in the blink of an eye (nana)

"les relations, ce n’est pas trop pour moi. la liberté n’est-elle pas plus merveilleuse ?" eden sourit bruyamment dans un souffle - elle lève les yeux au ciel. "si tu l'dis." sur un ton qui la laisse penser qu'elle se fout ouvertement de sa gueule. j'sais qu't'es malheureuse, nana. ça s'devine facilement à tes cheveux coupés au carré et à tes rires exagérés. "enfin, c'est juste mon avis. mon désir des petits plaisirs différents. toi, si tu te ranges, c’est que t’es prête à tout ça." eden traîne sa main dans ses cheveux, se grattant agréablement le crâne. ses opales toujours pendues à celles de l'italienne, passant leur temps à se sonder l'une et l'autre. "mmh. sûrement. oui. t'as peut-être raison." elle acquiesce lentement, la réflexion soulignée du bout de son menton. "et toi, si t'es toujours aussi libre à l'aube de tes trente ans, c'est qu'tu préfères encore t'faire baiser dans les toilettes qu'apprendre à faire l'amour dans un lit. non ?" les mots sont crus, crachés sur un ton béat, accompagné d'un sourire fermé et d'un air placide. la garce plante ses canines sur ses lèvres, arborant presque une moue déçue devant les traits du visage d'en face, qui se froissent instantanément. "ouais, j'comprends. c'est pas facile d'concilier sa vie privée à sa vie professionnelle. j'imagine que t'es toujours pas tombé sur un homme qui pourra t'aider à élever ta fille ?" touchée. elle vient d'la jeter en dehors d'la réalité, l'temps d'une seconde, deux, pas d'avantage. mais c'est un moment d'absence qu'elle saisit à la volée, en profitant pour la fouiller des yeux, entrevoir la faille enfouie au plus profond d'son âme. "j’ai perdu mon bébé, eden." coulée. il n'y a plus d'sourire, sur l'visage des deux poupées. elles ont finit d'jouer, et c'n'est qu'maintenant, qu'elles laissent tomber les masques pour qu'l'authenticité revienne à sa place. celle qui n'les avait pourtant jamais quitté jusqu'alors. c'est un regard intensément puissant qui les unit. qu'est-ce-que t'en penses, nana ? vais-je t'ouvrir le cœur, vais-je saigner tes regrets à l'acide de mes mots ? vais-je garder cet aveu en réserve ? vais-je utiliser la mort comme attaque ? tu le sais, pourtant. qu'mon putain d'coeur bat toujours pour un fantôme, qu'ma vie entière n'est qu'un putain d'cimetière. t'es conne, nana. tu surestimes ma compassion et tu sous-estimes la haine qui m'ronge les tripes. elle est là, notre différence. à ta place, j'aurais eu l'intelligence de fermer ma gueule. eden connaît chaque recoin de son jardin. elle fait preuve de la ruse de nahash, taisant ses envies de répliques spontanées. elle réfléchit à deux fois, et pense bien qu'elle ne peut pas se permettre de foutre en l'air une opportunité aussi délicieuse. et c'est, de façon très malsaine, qu'ses yeux font naître un éclat luisant. délectable et délicat. elle prend l'avantage. friande de la suite. consciencieuse, elle laisse penser à nana qu'elle lui redonne le bâton. celui qu'elle vient bêtement d'lui tendre pour se faire battre. reprends ton arme, mais ne frappe pas avec. les conséquences pourraient faire bien plus mal. elle parle du mariage. son mariage. "heureusement, ça serait con d’avoir perdu neuf ans de votre vie." elle se pince les lèvres. effectivement, ce serait con. mais elle n'ajoute rien, se contentant sagement de récupérer les billets. et le petit bonus que la patronne lui a filé. faussement bonne, la blonde lui propose une petite carte postale des seychelles. "non merci." alors, elle hausse seulement les épaules. tant pis.

officiellement, il n'y ait plus l'ombre d'un air hypocrite qui tienne. plus une grimace matoise, plus une lueur fallacieuse ou une tonalité sournoise. il ne reste plus qu'elles, aussi dangereuses et charismatiques, aussi néfastes et mystiques l'une que l'autre. le silence couvre leurs gueulantes psychiques. et puis, nana. "tu l’aimais si fort, vous étiez beaux." d'quoi tu m'parles, nana ? "jsais bien qu’on oublie pas son premier amour mais t'as su te relever. en tout cas, je suis sûre que de là-haut, charles doit être si heureux pour toi. profite bien." elle dégringole, eden. comme une chute d'un immeuble de soixante étages. comme la mort qui n'cesse jamais d'frapper quand on l'attend l'moins. j't'ai pourtant demandé, nana. d'rien faire d'ce bâton. d'le ranger tranquillement dans ton p'tit tiroir et de n'pas l'utiliser ce soir. mais elle reste stoïque. luttant follement en son intérieur pour n'pas extérioriser toute l'animosité qui l'assène, s'retenant de n'pas cracher sur l'italienne en pleine figure. "pendant qu'tu crèves dans l'passé, j'ai viré vers l'avenir." elle finit par prononcer, implacablement aride. elle n'a pas bougé, eden. figée sur place, sur c'fauteuil dont elle a oublié l'inconfort. figée avec les billets froissés dans son soutien-gorge qui lui piquent la peau. "autre chose ?" elle lâche un sourire qui dévoile ses crocs prêts à mordre. d'abord silencieuse, eden se lève d'son siège, s'rapproche du bureau et y encre ses paumes de main. appuyée bras tendus contre le meuble, elle sent son corps entier se contracter, ses yeux ne plus voir qu'le visage d'l'italienne, qu'elle aimerait voir pâlir dans un cercueil. "oui, autre chose." elle laisse ses yeux chanceler dans les siens, courir après son attention la plus assidue. "si tu n'veux pas qu'j'aille profaner la tombe de ta fille, j'te conseille de n'plus jamais t'approcher d'ismaël pause ,pulcino mio" comme elle aimait l'appeler. la menace sanglante, eden tourne les talons et quitte le bureau.

mmh. sûrement. oui. t'as peut-être raison. "et toi, si t'es toujours aussi libre à l'aube de tes trente ans, c'est qu'tu préfères encore t'faire baiser dans les toilettes qu'apprendre à faire l'amour dans un lit. non ? elle pique l’abeille, espérant devenir la reine des abeilles de vos deux mondes qui s’entrechoquent, se déclarent la guerre, la mobilisation des hommes en route, les premières flèches de poison lancées par delà l’immensité de vos prairies. étendues de vos champs d’amour, de haine, de passion. la mort survole vos têtes mais pas que la votre. il y a aussi celle du principal concerné, du principal sujet de votre discorde. que de préjugés. t’en fais pas pour moi, c’est chez moi qu’on l’a fait. et tu pourrais tant dire de choses en plus, que si c’était l’unique jour où vous l’avez refait, ce n’était pas l’unique fois que vous vous revoyiez. ce n’était pas l’unique fois où derrière son dos, à la jolie sirène mortelle, il te revoyait. même pour des disputes, des cris, des larmes, des révélations, des mecs qu’il te reprochait de fréquenter, il ne t’avait jamais parlé d’elle. d’eden. il n’avait prononcé son prénom. il n’avait fait que l’évoquer furtivement au détour d’une conversation, d’une énième dispute, un énième règlement de compte au sujet du fautif. lui. eux. toi. chacun se renvoyant la pierre sans promesse de paix.
comme tu étais certaine qu’il n’y en aurait pas non plus ici, de paix. entre vous. entre la gamine de charles et toi. elle n’était sans doute pas envisageable alors comment pourrait-elle être possible. par toute votre froideur, vos sous-entendus et piques véritablement lancés, c’était comme pour toi une nouvelle déchirure dans le passé. une nouvelle colonne des vestiges de ton passé qui s’écroulait, les pierres noircies par le temps et les ténèbres déboulaient pour s’écraser au sol. au même rythme que les battements de ton coeur. bien trop rapides depuis que mia a été évoquée. bien trop douloureux depuis trop d’années.
deux guerrières, deux adversaires, c’est ce que vous êtes devenues. pour une raison que tu ignores en réalité. onze ans, c’est long. onze ans, qu’il n’est plus à toi, si tu l’as réellement été, neuf ans qu’elle est à lui. onze ans, que vous êtes, l’un pour l’autre, qu’un souvenir douloureux, reliés par un enfant mort, qu’une partie de la vie de l’autre compliquée, qu’une sensation d’un goût d’inachevé, au moins pour ce qu’il s’est réellement passé. tu ne sais pas réellement pourquoi ça se joue ainsi entre éden et toi. pourquoi l’entente de plus de onze années s’est transformée en mésentente. pourquoi deux femmes comme vous, qui se comprennent bien trop, animées par les mêmes choses, deviennent ennemies. pendant qu'tu crèves dans l'passé, j'ai viré vers l'avenir. ça risposte avec acidité, droiture, yeux révolver alors qutu penches la tête. j'irai déposer une fleur sur la tombe de charles le jour de ton mariage, faudra me dire la couleur. c'comme s'il sera avec toi comme ça. et elle est là, la tienne de faille, jolie poupée. trahie par les mots crachés, vénéneux de la vipère qui se met à sourire de la plus mauvaise des manières. il est moche ton sourire, éden. dommage de gâcher un si joli visage ainsi. le corps du monstre qui se déploie face à toi, révèle sa vraie nature. oui, autre chose. si tu n'veux pas qu'j'aille profaner la tombe de ta fille, j'te conseille de n'plus jamais t'approcher d'ismaël, pulcino mio le corps qui se fige, le sang qui quitte ton corps, yeux dans les siens. la tension dans le corps, tu te retiens de sortir cette arme de sous ton bureau et de lui tirer directement dans la tête. ltemps que tu te contrôles, elle est déjà partie, la porte claquant derrière elle. tu n’aurais jamais dû dire ça éden. tu n’aurais jamais dû essayer de jouer avec moi là-dessus. c'est une promesse.