San Francisco / retrouvailles mouvementée. (Thomella #6)

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{ retrouvailles mouvementées }
crédit/ tumblr ☾ w/@Thomas Farrel

La nuit a été agitée. Elle a senti Thomas gesticuler dans tous les sens, toute la nuit durant. Incapable de trouver le sommeil, la peur au ventre de ce qui l’attendait au réveil. Elle a essayé de l’apaiser, l’écorchée, autant qu’elle le pouvait. C’est relativement tard qu’ils se sont endormis. Le matin, très tôt, elle sent une légère caresse dans sa crinière tout emmêlée. Mais, encore épuisée de la veille, l’âme en peine ne se réveille que quelques longues minutes plus tard, quand revient Thomas. Le corps encore emmitouflé sous les draps, n’en sort que sa frimousse mal réveillée. Un faible sourire apparaît sur son visage quand il y dépose ce baiser si tendre, avant qu’elle n’acquiesce légèrement d’un petit signe à peine perceptible devant sa demande. – J’te retourne pas la question. elle fait remarquer avant de se forcer à se redresser. Sa main glisse contre l’épaule de son ami comme un geste de réconfort. Elle se doute que la nuit n’a pas été facile… les heures qui vont suivre ne le seront pas non plus. Définitivement pas du matin, la gamine paumée grommelle un peu en se levant, refroidie à peine sortie du lit. Avant toute chose, elle veut aller prendre une douche, ne serait-ce que pour sortir de son état léthargique. Mais, avant de rejoindre la salle de bains, elle entend la proposition, puis surtout, la voix tremblante de son interlocuteur. – Thomas… t’sais qu’on va pas pouvoir repousser ce moment encore longtemps… elle se rapproche de lui, lentement, pour le prendre dans ses bras affectueusement. – Bon, j’prends une douche et on va manger un bout, ok ? et c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont pris un petit-déjeuner directement à l’hôtel. Ella, elle n’a bu qu’un café, parce qu’elle a trop souvent l’estomac noué quand elle vient de se réveiller. Plus encore en ce jour particulier. Elle sent, elle ressent, l’angoisse de Thomas comme si c’était la sienne. Irrémédiablement empathique, déjà envers autrui, Ella, tu l’es plus encore quand il s’agit d’un si précieux ami.Mais, le petit-déjeuner terminé, les deux jeunes gens ne peuvent plus reculer. C’est ainsi que, après un trajet qu’ils ont préféré prendre à pied, ils se retrouvent devant une porte menant tout droit au passé. Les prunelles assombries se posent sur son ami, l’air préoccupée, la tourmentée n’ose imaginer l’état dans lequel il doit se trouver. Son propre cœur semble prêt à exploser. – Ça va aller, Thomas… t’es pas tout seul, j’suis là. et, comme pour le prouver, elle glisse ses doigts fins entre les siens. Elle serre la main entrelacée à la sienne pour lui rappeler tout son soutien. – On y va quand t’es prêt. elle clame avec patience ; et tente de lui montrer à tout prix sa présence. Quoi qu’il se passe, aujourd’hui, vous l’affronterez ensemble.

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{ retrouvailles mouvementées }
crédit/ tumblr ☾ w/@Thomas Farrel

Elle n’aurait jamais cru devenir si proche de son dealer.
Elle n’aurait jamais cru qu’il prendrait, un jour, une place aussi importante dans son cœur.
Mais il a su s’y immiscer, tout doucement, lentement mais sûrement, il est devenu ce visage familier. Ce garçon qu’elle est contente de retrouver le matin quand elle se réveille dans cet appartement resté vide bien trop longtemps. Il est devenu cette âme vacillante sur laquelle t’as commencé à veiller, toi, Ella, incapable pourtant de t’occuper de toi-même. Pourtant, avec lui, t’essaies de donner la plus belle partie de toi. Avec lui, t’essaies d’être une bonne amie, une bonne personne… il y a longtemps que tu ne t’y es plus risquée pour quiconque. Mais Thomas, au fil du temps, devient de plus en plus indispensable dans son existence. Au même titre qu’il prend, dans son cœur, une place de plus en plus prépondérante. C’est certainement pour cette raison qu’elle l’a suivi sans hésiter, dans cette ville où elle n’a jamais mis les pieds. C’est pour cette raison, aussi, qu’elle s’évertue de se montrer la plus douce, la plus attentive, la plus patiente possible. Elle sait combien il doit redouter le moment qu’il va devoir affronter. Elle sait que, s’il le pouvait, il le repousserait le plus loin possible, jusqu’à la fin de son séjour. Peut-être même qu’il repartirait sans avoir osé franchir le pas de la porte de cette maison si redoutée. L’âme tourmentée tente, tant bien que mal, de lui changer les idées, apaiser son esprit comme elle peut, sans guère y arriver. Au bout du compte, elle réalise qu’il n’y a que lorsqu’il se retrouvera face à son bourreau que sa nervosité le quittera. Alors, le petit-déjeuner trop vite oublié, les deux amis se rendent jusqu’à cet appartement qui était autrefois celui où vivait Thomas. Ses doigts entrelacés aux siens, la sulfureuse tente de le rassurer avec les dernières paroles qu’elle peut encore lui offrir. Des mots si anodins à côté de ce qu’il s’apprête à vivre. Le jeune homme la remercie, juste avant que la porte ne finisse bien trop vite par s’ouvrir. Les voilà face à la réalité… face à la mère qui ne devait plus l’espérer. C’est ce qu’elle confie, d’ailleurs, elle n’imaginait plus le revoir un jour. Et toi, tu ne peux pas t’empêcher de te dire qu’elle aurait pu le chercher. Elle aurait pu le retrouver. Elle aurait pu être là, pour lui, plutôt que l’abandonner. Plutôt que lui préférer le monstre qui l’a tant torturé. Trop sensible, Ella, trop touchée par son ami, pour pouvoir être indulgente, elle éprouve pour lui une profonde affection. Et les sentiments, chez elle, c’est bien souvent par la colère qu’ils éclatent. Mais elle garde le silence pour laisser la mère et le fils s’enlacer. Ce n’est qu’à cet instant que leurs deux mains viennent à lâcher. Puis, finalement, c’est à son tour de la saluer. – Bonjour madame. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, les parents ne l’ont jamais aimée. À commencer par les siens, ceux de ses amis les ont vite imités. Trop rebelle, trop conflictuelle, empreinte des excès qu’elle s’enfile dans le nez, Ella serait sûrement la pire belle-fille qu’il pourrait lui présenter. Mais la mère de Thomas vient la saluer de deux baisers sur les joues alors qu’elle reste un brin surprise, quoique moins encore par sa question. Par chance pour elle, le jeune homme l’avait prévenue d’une telle possibilité. – Je suis Ella… enchantée de vous connaître. dit-elle, presque trop polie pour paraître réelle. Entre ses lèvres, c’est un brin étrange, mais elle veut faciliter les choses au maximum pour son ami. Elle veut être là pour lui.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Thomas Farrel

Jamais, elle n’aurait cru qu’ils deviendraient amis. Jamais, elle n’aurait cru qu’il prendrait une place aussi précieuse dans sa vie. Thomas, il n’était qu’un dealer, une vague connaissance jusqu’à ce soir où elle s’est laissée aller au jeu des confidences. Elle souffrait, elle souffrait terriblement cette nuit. Puis il y a eu le baiser qu’il lui a volé, la colère qui l’a submergée, et encore tant d’autres rebondissements avant qu’ils n’en arrivent ici.
À ce moment précis.
À cet instant qui lui aurait paru surréaliste, de longs mois plus tôt, mais qui l’a à peine surprise aujourd’hui. À cet instant où elle est là, à ses côtés, prête à le soutenir dans cette dure épreuve qu’il s’apprête à affronter. Elle n’a pas hésité une seule seconde à venir avec lui dans cette ville qu’elle ne connaît pas, pour se confronter elle aussi aux pires démons de Thomas. L’âme en peine n’est peut-être pas la meilleure personne pour un tel moment. Elle est, elle-même, prisonnière d’une telle détresse qu’elle ne sait pas si elle saura le réconforter, l’épauler, lui donner la chaleur dont il aura sûrement besoin après que ce soit passé, ou même, pendant. Mais il y a quelque chose, chez lui, qui ne la laisse pas indifférente. Incapable d’être insensible face à sa souffrance, l’écorchée vive a toujours pris les peines des autres comme les siennes. C’est pour cette raison, même, qu’elle ne peut qu’aller mal dans un monde empli de tant de travers.

C’est plus vrai encore avec Thomas.

Comme s’il savait se frayer un chemin parmi toutes les barrières autour de son cœur, comme s’il savait lui faire oublier sa propre douleur. Ella, pour lui, elle oublie tous les tourments qui la submergent depuis toujours. Elle oublie tous ses maux pour être là pour celui qui, au fil du temps, est devenu cet ami si précieux. Elle ressent ce besoin irrépressible et si difficile à expliquer, ce besoin de le protéger. C’est loin d’être quelque chose qu’elle a l’habitude de ressentir, la camée. Parce qu’elle est trop brisée elle-même pour prendre le temps de s’inquiéter pour les autres, parce que c’est souvent sur elle que ses proches veillent, parce qu’elle est celle que l’on veut protéger, non celle à qui l’on demande de nous aider.
Thomas, il est différent, peut-être parce qu’il est aussi abîmé qu’elle.
Peut-être même encore plus qu’elle. Il a subi des sévices qu’elle ne pourrait jamais imaginer.
Thomas, il est différent, parce qu’il la voit comme quelqu’un de bien.
Il voit en elle cette lumière qu’elle n’a pas, mais qui lui donne envie d’essayer d’être à la hauteur de cette estime qu’il a. Il fait naître en elle ce sentiment, ce besoin d’aider les autres. L’aider, lui, seulement, pour le moment.

Mais il déclenche en elle une fibre qu’elle ne connaissait pas avant lui,
qu’elle découvre davantage chaque fois qu’elle se rapproche plus de son ami.

C’est cet élan qui lui donne le courage d’être là, en cet instant difficile, auprès de lui. Un brin intimidée par la chaleur offerte pourtant sans la connaître de leur hôte, Ella, elle n’est pas habituée. La mère de Thomas a l’air si gentille que c’en est assez pour la déstabiliser. La gamine paumée lui offre un petit sourire un peu embarrassé tout en entrant dans la demeure où a grandi son allié. Saisissant sa main, celui-ci ne tarde pas à y déposer un baiser, alors qu’elle masque mal qu’elle est troublée. Elle tente de donner le change, devant sa maman, parce qu’elle lui a promis de faciliter la situation pour lui autant qu’elle le pourrait. Devant le silence de Thomas, c’est elle qui décide de répondre de sa voix la plus courtoise. – Juste de l’eau, s’il-vous-plaît. Mais quelque chose lui dit qu’elle ne va pas l’écouter. La poupée écorchée se laisse attirer par son colocataire sur le canapé, elle lui adresse un sourire destiné à l’apaiser. – Oui, oui, ça va… et toi ? elle demande dans un murmure alors que ses prunelles cherchent les siennes. Elle n’est pas dérangée par le geste de Thomas, elle a l’habitude qu’il soit tactile avec elle. En vérité, c’est davantage les questions de sa mère qu’elle redoute… et elle a raison. Celle-ci à peine revenue s’adresse à elle. – Alors, dites-moi tout Ella, que faites-vous dans la vie ? Une question simple pour la plupart des gens, beaucoup moins pour l’âme en perdition. Parce qu’à part te droguer, Ella, tu fais pas grand-chose en réalité. T’es qu’une camée, une junkie qui passe ton temps à t’enfoncer, toujours plus loin que tu pourrais. – Je suis comédienne. – Oh, j’ai pu vous voir dans quelque chose ? Là, peut-être, dans le rôle de petite-amie de votre fils, t’as envie de lui dire. Mais tu réprimes ton cynisme. – Non, c’est du théâtre, sur des petites scènes, à New York… Et sans se rendre compte, elle commence à confier des choses vraies, du moins qui l’étaient, sur son passé. – C’est comme ça que vous vous êtes rencontrés tous les deux ? La question qui tue.

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{ retrouvailles mouvementées }
crédit/ tumblr ☾ w/@Thomas Farrel

Bref instant de répit, laissé par la mère le temps de servir, Ella se tourne tout de suite vers son ami. Elle veut s’assurer qu’il gère la situation, autant qu’il le peut, malgré toutes ses émotions. Tout le flot de sentiments qui doivent l’envahir face aux retrouvailles avec celle qui l’a mis au monde. L’âme en perdition laisse ses opales assombries dévier vers le salon. Vers cette pièce où Thomas a grandi. Elle tente de l’imaginer, en train de jouer à des jeux vidéos devant la télévision, ou bien se prélasser sur ce même canapé avec une petite-amie. Elle tente de l’imaginer, de toutes ses forces, sans réellement y arriver. Parce qu’il a ce vide dans le regard, Thomas, parce qu’il a cette souffrance qui ne le quitte pas. Elle a du mal à visualiser l’enfant qu’il était parce que, aujourd’hui, il n’en reste plus que cet être fragilisé ; esseulé ; brisé par l’homme qui habite ici même, dans cette maison qui n’est plus la sienne. Le palpitant noué, la camée s’efforce de chasser toutes les pensées obscures qui la submergent. Elle ne peut pas les laisser l’assaillir, pas ici, pas devant la mère de son ami. Car elle risquerait de lui balancer en plein visage qu’elle n’a pas su le protéger ; le préserver ; qu’elle a laissé un autre le bousiller. Et tu ne peux pas t’empêcher de faire un parallèle avec ta propre détresse. Ella, t’as pas eu les mêmes sévices, mais t’as gardé les mêmes séquelles. Les écorchures provoquées par ces parents qui n’ont pas su te protéger, vous protéger ; qui ne savaient pas assez vous aimer. Hypersensible, la tourmentée, elle se sent blessée par les fêlures de son allié comme s’il s’agissait des siennes. Seulement elle n’est pas venue pour afficher sa colère.

Elle est là, Ella,
seulement pour veiller sur Thomas,
être présente pour lui comme à chaque fois.

Alors ‘âme vacillante s’efforce de maintenir un calme plutôt convaincant. La rancœur réprimée, elle force un sourire fêlé quand leur hôte vient à s’approcher. Lentement, la conversation est lancée. C’est sur la ténébreuse qu’elle est tournée. La description improvisée d’une rencontre qui n’a jamais eu lieu par l’ancien dealer est si loin de la vérité. Elle la met, bien plus, bien trop, à son avantage alors qu’elle n’était qu’une paumée qui cherchait à se poudrer le nez. Elle en est presque gênée, Ella, embarrassée de véhiculer une image aussi angélique alors qu’elle a la sensation d’être le diable incarné ; un monstre avéré, loin de l’ange innocent et bienveillant qu’il semble si facilement imaginer. – Et je ne l’ai jamais regretté. elle confie avec une drôle de sincérité. Peut-être parce que, si elle est loin de l’avoir aidée de cette manière, elle l’a fait à la sienne. Elle l’a fait en veillant sur lui, quand il était au plus bas, en le prenant aussi comme colocataire. Et surtout, maintenant, en ce moment même. Peut-être qu’il n’a jamais eu autant besoin d’elle qu’à cet instant précis, Thomas. Sur cette pensée qui vient la submerger, la môme s’empresse de serrer sa main dans la sienne, ses phalanges toujours entrelacées aux siennes.

Comme un instinct qui lui revient,
juste avant qu’il ne se lance enfin.

Ella, elle le cœur battant ; les palpitations violentes. À l’unisson avec celui de son ami, soudain liée à lui, comme jamais elle ne l’avait été. Comme si elle sentait de manière fulgurante la peur, l’angoisse, la douleur qu’il laisse de plus en plus entrevoir. Ses doigts délicats se resserrent encore plus contre ceux de Thomas. Et la vérité est là. Dite sans tabou, sans faux-semblant, sans fioriture pour masquer l’horreur qu’il a subi. Sans aucun artifice, aucun subterfuge pour diminuer son agonie. Tout de suite, plus que sur sa mère, c’est sur son ami qu’Ella laisse vient poser ses prunelles. Elle voit la perle salée apparaître sur son minois blessé. Sa main libre vient tendrement l’essuyer, puis se poser sur son dos pour le caresser. – T’as fait le plus dur Thomas… elle confie, la voix elle aussi meurtrie. Elle n’a pas besoin de faire semblant d’être sa petite-amie. Pas pour se sentir concernée, pas pour l’aimer. – J’suis là. elle vient à ajouter, dans un souffle imperceptible, à peine murmuré. Elle veut lui prouver que, peu importe la réaction de sa mère, il a fait le plus difficile, le plus douloureux. Lui dire, aussi, qu’elle ne le lâchera pas ; coûte que coûte, elle restera.