pourrait le damner ou le sauver. il est incapable de le dire, et devant l’incertitude, et son grand hurlement arraché à une bouche béante, déformée, il a uniquement la pulsion imparfaite de serrer. de serrer pour la retenir en lui, comme il le lui a promis, alors qu’il pénétrait son corps, et qu’il voulait y disparaître, pour savoir y renaître. et c’est ce qui s’est produit. c’est ce qui s’est produit, la folie de ses fantasmes rencontre une réalité brutale et vole en éclats. ce qu'il croit serrer c’est ce lien tissé dans ce passé qu’il abat sur elle, passé troublant qui ne ressemble en rien à ce qu’elle prétend. il ne peut croire n’avoir rien dessiné de ses pas et de ses déambulations de diva, alors il serre plus fort encore, comme pour lui rappeler qu’un jour, un jour il a choisi de lui laisser la vie. et qu’aujourd’hui, d’une façon aussi absurde que virulente, il pourrait la lui ôter. sans ne rien justifier, si ce n’est ce souffle saccadé qui avoue toute sa perdition. celle déclenchée par une autre mais qui rencontre l’avidité que joana détient. image de la femme qu’il possède sans savoir la retenir, sans savoir la garder. pas même de lui désormais.
et quand tu me regardes ainsi, je sais que tu appelles cette ignominie que tu as toujours caressée du bout de tes doigts, pour en sentir les infinis contours, tous les appréhender, et t’en servir un jour. suis-je l’objet d’une toute autre pulsion, celle que tu expires à chaque regard appuyé sur le monstre que tu regardes, que tu sommes de frapper, comme s’il était alors uniquement à ta botte, prompt à répondre à tes exigences, même les plus destructrices. ne suis-je que le pantin de tes instincts de mort ? viens-tu m’offrir une piètre victoire, la seule que je pourrais détenir sur toi, en choisissant de nous unir dans la violence qui nous détruira ? dans les yeux de james paradent des inflexions contraires, il ne sait plus ce qu’il voit, de ce sourire qui l’indispose et qu’elle lui tend comme une énième injure, ou cette envie qui ne fait que croître, et qui le pousse à ne plus la lâcher, à se raccrocher à l’ébauche d’un cadavre dans l’idée dégénérée de se laisser le choix. le choix. le choix de la tuer, le choix d’en crever juste après. le choix d’infliger à la mère de son unique descendance l’affront d’un rejet éternel, exultant d’un trouble aussi prégnant que le sien, versé dans le néant qui les ensevelit avec frénésie. c’est le sourire de ce destin, qui joue avec toi, qui te pousse dans les méandres irisés de tes angoisses, pour mieux appâter tes instincts les plus noirs. et pourtant, et pourtant, c’est la seule chose qui pourrait encore te sauver. le seul éclat au firmament de ton astre qui se détruit lentement. tu pourrais choisir de contrarier la course démente de ton affliction, et saisir ce qui fleurit dans sa chair, pour le couronner d’une vie éternelle. c’est là la seule éternité james. celle qui te sourira encore, dans les profondeurs du tombeau, celle qui malgré ta violence, tes appétits incessants et tes envies de trop, est venue te trouver. elle est venue te trouver, ici. dans ce palais où les épines empoisonnées déchirent un peu plus de ce futur qu’elle exalte dans la lumière. dans cette lumière qui la revêt d’or et de perfection, pour que ta convoitise toujours soit entière. elle est celle qui te quitte, mais qui te revient, même maintenant. même maintenant qu’elle te hait pour cet être qui l’envahit, comme tu as juré de l’envahir. alors souris. souris à ton tour devant votre épiphanie. elle le méprise, la hargne au coeur et sur la finesse de ses lèvres, elle déchire la liberté qu’il affirme de la posséder, et malgré l’étreinte menaçante qui la fascine un instant dans une terreur qu’elle ne peut dissimuler, c’est sa faiblesse à lui qui éclate sous la lumière crue d’une nuit de pleine lune, où leur monde bascule dans un camaïeu de gris, zones d’ombres qu’ils saisissent, qu’ils froissent, pour mieux les revêtir. en noir et blanc de ce qu’ils ont su être, les voilà dans la nudité d’une violence qu’ils apprennent comme le langage viscéral que la vie leur dédaigne. ils sont faibles, ils sont impuissants, et les voilà frappés d’un destin qui les renvoie à une humanité qu’ils ne savent guère traverser sans la haïr. il la hait pour ça, il la hait avec une passion jamais atteinte, alors qu’il lui laisse voir tout le désespoir qui le manipule. et la condamnation qu’elle murmure, c’est là la vérité, c’est la seule vérité depuis les origines, et sans le vouloir, il échappe un murmure qui sonne comme un sanglot, alors qu’elle caresse sa nuque, accueille l’ignominie pour mieux l’appâter. il a peur de ce qu’il est, il a peur de ce qu’il voudrait, il est incapable de songer à ces entraves qu’aucun présage n’a pu lui révéler. si nous sommes condamnés, joana… pourquoi t’es là ? pourquoi ? tu parles mais tu ne dis pas la vérité.car tu aurais pu choisir de le tuer, cet enfant, de le tuer, et de ne pas me laisser le choix, de me le balancer à rebours pour me faire mal, pour me prouver ce pouvoir que tu as sur la vie qui ne t’appartient pas. pas totalement. et tu doutes, à ton tour, tu doutes. tu doutes forcément comme moi. s’apercevoir, soudain, de la détresse qui l'éprend aussi le fait desserrer peu à peu sa poigne sur sa gorge, et il vient glisser sur les marques rouges de sa rage une caresse presque idolâtre, car elle a choisi d’abriter son tourment à l’ombre de sa détresse, et il sourit à son tour, il sourit presque méchamment, alors qu’il plonge dans son regard, et cajole sa joue, avec une très factice patience, qu’il parvient difficilement à faire retomber sur ses muscles douloureux. je te laisserai pas fuir, fuir et t'en débarrasser, et mentir après. mentir comme si ça n'avait jamais existé. comme si on avait jamais existé. il comprend très bien au contraire, que le piège qu’il a un jour destiné à cette gamine abandonnée par l’existence vient de se refermer, sans qu’il ne l’ait seulement prémédité. un constat aussi éblouissant que tragique pour ceux qui toujours ont cru en leur si vaine liberté. libres de ne pas s’aimer, libres de se quitter, libres de se fuir, libres de s’attendre. libres de se rejoindre, libres de se mentir. mais pas de prétendre que ce coup du sort ne change rien, qu’ils peuvent effacer la faute d’un revers de leurs mains. il suit lentement la ligne de son bras et vient enchevêtrer ses doigts aux siens, alors qu’il lui murmure ce qu’elle ne veut entendre : toujours, je serai celui qui t’a déformée joana. pour toujours. ça tu ne pourras pas choisir de l’ignorer. tu ne pourras pas l’oublier. et il lui embrasse doucement le front, avec une convoitise animale, comme il couronnerait une reine de lumière à une cour obscure, qui saura la détruire, comme elle en a détruit tant d’autres avant elle. il n’y a plus rien à gagner. plus rien à perdre. moi j’ai perdu quelque chose il y a bien longtemps. et depuis, personne, t’entends, personne ne décide de ce que je possède, ou de ce que j’abandonne. personne. pas même toi. il embrasse sa tempe avec fébrilité, avec affliction, comme si la douleur continuait de pulser sous sa peau, à chaque fois qu’il la détient ainsi, dans la fièvre d’une seule idée, qui abandonne ses lèvres tremblantes. mais t’as raison sur une chose, nous deux… ton corps, et cette putain d’envie de toi, que j’avais, tout le temps, dans mes rêves et dans mes cauchemars. tout ça, c’est terminé. il embrasse sa joue, suit le parfum de ses cheveux du bout du nez, contredisant la prophétie insidieuse qu’il élance contre sa peau. pour moi, tu seras toujours souillée… et quelque part, malgré tout ce qu’il prétend, il la désire encore plus pour cette raison inavouable, alors que son souffle brûlant, et animal, s’épanche sur elle, pour mieux la pervertir, la démunir, et la détruire.
Sujet: Re: Les vieux amants | ft. Joames #2 Ven 19 Fév - 20:30
Bien sûr, nous eûmes des orages. Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol. Mille fois tu pris ton bagage, mille fois je pris mon envol. Et chaque meuble se souvient, dans cette chambre sans berceau des éclats des vieilles tempêtes. Plus rien ne ressemblait à rien, tu avais perdu le goût de l'eau et moi celui de la conquête feat @James MarloweLe passé s'enlace dans les travers de la mémoire. Les souvenirs se prélassent tandis que l'on essaie de mieux y voir. Je me rappelle avec une amertume sans nom du regard qui était échangé entre ces deux hommes, entre ces deux bourreaux. L'un possédait mon coeur et ainsi, il possédait mes espoirs, ma vie. L'autre n'était qu'un ami de passage, un inconnu qui était de mauvais présage. Je revois leurs rires gredins et la façon indélicate qu'ils avaient de sceller mon destin. Mon premier amour, le seul que j'ose nommer ainsi, me vendait pour sa fierté, me trahissait pour ne pas paraître faible. Et je l'ai détesté d'ainsi nous abandonner. Mais aujourd'hui, je sais. Je sais qu'il avait raison. L'amour est une faiblesse. C'est une idiotie que de croire le contraire, une folie que de le rechercher.
Et toi. Je ne t'ai pas cherché. Je t'ai même fui. Car dans tes pupilles remplies d'une violence éternelle, j'ai vu le reflet de mon âme en peine. Unis par des désirs que l'on a trop enfoui, nous ne pouvions au final que nous déchirer. Mais je n'imaginais pas la déchirure aussi profonde. Car tu entailles mes entrailles pour y planter l'immonde. L'immonde de ce reliquat qui porterait ton nom. L'immonde de ce marmot qui porterait tes traits. Mélangeant avec finesse tout ce que nous sommes, ne serait-ce pas là la punition divine pour tous nos péchés? Devoir affronter l'autre à jamais et ne plus pouvoir qu'aimer ce qu'il nous a donnés.
Non. Non, James. Je ne t'offrirai pas mon amour. Je ne te donnerai pas cette force. Je ne prendrai pas cette faiblesse sur moi. Pas pour toi. Pour personne.
L'étreinte de ses doigts ne la meurtrit pas plus que la situation ne le fait déjà. Trop passive, elle ne se ressemble même pas. La combative Joana accepte cette mort tranquillement, peu inquiète de quitter le monde des vivants. Elle erre depuis si longtemps tel un fantôme qui subit plus qu'il ne vit... qu'elle pourrait remercier James s'il avait le cran d'aller au bout de son geste. Mais s'il resserre ses phalanges sur la peau qui commence à brûler, Joana le sent vaciller. Les années ont défilé entre eux, ne flétrissant jamais la poésie de leur idylle condamnée. Elle se rit de lui, convaincue qu'elle sait ce qui l'attend. Il est déjà trop écorché pour pouvoir survivre à cette perte-ci. Arrogante, confiante, Joana n'a jamais douté de ce qu'elle représentait pour lui. Car pour qu'il gagne tant de place en elle, il fallait qu'elle ait au préalable gravé sa marque sur lui. « Quelle réponse te satisferait James? » Elle enfonce le couteau dans la plaie, prononçant ce prénom comme s'il lui appartenait. Elle maîtrise la langue anglaise. Son accent est ravissant, puissant, profond. Joana a vu la mort pendant un instant et elle s'est inclinée, digne, sans remords. Mais la mort s'éloigne à mesure que son amant desserre l'étreinte pour confronter la femme qu'il prétend mépriser. « Je suis là parce que je voulais être là. » Aussi simple que ça. Et pourtant, il a raison, elle ment. Je suis là parce que je ne pouvais faire autrement. Tu m'as détruite en m'ôtant mon corps après avoir délibérément visé mon âme. Tu m'as décomposée en volant une part de ce buste pour y faire pousser une plante vénéneuse qui va nous consumer l'un et l'autre. Je suis là parce que je n'avais pas le choix. Je devais venir et voir ce que cela te ferait. Je devais. C'est là la tragédie de notre comédie. Comme Antigone, mon sort semble déjà décidé. Et je l'embrasse d'un pas décidé, sans me soucier du funeste qui m'attend. Parce que c'est là mon fil de soie à dérouler, là mon unique possibilité. Je suis venue à toi parce que je le voulais. Je voulais t'apprendre ce qui se passait ici, là, en moi. Pour une fois, malgré moi et pour les mauvaises raisons c'est certain, je voulais communiquer avec toi.
La tragédie suit son cours. James parle et les mots réjouissent la femme. Elle n'arrive pas à distinguer pourquoi elle jubile tant à l'idée qu'il ne veuille pas qu'elle se débarrasse de l'enfant. Est-ce un espoir insensé? Ou est-ce le pouvoir qui nourrit ses pensées? « On n'avait jamais existé mon cher Dean, mon cher darling. » L'emphase sur le terme fait à nouveau ressortir ses racines d'aristocrate. Issue d'une lignée de sang pur, la dame a tout renié pour retrouver sa liberté. La figure d'un père n'a pas pu lui imposer la captivité, un amant maudit ne le fera pas maintenant. « Si cet enfant voyait le jour, notre existence commencerait à peine. Mais... » Elle savoure le touché délicat qui martyrise les meurtrissures qu'il a infligé. Elle soupire, prenant du plaisir évident à le sentir la parcourir dans ce désir qu'il dissimule dans un geste toujours menaçant. « ... mais te vois-tu exister pour un être innocent? T'imagines-tu lui transmettre quoique ce soit à cette pauvre créature? Moi, je comprends que tu veuilles m'avilir, je le comprends. » Ce n'est pas de la compassion, c'est encore du mépris, encore et toujours. Mais elle ne ment pas. Aussi bizarres qu'ils soient, ils se ressemblent dans la démence de leurs tourments. « Mais cette chose, qu'a-t-elle fait pour mériter ça? » Joana le provoque, appelle à son humanité bien qu'elle doute que cela puisse exister. Ils sont tous les deux des âmes brûlées vives, des êtres qui ont perdu le sens des réalités. Ils pourraient se sauver mais leur seule pensée va sur comment utiliser cette naissance à leur avantage. Ils pourraient savourer ce don du destin, cette opportunité qu'ils n'avaient pas une seule seconde envisagé... mais ils préfèrent imaginer comment la tuer avant d'y croire.
« On perd tous des choses. » Son ton est sec. Elle le juge sans détour. Tu te crois supérieur parce que tu as souffert? Tu penses être à l'abri parce que tu as un passé? Laisse moi rire. « Parce que tu avais décidé de ça? » Elle baisse son menton pour pointer ses pans du visage. Ses yeux remontent sur lui, luisent d'une étincelle qui ne la quitte jamais quand elle est près de James. « Peut-être que je ne décide pas. Mais tu ne décides de rien non plus. » Elle sourit, toujours pleine de cette compassion puante qu'elle lui sert sans retenue. Cette compassion qui ne lui sied pas au teint, qui n'est pas Joana. Mais c'est devenu son trait préféré pour jouer dans cette pièce. Et les lumières se tamisent, l'atmosphère se brise. Joana l'entend qui attaque et elle se délecterait presque de ses crocs qu'il plante dans le souvenir de leur passion. Mais il plante loin et profond, sachant pertinemment bien que l'ego de la belle n'est pas à titiller.
Souillée. C'est ainsi que je suis. Ainsi que je me vois. Souillée de ton amour impur, des gestes trop durs. Souillée de cette vie qui vole la mienne. Souillée de cette joie qui veut m'arracher à mes peines. Je suis souillée tu as raison. Une larme oscille dans ses yeux. La lumière qui s'y logeait se ternit, ravie par les obscurités de la nuit. Elle n'aime pas cette faiblesse qui l'accapare mais elle est plus vulnérable depuis que ses hormones changent la donne. Elle ne contrôle pas ses émotions. La larme brille dans son regard tandis qu'elle ravale la boule noire qui obstrue sa gorge. « Tu as raison. » Elle admet. Et elle le hait encore plus qu'avant. Mais sa douleur est trop forte pour être contenue. Alors elle se laisse aller dans un déversement absolu « Tu as raison. Et c'est pour ça que je n'ai rien à perdre à décider seule de ce qu'il adviendra de mon corps, mon corps souillé à jamais, quoiqu'il arrive. » La sentence claque. Il a gagné un combat mais pas la guerre. Elle rappelle que le dernier des choix demeure le sien. A moins qu'il ne décide d'expédier leur héritage commun lui-même, il ne pourra rien faire pour garder la main sur son destin. Elle sourit faiblement, de ce même sourire qu'elle lui a offert plus tôt. « Même souillée, je demeure ce que j'ai toujours été. Ca tu ne pourras pas me l'enlever. Jamais. Et... » son sourire irradie d'une force tranquille, comme si elle savait qu'elle ne risquait plus rien. « ... si tu m'as jamais aimée, c'est pour ça. Parce que nulle autre ne peut être moi. » Elle ferme les yeux, ravale complètement la boule de chagrin qui logeait dans son gosier, ferme la porte aux larmes qui auraient voulu l'inonder et laisse tomber doucement sa tête contre le mur où son bourreau la maintient depuis quelques minutes déjà.
incapable de l’aimer, incapable de cesser pour autant de la convoiter, de les convoiter, elle et ce résidu qui s’épanouit dans son ventre. écho de ce qu’il pourrait être, projection au futur incandescent qui permettrait de couronner son règne maléfique d’un honneur éclatant. image du père qu’il ne saurait jamais être, image de celui qu’il a tué pour dépasser le modèle et parvenir à l’enterrer une toute dernière fois. car il pourrait devenir la perfection de l’apparence, adoucir la violence pour porter un regard égal sur sa progéniture et la chérir pour ce qu’elle représenterait. conjugaison de deux perfections infidèles, menteuses et voraces qui se seraient enfin très sournoisement unies, malgré la hargne de leurs hôtes. la déchirure serait au comble de son infestation, elle exhalerait ce bonheur factice, exalterait la duplicité d’un couple impossible à lier si ce n’est dans les aspects les plus triviaux de la chair. et c’est cette chair qu’elle souhaite tuer, la vie qui l’irrigue, la vie qui la fait saigner, saigner de lui et de ses étreintes voraces. il a toujours cru infliger la mort aux corps qu’il déshabillait dans les accents rauques de ses désirs impies, il a toujours cru être porteur de la douleur et de la beauté la plus morbide qui soit. rien n’aurait pu fleurir sur la terre aride et embrassée de ténèbres, brûlées par des rêves animaux, fantasmagories de créatures ancêtres du crime originel, celui qui donna à l’univers l’engeance qui le perdrait bientôt. et c’est lui, cette engeance qui serpente jusque dans l’intime et la beauté, pour l’enlaidir et la putréfier. qui aurait pu croire que la mort engendrerait l’étincelle qu’elle porte, qu’elle berce, qu’elle aimerait souffler quand il l’étrangle pour qu’elle ne le puisse jamais. qui aurait pu le croire, ma douce princesse, caprice de mes nuits d’abandon et de ces moments uniques où tu parais l’existence d’une frénésie sans pareille ? l’aurais-tu su que tu n’aurais pas pu me subir, et je t’aurais forcée à le faire rien que pour me rappeler qu’étreindre un corps c’est encore y survivre. et y enfoncer l’infamie pour mieux laper chaque once de la vie que l’on désincarne en souhaitant l’envahir. il la trouve belle, sa princesse putain, celle qui porte l’enfant martyr en son sein, qui ne trouve plus l’énergie de combattre, il la trouve belle ainsi, abandonnée, meurtrie, déchue tout comme lui. ils se valent, ça a toujours été la plus grande ironie de leur idylle. alors il cesse d’appuyer, la laisse murmurer l’insidieuse disharmonie, la seule mélodie qui puisse accompagner leur hymen meurtrier, sa voix se joint à la sienne, cruelle et vraie, comme il ne l’a jamais été avec elle. comme il ne lui a jamais parlé. il souhaitait tant lui parler lorsque leur nuit ne revêtait pas encore les oripeaux du deuil. tu sais, quand tu étais sous moi, sur le sol froid, je souhaitais déjà que jamais tu ne m’oublies. rien à voir avec un sentimentalisme dont tu te moquais. j’avais l’envie de détruire ton altérité.pour que tu ne puisses plus que me revenir, et c’est ce que tu as fait. j’y suis parvenu avec bien plus de brio que je ne l’avais auguré. sa langue darde un baiser d’amant sur la pâleur de sa joue de porcelaine, parfaite poupée empoisonnée par son étreinte, qui le fascine tout à fait. et le vide, ce foutu vide qui l’accable depuis des semaines maintenant, le vide déploie ses ailes et vient sertir l’élégance altière de sa solitude de femme. et il lui parle, james, il lui parle, il lui conte des avenirs odieux pour combattre la prophétie noirâtre qu’elle ose souffler à ses côtés. j’ai bien eu un monstre pour m’éduquer, et il faudra un monstre à mon image pour concevoir l’avenir de mon empire. qu’est-ce que tu crois, ma douce comtesse, que des êtres comme nous survivent sans sacrifier l’innocence sur l’autel de la folie ? il ne sait exactement s’il dépeint ses angoisses ou la vision dégénérée qu’il conçoit vraiment de leurs avenirs condamnés. plaide-t-il pour qu’elle sache tuer l’enfant, sans hésiter, pour ensuite pouvoir la maudire et l’avilir avec plus de passion et de cruauté qu’il ne l’a jamais fait ? ou au contraire lève-t-il le voile impur sur le monde qu’il pourrait lui offrir, si elle acceptait à ses côtés de paraître, ou de disparaître.
son index et son pouce viennent saisir sans dureté son menton pour relever la fierté de ses iris assombries sur lui, alors que le jugement de ses lèvres fines choit à leurs pieds. je peux encore décider de te confier au vide que je porte, t’enfermer auprès de celui que tu méprises pour me nourrir de tes airs de captive. tu sais que j’en ai le pouvoir, tu sais que je pourrais le faire si j’avais véritablement l’idée de parer cet enfant de tes instincts meurtriers. il lui sourit, l’ironie et la monstruosité en partage, elle connaît le monde qu’elle traverse auprès de lui, connaît la mafia et ses tractations létales. il ne serait pas le premier à asservir le ventre qui lui donnerait un héritage et une continuité, mais il n’a jamais été homme à abuser d’une force physique, bien trop pragmatique pour ses velléités de contrôle. que lui importe de l’enfermer quelque part si elle n’est pas entièrement à sa merci, qu’importe son corps subjugué il lui faudrait son esprit, et une parcelle de son âme. alors il frappe, il frappe avec des mots qui vitriolent son image pour lui ôter le glacis du désir, pour ne laisser que les humeurs morbides du dégoût. et ce dégoût il n’a même pas à le singer pour le revêtir. et il se délecte alors de l’affectation qu’elle lui offre, de son émotion brutale qui l’envahit à son tour, elle est plus belle que jamais, défaite et souillée. c’est ce qu’il ne pourrait pas exprimer, cette part de sa personnalité façonnée par un vice dont elle ne connaît pas la somptueuse matière. il boit ses mots, ses lèvres si proches des siennes, et respire son souffle troublé par la douleur qu’il vient de lui infliger. son pouce vient cueillir cette unique larme qu’il s’approprie comme pour frôler cette réalité qui l’enchante. même si les mots qu’elle lui offre en retour viennent cajoler des secrets d’émotions plus pures, plus injurieuses pour lui que ses mensonges éhontés. alors il sourde avec une sorte de délicatesse dérangeante : l'amour. ce mot si galvaudé. tu devrais savoir mieux que personne, que nous ne savons pas aimer, nous, les marlowe. ce nous qui rappelle à lui l’image froide de son double comme pour parachever sa flagrante laideur devant le regard embrumé de son amante. il songe, il songe à ce désir, et à cet amour qu’il n’a pas su avouer dans ce putain d’avion, à demi-mots l’affront porté dans l’éther trop lourd. l’image de médée apparaît violemment et le vide un instant devient gouffre ou sa honte et sa haine y tournoient. et il a mal. il a si mal soudain, si mal de ce qu’elle lui inflige, sa jolie princesse, à lui renier tout ce qu’il pourrait avidement posséder d’elle, comme un écho à tout ce qu'il a déjà perdu. une déflagration supplémentaire pour un crime depuis longtemps rêvé. entre ses dents serrées il avoue c’est justement parce que je n’ai pas l’indécence de t’aimer que je t’ai choisie. et c'est pour ça que tu m'as choisi aussi. car tu m'as choisi, joana. il embrasse son front avec une très fausse douceur et abandonne les mots pour sertir sa couronne de joyaux aux reflets de néant. je vais te laisser m’échapper. encore. mais tu penseras à moi, quand tu prendras ton cachet assassin et que tu sentiras la blessure infligée couler entre tes cuisses.tu penseras à moi, comme je pense à toi, à ce désir qui ne peut mourir, malgré le dégoût et le rejet. malgré ce que tu ne pourras jamais me donner. car tu ne suffis pas, tu ne me suffis pas, ça a toujours été comme ça. et je ne suis pas assez pour toi non plus. il se détache avec lenteur d’elle, ressent le froid revenir nimber sa silhouette désormais qu’il ne la détient plus. il ne l’a tout simplement jamais détenue.