san francisco / les cœurs saignent et s'accrochent en haut de tes bas. (thomella)

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{ Les cœurs saignent
Et s'accrochent en haut de tes bas }
crédit/ tumblr ☾ w/@Thomas Farrel

Les paupières fermées, la tête retombée sur l’homme qui se tient juste à ses côtés, elle s’est endormie sans le remarquer. C’est peut-être le trop-plein de toutes ces nuits sans dormir, ces jours entiers à souffrir. C’est peut-être toutes ces heures de train. C’est peut-être juste qu’elle en avait besoin. Ou, alors, c’est la présence de Thomas qui parvient à l’apaiser. Son ami, à ses côtés, semble tenir tous ses vieux démons éloignés. Ils ne passeront qu’un week-end à San Francisco, mais pour ce seul week-end, elle a envie de maintenir tous ses tourments à distance. Oublier toute leur importance. Elle ne fait pas tout ce voyage pour elle, la diablesse. Non, pour la première fois depuis longtemps, elle pense à quelqu’un d’autre qu’elle-même. C’est à Thomas qu’elle pense, uniquement à Thomas qui a besoin de ce séjour. Il a besoin de voir sa mère une dernière fois, peut-être aussi se confronter à son beau-père. Cela, elle ne sait pas s’il le fera, s’il en sera capable. Elle a peur pour lui, en réalité, peur de le voir encore plus détruit. Mais peut-être qu’il n’y a que comme ça qu’il pourra tirer un trait définitif sur son passé. Sans l’oublier, car c’est impossible d’oublier. Mais il pourrait l’accepter, vivre avec le drame qu’il a traversé. Et, enfin, s’autoriser le bonheur tant mérité. C’est tout ce qu’elle lui souhaite, Ella. C’est aussi pour cette raison qu’elle est là. Elle a accepté de le suivre pour lui témoigner son soutien, sa présence. Lui montrer qu’il n’est pas seul dans cette épreuve.

Lui montrer que,
peu importe ce qui arrive,
tu seras toujours là pour lui.

Elle ne sait pas si elle sera d’un grand soutien. Surtout en ce moment où, elle-même, ne va pas bien. Le cœur à la dérive, depuis qu’il est parti, elle se laisse submerger chaque jour davantage par les démons qui l’habitent. Mais ses amis, ils sont la seule chose qui lui reste. Elle ne veut pas les perdre, eux aussi. Avec Thomas, ils ont connu des hauts et des bas. Une relation conflictuelle, parfois passionnelle, tant il l’a fait passer par toutes les émotions. Mais il est devenu son ami, un précieux ami auquel elle s’est attachée sans réaliser mais dont elle ne veut plus se détacher. Alors elle a envie d’être là pour lui, la féline. Et pourtant, elle a fini durant le trajet par s’endormir. C’est quand la voix informant les voyageurs qu’ils sont bientôt arrivés à leur destination qu’elle se réveille doucement. Ses paupières s’ouvrent péniblement avant qu’elle ne redresse tant bien que mal la tête, pour relever sur lui son regard ébène. – Merde, je me suis endormie… elle lâche, coupable, elle se sent mal. Elle ne voulait surtout pas le laisser seul avec ses craintes et ses tourments, pas dans un tel moment. – T’aurais dû me réveiller. déclare-t-elle en glissant sa main contre son visage pour se forcer à se réveiller pleinement. Ses prunelles se posent sur les pupilles bleutées de son ami avant qu’elle n’ose lui demander, inquiète pour lui. – Comment tu te sens, dis ? Elle se doute qu’il doit avoir peur. Il doit même être mort de peur. Mais il ne sera pas seul dans cette épreuve. Pour ce qu’elle vaut, l’écorchée vive, elle se tient là, bien accrochée à lui.

si tu saute, je saute. pas vrai ?

San Francisco. La nuit est tombée sur la ville. Ella dort à côté de toi, sa tête repose sur ton épaule. Toi, tu ne parviens pas à fermer un oeil. Tu n'y arrive pas. Le coeur battant la chamade, tu sais que la journe du lendemain sera lla plus compliquée de toute ta vie. Tu vas revoir ta mère ainsi que lui, cet homme qui t'as fait tant de mal et qui t'as détruit. Tu n'arrive pas à dormir. Ton cerveau s'y oppose. Tu n'arrive pas à fermer les yeux et à trouver le repos. Ton visage se tourne du côté de Ella. La jeune femme dort paisiblement. Ta main caresse la sienne, tu dépose un baiser sur son front. Tu tente de calmer les battements de ton coeur, en vain. Te retrouver dans cette ville est étrange. Elle ta vue naître, grandir et évoluer. Elle t'as vu sombrer dans la dépression. Ça fait des années que tu n'es pas revenu, en apparence San Francisco ne semble pas avoir tant changé que cela. Ce n'est pas la ville qui change, c'est toi. Tu as changé. Renfermé sur toi-même, ne laissant personne franchir ton espace vital. T'étais comme cela lorsque tu es parti. Ella, elle est la première à avoir su franchir les barrières que tu as construite tout autour de toi. La première mais pas la dernière. Il y a cette fille, une blonde que tu as rencontré lors d'une soirée dans un night club. C'est l'une des danseuses offrant également ses charmes aux mâles venus la regarder sur scène. Tu as fait parti de ces hommes sauf que toi, t'es réellement attiré par elle. En sa présence, tu te sens bien. C'est comme si toute la souffrance que tu as accumulé jusqu'à présent s'envolé soudainement. Tu as prévenu la blonde de ton petit séjour à San Francisco. Tu ne sais pas comment les choses vont se passer pour toi ici, ce qu'il va se passer. Est-ce que ta mère va te croire ? Ou va-t-elle préférer croire l'homme qui partage sa vie ? Et s'il ne faisait plus parti de sa vie justement ? Trop de questions se bousculent dans ta tête. Elle va exploser si ça ne cesse pas. Ella va mal. Ce séjour va lui faire du bien. Ne serait-ce que parce que vous êtes ensemble. Vous avez mis beaucoup trop de temps afin de vous entendre, de vous apprivoisez. Tu ne veux pas la perdre maintenant. Ella semble ailleurs depuis le début de votre séjour, tu ne sais pas ce qu'il se passe. Malgré tout, et ce même si t'es la dernière personne à pouvoir l'aider, tu lui tendras cette main dont elle a besoin. Même si elle te repousse, prétextant ne pas avoir besoin d'aide. Une voix retentit dans le haut parleur, elle vous prévient que vous êtes enfin arrivés. Ella se réveille doucement. – Merde, je me suis endormie… Tu souris à la demoiselle. "C'pas grave. T'as rien raté tu sais !" Vous sortez enfin du moyen de transport, tu respire à plein poumon l'air extérieur. – T’aurais dû me réveiller. Délicatement tu prends sa main et l'entraine avec toi. Te retrouver sur le sol de ta ville natale est étrange. Tu ne pensais pas revenir un jour ici, et pourtant te voici arrivé. Tes mains se mettent à trembler, tu la resserres contre celle de Ella. "On va aller à l'hôtel !" Pas question d'aller voir ta mère ce soir, ça attendra demain. Levant la main bien haut dans le ciel, tu viens appeler un taxi. Le coeur battant toujours la chamade tu tente de te calmer mais en vain. – Comment tu te sens, dis ? Mort de trouille. L'envie de faire demi tour sur le champ. Un taxi s'arrête devant vous. Tu lui donne l'adresse de l'hôtel, il vous y conduit immédiatement. "ça va .. ça fait bizarre de revenir là où on est né, où on a grandi.." Tu dis en respirant lentement. "Je suis content que tu sois venue. Merci.. ça compte pour moi !" Le taxi s'arrête devant l'hôtel. À l'accueil, la dame te donne la clé de ta chambre. Ce n'est pas le plus bel hotel, on fait avec les moyens du bord. En ouvrant la porte de la chambre, tu découvre un seul lit. Grand certes mais un seul lit. "Et merde .. j'avais bien demandé deux lits séparés quand j'ai réservé.. Pardonnes-moi !" Tu dis, baissant la tête et lâchant ton sac à dos sur le sol, au pied du lit. Tu t'écroule dans le fauteuil près de la commode, plongeant ton regard dans celui de la jeune femme. "T'as faim ? J'crois que j'ai repéré un fast food en face de l'hotel.."

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C’est sans hésiter qu’elle a accepté de suivre Thomas pour ce séjour compliqué. Elle ne sait pas comment les choses vont tourner pour lui mais elle veut se tenir prête à ses côtés. Elle le sait si fragile, parfois, qu’elle n’aurait jamais eu le cœur à l’abandonner. Il faut le dire, même si elle a du mal à se l’avouer… Thomas, elle s’y est attachée. La tendresse du garçon, autant que sa vulnérabilité, a su adoucir son propre cœur pourtant si bien fermé. Chaque instant qu’ils ont partagé dans son appartement n’a fait que renforcer cette amitié. Si bien que, l’accompagner pour cette épreuve difficile a été comme une évidence pour l’écorchée. Elle refuse de le laisser vivre seul tous ces tourments. Pourtant, elle continue, elle, de lui cacher les siens effrontément. Il est au courant pour toutes les substances nocives, de l’alcool aux drogues illicites. Mais il ne sait rien de tout ce qui a fait d’elle la femme qu’elle est devenue. Cette fille submergée par les démons qui la rongent, cette fille qui s’est perdue. Il n’est pas au courant de son passé, ni même du cœur récemment brisé. Trop repliée, Ella, elle commence pourtant tout doucement à s’ouvrir à lui. Petit pas par petit pas, elle apprend surtout à avoir confiance en lui. Elle sait qu’il ne vit pas bien ses silences, qu’il ne demande qu’à partager sa souffrance. Lui-même a réussi à lui vouer une telle confiance, sans qu’elle ne sache encore comment elle a pu la mériter. Thomas, il a voulu tout lui donner. Mais c’est comme si elle s’y refusait, Ella, comme si elle avait peur de le contaminer. Le poison qui coule dans ses veines est beaucoup trop nocif, pour qu’elle ne redoute pas de le blesser, lui aussi.

Pourtant elle est là,
tout près de Thomas.

C’est comme si, tout en redoutant terriblement de le blesser, elle était incapable de s’en éloigner. Comme s’il était devenu trop important, trop précieux, pour qu’elle puisse désormais s’en séparer. Peut-être bien qu’il y a encore des fragments de sa vie qui tiennent suffisamment pour qu’elle ait encore peur de les perdre. Peut-être que, lui, elle commence à avoir peur de le perdre. Se retrouver avec Thomas, tout un séjour durant, ne l’effraie pas. Ils savent ce que c’est d’habiter ensemble, à la différence qu’ils auront simplement une chambre. La tête encore embrumée, elle suit son ami jusqu’à la sortie du train, main dans la main. Elle la serre un peu à son tour, Ella, comme si elle avait peur qu’il disparaisse. Mais elle se persuade que c’est pour lui, pour qu’il sache qu’il n’est pas tout seul. En chemin pour l’hôtel, elle ne jette pas un œil sur la ville qu’elle ne connaît pas, toute son attention reste portée sur Thomas. – Je suis contente d’être avec toi aussi, tu sais. Elle avait besoin de s’échapper de New York. De toutes les souvenirs qui s’y accrochent. Besoin de penser à autre chose qu’à ses tourments, besoin aussi d’être là pour lui. Dans le taxi, elle voit bien la peur au fond de ses iris. Elle caresse avec tendresse son bras en lui murmurant. – N’aie pas peur… t’es pas seul. J’suis avec toi. Maigre consolation sans doute, mais c’est tout ce qu’elle a. Les voilà arrivés jusqu’à l’hôtel. Les deux amis se munissent des clés de leur chambre auprès de la réceptionniste avant de la rejoindre. Ils se rendent vite compte du problème, qu’un seul lit dans la pièce. Un petit sourire apparaît sur le coin des lèvres de la ténébreuse. – Ha… C’pas grave, t’en fais pas. T’auras qu’à dormir par terre. elle le taquine, c’est sûr. Mais c’est surtout la première fois qu’elle le fait depuis un petit moment déjà. Elle se fiche bien de dormir auprès de Thomas. Elle se laisse tomber sur le lit sans plus de cérémonie alors qu’il lui demande si elle a faim. – Hm, ouais, t’as envie ? elle se redresse un peu sur le matelas pour mieux ancrer son regard. – Thomas… J’voulais te dire. Je sais que j’ai pas été très… présente ces derniers jours. Elle n’a rien dit, rien depuis que Morgan est parti. Mais il a dû le sentir, qu’elle allait encore plus mal qu’à son habitude, Ella. – Mais je suis là maintenant. J’te promets que tu peux compter sur moi. Elle ne se livre pas facilement, n’ouvre pas son cœur souvent. Mais elle a l’impression que c’est plus simple, ici, loin de leur ville. Loin de leur vie. Elle a moins peur, Ella, quand il n’y a plus que lui.

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Il y a quelque chose, dans la présence de Thomas, qui l’apaise. Peut-être parce qu’il lui ressemble, plus qu’elle ne l’a cru les premiers jours, peut-être grâce à cette douleur, peut-être juste grâce à sa tendresse. Il a, comme, l’effet d’une caresse. Une caresse douce et délicate qui soulage un peu son âme abîmée et lui fait oublier ses plaies. Elle est heureuse d’être partie à San Francisco avec lui, plus qu’elle ne l’aurait pensé quand elle a accepté de venir. Bien évidemment, ce week-end n’a rien d’un séjour idyllique. Ce ne sont pas des vacances, assurément que non. Il va faire quelque chose d’incroyablement difficile pour lui. Et elle, âme presque aussi fragile que la sienne, va l’aider à le faire. Elle ne sait pas si elle est la bonne personne pour le soutenir, Ella. Mais elle sait qu’ils seront plus forts à deux qu’il ne le sera tout seul. Déjà, parce qu’elle ne laissera pas cet homme, son monstre de beau-père, lui faire de mal. Elle ne le laissera pas une seconde, jamais, elle se le promet. Depuis qu’ils ont quitté ce train pour rejoindre le taxi, ils ne se quittent pas. Leurs deux corps collés contre le siège arrière de la voiture, elle essaie de manifester sa présence à ses côtés. Sans savoir, sans même se douter, que s’il l’a invitée… c’est aussi pour veiller sur elle. Ange gardien secret, c’est pourtant lui en ce moment qui a besoin d’un pilier. Devant ses remerciements, l’écorchée vive dépose à son tour sur sa joue un tendre baiser. – T’as pas à me remercier. Elle est son amie, après tout. Amitié parfois bizarre, sûrement bancale, mais amitié malgré tout. Elle ne sait pas quand, elle ne sait pas comment, mais elle s’est attachée à Thomas au fil du temps. Plus qu’elle n’admettrait, plus même qu’elle ne l’a voulu. Vivre dans le même appartement a consolidé ce lien si particulier entre eux. Aujourd’hui, elle n’a plus envie d’imaginer la vie sans lui. Alors, oui, c’est normal qu’elle soit là. Elle sera là, Ella, tant qu’elle le pourra. Tant qu’elle aura la force de l’être malgré toutes les souffrances en elle. Mais ces idées-là, elle ne veut pas y songer, pas pour le moment. Elle ferme les paupières, savourant uniquement les douces caresses entre leurs doigts entrelacés, tout le temps du trajet. Et les voilà qui arrivent tous les deux jusqu’à l’hôtel. Après avoir payé le chauffeur et récupéré leurs affaires, ils se dépêchent d’entrer à l’intérieur. Une fois dans leur chambre, les deux amis se rendent vite compte qu’ils vont devoir dormir ensemble. Elle ne peut s’empêcher de le taquiner, Ella. Et, devant, sa réponse, elle laisse échapper un rire en écho avec celui de son ami. Un bref petit rire. Le premier depuis qu’Il est parti. – Pas gentille du tout. elle lui sourit, presque tendrement, avant de s’asseoir sur le lit. Elle n’a pas besoin de lui dire, qu’il y a sa place lui aussi. – J’t’en prie, commande tout ce que tu veux. l’incite-t-elle, heureuse de le voir comme ça. Il en était si loin, il y a encore quelques mois. Il y a quelque chose qui a changé en lui, elle ne saurait dire quoi mais… il a, presque, l’air, heureux. C’est probablement d’avoir arrêté de dealer, un métier qui ne lui correspondait pas. Sa commande passée, il se rapproche d’elle quand elle essaie de lui parler, un peu, de ce silence qu’il n’a pas dû comprendre. Il balaie aussitôt ses excuses mais paraît surtout inquiet… elle le voit dans ses prunelles autant que dans les mots qu’il peut prononcer. L’âme en perdition baisse la tête, sans savoir comment réagir, ni surtout quoi dire. Mais il insiste, Thomas, et elle se sent suffisamment en confiance. – Je sais que tu ne me veux aucun mal, vraiment… elle précise, lentement, avant de relever tant bien que mal ses opales vers lui. – Il y a ce mec… c’était… mon premier amour. J’avais quinze ans et… et ça fait quinze ans que je l’attend. Elle se sent tellement minable, rien qu’à ses mots. Avoir cru, avoir espéré… pendant tout ce temps. – Et tu vois, c’était compliqué entre nous, on s’est déchiré tellement de fois, on… on n’arrivait pas à s’aimer. Puis, là il… il avait l’air prêt… moi aussi je l’étais, je crois… C’est comme si depuis tout ce temps on était dans deux univers différents et qu’enfin on… on arrivait à se rejoindre. Elle sent sa gorge se nouer. Elle se sent un peu plus détruite à chaque phrase qu’elle ajoute sur cet amour destructeur, cet amour définitivement terminé. – Et puis, il est encore parti. lance-t-elle, fataliste, parce que cette fois, elle sait que c’est définitivement fini. Qu’elle ne le reverra plus. Un léger rire, un peu amer, s’échappe de ses lèvres, comme si elle tentait de garder contenance. Se moquer d’elle-même pour éviter de se laisser submerger par les larmes et la souffrance. – J’suis vraiment conne hein ?

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Peut-être que ce séjour à l’autre bout du monde, rien qu’avec Thomas, lui fera du bien. Peut-être que c’est exactement ce dont elle a besoin. S’éloigner de ses démons, de cette ville aux mille tourments, pour se retrouver dans un lieu qu’elle ne connaît pas… avec lui, Thomas. Elle a la sensation de se retrouver soudain plongée dans une bulle imperméable face au monde qui l’entoure. Une bulle hermétique qui la protège face à toute l’horreur qu’elle ressent chaque jour. Elle pourrait presque avoir l’illusion de devenir une autre personne. Une personne moins torturée, moins tourmentée par les méandres de son existence. Pour la première fois depuis une éternité, ce n’est plus sur elle-même qu’elle est focalisée. C’est sur quelqu’un qui compte pour elle, quelqu’un qui fait désormais partie de son univers. Et elle se rend compte, pour la première fois, que cela peut lui faire du bien. Comme si, en se focalisant sur les blessures de son ami, ce sont les siennes qui disparaissaient. Ce n’est qu’une impression, qui sera vite écourtée, mais déjà bien plus que ce qu’elle éprouve depuis tous ces jours à se laisser sombrer. Et, pour la première fois, t’entrevois. Ce qui te sauvera peut-être plus tard. Un brin d’espoir, à travers son regard, à travers la sensation encore si faible d’apporter quelque chose de bon autour de toi. Une sensation agréable mais à laquelle elle ne fait pas tout de suite attention. Elle ne se focalise pas sur ses émotions. Parce que, ce soir et pour tout le week-end, c’est sur son colocataire qu’elle veut se concentrer. Il n’y a que lui qui prime, lui et tout ce qu’il peut éprouver. Elle se doute qu’il est effrayé, désemparé. Qu’il redoute ce qu’il va arriver dans les prochaines heures, quand il se sera retrouvé face à son beau-père. En réalité, elle aussi, elle est inquiète. Elle est inquiète de la douleur qu’il va ressentir même si, incontestablement, elle sera là pour le soutenir. C’est même déjà ce qu’elle veut faire, lui montrer qu’il a son attention, son soutien, toute son aide.

Tout ce dont il aura besoin,
tu seras là, Ella, pour le lui donner.

Son corps frêle plaqué contre le sien, elle ne le quitte pas, ne le lâche pas, tout au long du trajet. Elle veut lui montrer sa présence. Et elle sait, mieux que personne, que parfois les gestes valent plus que toutes les paroles du monde. Mais, devant ses mots, elle lui confie tout de même. – J’crois que ma place est plus importante ici qu’à New York. Avec lui plus qu’avec n’importe qui. Peut-être parce que, pour la première fois de sa vie, elle a la sensation que quelqu’un a besoin de son appui. Besoin d’elle. Sur cette déclaration, les deux amis quittent le taxi pour arriver à l’hôtel. Ils ne mettent pas longtemps pour s’installer dans la chambre qui, pour deux jours, deviendra la leur. Nullement gênée de cohabiter avec son ami, elle se sent suffisamment à l’aise avec lui. D’autant plus qu’ils vivent ensemble depuis déjà quelques temps. C’est de cette manière que leur amitié s’est consolidée, qu’elle a fini par se renforcer. Mais ce séjour la rendra certainement encore plus forte, encore plus puissante. Que Thomas veuille qu’elle l’accompagne témoigne de sa confiance en elle. Et puis, il n’est plus le seul des deux à avoir confiance en l’autre. Pour la première fois, elle se livre à lui. Pour la première fois, elle se révèle à lui. Laissant entrevoir la souffrance, brume si épaisse qui la ronge depuis trop longtemps, elle confie combien elle a mal. Combien elle se sent seule, aussi, à demi-mots. Le jeune homme paraît désolé pour elle, il la serre même dans ses bras dans une douce étreinte. – Moi je trouve que j’ai été conne… conne d’y croire encore. elle avoue dans un murmure, les prunelles baissées vers le sol terni. Elle se rend compte de tout ce temps perdu, ce temps passé à espérer, l’espérer, pour rien. Ne reste de cet amour cendré plus que son cœur pillé. Un cœur cadenassé, désormais, un cœur qu’elle ne voudra plus jamais redonner. – Non, je veux plus de tout ça… c’est pas fait pour moi. L’amour, non, il n’est pas fait pour elle. Il n’a rien fait d’autre que la plonger un peu plus dans les ténèbres. Elle aurait dû le deviner, Ella. Après tout, sa propre famille n’a jamais su lui montrer ce que c’est. Elle se serre un peu plus fort dans ses bras, les paupières closes comme pour empêcher ses larmes de couler.

Fatiguée de pleurer,
fatiguée d’être brisée.

Elle ne sait pas combien de temps elle tiendra. Là, tout de suite, elle a la sensation que pour l’accrocher à la vie, il n’y a plus que les bras de Thomas. Ils restent de longues minutes sans bouger, sans réagir. Jusqu’à ce que la sonnette de la chambre retentisse. Elle se force à se détacher de lui pour qu’il puisse se libérer et récupérer la nourriture commandée. Elle profite de ces quelques secondes pour tenter de retrouver son aplomb. Et, quand il revient, l’âme en perdition s’efforce de retrouver un visage plus ou moins normal. Il veut l’inciter à manger, même s’il doit deviner qu’elle n’en a pas le cœur. – Juste des frites alors… elle esquisse l’ombre d’un sourire avant d’approcher le plateau d’eux, comme pour éviter d’attirer davantage l’attention de Thomas sur elle et ses états d’âme… pas de celles qui ont l’habitude de se livrer, Ella. Elle en est presque intimidée, alors elle choisit de se focaliser sur lui plutôt que sur elle. – Ça te vient où cette histoire de prince charmant ? Il n’est pas aussi… romantique, d’ordinaire. À moins qu’il ait une raison mystérieuse de l’être.

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C’est la première fois qu’elle le dit à haute voix. La première fois qu’elle avoue, combien elle l’aimait, combien elle l’espérait. Combien elle l’attendait, sans jamais le confier à personne, sans même s’en rendre compte seulement elle-même en réalité. C’est la première fois, aussi, qu’elle dit qu’elle ne le reverra pas. Qu’il a disparu, maintenant, et à jamais. Qu’elle n’en entendra plus parler, qu’elle ne le verra plus, qu’elle ne le touchera plus. C’est comme si, jusqu’à cet instant, elle était encore en plein déni. Un peu, comme on l’est, après un décès. Mais la vérité est enfin exposée, cruelle, douloureuse. Tortueuse. À te briser, une fois de plus, le cœur. Un cœur déjà trop souillé, trop rongé, par toutes les souffrances du passé. Un cœur qui ne s’en remettra sans doute jamais. Elle ne veut plus de l’amour, elle ne veut même plus en entendre parler. Il n’y a, au fond, que ses amis capables de l’aimer. Que Thomas, pour l’aimer. Elle est blottie dans ses bras. Elle n’ose pas bouger, comme si, le moindre centimètre de distance risquait de la faire couler. Tu te raccroches à lui, Ella, comme s’il était encore la seule chose qui te maintenait en vie.Ses caresses lui font du bien, elles apaisent son âme abîmé, à défaut de pouvoir réparer son cœur anéanti. L’âme en peine ferme les paupières, pour tenter de se reprendre, se focaliser seulement sur ses gestes, plutôt que sa douleur. Et, peu à peu, elle arrive à calmer les larmes qui menaçaient de couler. Les opales sombres et encore brillantes posées sur lui, elle le contemple avec une tendresse qui se lit facilement dans ses rétines. Elle n’est pas si étonnée que son ami lui avoue combien il est encore novice. Combien il ignore comment se comporter en amitié, lui qui n’en a pas eu avant de rencontrer la tourmentée. Il est parfois maladroit, il l’a embrassée plusieurs fois. Mais il sait te montrer combien tu comptes pour lui. Il sait te donner la sensation que tu comptes encore un peu pour quelqu’un dans ta vie. Et c’est cela, le plus difficile pour un ami. – Tu ne me blesses pas, Thomas. Tu me fais beaucoup de bien. elle lui assure, laissant sa main glisser avec une délicatesse rare contre sa joue. Les sanglots apaisés, c’est plus calmement que l’âme égarée lui confie ce qu’elle pense avec tant de sincérité. Elle a l’impression, pourtant, que ses mots blessent l’ancien dealer dont la voix, soudain, se serre. Pour lui, elle se tait, elle évite de prononcer à nouveau les mots douloureux à entendre, les mots que malheureusement encore elle ressent. – Sauf que j’ai gagné quoi, au final… rien… je suis dans le même état que la première fois qu’il est parti. J’aurais dû comprendre à ce moment-là que c’était fini. Et cesser d’y croire… cesser d’avoir de l’espoir. Ella, on ne t’y reprendra pas. Tu n’ouvriras plus jamais ton cœur à personne de toute ta vie. Le bonheur éphémère ressenti ne vaut certainement pas la douleur qui t’habite depuis. Sa main toujours liée à celle de son ami, elle la serre un peu plus fort entre ses doigts tremblants, juste pour sentir sa présence. – Mais l’amour, c’est pas du bonheur, c’est juste… un truc qui te dévore. Qui te prend l’âme et balaie tout sur son passage. Et quand c’est fini, y’a plus rien. Des pensées sombres, qu’elle ne devrait pas lui confier. Des tourments qu’elle refuserait, en temps normal, de partager. Surtout pas avec quelqu’un comme Thomas, quelqu’un qui a envie d’y croire. Mais elle est à fleur de peau, l’écorchée vive, encore plus que d’habitude. Prenant une inspiration pour tenter de se calmer, elle le laisse récupérer leur nourriture. Elle essaie d’en profiter pour retrouver une certaine neutralité. Elle a suffisamment plombé l’atmosphère déjà bien tendue depuis qu’ils sont arrivés. Elle attrape distraitement une frite, comme promis, pour essayer de se nourrir, quand elle entend les confidences de Thomas au sujet d’une fille. Il a rencontré quelqu’un. Les iris de la belle tourmentée se relèvent vers lui, esquissant un faible sourire. Et soudain, c’est comme si la simple évocation de cette fille venait soudain de lui redonner vie. Il saute sur ses pieds avec tout cet enthousiasme, toute cette énergie qu’elle n’a pas. – Mais attends, t’as même pas mangé ! Et je veux que tu me parles de cette fille ! Mais elle n’a pas le temps de protester davantage que le jeune homme prend sa main pour l’attirer. Il paraît, à cet instant, plus déterminé qu’il ne l’a jamais été. – Ok, ok, on y va ! Mais tu me racontes en même temps ! elle ne peut s’empêcher de sourire. Peut-être que, à toi aussi, il te redonne tout doucement goût à la vie.