amour blasphème (ismaël)

elle a tellement mal d'se rappeler, eden. d'ses jours de vie. ça lui tord l'myocarde. ses débris d'âme s'ploient sous le poids du souvenir. il est loin, l'temps d'amour. elle a fait l'deuil du lyrisme sentimental, d'la poésie somatique. pourtant, elle ressent encore les strophes d'son fantôme lui sonner au crâne. "j'finirai par t'épouser, eden. j'te lâcherai pas, c'est rien, les autres. et toi t'es tout." comme si les morceaux d'son coeur déjà éparpillés s'bougeaient non pas pour s'reconstituer mais seulement pour lui entailler l'fond des organes. creuser encore d'avantage ce trou béant sous la poitrine, jusqu'à excaver sa carcasse entière, la faire s'effondrer à jamais. hymne au trépas.
d'son palpitant austère et d'son âme meurtrie, elle défaillit, eden.
les doigts du criminel appuient son encolure. elle sent ses pulsations étouffer contre ses empreintes. le souffle devient court, coupé par l'emprise du truand. elle n'cherche pas à s'extirper d'la mainmise. elle le dévore des yeux. son regard se magnétise au sien, et leur auscultation oculaire tend à estimer leurs pensées. c'est moi, mon amour. l'adolescente que tu as rendu veuve. la femme qui vit pour toi. la fiancée qu'tu vas marier. c'est moi, l'automate mécanisée par le deuil. c'est moi, ta véritable peine carcérale, puis c'est face à moi, qu't'encoures la peine de mort. c'est moi, mon amour, et j't'aime à te faire crever. et il faiblit. il relâche sa poigne pour conquérir ses lèvres. leurs corps s'embrasent l'un contre l'autre, à une température considérablement insoutenable. ils renonceraient, les autres, face à l'ébullition de leurs membres, à la sensation de leur ferveur corporelle, aux brûlures qui les imprègnent de leur entier. parce que ça incendie - pire encore, ça incinère. et c'est poignant. douloureux. mais c'n'est jamais assez. "fais-moi mal." elle ordonne, entre deux soupirs. elle balance sa main aventureuse ailleurs, la retirant âprement d'entre ses cuisses. touche-moi d'tes poings qui ont tué mon âme-sœur. regarde-moi d'tes yeux qui ont vu la détresse d'mon charles, abattu, avant d'éteindre les siens pour l'éternité. écorche-moi du vif de ta peau archère. tire-moi des balles à la force d'tes coups d'rein. rend-moi l'humanité. tais mes envies d'torturer ton âme jusqu'à ce qu'elle ne vaille plus. meurs-moi d'vant toi. avant qu'tu n'existes plus.

les épidermes se rencontrent, et les atomes qui te composent se mettent à vibrer.
les lèvres s’accrochent, les langues se délient, et le sang boue dans chacune de tes veines.
c’est incandescent.
fais-moi mal.
ça claque comme un ordre, elle envoie balader ta main, c’est au fond de vos yeux que se jouent les préliminaires. elle sait allumer la mèche en quelques secondes eden. le regard se fait conquérant, le sourire se veut équivoque. la mémoire dans la peau. les sens déjà sur le qui-vive, le coeur frappe, l’envie te déchire les entrailles et bondit tel un fauve. tes doigts oublient les caresses, empoignent les cuisses, c’est son dos qui tu abîmera le premier en la plaquant trop brutalement contre le marbre. viens le tour de sa mâchoire, son cou, sa clavicule qui se retrouvent marqués d’un amour féroce par tes canines et incisives. je redécouvre mon dû, j’en réclame chaque parcelle, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien. la hargne avec laquelle tu la prends est à la hauteur de la rage qui t’habitait encore il a quelques minutes. cette même rage qui se décuple, enfle au rythme de tes mouvements. c’est à ses reins que tu t’en prends, mais ce n’est qu’un combat à armes égales. les années s’effritent, tu m’possèdes. mes espoirs ne portent plus que ton visage. l’avenir à la saveur de tes sourires. l’animal se débat avec ce myocarde qui fait des siennes, la peau brûlante de la femme te fait divaguer, tes crocs acérés se plantent, encore, abîment l’épaule et l’eau bouillante se fait désagréable. le corps tremblant, tu la portes jusqu’au premier meuble qui deviendra témoin de vos ébats. tes gémissements se mêlent aux siens, la rythmique est entêtante. envoûtante. tes doigts récupèrent sa tignasse, tu l’obliges à ne voir que toi, tu t’obliges à ne voir qu’elle. la tempête dans tes azurs n’a rien d’habituel, les sentiments se font aussi bruts que tes coups de reins. vois, comme je ne répond plus de rien. j’ai l’amour au creux du bide mais du venin au bout des doigts. j’ai l’amour au bord des lèvres, l’amour qui brûle mon âme, l’amour entre tes cuisses. et ses lèvres que tu récupères avec beaucoup trop d’ardeur, pour t’obliger à la fermer, tu l’embrasses pour ne pas perdre la face, garder un pied dans votre réalité. eden, c’est l’ancrage d’une vie. les lames de rasoirs dans ta poitrine. le renouveau, l’incertitude, l’évidence. alors il y a bien le je t’aime quasi-inaudible qui s’écrase contre sa bouche, se noie dans un nouveau soupir, se fait emporter par un nouvel assaut dévastateur. l’âme se scinde en deux.

eden, elle aimerait qu'il lui casse le cœur. qu'il l'empêche d'ressentir quoi qu'ce soit pour lui. qu'ses coups d'rein soient assez intenses pour lui retourner les tripes, pour lui bousiller les organes, pour tuer ceux qui ont pris la liberté d's'éveiller malgré sa conscience avertie. elle aimerait qu'il lui brise les hanches, qu'il effrite chacun d'ses os jusqu'à la faire tomber à genoux. qu'il l'abatte. la délivre d'cet amour qu'elle ne contrôle pas. d'ces sentiments qui lui font repousser sa vengeance à demain. elle aimerait qu'il la rende aveugle, pour n'plus jamais qu'elle ait à croiser son regard d’assassin. qu'il l'étouffe de ses baisers. qu'il l’asphyxie à la chaleur de son corps. qu'il l'abandonne inerte, pour qu'il n'y ait plus qu'son fantôme à elle pour le hanter. parce qu'c'est lui, son point faible. et qu'en tant qu'mortelle, elle n'a pas l'pouvoir d's'arracher l'coeur et d'le balancer aux enfers. elle sent bien, qu'son rythme cardiaque danse en sa présence. elle l'sent, qu'ça pulse à sa simple pensée. il a c'putain d'truc, ismaël. d'l'avoir rendue monstre pour les autres et humaine devant lui.
égoïstement, elle aimerait crever, eden. elle pourrait mourir dans cet orgasme qu'il vient d'lui donner. dans cet instant d'frénésie, où chacune de ses extrémité frémit et tremble comme si elle n'maîtrisait plus rien d'son propre corps. dans cet instant d'liberté, où plus rien n'semble exister si c'n'est qu'cette émotion d'explosion, qui blanchit ses idées noires d'un chaos hypnotique. elle s'absente trois, quatre, cinq secondes. domptée par une force spasmodique. il pourrait, s'terminer en elle et jouir à son tour. mais il n'y a qu'cet animal en face d'elle. qu'cet hydre, féroce et bestial, animé par une rage inestimable. il la réveille, l'extirpe d'son accalmie crânienne, la prenant plus fort encore. eden n'a plus qu'ses gémissements pour lui gueuler sa rancœur. elle s'laisse consumer, bouffer par les crocs affamés d'ce loup qui la dévorerait jusqu'à son dernier reste d'âme. elle croit voir le souvenir d'son charles, derrière la vitre de la douche. les traits d'visage délicieusement bien dessinés pour un âge qu'elle ne lui a jamais connu, malgré la condensation qui tend à rendre son portrait moins réaliste. les contours de ses opales luttent en vain contre la montée des eaux. son regard se trouble, ses paupières tombent et rejettent lourdement des larmes salées qui lui glissent le long des joues. la blonde se raccroche fermement à la nuque de son fiancé, empêchant son abdication physique. elle s'en veut, culpabilise et ne s'est jamais autant détestée.
alors plus il frappe, plus ça l'apaise. et plus elle s'apaise, plus elle l'aime.
putain d'amour blasphème.