night owls, early birds (julius)

i hope some day/ toscane, 10 ans/ comme dans la première scène d'un film, d'un vieux flashback. d'un film que l'on pourrait croire comédie, se terminant en drame. toscane, campagne italienne. main d'un petit garçon qui frôle le blé d'une main, alors qu'il s'enfuit un peu plus loin dans les champs. les tiges qui lui arrivent au milieu du ventre. son nom, crié depuis la grange. on le cherchait encore. pour écourter une partie de cache cache peut-être. pour le rappeler à l'ordre était plus crédible. mais julius savait que les problèmes venaient de l'objet qui trônait fièrement dans sa main gauche. le jouet qu'il venait de dérober à sa sœur. haut de ses dix ans, et jamais il n'avait laissé passer une occasion d'embêter la petite de la fratrie. il s'enfuit un peu plus loin, à la limite de la portée vocale de ses parents. derrière une botte de paille se croisent des racines d'un arbre disparu. il suffit de savoir où regarder pour trouver sa cachette. les trésors s'accumulent, un jouet, du tissu, les dés d'un jeu de société auxquels il déteste jouer, une carte postale vieillie, quelques billets et pièces de monnaie se courent après, des dessins sur des bouts de papier déchirés.
son nom retentit encore une fois, et après avoir fait disparaître son bien avec les autres, il accoure. le soleil réchauffe le bout de ses doigts, le haut de son crâne et il aurait préféré se dorer au soleil que de se mettre  l'ombre de la grange. surtout pour recevoir le discours incessant de son paternel. alors le cerveau sur pause, les hochements de tête au bon moment. julius fait passer les cris et le mécontentement sur un fond sonore alors qu'il suit le mouvement des hommes valentini. reprenant là où la vie de la ferme c'était arrêté.
i'll make it out of here/ little italy, 21 ans. le flou, et le paysage se transforme. maintenant neuf ans que le décor a changé d'image. les champs de blé ont laissé place à des immeubles qui s’enchaînent les uns derrière les autres, à perte de vue. accoudé à la fenêtre d'un bar, julius regarde sa bière avec mépris. même si la légalité le suivait sur sa carte d'identité, l'envie ne suivait pas. et à vingt deux heures entourés de ses potes de fac, il commence vraiment à regretter d'être venu. mais après l'invitation, il n'avait pas trouvé la bonne formulation pour avouer qu'il ne touchait pas à l'alcool. jamais. voyant les dégâts causés sur sa famille, il méprisait ce liquide et c'était promis intérieurement de limiter le contact avec lui. alors julius pousse un peu plus sa bière au milieu du bois, offert par une des âmes autour de la table. il hésite un temps. avant de se plonger de nouveau dans une conversation qui devenait la sienne.
we were so bright/ dans son coeur & dans ses bras, 25 ans. le cliché du matin ensommeillé : les draps blanc froissés, le soleil qui se lève, l'un dans les bras l'un de l'autre, le réveil en même temps, les sourires du matin, le visage parfait. spoiler : c'est absolument pas comme ça que ça se passe. les draps tirés d'un côté, les jambes emmêlées, nœuds & épis dans les cheveux, un des deux à la limite de tomber. mais c'est comme ça qu'il l'aimait julius.
adel et ses cheveux décoiffés. capable de le pousser du lit. de pas lui adresser un mot avant d'avoir bu son café. (noir, sans sucre) mais ça ne faisait que lui rappeler à quel point il l'aimait. son doigt qui passe sur ses lèvres quand elle se concentre, sa façon de se mordre l'intérieur de la joue quand elle retient une critique. son rire silencieux qui fait vibrer ses côtes. adel. la seule. l'unique ? premier amour ? peut-être. véritable amour ? oui. seul amour ? cette question avait-elle véritablement une réponse ?
standing in the sunlight/ l'upper east side, 29 ans. y avait-il vraiment un sens à tout ça ? aimer quelqu'un pour le quitter des années plus tard. abandonner une partie de sa vie. comme beaucoup de monde il aimerait oublier pendant une seconde ce qui pèse au cœur. et comme tout cœur brisé, la seule chose à laquelle il peut penser, c'est qu'il ne pourra jamais quelqu'un d'autre de cette manière. mais ce que tout le monde oublie, y compris lui. ce que l'on aime chaque personne d'une manière différente, que notre cœur n'appartient à personne. et qu'aucun ne peut le détruire. jamais.
alors peut-être que c'est seulement plus facile d'y croire. que notre chance à filer. de souffrir une fois et une seule. de ressasser le passé pour faire palpiter la nostalgie. la radio résonne en fond, et pour effacer toute trace de pensée sensible il s'échappe dans un mélange de fumée de cigarette, de vin & d'un cerveau qui nage en eaux troubles.