querelle dans la mort. (flavie)

c'est bizarre de te dire que c'est la dernière fois que tu viens ici, dans la maison de ton enfance et que prochainement, dans quelques jours tout au plus, elle ne sera plus tienne ni celle de tes soeurs. tu sais pourquoi (c'est l'histoire de raisons qui découlent d'une autre) mais par moment tu as encore un peu de mal à réaliser ce qui se passe. tu ne veux pas vraiment croire que tu ne pousseras plus le portillon qui permet d'accéder au jardin dans un grincement cent fois plus efficace que n'importe quelle alarme de sécurité, que tes pieds ne fouleront plus l'allée centrale bordée de belles pivoines tout du long et que tu n'entendras plus de bruit quelconque et à la fois caractéristique de l'agitation quasi constante de ton papa une fois la porte d'entrée franchie. c'est parce que les récents événements qui t'on conduite à ce jour se sont enchaînés beaucoup trop rapidement et tu n'étais pas préparée à vivre tout ça. tu n'as rien vu venir, espèce d'idiote. et maintenant te voilà plantée dans le hall d'entrée, tu es venue dans l'optique de récupérer tes dernières affaires personnelles restées dans la demeure familiale après ton départ de la maison. tout doit disparaître as-tu entendu dire. tu ignores ce qu'il adviendra des affaires laissées sur place mais tu n'as pas envie de le savoir, tu as déjà suffisamment de problèmes comme ça pour vouloir rajouter à la liste celui de courir après des affaires perdues. tu aimerais faire ça assez vite mais au vu de toutes les affaires qui t'attendent dans ton ancienne chambre et du  tri qui s'impose, tu sais que ça te prendra plus de temps que voulu. tu soupires. c'est qu'un mauvais moment à passer, flavie. ça ira mieux après. malheureusement ta peine ne va pas en s'arrangeant quand tu croises ton aînée dans le hall d'entrée. nienna est sans doute celle que tu redoutes le plus parmi tes soeurs. elle a un petit quelque chose de pire que toutes les autres. vous ne vous êtes jamais aimé et tu devines aisément que ce n'est pas le décès de votre paternel qui va changer la donne. tu la détestes et maintenant que votre père n'est plus de ce monde, tu aimerais la rayer définitivement de ta vie. oublier à la fois votre lien de parenté et son existence. c'est probablement parce que tu t'imagines que c'est la également la dernière fois que vous vous voyez que tu décides de t'arrêter à son niveau au lieu de l'ignorer comme tu as souvent pu le faire tout au long de ton adolescence. « non, t'inquiètes. la voie est libre pour toi. » ni bonjour ni merde. contrairement à ta grande soeur, tu ne joues pas à faire semblant en présence de ta famille. ce sont les seules personnes avec qui tu peux être totalement toi-même, c'est-à-dire désagréable à souhait si tu le désires. « je suis surprise que tu aies trouvé le temps de venir ici. comme quoi, quand on a un intérêt on trouve des solutions. »

cette grande demeure est rempli de tes souvenirs d'enfance; il y en a des bons mais surtout des mauvais. cependant, tu y a grandi et de ce fait tu restes très attachée à ces lieux. quoique tu en penses, quoique tu veuilles, elle fait partie de ton identité et ça te fait quelque chose de devoir lui dire adieu. ton coeur a mal. d'une certaine façon, c'est comme si tu n'avais jamais réussi à la quitter pour prendre ton propre envol mais aujourd'hui tout ça c'est terminé. tu n'as plus le choix, flavie. tu ne pourras plus revenir. tu n'es pas sereine pour un sous et tu te mentirais à toi-même si tu niais que le courage dont tu essayes de faire preuve en gardant la tête droite et l'air digne te vient de l'alcool. tu as bu un verre puis la moitié d'un autre. t'en es devenue dépendante pour faire face à tout type de situations, y compris le décès de ton père. vous étiez pas si proches mais c'est quelque chose que tu as toujours regretté alors tu as du mal à t'en remettre. t'aurais préférer avoir le temps de faire au moins une chose dans ta vie qui puisse le rendre fier. t'aurais aimé qu'il te voit à l'affiche d'un de ces gros films hollywoodiens et dans le meilleur des cas, avec une récompense dans les mains. t'aurais pris un chemin différent de ces autres filles mais qui valait autant le coup. qui méritait d'être tenter. au lieu de ça il est parti avant de te voir briller autrement que dans une télé-réalité pour ados et jeunes adultes décérébrés. il est parti avec une image décevante de toi, t'es dégoûtée. c'est pas de cette manière que ça aurait du se passer. ça te fout un sacré coup au moral tout ça. et comme si tes idées noires ne suffisaient à te tourmenter, il a fallût que tu tombes nez à nez avec ton aînée. toi qui comptait monter directement dans ta chambre et repartir sans avoir adresser la parole à quiconque c'est raté. « je n'ai besoin de rien non plus, je viens seulement récupérer ce qui m'appartient parce que justement, ça m'appartient. » tu insistes bien sur les dernières syllabes, tu veux pas passer pour ce que tu n'es pas. ça pourrait être ton genre mais aujourd'hui tu n'es pas une rapace. tu n'es pas venue pour faire les tiroirs des tables de chevet de la chambre de votre défunt père. tu es venue pour des vêtements, des bibelots. des affaires qu'il a acheté pour toi ou que toi tu as acheté avec ton argent de poche. des affaires qui te reviennent à toi et pas aux autres. « cesse de te cacher derrière ton métier à chaque fois que tu ouvres la bouche. avec ou sans, tu restes la même. une hypocrite. » depuis toujours. là où on voyait en ton aînée une sainte-nitouche, toi tu as toujours vu un monstre qui ne faisait qu'attendre son heure. un peu comme toi au final mais vos méthodes sont différentes. vos morales également. vous auriez pu être alliées mais vous êtes passer à côté de ça comme de beaucoup d'autres choses que font des soeurs lambda. « si mon corps fait vendre, j'aurais tord de m'en priver.  » l'attaque sur tes choix de vie, tu connais et ça ne te touche plus. « au moins je n'offre pas des mensonges à qui veut bien m'écouter. » même en famille ta garce de soeur se comporte comme une politicienne véreuse, pitoyable. « on se voit rarement mais tu me racontes toujours la même chose, est-ce qu'il se passe si peu de choses dans ta vie pour que tu ne puisses pas changer de sujet ? tu t'ennuies, c'est ça ? est-ce que tu sers le même disque rayé à tes électeurs à chacune de tes apparitions ou est-ce que pour eux tu fais un effort ? »

/tw vulgarité:

t'es en deuil, putain. et tu te prends la tête avec ton aînée, une satanée diablesse qui se voile, au lieu de vous serrez les coudes comme n'importe quelle fratrie pour surmonter un moment difficile. mais vous n'avez jamais été une famille normale. vous êtes des morceaux de puzzles différents que votre défunt père a essayé de coller ensemble. une mauvaise idée devenu un échec. aurait-il pu en être autrement ? tu en doutes, flavie, car tu as toi-même contribué à cette dissonance entre vous. tu ne regrettes pourtant pas ton comportement d'hier ou d'aujourd'hui, tu les aimes pas ces pièces rapportées avec qui ça ne matchera jamais. la seule chose que tu regrettes, c'est leur existence. tu te passerais bien de leur présence, nienna en tête de liste. toujours à te rabaisser, toujours à te faire comprendre que t'as bien moins réussi qu'elle. tu n'as pas eu autant de chance, c'est tout et c'est seulement ça. mais elle oublie que t'es habituée à force, t'es presque totalement imperméable à son venin. ça ne te touche pas spécialement parce que ce n'est pas ta soeur que tu vois en face, mais une politicienne véreuse qui n'a pas sa place dans cette maison. « sans doute pour la même raison qu'il a laissé ton nom sur son testament et ce, malgré que tu lui as toujours préféré ta mère et son incapacité à t'élever. » elle est douée pour passer des pommades nienna, mais sa véritable allégeance ne fait aucun doute. et après on parle de toi, qui veut profiter de ce qui reste de votre défunt père. ta demi-soeur est mal placée pour l'ouvrir alors que toute sa carrière repose sur l'argent qu'elle a extirpé à votre paternel.  « c'est l'hôpital qui s'moque de la charité. » tu souffles; à double tranchant. si t'espérais encore passer récupérer tes affaires sans faire de vagues, c'est raté, chérie. « non. une pute ça écarte les jambes devant le premier venu moyennant contre partie. t'as trouvé un pigeon intéressant, n'est-ce pas, nienna ? » la tête légèrement penchée sur le côté, tu lui offre un beau sourire moqueur à ta frangine. ta vie ne fait certes pas rêver mais la sienne non plus. elle te fait plutôt pitié en fait, à se conformer à un modèle social pour faire comme les autres, pour enjoliver son image d'élue à la mairie. pour mieux mentir. « et ça se fait engrosser pour... pourquoi en fait ? pour mieux jeter ton mioche une fois qu'il ne sera plus assez mignon avec ses joues rondelettes pour émouvoir ton électorat ? » évidemment que tu ne te souviens pas du prénom de son gamin. en réalité, t'es même pas certaine de l'avoir su un jour. mais ce qui est sûr, c'est que tu ne lui a jamais demandé. parce que t'en as rien à faire de sa progéniture, comme le reste des choses qu'elle entreprend. c'est pas tes affaires, c'est pas ton problème. « mais toi tu les décevras, car tu leurs fais miroiter des promesses que tu seras incapable de tenir. te connaissant, tu n'en as de toute façon pas l'intention. du coup ils te détesteront. ils cracheront sur ton nom. sur celui de ton affreux petit bébé. ils finiront par t'attendre aux sorties de la marie, par t'insulter. quel bel avenir, curieusement je ne t'envie pas. » t'avances, passe à côté sans à un regard. « si tu permets madame la future maire, je ne voudrais pas pourrir ton air plus longtemps. »

ta famille (si on peut vraiment la considérer comme tel) est dysfonctionnelle. elle l'est depuis toujours et ça ne changera pas. ni aujourd'hui, ni demain. un dur constat qui ne t'effraie pourtant pas le moins du monde. t'as eu le temps de te préparer à ce qui va suivre. et en réalité, le décès de ton père ne fait qu'officialiser quelque chose que tu sais depuis longtemps déjà. tu te retrouveras toute seule, flavie. définitivement. mais au fond, ça ne changera rien car tu l'es déjà. tes fausses soeurs n'existeront plus dès le moment où tu quitteras définitivement la maison qui t'as vu grandir. vous n'aurez plus jamais besoin de vous parler, plus jamais besoin de vous voir. tant mieux. tu comptes bien aller jusqu'à en oublier leurs prénoms et leurs existences. tu vas les rayer de ta vie une bonne fois pour toutes. que nienna profite bien de sa dernière occasion de se pâmer devant toi, car c'est la dernière. rien que le fait de savoir que ces mots n'auront plus jamais l'opportunité de t'importuner, ça te donne du baume au coeur. ça te donne l'impression d'être intouchable. « la seule raison pour laquelle les prénoms de chacune de nous figurent sur le testament c'est que notre aurait fait forte mauvaise impression à en enlever ne serait-ce qu'un seul. et tu sais ô combien son image lui tient à coeur dans la vie comme dans la mort. ne pense pas que c'est parce qu'il t'aimait plus que les autres. plus que moi. il n'a toujours eu d'yeux que pour les autres.  » les pièces rapportées. tu avais peut-être réussi à établir un petit quelque chose de particulier entre ton père et toi mais ça n'était rien de comparable avec le lien qu'il entretenait avec tes soeurs adoptives. que nienna soit capable de l'admettre ou non, elle et toi étiez à part. il y avait ces filles d'ici et d'ailleurs d'un côté puis de l'autre, vous. enfin, elle et toi puisque vous n'avez pas saisit la chance de vous unir pour être plus fortes à deux. il y aurait pu n'avoir que deux camps mais il y en avait trois. mais plus tu la regardes et plus tu ne vois pas comment, même avec toute la volonté du monde, ça aurait été possible. «si tu fais référence à l'absence de ma mère en espérant me blesser, tu te trompes. sans compter que c'est lâche de s'en prendre à quelqu'un dans l'impossibilité de se défendre. ceci-dit, venant de ta part ça ne me surprend pas. telle mère, telle fille. » il va sans dire que tu regrettes sincèrement de ne pas avoir connu ta mère et que bien des choses auraient été différentes si elle était encore en vie mais ça fait si longtemps que t'as accepté l'injustice de vos destins pour t'en montrer aujourd'hui affectée devant nienna. t'as le coeur verrouillé, ne lui en déplaise. «je fais honte à toute la famille ? quelle famille ? les cinq autres ? parce que tu crois qu'elles t'aiment plus que moi ? mais ma pauvre, t'es aussi détestable que moi. tu l'es même plus que moi, en fait. t'es l'aînée mais t'as jamais montré l'exemple. tu ne les as jamais accepté. moi non plus tu ne m'as jamais accepté. tu nous a toutes détesté dès l'instant où tu as posé les yeux sur nous. c'est sur toi que ton électorat cracherait si il découvrait la peste qui se cache derrière la politicienne. » ce que t'es devenu, c'est de sa faute. pas exclusivement mais nienna a sa grosse part de responsabilité. «t'es la dernière personne à pouvoir me faire des leçons, nienna. la dernière. tu te moques de ma vie pour mieux oublier que la tienne est pitoyable. parce qu'elle l'est mais tu te voiles la face derrière des pseudos réussites. tu te donnes des grands airs mais au fond, t'es toujours cette gamine qui se bat pour être quelqu'un. pour qu'on l'aime. et pour qu'on t'aime t'es prête à écraser tout le monde. y compris tes soeurs qui ne t'ont jamais rien fait si ce n'est naître. mais t'es pas aimé. les votes de ton électorat c'est pas de l'amour. ton mari se tape probablement d'autres femmes quand tu es au travail et ta mère se souvient de ton existence maintenant que tu n'es plus en âge de lui faire une crise d'adolescence. la seule personne qui peut vraiment t'aimer, c'est ton mioche. j'ai sincèrement de la peine pour toi, nienna. parce que tout ce que t'as aujourd'hui dans ta vie n'est qu'illusoire.  » elle se croit probablement au sommet de sa gloire ou presque mais de vous, elle est celle qui a le plus à perdre à l'avenir. alors que toi, t'as tout à gagner. et quand enfin les rôles s'inverseront tu ne seras pas là pour sécher ses larmes. tu ne seras là pour l'entendre crier à l'injustice non plus. tu ignoreras sa détresse comme elle a toujours ignoré la tienne. « t'es pas une soeur, t'es un parasite. j'imagine que tu penses la même chose de moi mais ne t'inquiètes pas, je ne te ferais plus honte. on ne se verra plus, désormais. » c'est une page qui se tourne. mine de rien, ça te fait un petit quelque chose mais c'est juste de la peur. dans le fond, tu sais que c'est pour ton bien. la seule possibilité d'être heureuse c'est de te détacher de ton passé. alors tu détournes le regard, tu ne veux plus voir nienna. tu veux que le souvenir de son visage s'efface le plus rapidement possible. le sien et ceux des autres aussi. tu grimpes les marches et t'espère sincèrement qu'au moment de partir tu ne croiseras plus personne. cet échange t'as mis les nerfs à fleurs de peu, plus que tu ne les avais quand tu es arrivé. t'es fatiguée et tu as hâte de rentrer chez toi pour te sentir enfin en sécurité.