« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
C’est que ta l’air fin dans ta tenue de penguin, fringué comme un jeune premier pour aller à la messe où le demander en mariage. D’ailleurs à la vue que te lancent certains badauds qui se retournent sur toi et te mirent dans ton complet, y en a bien certains qui doivent se demander si t’es là pour un ciné pour ou pour lui demander sa main. Alors tu vois sa mine un peu impressionnée et ça te recolle mal à l’aise comme lui seul à la capacité de le faire aussi sèchement, y a bien ta cravate que tu tritures entre ta patte parce que pour le coup t’as de quoi te sentir étouffé. « Oh waou. » qu’il te bazarde au visage, alors y a tes mirettes qui fuient ailleurs comme si cette simple locution était le plus beau compliment du monde qu’on ne t’est jamais fait. Ce n’est rien mais venant de ses lèvres c’est quelque chose. « Je regrette de ne pas avoir eu le temps de me changer… du coup... » qu’il te balance, à son tour de se dévaloriser, comme si chacun de vous finalement ne pouvait pas s’en empêcher. Pourtant, tu le trouves aussi craquant, t’en es même rendu à un point qu’avec un sac à patates sur le dos il te ferait toujours autant d’effet. « Tu vas pas avoir trop honte de moi ? »No fucking way.
Y a ta paluche qui gagne son col de chemise dans un mouvement toujours aussi timide et presque trop distant et qui vient le recoller à sa place. « T’es très bien comme t’es.. » Si on te connaissait pas Adam, on pourrait croire que t’es en train de flirter. Mais non t’es juste un putain de môme sincère parce que tout le reste tu n’as ni l’art et la manière de t’y prendre. « On y va ? » que tu lui claques au visage, foutre impatient que tu sois, à peine son mégot de nicotine bazardé sur le béton. Que tu lui passes devant, quatre à quatre, que tu lui tiens la porte comme le galant que t’es, parce que putain les seuls rencards que t’as jamais vus c’est dans ces comédies romantiques de merde que tu mattes et ce soir t’es tellement cliché que t’en deviendrais au moins ridicule, au pire pathétique. Mais ce soir, t’as l’esprit ailleurs, qu’importe les critiques, t’es avec lui et tout pourrait s’effondrer autour que t’en aurais toujours pas grand chose à carer. Pour une rare fois que c’est toi et pas les autres, profite.
Y a un déclic qui s’passe, une joie non simulée, encore moins dissimulée d’être à ses côtés. Il y aurait encore bien la raison pour gueuler un coup mais ce soir elle est mutique face à la passion. Foutre guilleret que t’es, t’as l’impression de te trouver dans une chanson des Pointers Sisters. Bordel. I'm so excited, and I just can't hide it. Tout va trop vite, tu vas trop vite. Tu t’emballes, tu cavales, quand tu payes les places qu’il n’a pas le temps de protester quand vous êtes déjà dans la queue que tu mates les panneaux vers la confiserie. « T’as faim ? » Toi pas trop, ta dose de glucose ce soir c’est Damen et t’as suffisamment d’endorphines dans le crâne pour quatre pour pas avoir besoin d’un shoot supplémentaire. T’es diablement dans tout tes états comme ça. I'm about to lose control, and I think I like it.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
C’est surréaliste. T’as l’impression de te retrouver dans le corps d’une autre personne. C’est bien trop bizarre ce qui t’arrive. Ça te ressemble pas, ça ressemble pas à ta vie. T’es un peu paumé, en fait. Tu regardes autour de toi avec un oeil nouveau et t’as l’impression que ton coeur va se barrer de ta poitrine pour partir faire un putain de footing. Et ça, c’est pas uniquement parce que ya Adam et parce qu’il te fait ressentir des trucs que t’as jamais eu l’occasion de connaître. Ya ton anxiété qui fait clairement des siennes. Qu’est-ce que tu dois faire maintenant ? Qu’est-ce que tu dois dire ? T’as soudainement envie de prendre tes jambes à ton cou - d’aller te planquer sous un pont et de ne plus bouger pendant plusieurs jours. À quoi tu joues, putain ? C’est pas toi, ça. Tu vas briser le coeur de ce pauvre petit mec. Pour une fois qu’on s’intéresse vraiment à toi. Pour une fois qu’on aime réellement, avec pureté, la personne que tu es - tu vas le pourrir. Ya une place réservée en enfer pour les gens comme toi. C’est certain. Satan t’y attendra avec un putain de gâteau et la fierté dans son regard. Obligé. « T’es très bien comme t’es.. » qu’il te dit en plus, parce qu’il ne pourrait pas être encore plus adorable s’il le voulait - alors qu’il te balance de ces phrases de dragues préfabriquées sans les utiliser comme telles. Tu vois bien qu’il le pense. Tu vois bien qu’il ne le dit pas juste pour se glisser dans ton froc. T’es même persuadé qu’il n’y pense même pas à ton froc. C’est ton putain de coeur qu’il veut. Bordel Damn. Qu’est-ce que tu fous ? « On y va ? » qu’il te presse et tu hoches la tête sans même y réfléchir - pur réflexe à condamner. Si t’avais encore l’occasion de conserver un minimum de gentillesse, un minimum de retenue, c’est fini. C’est passé par la fenêtre pour atterrir dans un lac et nager avec les petits poisson.
Tu balances le cul de ta clope sur le béton et il te tient la porte. Il te tient la putain de bordel de merde de putain de porte. Tu restes planté devant quelques secondes, pris par surprise, avant de te reprendre. T’essaies de faire genre que ça te fait rien. T’essaies de pas le fixer comme s’il venait de chier une pendule en plein milieu de l’entrée. Il t’a tenu la porte, putain. Tu sais pas quoi en faire de cette information. Pis t’arrives pas à t’en remettre, non plus. Tu t’attendais pas à ce que ça t’arrives un jour. Sauf que t’es un peu vexé quand même. Tu sais ouvrir une porte, merci. Tu dis rien, pourtant. Tu te la fermes. T’as pas envie qu’il pense qu’il a fait un truc horrible et qu’il culpabilise. Alors tu murmures un merci quand même, même si ça t’arraches un peu la langue. Faut dire que t’es poli (desfois) quand même. Ça part d’une bonne attention.
« T’as faim ? » qu’il te demande finalement, une fois que vous faites la queue et t’aurais répondu du tac au tac d’habitude. Sauf que là, ya ton cerveau qui fait des pirouettes, qui imagine toutes les issues possibles, toutes les réponses que tu pourrais lui donner. Bordel. Yen a tellement. Chacune étant son propre effet domino. T’es à deux doigts de te pisser dessus pour une simple putain de petite question. T’es censé répondre quoi ? Parce qu’il compte payer ? Il compte que vous partagiez le prix ? Est-ce que s’il compte payer, il croira pas que t’en profite si tu dis oui ? Et il a faim lui ? Parce que tu vas pas bouffer tout seul ton popcorn alors qu’il fait rien à côté, ce serait pas cool. Ton cerveau pousse un cri de désespoir dans ton crâne. Merde, merde, merde. T’essaies d’analyser son langage corporel. T’essaies d’y apercevoir un début de réponse à tes questions, histoire de. Sauf que t’es pas doué pour lire les gens comme ça. Pis merde, comment t’es censé deviner s’il a envie de bouffe rien qu’en le regardant ? « Pas trop. » Tu réponds finalement, t’arraches le pansement d’un coup pour t’éviter de paniquer. Pis c’est vrai. T’as pas trop faim. Faut dire que t’es tellement entrain de paniquer que ton estomac danse la lambada dans ton bide. Et lui il a l’air aux anges. Il à l’air putain de trop heureux avec son sourire de trois mètres et demi qui fait briller ses yeux. Il est sacrément beau, putain. Ça te calme un peu, de le voir comme ça, de te dire qu’il est aussi content d’être avec toi. C’est rassurant un peu. Ça te fait croire que t’as quand même une petite marge d’erreur, que t’as le droit de te planter sur une réponse ou deux avant qu’il ne panique, qu’il ne se rende compte de son erreur et qu’il se barre. Faut dire… ça serait peut-être mieux pour lui, en fait...
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
« Pas trop. » En soi, ce n’est pas plus mal. Parce qu’il aurait répondu par l’affirmative dans ta lancée t’aurais sans doute acheté la bonne moitié du rayon confiseries au point de le faire crever du diabète dans l’heure qui suit la soirée. T’es un véritable tourbillon, tu t’es sans doute jamais senti aussi vivant et putain que diable ça fait du bien. La queue est blindée, le cinéma est bondé et pourtant t’as la fichtre impression que c’est juste une histoire entre lui et toi. Faut pas longtemps pourtant pour que la file se décoince une fois les salles débloquées et les écrans qui affichent les open typiques qui clignotent. Alors tu t’engouffres dans le fatras, tu files les deux tickets qui traînent dans ta pogne au vigile, parce que ouais t’as même pas pris la peine de lui filer le sien. Pire qu’un daron qui accompagne son gosse à la séance du mercredi. Alors c’est un tel brouhaha que les places sont sectionnées et que t’n’entends même pas la direction qu’on te donne - ou tout du moins tu n’écoutes pas. Il y a que Damen, ce qu’il désire, ce qu’il te raconte qui compte, le reste peut bien attendre un autre moment. Alors tu te frayes un chemin parmi les clampins qui s’entassent aux portes des différentes salles, t’essayes de ne pas le perdre de vue, mais Dieu merci tu ne lui fais pas l’affront de le tenir par le poignet pour pas que vous perdiez. Parce que ça serait la pire chose qui pourrait arriver ce soir, perdre ces beaux instants en train de se dérouler, qu’ils soient sommaires ou éphémères, qu’importe tant qu’ils sont là. Tu t’engouffres dans la première salle qui vient, pas la plus grande ni la plus fréquentée vu que ça fait un moment que le film est sorti. Bougé vers les premières rangées du milieu, t’y vas, sans sourciller, sans lui demander son avis, après tout qui n’aime pas les meilleures places quand on va au ciné?
Sans doute personne, alors tu te tapes les miches sur ce qui tombe sous toi, après l’avoir attendu pour savoir, on ne change pas un môme avec tant de bonnes manières prescrites depuis l’enfance. Puis c’est là que tu te rends compte de ta première connerie. Sans faire gaffe t’as choisi les fauteuils doubles, sans accoudoir au milieu, de ceux ou généralement on y trouve les amoureux. Putain, tu te dis qu’à des moments t’es vraiment irrécupérable. Mais bon, tu préfères ne rien dire, tu préfères t’enfermer dans ta connerie et te dire que si tu colles pas le doigt dessus comme un gros nigaud il ne prendra pas la peine de relever. Faut espérer. Sinon il va vraiment commencer à ta prendre pour le plus gros des demeurés.
Faut franchement mieux passer à autre chose et avancer avant de totalement se ridiculiser. « Merci d’avoir dit oui en tout cas.. j’ai vraiment cru que t’allais me dire non. » Tu te marres, mais c’est foutrement nerveux, bordel, en même temps comment t’as pu croire un seul instant qu’il aurait pu porter une once d’intérêt à ta personne. Toi le gamin, toi le moins que rien, toi auquel on porte rarement d’intérêt sauf pour te demander des trucs. T’es loin d’être un cool kid, mais ça t’empêche pas de garder le sourire. Jamais. Pas une rare seconde sans qu’il soit présent surtout dans ces beaux moments. « Quelle chaleur. » Que tu dénoues ta cravate du bout des doigts, bah ouais, t’es bien le seul à venir en complet au cinéma. T’en viens même à te demander si c’est la climatisation qui est en rade ou si c’est à force de se perdre dans son regard bleuté que tu te tapes un coup de chaud. Ça semble con, mais t’as pas trop le temps de te poser que déjà la salle s’obscurcie et la bande commence, et toi tu restes bien de ton côté, sage. Pourtant ça déconne encore sévère, tu fronces le bout du nez parce que les logos ne ressemblent pas à celui d’un film de superhéros.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
Ça avait l’air de pas être une mauvaise réponse, le fait que t’aies pas faim. Visiblement, ça déclenche pas l’arrivée d’un air déçu sur son visage et bordel, t’es à deux doigts de remercier le ciel pour ça. Tu penses pas que tu supporterais de le voir déçu. Tu te dis que si ya bien une personne qui pourrait te briser ton petit en coeur en deux, ce serait bien Adam s’il était déçu. Il mérite pas de l’être. Il est bien trop précieux, trop mignon. T’as envie de te dire que ce serait dommage que ce sale monde ne le touche, ne le salisse mais… mais tu remarques ton propre rôle dans ce que tu crains. C’est toi ce sale monde. C’est toi ce sale mec. Et t’es là, à côté de lui. C’est ironique. Tellement ironique. T’aimes sa pureté mais rien que ta présence à ses côtés est une menace à cette dernière. Sauf que t’as tellement envie de les foutre sur lui, tes sales pattes. T’as envie de glisser ta sale langue sur sa peau, aussi. T’es incorrigible. T’es un putain de démon. Tu le mérites pas.
Tu le suis tranquillement, pigeant tout de même qu’il avait tout payé, que t’avais rien acheté et tu fronces les sourcils quelques secondes. Ça t’emmerde, ça. T’es pas blessé dans ta masculinité ou un truc du genre non plus, tu sais juste dans quelle situation financière se trouve Adam. Il te l’avait dit lors de son entretien d’embauche - étudiant à la recherche d’un revenu. Alors ouais, ça t’emmerde qu’il dépense cet argent dont il a besoin pour te payer une place de ciné. Ça t’emmerde grave. Mais ça à l’air de lui faire tellement plaisir, aussi… Tu sais plus quoi penser. Et ça t’emmerde, ça aussi. Parce que t’es un mec avec du répondant, un mec qui dit ce qu’il pense. T’es un mec qui agit et qui ne doute pas. Faut croire que c’est pas le cas quand il est là. Adam t’entraîne vers les rangées du milieu et tu le suis sans broncher. Faut dire que toi aussi, tu préfères ces places là. Et ça te fait sourire, un peu. Parce qu’avec n’importe qui d’autre, vous vous seriez casés dans un endroit sombre, dans un coin de la pièce, rien que pour pouvoir profiter du calme et de la pénombre pour jouer un peu, pour avoir des mains baladeuses. Là, c’est pas prévu au programme. D’ailleurs, dès que tu te mets à y penser, ton cerveau repart de plus belle.
Un putain de fauteuil double. Là, t’es à deux doigts de te barrer en courant. T’as l’impression de vivre l’une de ces comédies romantiques à deux balles, ces films, ces histoires dans lesquelles t’as absolument rien à foutre. Mais il a pas l’air de rougir. Tu te dis que s’il avait fait exprès, comme à chaque fois qu’il le faisait exprès, il serait aussi rouge qu’une putain de tomate. Ouais. Il est maladroit - comme toi. Et c’est putain de trop craquant. Craquant. Le mot se répète dans ton esprit. T’as jamais pensé ça de quiconque. T’as jamais utilisé un adjectif pareil pour décrire qui que ce soit. C’est une première, encore une fois. « Merci d’avoir dit oui en tout cas.. j’ai vraiment cru que t’allais me dire non. » Toi aussi, t’as bien cru que ça allait finir comme ça. Mais tu te gardes bien de le lui dire. Tu pourrais en faire une blague mais quelque chose te dit qu’elle n’allait pas du tout le faire rire. Bordel. Tu te retiens de faire une blague par peur de le blesser. Mais t’es qui, mec ? Putain mais t’es qui ? T’as vraiment l’impression d’être un inconnu, ce soir - clairement. « Quelle chaleur. » qu’il souffle ensuite en dénouant sa cravate. Et toi, incorrigible démon, tu suis ses doigts du regard, tu regardes la cravate glisser, se dénouer et tu déglutis. Tu t’imagines la lui enlever toi, après l’avoir utilisée pour l’attirer vers toi, pour pouvoir l’embrasser. Tu t’imagines la chaleur, la sensation de son corps contre le tiens alors que ta langue viendrait caresser la sienne. « À qui le dis-tu. » tu réponds alors que la température de la pièce semble monter de plus en plus (ou serait-ce celle de ton corps).
La bande commence finalement. Tu essaies de t’asseoir confortablement. Tu danses un peu sur ton siège au début avant de finalement trouver une bonne manière de poser tes fesses. Le logo. C’est pas le bon. T’as pas regardé les tickets, tu l’as laissé gérer, mais tu commences à te demander si ça maladresse ne serait pas aussi développée que la tienne, ou si le stress n’avait pas eu raison de son sens de l’orientation. Tu ne dis rien, pourtant. T’as pas envie d’être ce connard qui lui fait remarquer ses erreurs. Tu te contentes de tourner ton regard vers lui afin de voir sa réaction, afin de voir si lui aussi, se rend compte que vous vous êtes sûrement plantés de salle. Et puis tu réfléchis. Tu te demandes s’il osera l’avouer, finalement. « T’es sûr qu’on est dans la bonne salle ? » que tu demandes avec une douceur que tu ne te connaissais pas, un petit sourire malicieux sur tes lèvres.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
Ça y est, vous voilà tout les deux dans la pénombre, uniquement séparés par l’espace que vous voulez bien tenir entre vos deux carcasses et y a les logos qui commencent à défiler les uns après les autres. Ça aurait pu être deux heures parfaites, pas main dans la main, pas yeux dans les yeux, mais juste un bon moment partagés entre eux deux. Mais pourtant tu flaires clairement un truc qui ne va pas, tu ne retrouves pas ce fameux logo systématique à ce film de superhéros et l’ambiance qui se dessine alors vachement plus.. sombre, énigmatique. Pas du tout le genre de film pour lequel vous étiez partis tout les deux à base, à des lieux de ce qui était prévu. « T’es sûr qu’on est dans la bonne salle ? » qu’il te souffle du bout des lippes, espiègle. Et là t’as beau le fixer, faire mine de pas vraiment savoir ce qui se déroule sous tes yeux - bien dont tu le saches vraiment pas t’as actuellement foutrement l’air du dernier des cons. Alors tu colles une main dans la première poche de ton veston qui vient et t’en sors les deux billets. Salle 6. Salle 9. Tu vois pas très bien dans cet obscurité, mais t’arrives clairement à te rendre compte que dans ton empressement t’as confondu un foutu six et un neuf. Ça puis le fauteuil double, t’en rates vraiment pas une quand tu t’y mets, alors tu te mords les lèvres, tu redeviens gêné et puis tu cherches son regard dans la pénombre, son visage plus certainement pour venir lui murmurer au creux de l’oreille - bah ouais, le film commence faudrait pas se mettre à gueuler. « C’est pas la bonne salle. » que tu lui avoues, gêné. Tu vas vraiment par le faire fuir et pourtant, malgré tout les efforts que tu sembles déployer pour faire capoter la soirée il est toujours là. Ouf.
P'être qu’il reste parce qu’il à juste pitié ou alors intérieurement il se fout royalement de ta mine et jubile comme un porc. Stop. Tu te fais des films, Adam. T’essayes de concentrer les deux neurones qui te restent pour finalement comprendre ou vous êtes tombés. Puis finalement le titre apparaît dans un PAM bruyant à l’écran. Les Expériences Érotiques du Docteur Frankenstein. « Oh bordel ! » que tu lâches soudainement dans une intonation et un language qui ne te ressemblent guère sous les sscht des spectateurs déjà agacés. Fallait que ce soit ce putain de film, fallait que ce soit celui-ci en particulier. Bien sûr que t’en à entendu parler, tu ne vis pas dans une bulle de plastique, mais de tout ce qui était à l’affiche fallait que ce soit ce dernier. Production semi-érotique pour pucelles de quinze ans effarouchées version horreur gore. Putain. Non, non, non. C’est plus chaud que t’as, tu vas imploser. C’est plus des papillons que t’as dans le coeur, c’est des lames dans l’estomac, y a la sueur qui coule à peine de ton front. Parce que ouais, t’essayes de faire genre devant Damen, mais les films d’horreur ce n’est absolument pas ta came, pire, t’es la dernière des flipettes en ce qui concerne le genre. T’as jamais vu un seul classique et tu ne comptais franchement pas t’y mettre maintenant.
Alors y a tes ongles qui s’enfoncent dans l’accoudoir du fauteuil, y a ton regard qui triche comme tous les faibles du genre, qui regardent en bas de l’écran en faisant genre de fixer la toile alors qu’on a tous vu ce qu’ils faisaient. T’essayes de tenir la barre, mais ça commence déjà à gueuler dans les baffes de la salle, les premières giclées de carmin, les premiers cadavres. Tout ces choses que tu ne supportent pas, toutes ces choses que ta mire cherche à fuir, cligne trop sèchement alors que t’as l’impression de crever sur place. Mais putain tu vas pas faire ta scène devant Damen, t’as déjà assez fait le boulet comme ça. Alors tu survis - difficilement, mais bon il doit bien remarquer ton regard flottant ailleurs, ta sueur au creux des sourcils, pire le siège qui bouge quand t’essayes de te retenir de sursauter, mais c’est plus fort que toi. Et putain, ça fait que dix minutes. Tu ressors le ticket discrètement pour voir la durée. " Deux heures quinze". Okay, t’es mort.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
« C’est pas la bonne salle. » qu’il t’avoue et t’es pas étonné. L’ambiance sur l’écran se veut oppressante, sombre - à l’opposé du film de superhéro que vous étiez censés venir voir. Ça ne te gêne pas pour autant. Faut dire que t’aimes particulièrement les films sombres, les films un peu glauques, les films d’horreur quoi. T’es juste pas certain que ce soit la came de ton partenaire. Tu dis rien, pourtant. T’as pas envie de le juger comme ça, de t’imaginer que s’il est si pur et délicat c’est qu’il ne doit pas aimer les films qui font peur. Tu veux pour jouer à ce connard qui s’imagine des trucs, qui juge bien trop vite et qui se retrouve finalement parfaitement à côté de la plaque. Non merci. Et puis tu ne veux pas le vexer, aussi.
Et puis c’est le moment que choisit le titre du film pour se révéler. « Oh bordel ! » lâches Adam alors que tu te marres, alors que t’es à deux doigts de mourir de rire sur ta chaise, te tordant comme un abruti. Les expériences érotiques du docteur Frankenstein. Putain tu l’avais pas vue venir, celle là. Tu te tiens les côtes, écroulé. Mais qui a eu l’idée de créer une atrocité pareille ? C’est mort. Il faut que tu vois ce film. Il faut que tu saches ce qu’il en retourne. Ta curiosité est grave piquée. Ya les spectateurs qui vous sscht et t’arrêtes de te marrer d’un coup, un sourcil arqué. T’aimes pas quand on sscht les gens. Tu comprends, pourtant, vous êtes dans un cinéma. Mais c’est le principe qui t’énerve totalement. « Vos sscht, j’vais vous les foutre au cul vous allez moins faire les paons. » que tu leur siffles à la figure. Non mais.
Tu te relaxes à nouveau dans ton siège mais la nervosité de ton voisin ne t’échappe pas. Tu peux le voir se raidir du coin de l’oeil - et pas au bon sens du terme. Ses doigts s’enfoncent dans l’accoudoir et il est évident qu’il est entrain de passer l’un des pires moments de sa vie. Toi, c’est l’éclate. Le sang qui gicle, les cris qui démontent les oreilles… T’es au paradis devant ce navet qui continue de faire esquisser un putain de sourire amusé sur tes lèvres. Sauf que tu t’amuses pas à fond, c’est pas possible. Pas quand tu ressens la propre nervosité d’Adam à tes côtés. Pis sans accoudoir entre vous, tu ne peux pas la louper. « Ca va ? » tu finis par venir lui souffler à l’oreille. T’allais tout de même pas le faire rester là longtemps alors qu’il était visiblement mal à l’aise. Au pire, tu trouverais un moyen de pirater le film plus tard ou mieux, le regarder sur Netflix. C’est pas la fin du monde. Et puis bon, lors d’un rencard, vous êtes pas censés vous amuser tous les deux ? Parce que là, si c’est ton cas, c’est clairement pas le sien. Il est à deux doigts de se pisser dessus. « Tu veux qu’on s’en aille ? » T’as failli lui demander s’il voulait se planquer derrière ton épaule, s’il voulait que tu l’entoures de tes bras pour le protéger. Parce que c’est bizarre mais t’en as envie. T’as cette envie qui t’a pris aux tripes comme ça, d’un coup d’un seul. Mais tu veux pas lui foutre de faux espoirs alors… alors tu te contentes de ravaler tes mots, tes pensées au profit de lui offrir une échappatoire.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
Sous ton interjection, y a Damen qui s’exprime, genre goulûment. Il se marre le bougre, il pétille l’animal et foutre que tu l’avais jamais vu comme ça. Tu crois même que tu ne l’avais jamais entendu se marrer comme ça, la banane jusqu’aux oreilles. Et tu trouves ça divin, tu trouves ça putain de magnifique de ricaner à plus pouvoir se contrôler l’espace d’un instant. Puis y a les sscht qui se pointent et finalement te renfrogne dans ton siège comme un gosse qu’on vient de gronder. « Vos sscht, j’vais vous les foutre au cul vous allez moins faire les paons. » qu’il leur balance à la figure, genre sèchement, outrepassant clairement le volume requis alors que le film à débuté. Il y a ta caboche qui se retourne, le front qui se plisse sous les insultes qu’il vient de déblatérer. Tu le regardes comme un daron avec son môme, pire comme Captain America qui lâche un langage à la moindre insulte qui file. Puis finalement ça te passe aussi vite que c’est venu, au contraire, malgré les palabres vulgaires, il t’a défendu. Genre, vraiment. Et y a pas à dire, y a une partie de toi qui trouve carrément kind of hot . Quoi, comment ? À quoi tu penses Adam, les bonnes manières c’est pourtant essentiel alors tu te contentes dans le remercier avec un sourire pincé, comme une princesse qu’un chevalier viendrait de sauver. Bah ouais, tu ne vas pas te mettre à faire plus de bruit. Puis y a bien les protagonistes du film qui beuglent suffisamment comme ça pour pas que vous en rajoutiez une couche tous les deux.
C’est l’effroi qui t’habite la carcasse pour le moment, réellement. Ça fait des années que tu t’es pas retrouvé devant une telle boucherie, ça te retourne tellement l’estomac, que t’en deviens livide malgré que tu mires les rebords de l’écran pour échapper au pire. Ce n’est vraiment pas ta came de voir des carcasses se faire étriper, ça remonte p'être aux traumatismes de gamin quand t’es rentré dans la chambre de tes cousins qui mataient une oeuvre d’horreur alors que toi t’étais encore mineur. Et depuis t’en gardes encore des images affreuses bien qu’on ne puisse pas vraiment appeler ça un traumatisme. T’es juste un gros fragile, Adam. « Ca va ? » T’es bien content qu’il demande, tu pourrais gueuler non mais ce n’est pas tant la question qui t’apaise, plus son souffle chaud dans le creux de ton oreille, ce je-ne-sais quoi qui pour l’instant te calme toi. « Bof. » Tu viens lui siffler la même chose aux portes de la sienne, toujours ton autre paluche accrochée à l’accoudoir ready à l’arracher de tes cuticules sous la peur. Après tout t’es foutrement honnête, pas besoin d’être devin au vu de ton teint de mort-vivant. « Tu veux qu’on s’en aille ? » Il est vraiment putain de trop parfait, trop prévenant. Tu te rends compte que t’n’avais pas besoin de voir un film de superhéros, ce soir c’est lui ton superhéros. Et y a une partie de toi qui espère bien qu’il va sortir le super zéro que t’es de ce cauchemar sans nom. Pourtant, tu le vois à sa mire que zieute le film, tu le vois à ses lèvres étirées : clairement il prend son pied. Et t’n’as pas envie de lui gâcher son bonheur, t’as déjà fait assez d’erreurs pour ce soir. Tu prends ton courage — tant faut-il qu’il existe — et tu t’accroches. « On reste. » que tu tranches. Mais t’es clairement pas sûr de tenir le reste du film, surtout que les foutus jumpscare s’enchaînent et y a ton coeur qui tressaute sans cesse.
Puis y en a un, il est plus fort que tout, t’es à deux doigts de bondir du siège et dans un putain de geste inconscient y a ta main qui vient attraper celle de Damen sur sa cuisse et une demi-seconde plus tard tu piges. Tu saisis ce que ton débile de corps vient de faire, alors t’as les yeux qui s’écarquillent, ta tête fuit à l’opposée, ta mire zieute les parois de la salle. Lâche-lui la main putain. Et en même temps t’as pas envie, t’as pas envie de lui lâcher sa foutue paluche, par qu’elle ta raccroche à quelque chose de tangible, elle t’attache à peu de réalité qu’il reste dans cette diable monstruosité visuelle.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
Tu t’inquiètes un peu pour lui. T’as jamais vu quelqu’un flipper devant un film d’horreur avant. Faut dire que t’as jamais vraiment eu d’amis à part Kenzi. Et Kenzi devant un film d’horreur est une Kenzi qui se fait grave chier. Toi tu te marres mais elle, elle devine tout. C’était pas fun de regarder un film avec elle dans ces cas là. En même temps, c’est pas ce genre de film qu’il faut regarder avec une détective privée si t’as envie de pas être spoilé. C’est impressionnant de le voir comme ça, de le voir répondre corporellement au film comme il le ferait si les scènes se passaient devant lui. Il à l’air terrorisé. Alors tu lui demandes s’il va bien. « Bof. » qu’il te répond et t’es content de sa franchise. Au moins, il ne cherche pas à faire le malin, à jouer au mec. Et bordel ce que t’aimes ça chez lui. Ce que t’aimes comme il assume ses faiblesses. Bon pour ses forces, il a encore du boulot visiblement mais t’es prêt à l’y aider. Mais merde. Un mec qui sait reconnaître quand il a peur c’est… c’est pas un truc que tu vois tous les jours. C’est de nouveau une vague rafraîchissante. Tu finis par lui demander s’il veut partir, s’il veut s’éloigner de ce cauchemars et… « On reste. » Tu ne t’y attendais pas à celle là. Ça te laisse un peu perplexe pour le coup mais tu respectes sa décision. Après tout, t’as pas le droit à l’explication qui va derrière alors tu ne peux pas trop protester. Et puis, et s’il cherchait à combattre sa peur, à se surpasser ? Dans ce cas là, tu n’allais sûrement pas lui pourrir ses efforts en le traînant dehors par la peau des fesses. Alors ouais, ok. Vous restez.
Un énième jumpscare. C’est un énième jumpscare qui vous rapproche encore un peu plus et qui le fait attraper ta main. Dire que t’es surpris serait un euphémisme. Dire que c’est désagréable serait… un putain de mensonge. C’est surtout ça qui te surprend. Le fait que tu te mets à sourire comme un con, comme un putain d’adolescent alors que sa main se glisse dans la tienne, alors que tu viens doucement refermer tes doigts autour de lui pour lui faire comprendre que t’accepte le contact. T’espères que ça veut pas dire plus pour lui. T’espères quand même qu’il comprenne que c’est pour le rassurer, pour l’aider. Rien de plus. Toi, t’as conscience que ya un truc en plus - t’es pas idiot, mais t’es pas sûr que ce soit une bonne idée qu’il se fasse de l’espoir.
Tu tournes ton regard sur lui quelques secondes, tes yeux se posant sur son corps tendu sous la peur. Et bordel. T’as envie de venir déposer tes lèvres sur son cou. T’as envie de l’embrasser pour le rassurer, pour le faire oublier, pour lui faire penser à autre chose. Tu te demandes ce que ça ferait si tu venais plus près, encore plus près, jusqu’à ce que ton souffle ne vienne s’écraser contre la peau de son cou et qu’il ne puisse plus penser à autre chose que cette proximité ; jusqu’à ce qu’il en oublie le film, le sang et les cris. Et quand tes yeux se posent sur son visage, sur son expression effarée, c’est ton coeur qui s’emballe un peu plus et c’est toi qu’en oublie le chef d’oeuvre diffusé. Fuck. T’as vraiment envie de l’embrasser, là. Et t’es pas sûr de pourquoi c’est le cas. T’es partagé entre ton envie de l’avoir contre toi, d’évacuer cette frustration que tu as depuis que tu l’as rencontré une bonne fois pour toute, et ton envie de le protéger, de le tenir contre toi et de lui dire que tout allait bien. Et tu crois bien que ça veut dire que t’as des sentiments. T’as un truc pour lui. Tu descends ton regard vers vos mains, vos doigts enlacés et tu t’humidifies les lèvres. Merde. T’as des sentiments pour lui.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
On est sur un tel level où le courage est foutrement absent, t’es juste là, bonhomme, coincé dans le coin de ta banquette partagée, les miches bien enfoncées, les ongles raclant le cuir et ta foutue mire fuyant l’écran géant. T’es plus un môme pourtant, majeur et vacciné aux dernières nouvelles, mais y a quelque chose que tu n’as jamais vraiment trouvé : tes tripes. Alors tu t’es raccroché à ce qui traînait, au garçon qui te fait chavirer, à celui que tu considères que t’auras plus de courage que t’en auras sans doute jamais. Il a beau être plus frêle que toi, Damen, il se défend et attaque avec sa grande gueule. Et il à beau te bazarder toutes fleurs du monde sur ton physique y a clairement ton mental qui suit pas la cadence. Toujours à t’écraser, toujours à fuir les soucis qui se présentent, toujours à être dans ta foutue complaisance. À n’être que la moitié d’un, à se prétendre beaucoup de choses pour n’être finalement rien. T’es clairement pas un méchant loustic, tu manques juste de gueule. Même devant la bande. Alors tu t’es rattaché au seul soutien qui traîne, à cette grande gueule qui malgré tout la vulgarité du monde te tire des putains de sourires à t’en éclater les pommettes. T’as chopé sa putain de main. Sa main . Réflexe malheureux, mais pas regretté une seconde. Alors quand il croise ses phalanges aux tiennes, tu saisis l’approbation, tu comprends qu’il ne fuit pas et ça te file un regain inouï, comme si tu lui piquais une force tirée du simple contact.
C’est s’atteindre d’une façon étrangère, croisement entre deux êtres qui ne se sont jamais vraiment atteints avant cela. Et désormais y a beau avoir tous les cris, tous les sanglants du monde, y a que la chaleur de sa paluche dans la tienne, le croisement de tes cohortes aux tiennes. Et tu le serres si fort, que putain tu pourrais sentir son battement de coeur au creux de sa main. Mais t’essayes de te contrôler, t’essayes de ne pas la lui broyer ni la griffer d’aucune sorte. Tu cherches juste à la garder, juste là où elle se trouve. Clouée avec sur son froc, encore sur sa cuisse. Alors y a ta mire qui vient zieuter ce brassage plus bas, cette alliance abrupte, mais foutrement céleste qui repose ici. Et tu souris. Tu souris putain, comme jamais. Parce que lui aussi il sourit. Et il ne te lâche pas, il te garde d’une façon auprès de lui. C’est un nouveau bercement qui t’attaque les nerfs, apaisant, le voilà béquille de tes peurs, superhéros de tes frousses, sauveur de tes faiblesses.
Puis y a ton regard qui remonte vers le gaillard, parce que lui aussi putain il te fixe. Et même dans le noir, il n’y a que lui, que sa présence brillante pour illuminer tes peurs de son courage. Il y a plus de film, y a plus de cris ou de gore. Il y a Damen. Sa blondeur. Sa splendeur. Et toi Adam, y a ton coeur, hurlant, meurtri de tant d’ardeurs. Alors y a ta pogne qui enserre plus la sienne et inconscient ta carcasse cherche sa chaleur, sa proximité. Ton bonheur , que tu te répètes sans cesse. Tu sais pas trop ce qui te prend, mais y a toujours sa mire dans la tienne, son bleu dans ton marron, ta main dans la sienne. Toujours plus près . Pas pour lui murmurer tes trucs, pas pour l’observer de plus près. Pour ce que ta caboche te répètes de faire depuis un moment. Mais tu ne sais pas faire putain, même ça. T’es un penseur, pas un faiseur. Mais y a que les idiots qui se trompent pas. Alors t’es pivoine, ça devient une putain d’habitude, mais c’est pire que tout parce ton visage à jamais été aussi près du sien. Pourtant ce n’est pas ça qui te tire de ton moment, c’est le coup de savate que tu prends dans le dos du fauteuil, une tête qui se penche vers vos deux tronches, gras. « Allez faire ça ailleurs. » qu’il souffle, chameau. « Pédales. » qu’il siffle, cinglant.
« He didn't even say goodbye, he didnt take the time to lie. Bang Bang, He shot me down. Bang Bang,I hit the ground »
C’est la réalisation de ta vie. T’as jamais craqué sur quelqu’un avant. T’as jamais eu ces putains de papillons dans le ventre que l’on avait pu te décrire. T’as jamais douté. Tu t’es jamais demandé si ton attirance pour quelqu’un était sexuelle ou sentimentale. Faut dire que c’était évident, que c’était toujours sexuel. Pas là. Pas alors que ton regard est posé sur Adam et que tu souris comme un idiot, comme un putain de niais. Ya ton ventre qui danse la macarena, ta main moite dans la sienne et… ça devrait être gênant ça, ça devrait être affreux de tenir une main moite dans ta main. Mais bizarrement, c’est le truc le plus naturel et le plus plaisant du monde là, tout de suite. T’es bien, putain. T’es bien à côté de lui. T’en as oublié le film, oublié les cris, oublié les nombreuses giclées de sang. Ya plus que lui qui existe, lui qui te regarde aussi et toi qui fond. Parce que tu fonds complètement. Parce que t’aurais jamais parié qu’un mec comme lui puisse être intéressé par un mec comme toi. Parce que t’es un paumé, parce que t’es pas romantique - parce qu’il mérite tellement mieux qu’un p’tit blond tout frêle qui ne fait que jurer de ses journées. Mais l’intérêt qu’il te porte, ça te flatte. Parce que c’est veut dire que t’es peut-être pas si désespéré. Parce que lui voit du bon en toi, parce qu’il te trouve un intérêt quelconque. Tu ne sais pas lequel et t’arrive pas à te faire à l’idée, mais ça te gonfle ton p’tit coeur rien que d’y penser. Adam Griffin pense que t’as un truc. Adam Griffin t’aime bien. Ça rend ton coeur tout léger, comme s’il allait se mettre à danser dans ta poitrine, ou à s’envoler - au choix.
Tu te rends pas tellement compte quand l’espace entre vous se réduit. Tu ne sais d’ailleurs pas trop si c’est lui qui s’approche, si c’est toi, ou si vous êtes tous les deux responsables. Tu sais juste que ya ton coeur qui bat furieusement dans ta poitrine et que tes yeux ne peuvent plus quitter ses lèvres. T’as tellement envie de l’embrasser. T’as tellement envie de sentir enfin ce contact dont tu as putain d’envie. Mais tu ne veux pas non plus le brusquer, parce que tu ne sais pas encore tout à fait ce que tu veux, ce que tu recherches. Parce que tu ne devrais pas mais… De toute façon, tu n’arrives plus à penser. Le monde autour de vous n’existe plus et il n’y a même plus de contexte pour t’arrêter. Enfin ça, c’est ce que tu crois jusqu’à ce que la réalité ne frappe à nouveau - jusqu’à ce que votre petite bulle n’éclate. « Allez faire ça ailleurs. » que souffle un mec. Ça te plaît pas des masses ça, même si tu piges que les effusions d’amour en public, ça peut être gênant pour certains. Sauf que là, il te frustre le gars. Tu t’en balek qu’il soit gêné. Il a cas regarder le film et vous ignorer. Parce que bordel il te frustre, là. T’allais enfin pouvoir avoir ton premier baiser d’Adam. Enfin. Et il avait osé vous interrompre.
« Pédales. » Oh. Ok. Il n’était décidément pas gêné. Il était juste un abruti ignorant et parfaitement déplacé ; un de ces homophobes dont tu rêvais de casser le nez. Ok. Ton sang ne fait qu’un tour. Quand tu tournes la tête vers le mec en question, t’as l’impression de voir la tronche de ton paternel sur le corps de ce mec. T’as l’impression de voir son regard du jugement, de l’entendre te dire que t’es pas un vrai mâle. Ça achève de te faire voir rouge. Parce que le dire à toi est une chose qui t’énerve déjà habituellement mais le dire à Adam ? Non. Jamais. Hors de question. Il est interdit de s’en prendre à une boule de pureté et de gentillesse pareille. Non. Not on your watch. « T’as dit quoi, toi ? » que tu siffles, déjà debout, alors que tu t’apprêtes à passer au dessus de ton siège pour rejoindre l’autre bouffon dans son allée. Tu vas lui refaire le portrait ouais, là, tout de suite. Rien à foutre si les flics sont appelés. « La pédale elle va venir t’exploser le pif, te couper la bite et te la faire bouffer jusqu’à ce que tu t’étouffes avec. » Tu passes le siège pour venir te planter finalement devant lui. « Bonus si tu vomis. J’adorerais que tu vomisses, vraiment. » Tes yeux sont éclairés d’une lueur qui te ferait sûrement flipper si tu te voyais dans une glace. Faut dire que là, t’as des envies de psychopathe. T’as réellement envie de lui faire toutes ses choses. Faudrait peut-être que t’essaies de gérer ta colère un jour.
Mais là, t’as pas envie de la gérer ta colère. Alors tu lui colles un coup de poing en pleine figure sans prévenir, en plein milieu de son visage. Et merde comment ça te fait du bien. « Tu vas chialer vers ta mère ? Tu vas lui dire qu’une putain de pédale t’as démonté l’pif ? »