ice queen ; (leo)nora

traits de caractère / de ses yeux noirs, leonora fait chuter la température. poupée froide, presque inanimée. c'est à se demander s'il reste encore un cœur capable de battre sous la couche de givre qui fait briller sa poitrine. la faute au masque impassible, si bien fixé sur l'angélisme de ses traits. la gosse a été à bonne école, on ne dit rien là d'où elle vient. on ne montre rien, rien de moins que la perfection. les mots se mesurent, les gestes s'apprennent et puis, l'âme se ferme. noble automate à qui on interdit les vagues. pourtant, elle les aime les vagues leo, elle porte la même arrogance dans ses silences, la même force dans ses remous, la même noirceur dans ses profondeurs. volcan éteint qui caresse l'éruption, qui joue encore avec les promesses de la lave.

ambitieuse, elle sait que trop bien qu'elle n'est pas née pour être personne. leonora, c'est quelqu'un. elle veut monter trop haut, briller trop fort. elle veut éblouir le monde de sa lumière froide et tant pis si ça leur fait mal. comédienne de carrière, elle maîtrise chaque émotion comme une partition. musicienne des faux sourires, des larmes apprivoisées. charmeuse de démons. elle en joue, en surjoue souvent, bien au delà des planches. quand le rideau rouge se ferme, leonora sait encore manipuler, arranger sa réalité. tout pour les empêcher de creuser trop profond, de déterrer ses faiblesses. il bat pour de bon, pour de beau son myocarde monté à l'envers. et si elle ne s'attache pas facilement, leonora ne se détache jamais. et si elle met tant de force à vous repousser, c'est seulement pour ne jamais prendre le risque de vous perdre. phobie de l'abandon à moitié endormie, à moitié ensevelie sous un oreiller encore tatoué de ses larmes.

victime de sa loyauté sans faille, de son instinct de protéction qui finira assurément par la perdre. l'élitiste est façonnée depuis toujours, conditionnée à ne vivre que pour les photos de famille qui ornent les murs tristes d'une baraque qui respire les mensonges. condamnée à tous les sacrifices pour préserver l'image et sauver l'honneur.

alors oui, elle est abîmée leo mais,
sa poussière est d'or.

Chère maman;
Tic, tac
Tic, tac,
Tic ...

C'est le bruit que fait le monde depuis que t'es plus là. Tu vois, il tourne encore. Je l'ai pourtant supplié tu sais, imploré de freiner. Ralentir sa course pour nous laisser encore le temps de t'aimer. juste un peu, beaucoup, le temps d'une infusion à la verveine devant ton ballet préféré.
qu'est-ce que tu dirais aujourd'hui ? de moi, ta léonora un peu amochée.
est-ce que tu m'aimerais encore si tu pouvais voir ce que ta fille est devenue, maman ? je crois que je te déteste. j'avais treize ans, c'était brutal. tu ne m'a pas préparé aux regards de pitié, ceux qu'on n'adresse qu'aux orphelins. tu ne m'a pas prévenu pour le bourbier de papa. pire, tu ne m'as pas appris à pleurer en silence pour ne pas inquiéter arthur. ne t'en fais pas, il va bien. nous avons toujours l'image, nous avons toujours l'honneur. je l'ai nourri, lavé, aimé. je lui ai appris à compter et à ne pas se cacher sous la table lors des applaudissements des galas. l'autisme mit en sourdine devant le reste du monde mais, derrière nos volets, c'était l'explosion. une balle qu'il fait rebondir pendant une heure et douze minutes sur le bois de ma porte et puis, papa qui s'en va. qu'est-ce qu'il me restait, à moi ? crier dans la soie d'un oreiller, convaincre la nuit, m'inventer d'autres réalités. c'était ta faute.

à moins que ça ne soit grâce à toi, l'amour des planches. ce besoin d'incarner un autre être, de respirer un autre air. faire semblant. panser les plaies en feignant celles de quelqu'un d'autre. mentir. pervertir. m'accrocher à un rêve, viser la lune pour oublier que pour toujours, toi tu dors dans les étoiles.
l'idée s'est implantée quand nous avons quittés winchester, adieu l'Angleterre et ses nuances grisâtres. la grosse pomme est plus colorée, plus vivante mais, elle ne me rappelle pas toi. Privée de tes souvenirs, gamine menottée à une vie qui ne me ressemble qu'a moitié. j'ai suffoqué maman, je crois que j'ai eu peur parfois, je manquais d'air. je manquais de toi. de moi, aussi. alors, je me suis accrochée plus fort. ongles vernis qui liment les parois du puit, décidée à en quitter le fond. j'ai perdu des morceaux d'âme, des particules d'humanité. mais, si le jeu en vaut la chandelle moi, je n'accepterai que de me brûler. je suis devenue impassible et invincible. peut-être que je ne me ressemble plus, peut-être que tu ne me reconnais pas. crois-moi, je suis meilleure comme ça.

au fait, papa m'a fiancé. il dit que ça assurera nos arrières alors, c'est moi qu'il pousse au premier plan. il s'appelle gregor, je ne l'ai jamais vu. je me suis résignée pour lui, pour Arthur, pour toi, là-bas. mais, ne me demandez pas de lui sourire, de me cambrer sous son souffle chaud sur ma nuque. il n'est rien, qu'un pion sur l'échiquier. un figurant sur mes planches. à toi je peux le dire, tu ne répéteras plus rien : j'irais dans d'autres draps, m'offrir une autre réalité. j'aurai simplement aimé avoir le droit d'aimer. n'importe qui, n'importe quoi. mais ici, chez nous, ce sont les traditions qui forgent les lois.

finalement, l'argent a une odeur. celles des larmes enragées.

j'y arriverai, quoi qu'il en coûte. quoi qu'ils en crèvent. je te le promets.

P.S : j'ai toujours tes yeux.


Pour l'éternité,
Ta Léonora.