X / THE WHEEL OF FORTUNE
t'as eu la chance d'avoir ce que beaucoup enviaient. une bien jolie maison à la grandeur démesurée, des frères et sœurs et même un clebs paisible avec lequel jouer. benjamine de la famille mikkelsen, t'as toujours eu plus que ce qu'il te fallait pour être heureuse. l'abondance de richesses dans laquelle t'as baigné depuis toute petite tu l'as toujours portée comme un fardeau. quelque chose de bien trop lourd. toi t'étais cette gosse simple et rêveuse, qui souhaitait passer plus de temps avec ses parents bien trop occupés pour faire attention à elle. t'es née avec une cuillère en or dans la bouche, avantage aux yeux de certains. fardeau pour ceux étant comme toi, n'aspirant qu'à mener une vie simple. t'étais cette enfant que l'on n'écoute pas, celle dont on attend pas grand chose. ni l'aînée, ni la petite dernière. l'entre-deux, celle laissée de côté, l'oubliée. alors tu t'es rapidement renfermée sur toi même, te sentant parfois à l'étroit dans ta propre peau. tu t'es contentée de hanter les longs couloirs du manoir familial, de jouer dans les bois en solitaire avec pour amis imaginaires les habitants de la forêt. divinités protectrices veillant sur toi bien mieux que ceux t'ayant donné la vie. dans le fond, t'as jamais été faite pour la vie de château. tâchant tes beaux vêtements, trouant tes collants et abîmant tes souliers. les boucles blondes de tes cheveux bien souvent emmêlées aux odeurs boisées. petite dotée d'une certaine créativité, d'une envie de découvrir le monde et ses mystères. empathique, réceptive aux chants de la nature.
XV / THE DEVIL
t'as toujours plus ou moins eu cette ombre au dessus de toi. effrayante. froide. plus tu as pris de l'âge, plus tu t'es voulue surveillée. gamine placée entre les barreaux d'une cage dorée.
"tu ne dois plus sortir" , "tu dois rester ici sagement et suivre les enseignements t'étant imposés!" . tu peux encore entendre la voix de ta génitrice, tu peux encore ressentir ton épiderme frissonner si fort que ça en venait douloureux. perfide, vicieuse qu'elle était, celle t'ayant donné la vie. aigrie par l'argent, par les facilités et le paraître. bien trop occupée à entretenir cette image de famille fondatrice inébranlable et puissante. tu ne pouvais être cette simple d'esprit passant son temps à parler aux plantes, refusant de faire du mal aux animaux peu importe leur races. tu as rapidement été contrainte de rejoindre les rangs. de dire au revoir à tes journées ensoleillées passées sous l'ombre d'un saule à chanter en compagnie des cigales. tu devais te tenir droite, suivre les cours de langues, musique et sciences sans jamais broncher. sans jamais te plaindre. parce qu'après tout, qui n'aurait pas voulu être à ta place? posséder tout ce que les tiens ont eu la chance d'obtenir dans le moindre effort. profitant de l'héritage se passant de génération en génération. tu n'étais pas faite pour ça, pour les bals et les événements caritatifs. t'as jamais été douée dans le rôle de la petite fille docile et parfaite. bien élevée et tranquille. t'étais bien trop espiègle et pleine de vie pour ça. persuadée qu'une autre vie bien différente t'attendait. quelque part.
XVI / THE TOWER
tu es rapidement devenue une adolescente incomprise. rebelle. nombre de fois tu as fait le mur de ta chambre à la tombée de la nuit pour aller danser en compagnie des étoiles. laisser la pointe de tes pieds flatter la terre humide de la lisière de la forêt. ce monde mondain n'était pas le tien. tu ne l'as jamais demandé, tu n'en as jamais voulu. sans cesse contrainte à te faire passer pour une parfaite étrangère à toi même. les conflits avec tes parents ont rapidement prit en ampleur, bel et bien prisonnière des murs de ton enfance que tu t'es mise à haïr farouchement. tu t'es enfermée dans tes lectures à défaut de pouvoir sortir et laisser tes cheveux virevolter au gré du vent. t'as ouvert le champ de tes croyances et tu t'es prise d'un amour inconditionnel pour la divination. puisque leur monde ne t'allais pas, il te fallait trouver le tien. trouver ta place dans ce vaste univers dont tu ne connaissais rien. les choses se sont compliquées pour toi, tu te marginalisais de plus en plus. vilain petit canard des mikkelsen, véritable honte pour ta famille. tu t'es faite mettre de côté, constamment enfermée dans ta chambre. définitivement invisible, le cas dont personne ne voulait entendre parler. c'est un peu avant tes seize ans que tu t'es décidée à partir. claquer la porte une bonne fois pour toute derrière toi et enfin retrouver la liberté dont tu ne connaissais que le nom à défaut d'en avoir oublié le goût. un sac à dos, un peu d'argent liquide, quelques babioles que tu as amassé au fil du temps et c'est juste un peu avant l'aube de ton anniversaire que tu es partie. sans le moindre regret ou regard en arrière.
VIIII / THE HERMIT
t'as pris un bus. puis un autre avant de sauter clandestinement dans un train. t'ignores comment t'as fini par arriver à new-york mais une chose était bien sûre, c'est que la grosse pomme s'offrait à toi. gamine pas bien haute sur ses deux jambes ni bien assurée. à la carrure frêle et aux idéaux saugrenus. t'as d'abord déambulé longuement, portée par toutes ces humeurs diverses autour de toi. toutes ces émotions se bousculant dans ces foules épaisses. t'as commencé par faire la manche pour pouvoir te payer de quoi manger lorsque les poubelles n'étaient pas forcément bien garnies. t'as rencontré pixie, une vieille dame à la peau ébène et aux cheveux grisonnants qui vivait dans la rue depuis bien longtemps. une femme qui avait quitté la nouvelle-orléans et sa famille tout comme toi mais il y a bien des années de cela. cette dernière était passionnée de vaudou, se revendiquant elle même wiccane. douée dans tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin les arts des cartes. elle t'as offert ton tout premier tarot, t'initiant au tirage et à l'interprétation. t'apprenant à lire les lignes de la main, à lire dans le marc de café et bien d'autres choses. tu n'étais pas seule dans la rue, tu l'avais elle. comme un ange gardien veillant sur toi. te montrant un tout nouvel aspect de la vie. la beauté et la simplicité de cette dernière. te poussant à t'écouter toi et non les dictats imposés par la société. tu l'as cependant rencontrée trop tard, son âme usée par des années d'épreuves et de solitude sur le pavé new-yorkais. alors tu t'es retrouvée seule. devant dire adieu à ta seule et unique amie. goûtant à ton tour à la solitude, au silence. à l'indifférence et à la suffisance. anonyme. de nouveau invisible.
VI / THE LOVERS
au bout de deux ans de vie comme habitante de la rue, tu t'es faite à ce petit monde étant devenu le tien. tu avais tes habitudes, tes petites manies. ces personnes qui savaient où te trouver pour t'offrir une petite pièce où bien te proposer de dormir dans la cage d'escaliers de leur immeuble lorsque l'hiver se voulait trop mordant. t'es tombée que sur des personnes bienveillantes, ou peut être bien que c'est ta bonne humeur contagieuse mêlée à ta douceur légendaire qui sont le résultat d'une telle gentillesse à ton égard. tu n'as jamais vraiment manqué de quoi que ce soit. parfois, ton estomac criait famine mais c'était pas franchement important. du moment que les plus jeunes avaient de quoi grailler, tu pouvais bien te passer d'un repas où deux. les plus jeunes, c'était ces gamins de la rue. ceux qui comme toi avaient fuit un monde qui ne leur correspondait pas. une famille abusive aux idéaux malsains. dans la rue, faut se serrer les coudes. même si c'est dur parfois, même s'il fait froid où que les humeurs s'échauffent. la violence mène à la violence, la bonté à la bonté. c'est c'que t'as toujours prôné. jusqu'à ce qu'un jour on te rende la pareille. tu faisais la manche, pour pas changer quand un habitué du quartier est passé devant toi en beuglant. tu t'es faite insultée, on t'as "proposé" de tapiner pour pouvoir gagner un peu plus d'argent comparé à une simple main tendue et à un joli sourire. le mec à pas voulu lâcher de suite, tu t'es faite chahutée si ce n'est clairement malmenée. puis ton nouvel ange gardien a volé à ton secours. joshua. t'étais que trop sonnée sur le moment pour prendre la raillerie traversant ses lèvres.
"t'as vu sa gueule? tu veux t'faire quoi comme argent avec une gonzesse pareille?"
les jours ont passés, le tatoué de l'autre soir s'est pointé devant toi avec un sac provenant d'un fast-food non loin encore fumant. il s'est contenté de grogner qu'c'était pour toi puis il s'est barré. quelques jours après il est revenu avec un autre sac provenant d'un traiteur chinois un peu plus bas. petit à petit il s'est mit à t'amener de quoi manger régulièrement, alors un jour tu lui as demandé de rester. de ne serait-ce que partager un peu de ce repas en ta compagnie lui qui pensait à toi plus qu'il ne semblait vouloir l'accepter. les choses ont évoluées, l'hiver est revenu avec lui le besoin urgent de trouver un toit à te foutre au dessus de la tête. alors tu t'es bottée le cul, tu t'es mise à lire les cartes aux passants. à proposer ton art pour pouvoir vivre et t'as réussi à sous louer un truc pas trop dégueulasse. tu t'souviendras toute ta vie de la gueule de joe lorsque tu l'as tiré par le bras jusque chez toi comme une gosse impatiente et fière d'elle. t'lui as soufflé que s'il voulait, il était pas forcément obliger de partir. qu'il pouvait rester n'serait-ce qu'un peu. pour la nuit, ou un peu plus. pas de pressions. à la suite de ces événements les trois années suivantes sont passés en un éclair. vous avez continué à vous fréquenter, le barbu et toi. t'as pas compté les fois où il te revenait la gueule cassée, ensanglantée ne demandant qu'à être réparée par tes petits soins et ton amour débordant pour sa petite personne. t'as jamais pu lui cacher, l'affection que t'avais pour lui. t'as seulement jamais été réellement capable de lui exprimer autrement qu'avec douceur et passion. mêlant râles de plaisir aux cris d'exaspération lorsqu'il agissait comme ne brute, reniant tout ce qui pouvait faire de toi ce que tu étais. il a jamais cru en tes pratiques, se contentant de râler lorsqu'il rentrait à l'appartement pour te retrouver à battre les cartes.
XX / JUDGEMENT
vous auriez pu rester comme ça éternellement. à vous aimer inconsciemment autant que vous ne vous faisiez du mal à exiger de l'autre ce qu'il n'était pas. mais il y a eu une cassure. nette, précise. douloureuse et soudaine. parce que tu pouvais pas le contrôler, t'as jamais pu apaiser cette colère grondante en joe. t'as jamais pu y faire quoi que ce soit, peu importe la tendresse que tu avais à son égard. peu importe combien tu essayais de lui faire ouvrir les yeux sur un monde agréable, un monde nouveau. vous ne vous êtes jamais réellement confiés sur vos enfances, votre passé. il y a toujours eu une certaine pudeur entre vous, certains tabous ne pouvant être brisés. tu n'as rien pu faire. tu n'as pas pu l'arrêter, ce jour là. lorsque dans un nouvel accès de colère joshua n'a pu s'arrêter de cogner un pauvre type déjà au sol et évanoui depuis longtemps. tu l'as supplié de lâcher cet homme, les larmes roulant sur ton visage et ta voix se brisant à chaque suppliques. t'as rien pu faire, t'as pas réussi à le résonner. t'étais choquée, toi qui étais persuadée un jour de pouvoir faire taire ces sales travers. pouvoir un jour le réconcilier avec lui même et lui prouver que le monde n'est pas sombre. t'as fait la même chose que cinq ans auparavant. t'as préparé un sac à dos et t'es partie. sans le moindre mot, sans aucune note laissée derrière toi. tu t'es évanouie dans la nature filant loin de cette noirceur menaçant de te consumer. ayant commencé à te grignoter de l'intérieur. à l'époque, t'étais persuadée que c'était la meilleure chose à faire. à nouveau tout reprendre de zéro, abandonnant ceux que tu aimes sans même y réfléchir à deux fois. en l'occurrence, celui que tu aimais. inconsciemment.
XXI / THE WORLD
le continent s'est offert à toi. pendant sept longues années tu t'es mise à vagabonder à travers les états unis. allant d'état en état. de ville en ville. tu t'es même jointe à des forains, te faisant un peu d'argent à leurs côtés avec ton art et tes talents. t'as vu du paysage, t'as rencontré nombre de gens. des âmes toutes plus belles que les autres, toutes plus charmantes et intéressantes. tu t'es recentrée sur toi même, approfondissant tes connaissances et tes techniques au fur et à mesure du temps passé au sein de cette joyeuse compagnie. la vie était belle, elle te semblait drôle et aucun jour ne ressemblait au précédent. t'as aimé être sur les routes, ne jamais t'arrêter quelque part plus de quelques semaines tout au plus. mais tu t'es rendue compte au fil des années passant qu'il te manquait quelque chose. qu'il te manquait quelqu'un. tu t'es sentie fade, incomplète. petit à petit tu as perdu de ton enthousiasme, de ta joie de vivre légendaire qui crevait les yeux à quiconque te rencontrait. il t'as fallu énormément de temps et de réflexion pour comprendre ce qu'il t'arrivait. le mal qui te rongeait. t'as passé plus de sept ans à passer ta culpabilité sous silence, tu l'as enfouie profondément en espérant qu'elle ne remonte jamais à la surface pour te jouer un mauvais tour. tel est prit qui croyait prendre, car c'est joe qui s'est mit à hanter tes pensées. comment se porte t'il? pense t'il à toi? est-il en colère contre toi? mille et une pensées parasites que tu devais faire taire, c'est vite devenu vital. alors t'as fini par quitter ceux ayant été ta famille pendant tout ce temps pour regagner nyc. nouveau cap dans ta vie, retrouver celui l'ayant partagé pendant un moment.
XII / THE HANGED MAN
le fond de l'air est froid, mais pour dire vrai t'en as que faire. les fêtes de noël viennent de se terminer, plus que quelques heures avant la nouvelle année. dans les rues, les foules se bousculent. familles joyeuses et touristes survoltés se baladent dans les rues éclairées par les nombreuses guirlandes lumineuses entourant les réverbères. Un bonnet fièrement vissé contre ta chevelure de blé, ton espèce de large blouson couvrant tes épaules tu souris à chaque passant de façon polie en leur souhaitant la bonne soirée. c'est pas la meilleure manche que t'aies faite, quelques dollars trônant au fond de ton gobelet donc ceux placés par tes soins pour éveiller la bonté de ces bonnes gens. tu bats tes cartes d'un air distrait, alors qu'une gamine s'arrête devant toi pour te regarder avec attention en te dégainant son plus beau sourire. t'adores les gamins, faut dire que malgré l'approche de la trentaine t'as pas vraiment grandi toi non plus. syndrome de peter-pan bien présent, femme-enfant plus qu'assumée que t'es devenue en te rendant compte que tu ne pourrais jamais rentrer dans le moindre moule qu'il soit. bien trop détonante et unique en ton genre pour un jour pouvoir rentrer dans une case. Tu te mets à dévoiler quelques cartes à la môme, toujours penchée au dessus de toi quand sa guindée de daronne vient la tirer par le bras en la défendant de parler à des gens comme toi. tu souffles. l'idiotie des gens n'aura de cesses que de te crever le cœur. tu te relèves difficilement, les muscles engourdis par l'air frais que tu te prends en plein visage depuis des heures et des heures passées au même endroit sans vraiment bouger. tu te mets à attirer quelques personnes, à hausser ton soprano éraillé pour tenter de couvrir la musique festive gorgeant les rues. t'essuies de nombreux refus, regards noirs contre ta petite silhouette fluette flottant dans des vêtements bien larges. mais tu perds pas le sourire, jamais. tu finis par jeter ton dévolu contre un mec assez grand que t'aperçois de loin.
"mon bon m'sieur, une petite minute? j'suis persuadée qu'ça..." tu finis par te planter devant l'grand gaillard lorsque ton myocarde s'éveille brutalement. se met à cogner dans ta poitrine frénétiquement.
"Joshua?" qu'ta voix lance, interrogative, sans même que tu lui en aies donné l'autorisation. ton regard se pose tout contre l'homme à l'épiderme encré. tes pupilles glaciales se perdant dans l'orage de ces yeux que tu pourrais reconnaître entre mille et ce sans la moindre hésitation. c'est lui. bien lui. bien là où tu ne l'attendais pas.
"c'est bien toi?!"