from my black and yellow heart. (lio)

from my black and yellow heart

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le corps qui se déplace rapidement vers la destination qu'il a choisi brutalement, pas envie de dire qu'il a encore agi impulsivement, juste un besoin qu'il n'avait pas su taire alors qu'il s'était engouffré entre les portes du métro. sans doute qu'alexander s'inquiéterait, se demanderait où il était, pas de possibilité de le prévenir pour autant. le téléphone dans le fond de la poche et tant qu’il n’aura pas de nouvelles de la personne intéressée aucun moyen de prévenir n’importe quelle autre, l’esprit bloqué trop facilement. à mesure que les arrêts passent une demande de sa place à venir l’emmerder réellement, sans doute qu’elle aurait autre chose à faire que de rassurer un petit frère trop fier pour accepter d’être ignoré une soirée. qu’on oserait pas lui dire non ni lui taper sur les doigts pour autant, d’où la liberté qu’il s’est toujours octroyé, mais qui reste toujours d’être source de déception. un soupir avant de voir le dernier arrivée, lio qui quitte le quai puis brave la pluie d’un pas décidé.

ça ne met pas longtemps pour lui d’arriver jusqu’à destination, lio qui n’hésite pas à toquer puis réexécuter son geste plus fort encore, avant de se rendre compte qu’elle avait sans doute des clients, d’où son absence de réponse. pas possible pour lui de ne pas s’imaginer un nouvel abandon pour autant, lui qui a été capable de retrouver la sœur introuvable par la seule force de la motivation à réunir sa famille qui n’a jamais baissé. Regard noir à sa clientèle friquée quand elle passe enfin le pas de la porte, puis son entrée triomphale dès que l’occasion s’est présentée. ça faisait environ cent ans que tu ne répondais pas, j'ai fini par me demander si tu avais été kidnappée. le roux qui s'installe à la table avec flegme, qui retient bien la véritable anxiété de s'être vu encore une fois retiré d'une sœur pendant un moment. la période qui a été suffisamment trouble pour que l'une ait décidé de disparaître pour l'instant. mais bon, visiblement tu as juste eu envie de m'abandonner. fausse rancœur sur laquelle le psychiatre souhaitait toujours autant travailler, terreur de se faire oublier par des frères et sœurs qui sont sa vie tout en entier.

(c) oxymort

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sérieusement ? qu’il demande, faussement étonné, toujours aussi susceptible, pas prêt de remettre ses pensées et ses émotions en question. quelqu’un qui agit à l’instinct et qui s’en vante, une tempête de sentiments bruts et d’agissements imprécis, qui ne prend pas le temps de se demander où il veut aller, où ses paroles veulent en venir. les doigts qui s’agitent sur la table et un énervement qu’il trahit bien plus qu’il le ressent, en vérité pas autant blessé, juste un livre ouvert dans lequel on pourrait lire tous ses sentiments. les yeux à nouveau laissés sur la blonde, chaque centimètre de sa peau visible épié, l’impression que malgré tout quelque chose a changé. et ça le tue, cette impression que pour une fois il n’a pas exagéré. non, qu’il répond du bout des lèvres, l’idée qu’il y avait une infime raison qu’il ait raison. non pour lui-même, pour se calmer autant que pour faire opposition.

et qu’est-ce qu’elle est susceptible en ce moment, étrangement. lio qui ne l’a pas vue aussi sensible que ces derniers temps, qui a toujours subi ses grands mots plus tranquillement, sans jamais s’énerver sur lui. ignorer pendant aussi longtemps, c’est tout comme abandonner, après. buté, incapable de comprendre la différence et la force des mots qu’il peut employer, tout juste à peine capable de les écrire seulement. tu fais quoi, du coup ? t’as pas autant de clients normalement. la tête qui dodeline mollement, l’air pas aussi inquisiteur que les paroles le laissent paraître – c’est qu’il a toujours eu de trop grands mots, lio, qui couvrent aussi des grands maux. take the guilt and throw it away, que lui disaient ses émotions, le calme qui revient petit à petit, alors que c’est la colère de l’aînée qui gronde maintenant. y a plusieurs formes d’abandons qui existent, mais ok. lio qui ne comprend pas, pour ne l’avoir jamais vécu, lui, juste avoir été arraché à celle qui lui a donné son lait. en attendant je me suis inquiété. qu’il finit par admettre, douloureusement, pas envie de rentrer à ce point dans le pathos, les accusations culpabilisantes encore bien plus faciles que les aveux non déguisés. on sait jamais sur qui tu tombes, avec tes clients, pour se raisonner, comme si les siens avaient plus de limites, comme si c’était son rôle de s’en faire, maintenant qu’il avait raccroché.

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reniflement dédaigneux quand elle indique qu'elle ne risque rien, point pour elle, sûrement. lui n'a pas le privilège de ne pas avoir à se méfier, à savoir où se terrer en cas de problème, directement chez l'habitant. forcément qu'il y a moins de risque, maintenant qu'il y pense - incapable d'imaginer pourquoi avoir une réponse avait été si important sur le moment, pourquoi il avait fallu agir sur-le-champ. sûrement que c'est seulement l'impulsivité sans raisonnement qui a parlé, maintenant qu'il la reconnaît - déjà un certain progrès de fait. ouais mais admettons que tu fasses la promesse d'un futur un peu néfaste, ou qu'un mari trompe sa femme, ou je ne sais quoi. on sait jamais, quoi qu'il tente d'expliquer pour rationaliser une peine qui n'aurait jamais eu lieu d'être si ça n'avait pas été pour une raison bien plus profonde.

parce que joy, elle s'envolait. pas à la façon des oiseaux qui prendraient leur premier envol loin de la maison pour revenir au prochain été, plus dans le sens qu'elle disparaissait. devant leurs yeux, bientôt intangible, prochainement définitivement indisponible. je n'utiliserai plus ce mot si tu y tiens à ce point, mais l'impression reste là. buté comme jamais, du genre à ne jamais accepter d'avoir tort, même rien qu'une malheureuse fois. et du coup, pourquoi d'un coup on est moins intéressants?

lio qui s'approche des cartes de tarot qui permettaient à sa soeur de se nourrir un peu plus décemment, observe quelques unes d'entre elles, tombe sur celle d'un oiseau loin d'une cage dorée. regard vers la grande soeur qui semble bien plus libre qu'avant. tu ne m'as jamais prédit mon futur, à moi. probablement qu'il serait trop triste pour que l'on puisse s'y attarder. que les mille rechutes avant de mourir bêtement d'un mélange de consommations mal arrangé seraient malvenues dans sa journée ; son futur, il avait beau lutter contre de toutes ses forces, il le connaissait.

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en soi, tellement moins de risques qu'elle en vienne à se bagarrer avec un client en dernier recours que lui, mais le transfert est fait, et il y a bien quelque chose qui cloche, quelque part, ça le serre dans ses tripes et ça étouffe sa gorge, parce qu'il y a quelque chose de grave, et que c'est en train de lui échapper. tu es sûre qu'il demande sans savoir de quoi, la bouche toujours entrouverte, à attendre quelque chose de censé qui sortirait comme par magie, après toutes les hésitations que les cordes vocales ont subi. qu'il n'y a rien du tout. il termine, buté, toujours convaincu de passer juste à côté d'un gouffre grand comme l'âme de la sœur adoptive, peur qu'elle lui échappe définitivement, une fois que la discussion sera terminée. parce qu'à moi tu pourrais le dire, tu sais. je ne dirais rien. quasi certitude que ça n'a plus rien à voir avec le travail, maintenant, le transfert de sa propre situation qu'il a cessé, elle qui est définitivement moins à risque que dans les sous-sols de shiva, et lui qui en est définitivement éloigné maintenant qu'il s'est promis de ne jamais y retourner.

elle lui sert un verre et lui le boit presque directement, cherche à faire passer sa charge anxieuse dans une activité qui aurait plus de sens que de continuer à la fixer en attendant que la vérité survienne tout à coup entre les deux. je sais qu'il y a quelque chose, hein, qu'il avance, pas complètement sûr de lui, l'air définitivement plus buté qu'il ne le ressentait. et t'as jamais été aussi pointilleuse sur le terme "abandon", donc je dirais que ça a quelque chose à voir avec ça qu'il s'improvise détective sans en être complètement sûr. peu de chance qu'elle vienne de découvrir que c'était son cas, qu'il ne risquerait pas à ironiser de suite, vu le regard de la sœur qu'il avait pourtant tant compris jusque là

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Forcément qu’il avait gagné, qu’il irait jusqu’au bout de ses idées. C’est rare que le petit dernier pourri gâté d’amour et de bonnes intentions se prennent une négation franche et répétée. Ambition capricieuse d’arriver à ses fins, de toujours tout maîtriser. Au moins il aurait cette possibilité avec les frères et sœurs qu’il savait très bien manipuler, à coups de petites moues et de grands sourires, à défaut de pouvoir prévoir les mouvements des autres, ceux qui ne sont pas arrivés du même panier, qui balafrent son corps et défoulent leurs émotions sur une âme trop incapable de les comprendre et de les assumer – c’est qu’il est tombé très jeune dans le monde des adultes, sans pour autant le devenir, Lio. Qu’il y a toujours cette insistance persistante et innocente, mais qu’elle se heurte brutalement aux rejets et aux violences, dès qu’il y en a la possibilité. Sans savoir comment y répondre, faute d’avoir des histoires tragiques sur son enfance à se raconter. Bien l’histoire d’une mère qu’il a connu sans vraiment s’en rappeler, qui lui rappelle un sentiment de sécurité, malgré une insupportable précarité. Parce qu’elle aura vraiment veillé longtemps, la maman Shakera, à ce que tout aille bien alors que tout s’écroulait, quand il n’y avait même plus d’argent pour changer les couches et les tables à langer.

Ah ! pesé avant d’écouter la suite, juste heureux d’avoir une réponse à sa question, de voir sa victime tomber sous les paroles, sans calculer la rupture qu’il provoquerait ; peu soucieux de la douleur d’autrui pour trop peu ressentir la sienne, incapable de se lamenter sur son sort catastrophique, toujours trop optimiste et superficiel pour souffrir de ses expériences à en mourir. La suite qui est avalée après, décomposée en petits morceaux, avant de s’incruster en lui, au bout d’un moment. Et du coup tu as trouvé quelque chose ? demandé tout doucement, la voix qui s’éteint dans sa gorge maintenant qu’il se rend compte des effets de ses demandes. Elle pourrait être partout, qu’il annonce sur le même ton, sans rien en savoir, s’avancer sans être soi-même convaincu de ses propres données, juste quelque chose qu’il sentait bon d’énoncer. Si je peux faire quoi que ce soit je veux bien être là, pour éviter de le confronter à la recherche de la sienne, alors qu’il doit très bien l’imaginer dans un hospice sans lumières ni hospitalité, qu’il ne croit pas vraiment en l’histoire de success story hollywoodienne qu’il s’était inventé dans ses plus jeunes années.

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