p a n i c a t t a c k (vixen)

direliction. enis, ma douce enis, murmuré au creux de l'oreille d'un nourrisson désiré, chéri, puis abandonné par la force des choses. enis, ma belle enis, écrit d'une main faiblarde sur un bout de papier froissé et humide comme le dernier vestige de quelque chose qui aurait pu être. enis, mon enis, qui n'a jamais compris pourquoi, pourquoi elle, pourquoi les choses se sont déroulées de cette manière, pourquoi, pourquoi, pourquoi. de cet abandon, elle en a souffert plus qu'elle ne l'avouera jamais, assez pour en garder des séquelles éternelles et en arborer des cicatrices argentées sous la chair. incomprehension. une question après une autre et toujours le silence à l'autre bout du fil. enis passe son enfance à se demander, à chercher, creuser, encore et encore, pour trouver des indices, une raison, rien qu'une seule, pour expliquer qu'on puisse vouloir l'abandonner, qu'on ne l'aime pas assez pour la garder. mais il n'y a rien, rien qu'un bout de papier sur lequel des doigts inconnus ont pleuré un amour maternel dont elle n'a jamais goûté. un jour, le chagrin est remplacé par la rancœur et ses petites mains enfantines déchirent ce mot si précieux devant les yeux inquiets du seul orphelin qu'elle regrettera à son départ définitif de l'orphelinat. anger. la rancœur envers ses géniteurs devient vite rage incandescente contre le monde entier. lorsque les mots ne sont pas assez forts, ce sont des poings qui s'abattent et son corps qui en fait les frais. d'enfant réservée et solitaire, elle se transforme en louveteau enragé. c'est sa façon de se protéger — et d'éviter de souffrir d'un nouvel abandon. enis se braque, se renferme, se barricade derrière un masque opaque qui ne laisse rien entrevoir de sa faiblesse de gamine blessée à sang. son tempérament ne plaît pas et les familles d'accueil s'enchaînent sans qu'aucune ne cherche à la retenir. enis ne le montre pas, mais elle a mal, mal qu'on ne la choisisse pas, mal qu'on n'essaye pas de savoir, de comprendre, mal de n'être jamais assez bien. et un jour, un jour, ça explose plus que jamais auparavant. c'est flou, trop pour qu'elle puisse se défendre au procès qui suivra, mais elle se rappelle des gémissements au fond de cette allée et de ses poings qui font craquer les os d'un adolescent pas bien plus vieux qu'elle. elle a le souvenir de la sensation de perte de contrôle, du bourdonnement dans ses oreilles, de son cœur en folie au creux de sa poitrine, de la douleur dans ses jointures, de la lumière aveuglante de la voiture de police et de la sensation des menottes autour de ses poignets. le reste est perdu dans le néant. resignation. les années se perdent entre les murs austères d'une prison pour mineures du bronx. enis fait profil bas et courbe l'échine face à l'autorité, refuse de se mêler aux magouilles des autres détenues et tente d'éviter les ennuis. les mois se font longs, les bleus se multiplient contre son gré et ce n'est qu'après trois ans qu'elle touche la liberté des doigts. elle sort de l'établissement pénitencier à l'aube de ses dix-neuf ans, s'empare des affaires laissées à son entrée et des quelques maigres billets qu'on lui donne à sa sortie, puis prend la route vers de nouveaux horizons, voyageant sur le siège passager d'un camion acceptant généreusement de la prendre en stop. search. enis abandonne son identité d'orpheline en chemin, choisissant le prénom vixen sous les conseils du routier avec qui elle voyagera jusqu'aux queens. à son arrivée, la rue devient son refuge. elle trouve un squat, une communauté, un chez elle singulier, mal vu par la plupart des habitants qui croisent son chemin sur les trottoirs glacés du queens. les visages s'enchaînent, se multiplient, beaucoup oubliés, certains gravés dans sa mémoire comme des lettres gravés dans le marbre, mais l'un d'entre eux vient s'installer au premier plan et évincer les autres. blaise. blaise qui lui tend la main, l'héberge, l'adopte presque comme la sienne, lui glisse le nom de stygian à l'oreille. beaucoup diront que les intentions de blaise n'étaient pas claires, que l'amour qu'il lui portait, si tant qu'il y en ait réellement eu, n'avait rien de paternel, que ses yeux traînaient, que ses mains traînaient longtemps, trop longtemps pour que ce soit innocent. affliction. certains affirmeront que blaise est incapable d'aimer et vixen acquiescera d'un mouvement bref de la tête, le myocarde remonté dans la gorge. il ne lui a fallu qu'une erreur, une seule, pour savoir, pour comprendre qu'elle n'a toujours été qu'un pion dans son jeu, qu'une marionnette façonnée à son image, qu'il pouvait manipuler à souhait. il ne lui a fallu qu'une erreur, une seule, pour qu'une balle manque son crâne de quelques millimètres et que son monde entier s'écroule sous ses pieds. annihilation. vixen a avouée, son courage rassemblé par quelques rails dans le nez et gouttes de vodka dans le sang. elle a tout balancée et a disparue dans la nature. l'arrestation de blaise avila était sur toutes les lèvres — même à l'autre bout du pays. son patronyme n'est jamais apparu, son anonymat respecté, mais elle sait. elle savait déjà au moment de ses confessions que blaise saurait. restart. de son appartement au cœur de portland, vixen n'a jamais baissé sa garde, mais après plusieurs mois, elle a seulement appris à vivre avec la crainte de voir blaise ou ses hommes débarquer à sa porte, consciente que les barreaux et/ou la perpétuité ne les retiendraient pas. sa vie a repris son cours, tout comme son activité illégale pendant un temps. essayant de faire profil bas, elle ne participe qu'à des petits combats, gagnant assez d'argent, en plus de son nouveau salaire de barmaid, pour payer son loyer. ayant vite fait le tour de portland et de l'oregon et refusant de laisser la peur dicter son existence, elle décide presque un an après l'arrestation de blaise de retourner dans le queens où elle reconstruit aujourd'hui doucement sa vie, restant éloignée de l'illégalité et espérant que son passé ne la rattrapera pas — pas trop vite, du moins.