Take me to church | Carmin

traits de caractère / Ils rient rien qu'à l'idée de te décrire. Pour ceux qui ne voient que la surface : tu es doux, attentionné, sage et toujours prévoyant. Père Fletcher que certains aiment dire. Ils t'imaginent comme un père pour tes ouailles. Mais en vérité, tu n'es rien de tout cela. Oh non Fletcher, tu es gredin, perfide et arrogant. Le manteau de modestie que tu portes devant eux, c'est l'hypocrisie même. Quand tu leur souris aimablement, ils ne voient pas comme tu grinces les dents. Et ta morale à deux francs, celle dont tu te sers pour faire culpabiliser ceux qui te consultent, oh ... tu es pourri Carmin, pourri de l'intérieur. Rouge Carmin, voilà comment tu es. Tu es la honte de la race humaine et tu te comportes comme si tu en étais le meilleur fruit. Tes cils battent innocemment quand on ose te réprimander, comme si l'on avait insulté l'homme de foi, l'homme pieu, l'homme parfait. Mais avant d'être ce faux prêtre, tu étais celui qui s'occupait des caisses. Et ils n'y ont vu que du feu dans tes combines. Car tu es malin, très malin. Vicieux, sournois, dangereux. Voilà comment tu es Carmin Fletcher. Et ceux qui te font confiance sont ceux dont la destruction est imminente car tes intentions ne sont jamais louables, jamais. Et pourtant, tu as des failles. Si tu n'as pas prêté serment, c'est pour rester dans la tromperie, mais pas que. Tu as peur aussi. Tu te souviens des paroles de ton père, de ses mots et de ses avertissements. Et cette peur elle te rend détestable car tu as horreur de cette faiblesse. Tu as damné ton âme et pour ne pas faire face à ta conscience, tu la fuis en prolongeant le vice, en l'intensifiant. Et en procédant de la sorte, tu réduis tes chances d'être heureux, tu les réduis à peau de chagrin. L'absolution? Tu rirais au nez de ton père mais en toi, des larmes amères te rongent les entrailles. C'est pourquoi, parfois, tes sermons sont justes. Car derrière le profane travesti en curé, il y a le garçon de choeur, le préféré de ses parents, qui surgit et prend la lumière pendant quelques instants.

Cette aiguille qui transperce ta peau, c'est une douleur qui t'arrache au monde des mortels. Toi qui t'en vas jurer fidélité à Dieu, tu le trahis avant même d'avoir mis ta robe noire. L'aiguille t'agresse mais tu ne bouges pas. Car tu sais qu'elle et toi, vous êtes pareils, vous êtes vicieux. Tu souris en voyant la courbe remonter sur ta hanche et ta langue claque contre ton palais. Julia relève sa tête vers toi, pensant avoir mal fait. Mais ton regard lui enjoint de continuer. Qu'elle ne perde pas une seconde, qu'elle ternisse ta peau d'une nouvelle marque de ton appartenance au monde extérieur. Tu l'analyses pendant qu'elle déchire ton épiderme et tu admires le rouge... carmin... qui recouvre son échine. Sans demander la permission, tu poses ton index sur la représentation de cette rose fânée qu'elle a décidé de placer là. Elle ne sursaute pas. S'y attendait-elle peut-être? Ta langue caresse tes lèvres lentement, tout en continuant de tracer le contour du tatouage de la brune. Ce rouge est là pour t'indiquer qu'elle t'appartient, voilà ce que toi tu vois. Ses poils se hérissent et tu ricanes d'un rire que tu veux invasif. Tu la fais frissonner. Elle, la femme à la peau trouée de partout, tes doigts lui font de l'effet. Elle n'a pas fini l'affront que tu as décidé d'aposer sur ta peau mais tu t'en fiches. Ta main attrape son menton et le soulève. "Demain je serai prêtre." Elle bat des paupières sans réagir. Qu'espérais-tu qu'elle fasse de cette information? Tu es déçu de son manque de provocation. Voilà... tu voulais qu'elle te saute dessus. Tu relâches son visage avec mépris. "Finis ce que tu as commencé". Tu aboies, la méprisant de ne pas s'être jetée à tes pieds. Et là, intérieurement, elle se félicite de ne pas l'avoir fait. Car tu es abject.  

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"David! David! Reviens ici!" Elle te regarde avec cet air las qu'ont les parents dépassés. Tu souris avec cette chaleur qui la rassure tandis que tu poses une main bienveillante sur son épaule. Ton discours est tendre, paternel. Tu sais très bien quelles sont les souffrances qu'un parent peut avoir en éduquant son enfant. Tu prends même le risque de lui avouer que toi-même, quand tu étais en bas âge, tu n'étais pas un ange. Tes propres parents ont eu du mal à te garder sage. Mais évidemment tu t'arrêtes là, tu ne lui dis pas qu'aujourd'hui ton père au ciel te condamnerait de venir profaner sa maison en prétendant travailler pour lui. La rousse t'explique ses tracas, elle s'assied derrière la grille du confessionnal et s'épanche comme si tu avais la capacité d'absoudre ses pêchés. Théoriquement, tu l'as. Mais tu n'as pas l'envie de la disculper. Tu souris intérieurement avant d'appuyer sur les phrases qu'elle a dites morte de honte. Tu lui fais répéter ce qui la gêne et sans aucune délicatesse, t'attardes sur ces détails de sa vie privée qu'elle voulait oublier. "Sodomie?!" Tu admires son mari mais évidemment l'homme d'Eglise se doit d'être indigné. Elle est tracassée par ta voix qui porte et par les gens qui sont là, à quelques centimètres d'eux. Tu t'assagis en parlant moins fort mais tu lui expliques alors que le pêché doit être expié en le faisant subir à celui qui l'a imposé. Elle est horrifiée. Mais tu ne bronches pas. Quand elle reviendra, tu lui diras qu'elle t'a mal compris. Et tu jouis déjà à l'idée de la voir se tapir sous terre de honte. Mais là, tu l'empêches de chercher des précisions. Elle t'a très bien compris. Elle prend la main de son fils en sortant du confessionnal et part, mal à l'aise, mortifiée par cette entrevue. Toi, tu écartes le rideau et souris à une femme qui attendait son tour en l'invitant à venir te rejoindre.

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Tous autour de la table, ils ont l'air d'une bande d'idiots. Leurs ventres ronds dénotent avec tes formes bien sculptées que tu caches sous ta soutane. Tu ne la portes quasiment jamais, car toi tu sais que tu n'es pas curé. Mais parfois tu revêts ce vêtement de piété pour te fondre dans la masse avec eux. Tu sais très bien que eux, ils ont oublié que tu n'étais pas un des leurs. Eux, ils sont peu nombreux en ville, la paroisse manque de personnel alors inconsciemment, que tu deviennes prêtre ça les a aidés. Ils parlent de tes années en tant qu'intendant comme si cela remontait aux années 80', tu souris. Tu es tellement innocent avec ce regard qui les touche en plein coeur. Trop humble pour dire quoique ce soit, ils renchérissent sur tes qualités et vertus. Et là, le vice pointe son nez. Tu sens que tu es dans un cadre béni pour préparer le terrain et sauver ta peau au cas ou tes vices seraient un jour découverts. Tu les laisses parles, s'étonner une énième fois de ta bonne éducation et tu sautes sur l'occasion. "Pourtant, ma vie n'a pas toujours été aussi vertueuse." Ils te regardent, intrigués. Que veux-tu dire par là? Tu savoures le poison que tu t'apprêtes à disséminer au gré d'un mensonge tellement savant qu'on peinerait à croire que tu viens seulement d'y penser. "En vérité, avant de commencer mes études en théologie, notre maison était bien désertée de Dieu..." Tu marques des pauses dramatiques, jubilant devant cette audience qui te pend aux lèvres. "C'est à cause de mon frère que j'ai ressenti le besoin d'emprunter cette voie, comme pour expier ses péchés." Ils sont abasourdis. Tu as un frère? Même toi tu ne le savais pas il y a quelques minutes encore. Tu opines du chef avant de laisser tomber la massue. "Oui, un frère jumeau." Ils n'en reviennent pas. Mais aucun ne doute de ta parole. Oh non, personne ne peut douter de la sincérité du père Carmin. Et alors tu fais le portrait de ce frère indigne qui te ressemble point pour point physiquement mais pas le moins du monde moralement. Tu expliques ses vices, tu parles de son caractère, tu leur dis enfin ... qui tu es. Mais en leur donnant un autre nom pour ta personnalité réelle. Un autre nom qu'ils n'ont jamais connu mais qui fera complètement l'affaire. Tybalt. Les prêtres encaissent l'information et compatissent à ta douleur d'avoir un frère dont l'âme est perdue. Et toi, tu sais. Tu sais que tu es à l'abri. Désormais, s'ils te découvrent dans un bar tard le soir, tu n'auras qu'à dire que c'était Tybalt. Et c'est crédible car les gens de ton passé t'appellent encore ainsi. Tu baisses la tête, au sommet de ton jeu d'acteur. Faussement mal à l'aise, tu reçois leurs encouragements et prétendant que cela te fait du bien de savoir qu'ils ne jugent pas tes origines. Et là, ils s'indignent que tu puisses seulement imaginer qu'ils t'auraient jugés, toi! Tu souris faiblement, dissimulant la victoire triomphante qui t'habite. Il ne faut pas tenter le diable mais tu meurs d'envie de jouer avec le feu et de leur faire rencontrer ton jumeau. Tu ne le feras pas et pourtant, tu te mets à rêver à ce moment.

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Des femmes. Des vulgaires femmes. Elles n'ont jamais fait partie du plan. Le gamin Fletcher avait du succès au lycée. Pas énormément mais avec son auréole de chérubin, il attirait les filles. Et il en jouait. Etant aussi parfait, propre sur lui, il attirait les adolescentes frustrées qu'il n'aille pas vers elles. Les rebelles qui avaient un anneau dans le nez ou les cheveux teints, les gothiques, les fumeuses... elles se succédaient dans les toilettes pour hommes ou dans les coins cachés du lycée. Il aimait ce succès secret, ce succès qu'il maintenait tellement discret que sa famille finit par se demander si ses préférences n'allaient pas aux hommes. Sacrilège pour le chrétien qui ne manquait aucun cours de catéchisme. Mais il ne disait rien, il laissait son père péter un câble devant son silence, et regardait sa soeur durement. N'était-ce pas Hazel qui avait été leur mettre de pareilles idées en tête? Mais même lorsqu'ils l'avaient pensé homosexuel, ses parents avaient continué de le préférer. Aîné, garçon, intelligent, il avait les faveurs de ses géniteurs. Il n'avait rien demandé mais il ne s'en plaignait pas non plus. Tybalt - car à l'époque il se faisait toujours appeler par son premier prénom - avait un don pour l'hypocrisie. Et a fortiori, il était très bon acteur. Probablement là la raison pour laquelle sa soeur se méfiait de lui. Mais Titi comme le surnommait sa mère, était un grand frère qui se souciait de sa cadette. Certes, il aimait la voir se fermer, il aimait sentir sa jalousie, il aimait le sentiment de supériorité qu'il avait quand il était près d'elle. Mais Hazel était une des seules femmes réellement importantes dans la vie de Tybalt. Tybalt qui une fois devenu Carmin, ne se gênait pas pour revenir traîner dans leur quartier du Bronx, affichant un chapelet au cou et donnant des leçons de religion à la famille. Son regard perçait dans la direction d'Hazel, la jugeant de ses choix de vie, déplorant qu'elle n'ait pas su se détacher de sa rancoeur envers leurs parents et s'élever un peu plus. Puis l'homme de (peu de ) foi retournait à ses appartements modestes, tout près de l'Eglise du Queens. Et là, il manigançait. Le voeu de chasteté lui semblait moins difficile à tenir que celui de piété. Se délester de l'argent, ce n'était pas fait pour lui. Avide de la richesse que ses parents n'avaient pu accumuler mais avaient rêvée pour lui, il trempait dans des combines illégales. L'argent du clergé passait sous ses doigts pendant qu'il était l'intendant. De l'argent sale transitait par lui. Il avait une place magnifique pour être le bienfaiteur caché d'une organisation de malfrats. Car-min était connu sous le nom de Scar. La référence à Disney ôtée, la cicatrice était la réelle symbolique de son patronyme choisi pour la cause. C'étaient les blessures de son éducation, celles de ses vices, qui l'avaient poussé à devenir le banquier des bandits. Lorsqu'il devint diacre, son office ne cessa pas pour autant. Et une fois à la tête de son faux statut de prêtre, il s'auréola du poste de chef d'une organisation de marché noir. Stockant dans des cellules inoccupées, entreposant de la marchandise dans les caves du presbytère, il avait un réseau de plus en plus important. Et ce réseau, cet appât du pouvoir et de la richesse comptait bien plus que n'importe quelle femme. Les femmes, ces vulgaires femmes, elles ne comptaient pas. Pourtant leurs noms se mélangeaient dans l'esprit nauséabond du blond quand il fumait son tabac sans filtre. Hazel... Hazelnut.. la tendre et agaçante hazelnut devenue un ange déchu pour son frère déçu.  Louison, Louise, Louis... Cette fille qu'ils avaient rêvé de voir garçon. Cette Hazel sans grand frère. Cette force de la nature que Carmin détestait pour la place qu'elle occupait dans ses pensées. Cassey. L'antiquaire qu'il devait manipuler pour donner libre cours à ses affaires, les étendre, les développer. Cette femme qui avait perverti un prêtre, un vrai. Et toutes les autres. Ces pêcheresses qui cherchaient la rédemption chez lui et qui n'y trouvaient que plus de perdition. Tant de femmes qui animaient le coeur impur de Tybalt Carmin Fletcher.