plastic gold.

et les ombres, toujours, creusent un peu plus ton sillage -
à chaque pas, chaque envolée ;
à chaque fuite, chaque sprint tapé.
elles dégueulassent un peu plus les trottoirs que tu tabasses de tes talons rageurs, encrassent le bitume déjà trop noir. au fond de la gorge des ruelles sombres, ça dénote pas. c'est juste la môme qui rentre à la maison.
y'a des clochards dans tous les coins, des crevards à tous les carrefours et des clébards beuglants dans chaque cour.
y'a des pochtrons dans toutes les rues, des poltrons fuyards dans les avenues.
y'a des cris, des pleurs, pas de chaînes en or.  ça pue la mort.
mais c'est chez toi, oona.
jusqu'à la césure,
de c'vieux bled paumé à ce quartier trop chic.
alors les ombres font se refermer les bourgeons, ternissent les peintures neuves et immaculées, et font taire le chant des tourterelles.
quand tu craches sur les pavés, on te regarde de travers. alors toi, les passants offusqués, tu leur ris au nez. faut pas chialer, t'es qu'de passage. juste le temps de rentrer.
que de passage, comme elle l'a été -
l a l i.
et son ombre qui se mêle aux tiennes, comme si elle en avait encore le droit. tu r'cules d'un pas, pour être sûre que tu rêves pas. qu'à force de joints accumulés, t'as pas les neurones qu'ont sauté.
les plombs, ça pète, et ça déglingue après.
oona l'habituée.
mais elle est bien là, putain. à la sortie de cet hôtel que toi tu pourras jamais t'payer. parce que c'est pas pour les gens comme vous.


« alors c'est là que t'oublies d'où tu viens ? »
le regard plein de dédain, t'observes la majesté du bâtiment.
« bel endroit, faut avouer. »
ça t'change des briques à l'écarlate délavé, des immeubles qui tiennent presque plus d'bout, des fissures sur les murs camouflés par les tags criards.
« mais l'excès de luxe c'est un peu comme l'excès de chocolat : au bout d'un moment, ça donne envie de gerber. »
et y'a même pas que ça, oona. y'a elle aussi -
l a l i.
lali et ses grands airs,
lali et ses allures de grande duchesse.
ça t'donne de l'urticaire de la voir là, se comporter comme si elle était à sa place, quand y'a pas si longtemps, elle s'écorchait les genoux à jouer sur le même goudron que toi. ça t'arrache une grimace, un rictus de dégoût que tu lui adresses avec disgrâce. peu importe, vous aviez partagé un jour ce même langage ; celui de ceux à qui l'on a pas appris à être polis.
« t'en fais pas, j'le ferai pas sur tes godasses de pétasse qui ont dû te coûter une blinde. j'me contenterai d'un caniveau à quelques rues d'ici. »
là où vont pisser les chiens.
« oh mais attends, j'suis conne, tu me reconnais p'tet pas ? oona. ça te revient ou est-ce que le souvenir est encore trop vague ? »