Tu déchires l’enveloppe, tremblante. T'y crois pas. Tu peux pas y croire. C'est pas possible. Il doit y avoir une erreur, forcement. Peut-être est-ce les analysé de quelqu’un d’autre ? D’une autre femme, qui attend impatiemment que la nature lui offre ce cadeau, qu’on lui apporte la bonne nouvelle, le message qu’elle attend depuis des années. Et cette femme c'est pas toi, parce que des nouvelles comme ça tu t’en serais bien passé, parce que t’aurais préféré que ce résultat-là ne soit pas le tiens… positifs, comme le test de grossesse que tu as fait quelques jours plus tot. Tu froisses le papier entre tes doigts. T'y crois pas. Tu sais pas vraiment comment tu t’es retrouvé dans une telle merde en si peu de temps… Enfin si tu sais, parce que tu’as suivi les cours de biologie, tu connais la mécanique, mais t’ignore les raisons. Putain de merde. Qu’est-ce que tu dois faire maintenant ? Est-ce que tu peux toujours avorter ? Est-ce que tu’as encore quelques solutions envisageables ? Quelques options ? Tu fourres le papier dans ton sac, te lève en soufflant. Tu penseras à tout ça après, pour l’heure tu dois te préparer, quitter cet appart où tu ne vis plus vraiment, ou tu n’as jamais vraiment vécu. Il y fait silence, il y fait sombre, surement parce que ton frangin n’est pas rentré lui non plus depuis plusieurs jours, n’a pas pris la peine de tirer les rideaux, d’ouvrir les volets. Tu détestes cet appart, tu ne l’as jamais aimé, depuis que t’a dû y emménager parce que tu n’avais pas d’autre choix. T’essaie d’y passer le moins de temps possible, de ne jamais t’y enfermer plus d’une journée. Tu plies quelques affaires dans ton sac, enfile ta veste avant de quitter l’endroit. T’es perdu dans tes pensées, tu sais plus très bien quelle heure il est et t’hésite à décommander la séance photo d’aujourd’hui. Marco va t’en vouloir, il va gueuler, il te fera la morale la prochaine fois.
Comme quand il te dit qu’un tas de fille aimeraient être à ta place, sous les objectifs, immortalisé sur du papier glacé. Ouais, ouais, tu le sais tout ça, tu sais que t’as de la chance, d’avoir ce physique, ce charisme, ouais, ouais tu sais que t’as de la chance d’avoir été choisis pour poser, ouais, ouais, tu le sais tout ça. Et tu feras quoi quand ton ventre s’arrondira ? Quand il pointera, la peau tendue par le petit être qui sera en train de pousser le dessous ? par le cœur qui battra grâce à toi ? Bordel de merde. Tu peux décidément ne pas garder ce bébé, aller au bout de cette grossesse. Tu devrais appeler Nana. Ouais tu devrais lui en parler, tout lui raconter, elle est bien la seule à pouvoir te comprendre et te dire ce que tu dois faire. Ou du moins te conseiller.
Tu sors du métro, marche pendant quelques minutes avant de t’arrêter devant la devanture d’un café. Tu connais bien l’endroit, pour y avoir traîné ton cul et tes beaux yeux qui ne savait regarder que lui, qui ne savait briller que pour lui. L’endroit que tu’avais l’habitude de fréquenter avec Ander, les longues après midi autour d’un chocolat chaud, les éclats de rire et les bons moments. Ça te reviens en pleine gueule, comme une vague de souvenir salé qu’on ne saurait éviter, ça te fracasse le cœur et tu décides d’y entrer, d’y commander la même chose que d’habitude, de t’installer à cette même table que vous aviez fait vôtre. Et tu sais pas tellement pourquoi, mais ça te réconforte un peu, t’as l’impression que tout pourrait s’arranger, que tout pourrait revenir dans l’ordre, peut-être bien qu’il pourrait revenir, que cette histoire de bébé ne serait qu’un lointain souvenir et que tu pourrais enfin redevenir heureuse…