Peut-être que la douceur du passé, leur fait autant de bien qu’elle peut leur faire de mal. Qu’ils ont cette tendance à s’y réfugier, comme si c’était le seul moyen qu’ils avaient trouvé, pour garder ce lien entre eux. Le moyen le plus facile en tout cas, c’est certain. C’est comme s’ils en avaient besoin. Besoin de se rappeler tout ce qu’ils ont vécu, tout ce qu’ils ont partagé. Combien ils se sont aimés. Cassey, au fond, elle a peur de ce qu’il adviendrait, sans tous ces souvenirs pour les lier. Il y aurait toujours leur fille, il y aurait toujours aussi cette alchimie. Mais est-ce que cela suffirait ? Est-ce qu’elle pourrait réellement espérer… qu’ils redeviennent ce qu’ils ont été ? Car, au fond de toi, tu sais que c’est impossible. Tu sais que tu n’es plus la fille qu’il a laissée, pas plus que lui n’est resté le petit-ami que t’avais. Vous avez évolué, vous avez grandi, vous avez changé. Alors, comment, tout cet amour pourrait subsister ? Elle l’a tant aimé, Owen, elle l’a aimé comme elle n’imaginait pas pouvoir aimer. Elle l’a aimé au point qu’elle pensait qu’elle ne survivrait pas à une vie sans lui à ses côtés. Et puis, il est parti. Il est parti, et l’a forcée à voir que si, c’était possible. Qu’elle n’avait pas d’autre choix que de survivre. Parce qu’elle avait sa fille, leur fille, qui n’avait qu’elle pour vivre. Mais, laisser Owen revenir une nouvelle fois, c’est prendre le risque de le perdre une seconde fois. Elle ne sait pas si c’est là un bon choix. Elle ne sait même pas, en réalité, si elle en a vraiment envie. Il n’est pas seulement un homme lambda, il est le père d’Arya. Il essaie de nouer quelque chose avec elle, puis il y a tout leur passé qui s’emmêle au présent. Il y a tant d’enjeux qui la poussent à s’éloigner. Les je t’aime qu’elle refuse de prononcer. Pourtant, elle est là, devant lui, face à cette proposition. Elle n’a aucune idée, Cassey, de ce qu’elle doit répondre. Ses pupilles bleutées accrochées aux siennes, elle le contemple, plusieurs secondes durant, en réfléchissant à cette idée. Une sortie entre amis… déguisée ?
Le pense-t-il en réalité ? ou est-ce pour te rassurer ? Est-ce qu’il croit, lui, que vous pourriez vraiment être amis ?
Elle a du mal à l’imaginer. C’est pourtant bien ce qu’il faudrait. Elle a conscience de cette attraction qu’il a toujours exercée. Mais elle pourrait s’y tenir… elle pourrait se retenir. Ne pas laisser ses envies l’envahir, faire en sorte de renouer véritablement avec lui. Connaître celui qu’il est devenu aujourd’hui. Peut-être que c’est la meilleure chose qu’elle devrait faire, la seule qui lui reste. Tout ce qui la retient, c’est la peur que cette chance accordée n’ait pas l’effet escompté. Qu’ils se rendent compte de tout ce qui a tendance à l’effrayer. Qu’en réalité, tout soit terminé. Il s’efforce de sourire, Owen, mais la blondinette ne sait pas si elle est davantage rassurée. Parce que l’idée te fait mal, à toi aussi. Ne plus le revoir, qu’il ne fasse plus partie de ta vie. Tu l’as déjà perdu une fois, Owen… Elle prend une profonde inspiration. – Je crois que le resto entre amis n’est pas une mauvaise idée. Elle n’est pas certaine de ce qu’elle est en train d’accepter. Mais elle préfère autant accepter cette invitation au restaurant plutôt que sentir encore ce froid subsister. D’un air entendu, la belle lève la main pour serrer la sienne, comme si l’accord était signé. – Marché conclu. accepte-t-elle en fin de compte. Et elle n’a aucune envie qu’il lui fiche la paix, Owen. Mais elle sait qu’elle a tendance à prôner le chaud et le froid, Cassey, alors elle s’efforce de le garder pour elle.
Il y a tant d’obstacles entre eux. Des obstacles qui pourraient vite pousser à abandonner, des obstacles qui pourraient effrayer. Mais Cassey, elle n’est pas de celles qui laissent tomber. C’est tout le contraire en réalité, c’est face à l’adversité qu’elle sait le mieux se réveiller. Ce sont toujours dans les relations les plus difficiles qu’elle a tout fait pour s’investir. C’est, au contraire, dans les rares trop faciles qu’elle a connues que l’homme l’a trop vite perdue. Avec Owen, c’est à la fois simple et compliqué. C’est simple, parce qu’elle le connaît, elle l’a aimé. Ils ont tous ces souvenirs partagés. Mais c’est aussi compliqué, parce que la vie les a déjà séparés. Elle ne sait même pas si elle est capable de lui pardonner. Puis, surtout, il y a sa fille qui ne doit surtout pas en pâtir. C’est pour elle, en fait, qu’elle hésite. Pour Arya qui commence tout doucement à accepter son père. Elle ne veut pas tout gâcher pour elle, pour eux, pour le lien qu’ils tissent peu à peu. Seulement c’est l’envie de réparer cette relation qui prend le pas sur le reste. Il ne s’agit pas de reformer un couple avec lui, juste de l’accepter à nouveau dans sa vie.
Parce qu’au fond, tu ne l’as jamais fait,
tu l’as rejeté, puis tu l’as laissé t’aimer,
mais, dans ta vie, tu n’as pas su le placer.
C’est même quelque chose qu’il lui a reproché. Être un pantin, être ce jouet qu’elle aurait utilisé. C’est aussi pour cette raison que l’oiseau a préféré voler de ses propres ailes. S’éloigner, pour ne pas le blesser. Et peut-être aussi pour ne pas se sentir étouffée. Elle aime trop sa liberté, Cassey, bien plus qu’elle ne le montrait autrefois. Ou peut-être que, les années n’ont fait que consolider, la personne qu’elle devenait, alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Cette soif de liberté, autant que cette envie d’exister. Un besoin de se sentir libre, qui ne coïncide peut-être plus avec celui d’Owen, de tout contrôler. Elle n’en a pas réellement conscience, la jolie blonde n’y a pas accordé d’importance. Elle n’y fait pas davantage attention quand il lui fait cette proposition, qui sonne comme un ordre plus qu’une invitation. Elle lui adresse un doux sourire avant d’accepter. – Je suis disponible. Mais je travaille samedi, alors c’est sans doute mieux que l’on se rejoigne directement au restaurant. Les modalités précisées, les deux ex sont interrompus par l’arrivée soudaine d’une petite fille qui semble à peine réveillée. Gaby ne met pas longtemps avant d’aller dans les bras de son oncle, certainement encore fatiguée. L’antiquaire la contemple avec tendresse avant de lui offrir une légère caresse. – Oui, je crois même qu’il devrait se dépêcher d’y aller. lui dit-elle d’une voix amusée. Mais c’est surtout Gabriella qui devrait vite se coucher, la pauvre paraît complètement épuisée. Un dernier sourire pour elle, un dernier regard pour Owen, puis elle les laisse partir main dans la main.