mille degrés (aimee)

01/ dans ta vie, il y a tes frères et soeurs, qui comptent énormément pour toi. mais il y a gabin. ton jumeau. né deux minutes avant toi, il est ton aîné, ta moitié, ton tout. le yin de ton yang. vous êtes des jumeaux, des vrais, vous avez partagé le ventre de votre mère et ensuite, vos parents vous ont toujours laissé vous épanouir dans cette relation si particulière. une fusion de deux êtres au sens le plus pur du terme. gabin et aimee, aimee et gabin. quand l’un est là, l’autre n’est jamais bien loin. ton frère, tu lui as toujours tout raconté, des détails les plus intimes de ta vie à de simples banalités. et lui aussi. vous avez longtemps partagé la même chambre, puis après vos parents ont préféré que vous ayez des chambres séparées. ça ne vous a jamais empêché de vous retrouver le matin, pour dormir l’un contre l’autre encore quelques minutes, sous le regard blasé de vos parents, qui n’arrivaient tout simplement pas à vous séparer. maintenant encore, maintenant que vous êtes grands, vous vivez ensemble. toi, tu n’as pas une vie réellement posée, la seule chose qui ne change jamais, qui rythme ton quotidien, qui te rassure, c’est la présence de ton frère quand tu rentres le soir. toujours là quand tu as besoin de lui, et même si vos chemins se séparent parfois à cause de vos vies privées, vous ne restez jamais un seul jour sans vous parler ou vous voir. ça vous parait tout simplement impensable. 02/ tu avais commencé des études en histoire de l’art, tu étais une véritable passionnée. c’est ce qui t’as poussé à partir en erasmus, il y a quatre ans. tu es partie à paris, en compagnie de ton petit-copain de l’époque, maden. c’était la vie de rêve là-bas. tu étais dans une ville que tu adorais, tu suivais les meilleurs cours d’art, et tu étais vraiment heureuse. mais un soir de novembre, tout a basculé. il faisait bon, alors vous vous êtes installés à la terrasse d’un bar du onzième arrondissement. vous riiez, parlant de tout et de rien, échangeant sur votre semaine écoulée. tu te souviens de maden qui te regardait avec amour, et tu le regardais surement avec la même passion dans les yeux. puis une détonation, puis une autre. et tant d’autres ensuite.. tu te souviens avoir hurlé, tu te souviens de tes genoux qui avaient heurté l’asphalte avec force. maden qui avait fondu sur toi pour te protéger. la peur, l’effroi, l’odeur du sang et de la poudre qui te prenait le nez. les cris, les gémissements de douleur. maden qui se vidait de son sang sur toi. le rêve était devenu cauchemar. 03/ trois mois. trois mois d’errance. maden a rouvert les yeux en février. tu n’y croyais plus, plus personne autour de toi n’y croyait. gabin avait tenté de te raisonner, de te faire revenir à new-york, mais tu n’avais pas pu te résoudre à y retourner, et à laisser ton amour seul ici. alors gabin était venu, lui. plusieurs fois. pour te soutenir, pour être avec toi. et finalement, maden a ouvert les yeux quand tu étais prête à abandonner. trois mois. tu l’avais veillé, jour et nuit. sans arrêt. toi, tu en avais oublié de te soigner. pas de blessures physiques. non, les tiennes, de blessures, elles étaient toutes dans la tête. il s’est réveillé, et tu t’es sentie revivre, le temps de quelques heures. le temps de comprendre que ça ne serait plus jamais pareil. qu’il ne serait plus jamais le même, que tu ne serais plus jamais la même. et votre couple, par conséquent, ne serait plus jamais le même non plus. votre couple n’a d’ailleurs pas résisté à la tempête. toi, tu voulais absolument quitter cette ville, qui t’avait tout pris. ton innocence, ta joie de vivre, ton amour. lui, il voulait absolument rester. tu n’as jamais compris cette décision. alors tu as fini par partir, lui disant adieu. ça fait plus de trois ans maintenant, mais maden, tu n’as jamais réussi à l’oublier. maden, tu l’avais dans la peau. tu n’as jamais réussi à tourner la page de votre histoire. ton corps est rentré à new-york, mais ton coeur est resté à paris. ton coeur est sans doute même rester sur la terrasse de ce bar, ce soir horrible de novembre 2015.