touché, coulé. (silene & flavie)

la tentation. ce vilain mot. ce vilain sentiment. tu te connais bien, flavie. même trop bien. alors tu as voulu prendre tes précautions. l'enjeu aujourd'hui est beaucoup trop important pour te laisser faire n'importe quoi. tu as donc gardé un paquet de shit sur toi, juste au cas où tu ne pourrais plus avancer tout d'un coup. juste au cas où l'angoisse se ferait trop forte. tu es rarement clean alors tu ne sais plus trop bien comment ça fait et comment tu peux t'en sortir dans cet état. en quittant ton chez toi, tu t'es promis que le shit ne serait qu'un plan b mais c'était une mauvaise idée. tu n'as pas bu ce matin alors savoir que tu as tout ce dont tu as besoin pour planer dans tes poches ça te fait du mal. c'est dur. plus tu avances et plus tu as de mal à te concentrer sur ton unique objectif du jour. tu as beau ne pas vouloir craquer, tu te sens déjà au bord du gouffre. tu n'as plus que quelques mètres à résister mais ils sont de trop. tu le sens. ta main glisse de son prof chef dans ta poche, tu n'arrives pas à te faire violence. tu veux t'en rouler une, chérie. mais problème, tu n'es pas certaine que ça joue à ton avantage par la suite. il est même certain que ça t'empêchera d'obtenir ce que tu désires tant depuis de nombreux mois. ça, tu ne peux pas te le permettre car tu es arrivée à un stade supérieur du désespoir. tu ravales ta fierté en décidant de toquer directement aux portes des agences. tu es pitoyable. tu te fais pitié mais d'un autre côté tu ne sais pas comment faire autrement. tu n'as plus d'idées, pas de solutions. tu es à bout. tu pensais que ton acharnement au bout du fil porterait ses fruits mais non. tu n'as pas le choix de passer à la phase supérieure, tu refuses de rester toute ta vie au second plan et ce, dans tous les domaines. tu veux enfin être quelqu'un. tu veux retrouver les paillettes. ce n'est pas l'argent que tu cherches, tu en as déjà. non, c'est la gloire et la reconnaissance. surtout la reconnaissance. après un débat intérieur qui te semble durer des heures, tu arrives à reprendre le contrôle de tes mains. tu arrêtes net ton geste. à la place, tu jettes le paquet dans la première poubelle que tu croises. un geste difficile à effectuer mais dont tu n'es pas peu fière. ainsi, tu n'as pas d'autres choix que de rester sobre jusqu'à ton retour chez toi. et tu ne comptes pas rebrousser chemin maintenant. tu te sens plus légère ainsi. tu as gâché un paquet mais pas le restant de ta vie. ça t'apprendra à ne pas avoir confiance en toi. tu pensais que c'était mieux d'en garder sur toi mais ça a eu l'effet inverse. tu te pensais incapable d'aller d'un point a à un point b sans mais tu te trompais. à l'abri des regards intrusifs sous ton parapluie, les passants ne voient pas ton sourire à demi-victorieux sur tes lippes. tu as l'impression depuis longtemps d'être sur la bonne voie. peut-être même que tu arriveras à arrêter tes conneries un de ces quatre. ça dépendra en partie de l'issue de ta matinée. il est presque midi quand tu te postes à l'entrée des locaux d'une célèbre agence de castings dans l'espoir d'attraper l'une des personnes que tu as régulièrement au téléphone et qui ne donne jamais suite à tes candidatures. tu en as marre des refus systématiques, marre d'être considérer comme une candidate dépassée. tu es convaincue qu'ils ont tord, tous autant qu'ils sont. pas seulement parce que ça t'arrangerait qu'on te reprenne dans une émission mais aussi parce que ton retour créerait la surprise. tu ne comprends d'ailleurs pas pourquoi cette évidence à tes yeux ne sautent pas à ceux des producteurs ? c'est pourquoi toi qui est dans le flou une bonne partie de tes journées. c'est le monde à l'envers. ce sont des incompétents à qui tu comptes bien finir par faire entendre raison. « mme valenti ? » tu interceptes la blonde, si bien que ce soit celle que tu cherches. tu ne sais pas trop car tu ne l'as vu qu'une seule fois, peu de temps après sa prise de poste. depuis, tu n'as que des entretiens téléphoniques quand tu appelles mais jamais de rendez-vous ni de castings. « j'ai à vous parler, c'est important. » elle sera forcée de t'écouter si elle a faim car tu ne la lâcheras pas avant d'avoir dit ce que tu as à dire.

tu commences à connaître la chanson, chérie. les faux airs compatissant, les promesses en l'air, tu les connais sur le bout des doigts. tu les devines avant de les entendre parce qu'on te répète toujours les même choses au bout du fil depuis des années. c'est un peu comme un cercle vicieux que tu trouves profondément injuste peut importe la façon dont tu retournes la situation. tu sais, toi, que tu vaux beaucoup mieux que ce qu'on te laisse penser à force de te laisser sur la touche. on s'acharne sur toi, c'est certain. c'est en fait la vie qui s'acharne sur toi. tu arrives même à te demandes ce que tu as bien pu faire dans une vie antérieure pour cumuler tant de ratés. tu échoues sur tous les plans, flavie. tu mènes existence pitoyable. c'est toi qui es pitoyable. tu as beau continuer à te donner des airs, ma jolie, à faire jouer les apparences devant les autres, ton reflet dans le miroir ne te trompe pas. il n'a rien à voir avec ce que tu pensais devenir; il a tout à envier à ces actrices célèbres que tu vois défiler sur les tapis rouges. mais ce n'est pas de ta faute tout ça. ce sont des malheureux concours de circonstances. ce sont les gens qui se liguent contre toi pour t'entraîner dans le fond. mais cette fois, tu as décidé de prendre de les prendre par surprise tous autant qu'ils sont. la jeune femme qui te fait face désormais, ne te reconnaît pas. tu es un peu déçue, c'est vrai, mais pas tellement surprise. ta photo doit figurer quelque part sur la première page d'un dossier enfoui sous un tas d'autres. tu n'as pas besoin de visiter son bureau pour imaginer que les quelques pages qui te concernent sont certainement tout en bas d'une pile. parce que eux, tu es de l'histoire ancienne depuis longtemps. depuis que tu as imaginé qu'une seule télé-réalité te permettrait d'atteindre tes objectifs et que tu pouvais ignorer les propositions qui ont suivies. quelle erreur. le succès a été éphémère et maintenant tu cours derrière ces castings que tu as refusé avec toute la prétention possible. tu payes les pots cassés d'un système mal foutu. « nous nous sommes déjà parler au téléphone, oui. » plusieurs fois pour ne pas dire trop. « flavie bloomberg. » tu t'annonces en tendant la main. « je viens vous voir au sujet des castings en cours. comme je n'ai pas de nouvelles j'ai pensé que vous étiez très occupé et que ce serait probablement plus simple de venir vous voir directement. » une fausse petite attention dissimulée sous un sourire pas sincère pour un sous. tu es franche mais pas trop. tu ne veux pas fournir des raisons de te faire rembarrer en deux temps trois mouvements.

tu es peut-être née avec des liasses de billets dans les mains chérie, mais tu n'as pas pour autant eu une enfance facile. toi, l'ombre parmi les ombres. tu as toujours fait partie du décor mais tu ne te sens pas comme une membre de ta famille à part entière. il y a les autres puis toi. il y a tes soeurs puis toi. le destin est vicieux, il se joue de toi flavie. et tu le sais. tu as fini par comprendre car tu endures depuis trop longtemps chacune des épreuves qu'il te met au défi de surmonter. elle est nulle l'étoile qui brille au-dessus de ta tête. elle fait pas son taf. tu n'as pas eu l'occasion de briller parmi les tiens, toutes tes soeurs sans exception se sont interposées à ton existence. et quand tu as enfin goûté à la reconnaissance, tu t'es brûlé les ailes. est-ce que c'était juste ? non, du tout. t'en es persuadée. on dit que la roue tourne mais toi t'attends toujours. et comme ta situation ne semble pas se débloquer par elle-même, tu as décidé de provoquer les destins. tu te sens au trente sixième dessous, toi la grande flavie qui doit se déplacer pour enfin obtenir ce que tu souhaites. à l'époque où tu as commencé, tu étais une aubaine. t'avais pas besoin de te déplacer, un coup de fil suffisait. maintenant, on te recale. tu as eu du mal à l'admettre mais t'as bien été forcer de voir la vérité en face. on ne veut plus de toi mais personne est capable de te le dire clairement. on te sort toujours des excuses, des prétextes ou des solutions lointaines. « non. » des prochains castings pour lesquels personne ne fera appel à toi, comme les précédents. tu as trente ans, t'as pas des années et des années devant toi pour percer. c'est maintenant ou jamais. « non. » tu répètes plus fort et plus affirmé. « vous croyez que je connais pas vos salades ? que je vois pas clair dans votre jeu ? » toi t'es pas une petite jeunette qui débarque tout juste dans le monde des grands. tu baignes dans un monde de requins depuis ton plus jeune âge alors tu sais ce qu'on te réserve. et tu n'en veux pas, flavie. t'en as marre d'être oublié de tous, être celle que l'on peut jeter à tout bout de champs. t'es pas un chiffon qu'on jette, contrairement à ce qu'ils ont tous l'air de penser. tu refuses catégoriquement de porter cette étiquette plus longtemps. « je connais mieux que quiconque les attentes des productions et celles du public. des personnes qui me suivaient ne sont délaissées de vos émissions mais mon retour pourrait les faire revenir sur vos chaînes. vous n'avez à perdre avec moi. » et toi non plus t'as rien à perdre avec eux. tu te vends, seule, parce que tu sais que personne ne plaidera pour toi en ta faveur. parce que tu as confiance en toi et que là dessus tu ne peux pas non plus compter sur les autres. t'es obligé de jouer seule. « je ne partirais pas d'ici avant d'avoir valider ma participation prochaine à l'une de vos émissions. » tu entends par là une signature sur un papier officiel, pas une simple promesse de castings. tu ne devrais même pas t'abaisser à passer des castings.

ce monde est régit par des requins et il faut être au moins aussi féroce qu'eux pour espérer s'en sortir convenablement dans la vie. tu le sais, tu l'as toujours su, mais ça ne t'as pourtant pas empêcher de te faire marcher dessus. car toi, flavie, t'es pas assez. pas assez déterminée, pas assez indépendante, pas assez forte. alors systématiquement, tu échoues. tu stagnes. si tu n'es pas au bas de l'échelle sociale, c'est un peu comme pour beaucoup et toi-même tu as si souvent cette impression. certes, il t'es arrivé de toucher la gloire du bout des doigts mais aujourd'hui toute lumière sur toi s'est éteinte et tu songes parfois que ce n'était qu'un mirage qui te laisse un goût amer sur la langue. tu ne méritais pas que ce soit si éphémère, pas après les choses que tu as du endurer au sein de ta propre famille. mais le monde  est terriblement injuste quand on ne né pas sous la bonne étoile, ainsi tu n'as pas su retenir le succès. mais la prochaine fois, chérie, tu ne feras pas les même erreurs. parce que t'es persuadée d'avoir appris. tu as grandis, tu es plus mûre, même si ta consommation d'alcool laisse penser le contraire. tu comptes arrêter, de toute façon. c'est pas ce qu'on attend d'une célébrité. et si tu veux être crédible dans ce rôle, faut que t'envoies valser tes démons. ceux-là, du moins. t'es prête à le faire même si actuellement, tu sens le manque te ronger. t'aurais peut-être dû t'accorder un petit verre. ou juste une goutte. tu n'attends qu'une bonne nouvelle pour que tous les feux soient au vert. mais la petite jeune est coriace. c'est peut-être pour ça qu'elle a été embauché, d'ailleurs. parce que tu lui fais pas dire oui à tout. tu pourrais apprécier dans d'autres circonstances, mais là tu veux juste qu'elle s'écrase. qu'elle arrête de te regarder de haut comme si elle valait plus que toi. comme si elle était plus importante que toi, alors que c'est juste ce pseudo pouvoir sur les autres qui la fait se sentir si forte. en réalité, elle n'est rien. « je ne décide pas, je m'impose. » carrément, parce que c'est la seule solution qui s'offre à toi à présent. on ne te laisse le choix. elle ne te laisse pas le choix. tu la fixe sans ciller. si tes yeux pourraient lancer des rayons, flavie, cette jeunette effrontée ne serait déjà plus qu'un tas de cendres fumantes à tes pieds. tu ne sais pas si tu dois rire ou pas. elle est sourde, ou quoi ? elle te demande ce que tu viens tout juste de lui expliquer ? elle est peut-être lente à la détente, le cerveau rendu aussi mou que les spectateurs de ses émissions ? « j'viens de vous l'dire. » tu lui réponds, un peu dépitée par la question. « plus de spectateurs, plus d'audience, plus de sous. pour vous. c'est plus clair, comme ça ? » tu n'es pas en position de jouer les malignes ou de la prendre de haut, pourtant tu ne t'en prives pas. tu as cette aptitude naturelle à te montrer hautaine. tu brilles peut-être pas comme tu le voudrais, comme tu le voudrais, mais tu refuses de penser que t'es n'importe qui. t'es une bloomberg, flavie. et une vraie. « une fois que j'aurais obtenu ce que je désire, je penserais à vous remercier. publiquement. ça vous fera de la pub bienvenue. vous pouvez dire ce que vous voulez mais je sais bien que la télé-réalité n'est pas au mieux de sa forme. elle a connu mieux et les gens ne l'ont pas tous en haute estime. » c'est d'ailleurs un moyen un peu bancal d'arriver à tes fins mais c'est le seul chemin que tu te sens capable d'emprunter. tu sais que tu seras pas sélectionner tout de suite pour jouer dans des films digne d'hollywood parce que la télé-réalité n'ouvre pas toutes les portes mais libre à toi de rebondir par la suite. de faire mieux que la dernière fois. de ne pas te laisser aveugler par les paillettes, parce qu'elles ne seront qu'un substitut amer de ce que tu désires vraiment.

les gens ont passé les trente dernières années à te reprocher toutes les choses que tu n'es pas et que tu aurais dû être selon eux mais c'est bien de cracher son venin quand on sait que c'est principalement de leur faute que tu es devenue ce que tu es. tu aurais pu être parfaite, toi aussi, si on t'avais l'occasion de faire tes preuves. faut pas s'étonner désormais à ce que tu tournes le dos à ceux qui n'en ont trop fait ou au contraire, pas assez. faut pas s'étonner que tu te battes avec les moyens du bord. au fond t'essayes juste de faire de ton mieux, chérie. tu composes avec les seules armes dont tu disposes.  tu prends un air féroce pour dissimuler les tremblements de tes mains; une voix intérieure qui crie au manque. tu refuses de l'admettre mais ta volonté aujourd'hui de mettre la jeune femme pied au mur, c'est pas un regain d'énergie anodin. c'est pas que t'as soudainement la force de vouloir prendre ta vie en main. c'est que t'es toi même au pied du mur. t'es désespérée, en fait. tu refuses de l'admettre mais elle, elle a très bien compris. tu te mords la lèvre, toi qui te jettes dans la gueule du loup. tu te livres, marionnette entre tes doigts experts et une âme corrompue. t'es surprise, tu ne t'attendais pas à ce que ce soit si facile. t'as rien encore et à la fois tu as une piste. à moins que ce ne soit qu'un moyen de se débarrasser de toi. t'es peut-être sensible à la flatterie mais t'es pas naïve. pas cette fois. « la popularité n'est pas vraiment un problème, n'est-ce pas ? pour être aimer des gens, il faut leur donner ce qu'ils veulent. il faut faire du buzz. n'importe qui peut devenir populaire si il a compris ce principe. » toi, t'as besoin d'un écran pour te propulser et les gens comme ton interlocutrice ont besoin de gens qui savent s'y faire avec le public. t'as su le conquérir une fois, ça ne fait donc aucun doute que tu y parviendras une seconde fois. et en induisant que tu sais comment t'y prendre, tu comptes bien achever de convaincre la petite jeune de prêcher pour ta paroisse auprès de ses supérieurs. encore un petit effort, tiens bon flavie. « je suis certaine que la production trouvera en mon profil un grand potentiel si vous en dressez bien le portrait. aussi, puis-je considérer que l'affaire est conclue ? » t'es lourde, t'imagines. mais c'est fait exprès. tu lâches pas le morceau. «j'veux une certitude. » sinon tu bougeras pas de là. est-elle obligée de passer par la production ? ne peut-elle tout simplement pas remonter dans les bureaux et te faire un contrat ? tu l'ignores mais t'attends qu'une seule chose, c'est que la scène que t'imagines dans ta tête se produise réellement sous tes yeux. t'es certaine que pour signer, tes mains ne trembleront pas.