Vraie visage de la musique - PV Silene

Ce ne devait être qu’un verre, qu’un bref moment, loin de cette discussion qui s’approfondie, qui se construit, dans même la voir venir. En un rien de temps, elle se laisse guider, se laisse aller, Silene, à ce qui ne lui ressemble pas. Le goût de l’alcool sur ses lèvres qu’elle apprécie comme elle apprécie sa compagnie, comme elle apprécie ce qu’il lui raconte sur lui, sur son père, sur sa boutique. T’es pas habituée à ça, Sisi. Pas habituée à ce genre de discussions, de relations, avec les hommes. Pas habituée à t’engouffrer de manière complètement désintéressée. Et elle prendrait presque peur, en réalisant qu’elle n’attend rien de lui. Qu’elle n’a rien à extirper. Qu’elle ne cherche pas non plus à lui faire de mal, à l’agripper, à l’attacher dans ses filets. La sirène ne bouge pourtant pas, maintien son regard planté dans le sien, boit la moindre de ses paroles, admire avec quelle passion il lui parle de sa boutique et de ce qu’il entreprend.T’es bien loin de pouvoir en dire autant de ton travail à toi, Silene. Tu rêvais de cinéma, de réaliser les plus grands films, et te voilà chargée de production dans une télé-réalité, à détruire toujours un peu plus les faiblards qui participent au programme. - J’en serais ravie. Je vais vous laisser mon numéro de téléphone et… Vous me direz quand je pourrai passer. La promesse de se revoir, dans d’autres circonstances, bien plus formelles, bien plus réelles. La promesse de se revoir, de ne pas laisser la lumière du soleil faire disparaître cet instant rien qu’à eux. Un instant qu’elle aimerait déjà voir revenir, accompagné d’élans aussi simples que ceux du jour. Un instant qu’elle lui propose, à demi-mots, bien plus puissant, bien plus réel, un voyage. En Italie, sa terre natale, celle qu’elle ne retrouve jamais mais qu’elle rêve de redécouvrir. - Non, jamais. Qu’elle répond, haussant les épaules avec un brin de nonchalance, souriant avec sincérité en espérant ne pas le faire fuir. Ce serait pourtant bien mieux pour lui, Sisi. - Mais il faut un début à tout. Un début pour de nouvelles aventures, pour de nouvelles rencontres, pour expérimenter cette nouveauté qu’elle trouve à ses côtés.

(c) calaveras.

Un numéro, griffonné sur l’une des petites serviettes carrées du bar. Un numéro de téléphone, une série de chiffres destinée à se donner un autre rendez-vous. Une autre fois, dans un autre endroit, pour vivre à nouveau un moment qui semble hors du temps. Cette fois encore, son inconnu favori semble surpris, comme s’il ne s’attendait pas à l’intérêt qu’elle procure. Comme s’il n’avait pas envisagé l’idée qu’elle puisse chercher à le revoir. Pourtant, tu passes un bon moment, Silene. Pour une fois, sans arrières pensées. Et c’est peut-être justement parce qu’il est différent, parce que vous n’avez pas les mêmes codes, tous les deux. Vous êtes foncièrement différents et il est une bouffée d’air frais, pour toi, Sisi. Les mots sonnent à son oreille avec douceur, elle entend la passion dans son timbre, l’émotion, presque, qui se distingue du métier qui est le sien. Quelque chose qui se trouve à des années lumières de ce qu’elle fait, elle. De ce qu’elle fait quotidiennement, détruisant la vie des candidats qui s’en remettent à elle, en toute impunité. - Très bien. Je viendrai pour ma visite, alors. Le sourire qui s’est installé presque machinalement sur son visage. Comme une manière pour elle de lui montrer combien elle est sincère. Parce que le sourire, il est différent. Il ne ressemble en rien à ceux qu’elle offre dans le but d’obtenir quelque chose en retour. Non, tu n’as rien à obtenir, juste un moment de plus en sa compagnie. - L’âge… C’est beaucoup trop surfait, vous savez. Clin d’œil en sa direction, certaine de ce qu’elle avance. Certaine de ne pas vouloir s’arrêter à quelque chose d’aussi superficiel. Parce que l’alchimie semble faire son œuvre, parce que la discussion s’est révélée beaucoup trop enrichissante. Parce que l’idée d’un autre moment avec lui vient te ravir, Silene, et que ne veux pas laisser un simple chiffre venir tout bousiller.

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