bleu tempête. (nana)

t'as un furtif regard pour ted et son clin d'oeil quand il revient avec vos commandes. deux verres de whisky bien tassé. un coup d'oeil qui s'attarde quand il tourne le dos et s'éloigne vers son bar. comme un mec voulant s'assurer que monsieur restera bien à sa place. tu ne gardes pas longtemps en toi, ce que tu es vraiment. puis toute ton attention se repose sur Nana après ta première gorgée. tu écoutes son histoire. t'as réellement envie de l'entendre. et ça commence par cette grossesse qu'elle a du assumer, toute seule. à seize ans, obligé d'arrêter ses études, ça te fout un pincement au coeur. et tu te dis que si le cours des choses avait été autrement, tu aurai pu assumer entièrement tes responsabilités. te servir à bon escient du trop plein d'argent de tes parents. qu'elle aurait pu continuer n'importe quel cursus. peu-être même que votre fille serait encore en vie. puis elle enchaine sur l'après, la descente aux enfers que tu as toi même vécue derrière les barreaux. pas tout à fait semblable à la sienne, moins traumatisante. quelle conneries ? que tu demandes, curieux en avalant une nouvelle gorgée. et elle continue sur ce qui l'a mené à sa gérence de club. les mcgrath, un nom que tu connais forcément de part ton cher père. mais tu n'en dis rien, tu la laisses continuer. les choses se sont finalement bien enchainées, je suis content pour toi. un léger sourire se dessiner sur tes lèvres. jusqu'à sa question fatidique. tu te racles légèrement la gorge.
le début tu le connais... commences-tu, te donnant une dose de courage en avalant une nouvelle et dernière gorgée. c'est la bouteille que tu aurais du commander. la prison n'a pas été une partie de plaisir. le procès non plus, il s'est passé à huis clos, grace à mon père. il ne voulait pas que cela entache ses affaires. comme toujours. tu es à la botte de ton paternel. puis j'ai du suivre des programmes de merde, sur le contrôle de la colère, rien n'a jamais fonctionné. j'suis juste un chien enragé bon à enfermer. tes poings se serrent inconsciemment. et maintenant, j'ai une dette envers mon père. alors je m'occupe de quelques histoires qu'il doit gérer. je casse des gueules pour son bon plaisir, je menace, j'envenime. tu ne veux pas en dire plus, pour ne la mêler à rien. une vie banale. tu souris en coin, avant de rappeler ted d'un geste de la main.

léger soupir. "l'alcool, les mecs, des trucs dans la rue, rien de bien glorieux. avec shabh, on passait notre temps ensemble. " t'as le petit sourire nostalgique sur tes lèvres quand shabh entre dans la conversation. il te sourit, laisse penser que tu t'en es assez bien sortie après tout cela alors que non. pas réellement. t'as juste une bonne place dans un club. pour le reste, c'est encore trop le bordel. pour le reste, t'es parfois encore bien trop dix ans en arrière, brisée par la perte. "ouais, enfin, j'ai failli enfiler la même combinaison orange que shabh y a quelques années. " tu roules des yeux, hausses un peu les épaules en évoquant cela. "histoire de drogue, d'une fille qui y passe, dans le premier club qu'on a bien voulu me confier. bref." tu termines avant de lui demander à son tour ce qu'il a foutu de ses dix dernières années, hormis son temps en prison. quelle ironie quand t'y penses, t'aurais presque pu faire partie de cette team de taulards qu'étaient ton ex et ta meilleure amie. il évoque la prison, tu l'écoutes, tu souris à la mention de ces programmes auxquels il a dû participer pour la colère. il a toujours été comme cela, déjà quand vous étiez ensembles. et si tu savais ismaël. tu les connais si bien ces genre de programmes, ces réunions. t'en sors justement d'une. t'avais abandonné l'idée d'y aller. t'avais abandonné l'idée que ces gens inconnus qui avaient vécu ou non la même chose que toi pouvaient te venir en aide. c'était inconsolable. c'était au fond de toi. une putain de chose incurable. jusqu'à ce que tu tombes sur atlas, tu n'avais plus assisté qu’occasionnellement. juste pour te foutre des autres. et encore aujourd'hui, tu te plaisais à entendre le malheur des autres. comme si ça pouvait te rappeler que t'étais pas toute seule dans cette merde. comme si t'aimais ça, que les autres souffrent autant que toi. c'était malsain, mesquin. mais c'était toi. "c'est-à-dire ?" tu balances alors qu'il appelle le serveur. t'as très bien compris qu'en le formulant de cette manière, il tenait à t'en dire le moins possible. tu tentais tout de même. pour savoir jusqu'où pourraient aller vos confidences. jusqu'où pourrait-il aller ? et toi de même en retour. "et... des petites-amies ?" tsais pas réellement pourquoi t'as posé cela d'un coup. la curiosité, sans aucun doute. l'ancienne possessivité qui peut parfois revenir et qui n'en fait qu'à sa tête alors que tu lui dis de rester coucher. cpas difficile, t'aimes te flageller. et de cette manière, t'as envie de savoir s'il a connu réellement d'autres femmes après toi, dans le genre pas plan cul. si t'es la seule conne à patauger dans le passé. ted revient, un sourire enjôleur pour toi, un regard plutôt méfiant et interrogateur pour ton voisin, faut dire que t'as jamais ramené personne ici. tu t'es jamais pointée avec quelqu'un et t'as surtout aucune idée qu'ismaël t'a attendu ici tout à l'heure. toujours pareil, ma belle ? et vous ? hochement de tête de ta part, avec ce sourire, t'aimes bien ted. il a toujours été sympa avec toi. sans réellement connaître ton histoire, sans réellement savoir pourquoi tu viens une fois par mois ici, souvent à la même date, tu l'as toujours trouvé réconfortant. t'as pas l'impression qu'il te drague ou alors ton radar est rouillé dans ce coin du queens mais il est juste réconfortant dans ton malheur. encore son départ et tu tournes ton visage vers ton ex-petit-ami, ton ex-amant silencieuse, avant de pousser un gros soupir. bras que tu croises contre ta poitrine comme si soudainement quelque chose venait de changer la donne. comme si tu venais de te rappeler que t'aimerais aussi que lui, ismaël, te console. comme si tu avais besoin de te protéger alors que tu prononces ces quelques mots, ton dos qui vient s'appuyer contre ton dossier. "jsuis là parce que je suis un groupe de soutien psychologique." tu balances en détournant tes yeux de lui pour les poser plus loin sur la salle, comme si t'avais honte de quelque chose, honte de ce que tu étais devenue au fond, les lèvres pincées, bien subitement les larmes qui emplissent des yeux. "une fois par mois." mais merde à la fin, pourquoi t'es si fragile ?

@ismaël sartier

tu as joué le curieux et tu as obtenu les réponses. des conneries en tout genre, des choses dont elle n'est pas fière sur lesquelles elle ne s'attarde pas. puis elle te parle de la prison, mais pour elle cette fois-ci et tu as du mal à y croire. tu n'as pas envie d'y croire tout simplement. elle n’aurait pas supporter les barreaux, Nana n'est pas un animal bon à enfermer. bien au contraire. puis viens ton tour de raconter la vie que tu as mené. rien d'extraordinaire, rien de transcendant. une vie de délinquant, de fils à papa mal élevé. tu ne regrettes rien, sans doute pas ce que tu es, ni ce que tu es devenu. si tu devais avoir un regret, il concernerait Nana et votre fille. mais les choses n'arrivent jamais sans raison. c'est ce que tu t'es toujours dit. tu parles des affaires de ton père, vaguement, elle s'y intéresse davantage. rien que tu ais besoin de savoir Nana. comme pour dire, ne t'en fais pas, tout va pour le mieux, je gère. pour ne pas qu'elle s'en mêle, surtout pas. et... des petites-amies ? t'arques un sourcil à sa question. tu n'en comprends pas le but, tu serais presque gêné d'en discuter avec elle. alors un léger rire te prendre. au même moment où le barman se ramène, et que tu commandes la même chose. whisky, sec. des petites amies ? nouveau rire. il n'y a pas, il n'y en a pas eu. eden, serait ce qui s'en rapprocherait le plus, une relation suivie depuis presque neuf ans. une toile d'araignée de laquelle tu ne saurai te dépétrer. c'est elle, qui est à l'origine des nombreuses marques sur ta peau. rien qui s'en rapproche, non. il n'y a toujours eu que toi. depuis toi, je n'ai jamais eu de relation que l'on pourrait qualifier, de sérieuse. tu lui souris. la politesse voudrait que tu lui demandes et toi ? mais tu n'y parviens pas. tu n'as pas envie de te flageler, tu n'as pas envie de savoir, pour le moment. Nana elle prend trop de place dans ton coeur. Nana elle en a toujours trop pris. ses confidences continuent, t'as un regard attentionné, ta main s'avance sur la table et vient saisir la sienne lorsque tu vois les larmes noyer ses yeux. à cause de ... ce qui s'est passé, il y a presque dix ans ? tu n'arrives pas à dire les mots. tu n'arrives pas à la voir morte. comment ça se passe ? ce groupe ? ... tu crois que, je pourrai, peut-être ? enfin, j'sais pas. ton verre arrive, et t'en bois une gorgée.

tu fermes un instant les yeux, légèrement déçue mais tu rétorques rien. tu pourrais. tu pourrais demander à ce qu’il t’en dise plus, à ce qu’il se confie à toi. mais à quoi bon ? tu n’es rien plus lui, hormis la fille avec qui il couchait dix ans plus tôt, hormis la fille avec qui il a eu un enfant mort-né. oui, tu n’es rien. ou du moins, tu n’es plus rien aujourd’hui. seulement cela. lui de même pour toi. il est cet homme avec qui tu couchais, avec qui tu avais une relation amoureuse, avec qui tu as presque donné la vie. et c’est tout, cela devrait rester là. vous n’êtes que deux personnes discutant, en ce moment même, de votre vie respective. de ce que l’autre aurait pu manquer, de ce que vous avez manqué. et tu sais bien qut’aurais pas dû poser cette question. à quoi sert-elle d’autre qu’à te faire mal ? non, t’es pas là à courir après. ça fait un moment que t’essayes de faire taire cette mauvaise jalousie, cette ironique possessivité que tu ressens pour lui. c’est débile. pas normal. mets toi ça dans le crâne, t’es pas dix ans en arrière, ma vieille. lui. tu fais ce que tu veux de ta vie. il fait ce qu’il veut de sa vie. vos routes se séparent sans cesse, même si quelques jours plus tôt, vous avez succombé à cette mauvaise tentation. à cette délicieuse tentatrice, celle de retrouver le corps de l’autre, l’alchimie avec l’autre. question posée car tu veux savoir, quitte à ce que ça te fasse mal de savoir qu’il est passé à autre chose. en dix ans, cela devrait être normal. cela est normal. de l’eau a coulé sous les ponts. vous êtes ces mêmes personnes en étant à la fois bien différentes. parce que toi, c’est triste à dire mais t’es jamais passé à autre chose. enfin si. mais c’est bien plus compliqué que cela à expliquer. il y a les autres et ismaël. cet homme qui restera toujours au fond de toi, celui qui sera toujours en toi. t’es pas ressorti avec un autre homme parce que ça fait trop mal. cela t’a fait trop mal, la rupture, de te retrouver seul, le sentiment d’étouffement lié à l’abandon. de ne plus pouvoir rire avec lui. de ne plus avoir de discussion avec lui. d’espérer mais de ne voir jamais arriver sur ton portable un message de lui. bien trop difficile, t’as décidé d’arrêter avec cela. les histoires d’amour. les histoires qui impliquent une stabilité. et c’est con parce que t’étais persuadée de plus ressentir cela. jusqu’à anton. et bordel, qu’est-ce que tu avais dit ? qu’est-ce que tu viens de dire ? s’attacher, ça fait trop mal. ça fait plus d’une semaine que t’as plus de nouvelles de lui. maintenant t’en cherches plus. t’en veux plus. c’est clair en toi. tu ne veux plus rien connaître comme ce que tu as eux avec lui, cet homme qui ricane face à ta question trop curieuse, non légitime. “hm.” t’as les lèvres toujours pincées, t’hoches la tête d’un seul mouvement, sans rien ajouter. t’as rien à dire. rien envie de dire. t’as le coeur qu’a palpité un peu tout de même en entendant qu’il n’a jamais eu de relation après toi, pas eu de relation comme la votre. t’as pas envie de lui répondre que c’est cool. cool pour toi. t’as pas envie de lui répondre que c’est dommage. dommage pour lui. alors tu fais rien, ted qui repasse, ted qui repart et finalement tu t’es décidée à lui parler de pourquoi t’es là. pourquoi t’as eu une journée de merde. les larmes dans les yeux, t’en peux plus de réagir comme cela. à chaque fois que tu lui parles de ça. à chaque fois que tu penses à ça. le regard détourné, c’est sa paume chaude qui recouvre la tienne. cette grande inspiration que tu prends, les yeux qui clignotent pour te reprendre légèrement, t’arrêtes pas de dire à ton cerveau de pas craquer, de pas laisser couler tes larmes. “ouais…” ta main qui ose serrer doucement la sienne, t’as un petit raclement de gorge, un sourire ironique. “c’est de la merde, une putain de connerie ce groupe.” tu balances, critiquant l’endroit où tu vas chaque mois. enfin, où tu reviens depuis deux mois. tu relèves même pas son insinuation à venir avec toi la prochaine fois. ted repasse, dépose vos verres sans commentaire cette fois ci. t'attends qu'il soit reparti avant de reprendre. “ça fait dix ans que j’y vais, regarde mon état. j’ai arrêté d’y aller tous les mois ces dernières années parce que ça sert à rien. il m’apporte plus de négatif que de positif, c’est limite à me conforter dans mon malheur. que jsuis pas la seule en enfer, c’est malsain hein ? entendre betty chouinait pendant une heure ça me donne la gerbe.” grimace sur ton visage, t’expires lentement mais lourdement, comme si tu tentais de te libérer d’un poids. tsais bien qu’il connaît pas la betty mais elle te sort par les yeux. “ça m’apporte rien, ils m’apportent rien mais j’ai une psy sur le dos sinon. alors, j’y vais de temps en temps. un peu plus ces derniers mois.” t’évoques pas pourquoi c’est le cas, parce que ça concerne un gars. t’évoques pas non plus que si tu n’y vas pas, ta mère, oui même à vingt-sept ans, est prête à te tirer par la peau des fesses dans sa paroisse et t’obliger à parler à ce curé de tes deux. ni que la plupart du temps, tu participes pas, t’écoutes peu, t’occupes juste la chaise, soupires comme une gamine ou commentes négativement la vie des autres. “et j'ai pas envie que tu viennes ismaël. pas envie que tu sois là. j'ai pas besoin de toi. tu l'as pas été depuis tout ce temps, c'est pas maintenant que ça changera quelque chose. j'ai déjà quelqu'un avec qui y aller, j'ai pas besoin de ta putain de pitié. ” ton regard qui se repose sur lui, tu finis par libérer ta main, doucement mais fermement. t'es méchante, tu le sais. tu ne devrais pas, tu devrais profiter de sa gentillesse envers toi. tu ne devrais pas tenter de le tenir éloigner de toi. mais c'est plus fort que toi. t'as pourtant besoin qu'il soit là. qu'il rejette tes paroles, qu'il s'impose dans ta vie, qu'il se batte pour toi comme il aurait dû le faire il y a dix ans. mais t'es bipolaire avec lui, une putain de lunatique.

@ismaël sartier

tu écoutes encore son histoire.
accompagné de quelques gorgées de whisky pur. tu ne sais pas ce qu'il en est exactement, comment se passe ce groupe auquel elle participe, mais tu te doutes qu'il doit ressembler de près à ceux que tu fréquentais pour la gestion de la colère. une pièce aseptisée, remplie de personnes censées être comme vous, toutes assises en cercle sur des chaises de merde, à devoir dire chacune leur tour ce qui ne tourne pas rond dans leur tête. expliquer à des gens qui n'en ont rien à foutre, le pourquoi du comment vous vous retrouvez assis dans la même salle qu'eux. alors tu ne peux qu'acquiesser quand elle s'en plaind. qu'elle t'explique qu'elle a arrêté d'y aller un temps, que maintenant elle y retourne pour son bien. ou autre choses, tu ne saisis pas vraiment. puis elle refuse ce que tu n'as même pas eu le temps de proposer, la supposition que tu as lancé dans les airs sans grande conviction. tu te retrouves comme un con. plus elle parle, plus le couteau s'enfonce dans tes entrailles. tu n'as jamais été là, elle a quelqu'un avec qui y aller, elle n'a pas besoin de ta pitié. les mots font mal, autant que sa main qui se retire de la tienne avec vigueur. comme brulée au fer rouge.
t'as l'impression de devenir fou, ou alors c'est elle la folle.
mais c'est quoi ton putain de problème Nana ! tu t'offusques. tu te redresses sur la banquette, tes mains ramener vers toi, une serrant ton verre. t'as un sourcil arqué, t'as peu-être haussé un peu le ton. très bien, si t'as un gars. très bien si c'est lui qui t'accompagne à tes séances de groupe ! t'es venimeux, toujours. j'suis heureux pour toi ! mais c'est pas mon problème si t'assumes pas d'avoir couché avec moi. c'est ce que tu penses, sincèrement. là où tu assumes parfaitement. toi qui essaye d'épargner son égo. je te dis pas avec quelles femmes je m'envoie en l'air, et je les emmène encore moins au réunion qui m'aiderait à surmonter la mort de notre fille. tu avales ton verre d'une traite. tu sais très bien que c'est ce qu'elle insinuait par quelqu'un qui l'accompagne, quelqu'un qui est là pour elle. alors tu te fais blessant, t'es prêt à déguerpir, t'as déjà ta veste entre les doigts.

tu mentirais en disant que ça ne te fait pas du bien. c'est le cas, c'est affreux. t'as besoin de cette dose d’adrénaline, de sentir ton coeur battre rapidement contre ta poitrine, de sentir ton sang bouillir sous ta peau. t'as passé une journée de merde et t'as besoin, finalement, de te défouler sur quelqu'un. mais y a pas que ça. t'aimerais qu'il crie plus fort que toi. t'aimerais qu'il te fasse sentir importante. t'aimerais qu'il soit là pour toi. qu'il se batte au moins cette fois-ci. dix ans plus tard, il y a pas eu de combat. dix ans plus tard, tu penses qu'il n'a rien fait pour. pourquoi ? parce qu'il aurait pu envoyer un de ses amis pour te prévenir. parce qu'il aurait pu t'envoyer rien qu'un signe. n'a-t-on pas le droit aux coups de téléphone en prison ? alors que peut-être que tu espères, ouais, qu'il fasse quelque chose. pour toi. pour vous. pour elle. et surtout, t'as envie qu'il panse tes blessures. t'as pas envie qu'il te voit telle que tu es réellement, l'effondrée. pendant que lui, de son côté, il a vécu sans la douleur, sans la perte. il s'offusque, hausse le ton, s'insurge de tes propos. bonne question. tu sais que tu es le putain de problème. tu hausses un sourcil, à ton tour légèrement offusquée, légèrement interrogative. "parce que tu crois que j'assume pas ?" tu rétorques en serrant les dents alors que putain ouais, tu sais même pas te cibler là-dessus. il a à demi-raison. tu regrettes rien d'un côté et de d'autre, tu regrettes presque. parce qu'il a repris le dessus sur toi. parce qu'il a relaissé en toi sa présence autant qu'il a marqué physiquement ta taille de ses mains. parce qu'il s'est réimposé dans ta vie sans que tu ne l'en empêches vigoureusement. t'as pas eu la force. pas le temps. pas eu l'envie. "parce que tu voulais que je les commence avec toi ces réunions, c'est ça ? jt'ai jamais dit que c'était un mec." tu ricanes en secouant la tête de gauche à droite lentement. t'es quand même bien tenté de lui balancer tout ce truc avec atlas.  "l'autre jour au club, t'étais déjà au courant pour mia." tu laisses observer, montres que tu as réfléchi à cela, à cette nouvelle idée qui a germé dans ton cerveau. dans ta lancée, tu t'rends même pas compte que c'est la première fois que tu lui révèles son prénom, à votre fille. il était déjà au courant sans que tu ne sois celle qui l'ait informé. depuis quand ? quel connard. même en le sachant, il n'a pas cherché après toi. après vous. et oui, t'en viens réellement à te demander depuis quand il est au courant, depuis quand il a su qu'il était normalement père. t'as pas cherché après moi, ismaël. t'as pas cherché après nous. alors que tu le vois prêt à récupérer sa veste. tu te redresses, te penches sur ta table pour récupérer cette putain de veste en cuir qu'il porte toujours sur le dos. comme si tu la retenais stupidement en otage, il pourrait bien partir sans. "il a fallu que tu tombes sur moi par hasard. c'est fou. t'étais où ismaël ces dernières années, hein ? ailleurs qu'être soumis à ton petit papa chéri et être son toutou ? ailleurs qu'entre les cuisses de ces femmes, hein ?" tu balances, cinglante, jouant avec cette putain d'allumette. c'est un putain de yo-yo. un putain de jeu malsain avec lequel tu joues. dans lequel tu l'emportes avec toi, tu le forces à entrer dans ton enfer. t'es vraiment flinguée. "on était pas assez bien pour toi, c'est ça ?" tu restes planter devant lui, penchée, ton tronc au-dessus de la table, ta tête proche de la sienne.

@ismaël sartier

t'en as assez de l'entendre parler.
qu'elle sorte plus de merde à la minute que toi. tu sais pas comment interpréter son comportement, encore moins son regard. tu sens la colère grandir en elle, tu sens qu'elle ne te laisseras pas partir comme tu le voulais. mettre un terme à cette discussion pour votre bien. tu ne sais pas ce que tu voulais, t'essayais de te montrer présent, de faire un pas vers elle. mais elle t'envoie, à croire que c'est une putain de manie chez toutes les gonzesses. puis elle prononce le nom de votre fille, sans s'en rendre compte. il tournoie dans ton crâne, s'y aggraffe pour que tu ne l'oublies jamais. mia est morte, ta fille est morte, tu n'as rien pu faire. tu étais au courant oui, elle a totalement raison et t'es resté à l'écart. par choix. le tiens, comme le sien. la faute est amplement partagée. mais ce soir, c'est à toi qu'elle incombe si tu en crois son comportement. tu t'es redressé, elle en a fait de même. elle tient ta veste par un des côtés et toi aussi, elle veut t'empêcher de bouger. que tu l'écoutes jusqu'au bout. elle devient menaçante. sa voix résonne dans tes oreilles. le petit toutou à pap. ce nom te va si bien, elle ne se doute pas une seconde que c'est loin d'être un choix. tes sourcils se froncent. on était pas assez bien pour toi, c'est ça ? elle te pousse à bout, elle joue sur la corde sensible et ta réaction ne se fait pas attendre. ça doit être ça, ouais. que tu craches à quelques centimètres de son visage. puisqu'elle veut jouer aux connes, tu seras le roi des connards. j'me suis dis que c'était mieux comme ça. que tes raisons étaient plus que valables, que je ne ferai jamais un bon père. que j'avais même pas envie d'essayer. un sourire narquois se dessine sur tes lèvres. c'est la haine, la jalousie, la tristesse. un mélange détonnant qui vous fera voler en éclats. alors j'ai pas essayé de revenir. faux, j'ai essayé, je t'ai cherché, mais t'as su être un putain de fantôme Nana. puis tu sais, j'ai trouvé l'amour en prison. la passion, celle qui déchire le corps, bousille le coeur. celle qui viendra à bout de moi, et me fera pousser mon dernier souffle. ça fait neuf ans. elle était là, elle. j'ai jamais eu besoin de toi. faux. je n'ai jamais cessé de penser à toi, je n'ai jamais panser mes plaies. ton sourire ne te quitte pas. tu te sens mieux ? parce que moi je respire, enfin ! tu ricanes. tu tires sur ta veste avec vigueur. et tu lui tournes le dos. putain de folle, putain de vie.

ça te fait un putain de mal de chien. t'as l'impression de te prendre un trente-six tonnes en pleine figure, d'être projetée bien trop loin de ton corps. ou juste de recevoir une terrible pleine. parce que même recevoir un coup dans le ventre ou contre une autre partie de ton corps, ça ne te ferait pas aussi mal, ça ne te toucherait à ce point. c'est bien pire là. t'avais bien raison. tes putains de doutes étaient fondés. et t'as envie de rien laisser paraître, de rien montrer sur ton visage à quel point ses mots te blessent, ses mots te tuent mais c'est quasiment impossible. ismaël sartier est bien plus fort que toi à ce jeu. il en est le roi, le maître du jeu, le créateur. et toi, pour cette partie, pour cette partie de votre vie, tu n'en es qu'un pion, qu'une amatrice. "ah ouais ? t'aimes te faire prendre par des mecs maintenant ?" tu répliques du tac au tac lorsqu'il évoque avoir trouver l'amour en prison. tu fais la fière mais t'en mènes par large, tu te forces à poser ce rictus sur tes lèvres alors que t'as presque envie de chialer. encore. une manière pour toi d'abattre tes dernières cartes. parce qu'évidemment, à cet instant, t'étais pas prête à entendre ça. t'aurais d'ailleurs jamais pensé qu'il puisse te dire une chose pareil. ça fait neuf ans. elle était là, elle. j'ai jamais eu besoin de toi. t'essayes de maîtriser la décomposition de ton visage face au sourire narquois qu'il continue d'arborer, face à ce qu'il t'apprend, cette fille qui est venue le voir en prison, alors que toi tu galérais toute seule, alors qu'apparemment t'étais la seule à ne pas être passée à autre chose. cette fille dans sa vie depuis neuf ans, comme il prend plaisir à le dire. t'aurais aimé ne pas être touchée par ça. t'aurais aimé le rembarrer. lui demander à son tour si ça ne lui fait rien, alors, de l'avoir rendu cocu avec toi. mais t'es qu'une putain d'épave, tu t'es reculée, t'as reposé tes fesses sur l'assise de la chaise. sonnée. malheureuse. t'as même pas résisté à tenir plus longtemps sa veste. il te tourne le dos, commence à partir. ordinairement, tu lui aurais balancé ton verre dans le crâne, pour le faire saigner autant que ton coeur saigne mais tu restes statique. t'es certaine qu'il a au moins pu entendre le bruit de ton coeur se brisait dans ta poitrine. à nouveau, comme il y a dix ans. parce que c'était fort. trop fort. bien plus que fort que les mots de juliette, sa soeur. bien plus dur de l'entendre de sa voix à lui. et avant qu'il ne s'éloigne trop, tu l'abordes une dernière fois, sans regarder son dos, ni voir s'il t'entend. t'as même plus la force de le regarder. "tu sais quoi ismaël ? même si elle est morte aujourd'hui, ta fille, je regrette que t'en sois le père." tu la mérites tellement pas... tu sais réellement pas comment t'as réussi à garder ton calme, comment t'as pu sortir cela de ta voix la plus froide possible, la plus dénuée d'émotion. juste parce que tu viens de les taire, tes stupides émotions pour lui, envers lui. quelle conne tu as été.

@ismaël sartier