only god can juged me, now. (cesar)

01/ Cesar a toujours été l’enfant terrible, le petit branleur irlandais, toujours en voyage dans les ténèbres de Sheriff Street alors qu’il n’avait que douze ans. Le gamin a grandi trop vite, trop tôt, grillant ses premières cigarettes avec les petits voyous du quartier, la crédulité envolée comme la fumée d’une clope la première fois qu’ils ont foutu un flingue entre ses doigts profanes d’adolescent avide de risque, essayant tant bien que mal de se faire une place dans un monde où personne n’a jamais voulu de lui. Il a flippé, le boutonneux, la première fois que son index a pressé la gâchette dans un hurlement de métaux et d’explosion qui lui fit perdre pied, tomba sur le sol aussi vite que l’arme qu’il venait d’utiliser sur une bouteille de bière encore intacte, le myocarde inévitablement brûlé par l’adrénaline. Cesar s’éprit d’un amour incoercible pour sa nouvelle passion, adorateur de la gâchette tant que ça restait sur des bouteilles, mais les yeux dédaigneux du géniteur ne le quittaient jamais, toujours dans l’ombre à savourer la chute d’un fils dont il avait honte. 02/ L’enfant du diable est né d’un amour vrai à l’odeur des mauvais films à l’eau de rose, le genre de passion dévorante poussée par une union entre une ex prostituée et un flic aux limites floues. C’était beau, cette quête de nouvelle vie avec un mioche qui n'a toujours demandé qu’à vivre et aimer à son tour, qu’à apprendre et rêver. Mais la tempête dévastatrice du karma qui s'abattit sur cette naissance dans un effroyable malheur inattendu a fait raisonner le dernier souffle célèste de la mère à la santé ingrate et se perdit à jamais dans les cris irritants d’un mioche au destin scellé par la haine et les regrets, incarnation humaine du malheur pour un père seul et endeuillé. 03/ Un soir, le paternel éméché est rentré du “boulot”, la rage au ventre et les affreux mensonges sur sa gueule de poivrot de comptoir, noyant sa tristesse dans les verres de scotch qu’il s’enfilait comme un roi, et l’gamin qui traînait là, dehors, avec ses pseudo copains d’emmerdes ; le flic comprit vite ce qui était en train de se passer malgré l’alcool qui désinhibait ses fonctions mentales. Les trois voyous étaient en plein vol de voiture, grave infraction qui aurait pu coûter bien plus à Cesar qu’un simple allé en prison, la réputation d’une famille déjà bien salie par les rumeurs et l’alcoolisme du père aidant. Il a suffit d’une seconde pour que les deux autres voyous se tirent, laissant le gamin seul face à son destin sous forme de géniteur qui ne manqua pas de lui faire manger le macadam sale et trempé de la ville. Cesar mit un terme aux conneries, jurant à son père qu’il le salirait comme flic en prenant sa place et pourrait enfin l’humilier comme lui l’avait fait durant des années. Cet étrange jeu de miroir conduit Cesar à endosser le même tempérament que celui qu’il a pourtant détesté. 04/ Les USA qui résonnent comme un véritable accès à l’impossible, aux chimères de gosse, s’ouvrit à Cesar, jeune flic en quête de reconnaissance et d'inatteignable. Il a cette gueule de connard attachant dont certaines créatures se délectent, misant sur la plus belle d’entre elle à qui il offrit toute son âme aussi bancale soit-elle. Ils étaient heureux, vraiment heureux, et malgré ses craintes d’avoir un gosse, elle ne lui donna pas vraiment le choix. Toutes ses appréhensions quant à son rôle de père s’envolèrent le soir ou cet ange aux yeux d’or l'appela pour la première fois “papa”. Elle était sa fille, toute son âme et toute sa vie en un si petit cœur remplit d’amour et d’admiration pour son papa policier à qui elle voulait tellement ressembler. C’était le soir du neuf janvier 2015, Cesar avait finit le boulot tard et sa journée de merde l’avait lessivé, il rageait dans sa barbe trop épaisse en sortant de la voiture, se grillant une cigarette par la même occasion. Il aimait pas que la p’tite le voit fumer, mais ce soir là était différent, il avait pas la tête à se concentrer sur les bienfaits d’une bonne pédagogie avec son gosse, cherchait juste le calme avant la tempête. Ouragan sanglant et dévastateur, ouais. L’arme au poignet et le regard tranché à la cocaïne, un type louche s’approchait dangereusement de la caisse, ordonnant hargneusement la saisie de la caisse de Cesar. Tout s’est passé si vite, foutue mémoire trompeuse qui floute son esprit comme une fine pellicule qui l’empêche de revoir l’irregardable. Il se souvient de la bagarre violente et d’un coup de feu, perdu dans les ténèbres trop sombres d’une nuit d’hiver, les halètements de la gosse qui suppliait son papa alors que la balle perdue perforait lentement son estomac. Elle n’avait que onze ans et pourtant la faucheuse l’attendait là, la faux à la main et l’autre levée, signe à l’effroyable paternel comme une promesse qu’ils se reverraient bientôt. 05/ Premiers regards noirs et tempétueux, il ne voulait pas d’elle la première fois qu’elle a foutu les pieds devant son bureau, supposant que cette femme, aussi belle et fragile soit-elle, allait faire équipe avec lui. Il avait pas besoin d’un nouveau boulet dans les pattes qui à coup sûr, allait tenter de lui inculquer la bonne façon d’agir avec les jeunes cons dans les rues “qu’il ne faut pas trop bousculer”. Cesar a toujours eu sa manière à lui d’appréhender le danger, arme au poing et menaces préjudiciables comme seul guide, il n’a jamais su bien parler, l’âme un peu bancale toujours dans les excès et les colères. Pourtant c’est un bon flic, un type pas très droit mais fondamentalement assez bon pour avoir quinze années d’ancienneté dans la police, nourries de plusieurs plaintes et de deux ou trois suspensions pour certains de ses nombreux “écarts”. Il voyait en Maxine une sorte de punition à son comportement peu conventionnel, le genre de personne qui essaie de te retourner le cerveau à coup de psychanalyse et de pacifisme ridicule. Il allait en faire qu’une bouchée d’cette petite conne, il pensait. À tord. Cesar l’a poussée à bout, comme avec tout le monde, sauf qu’elle, elle s’est pas enfuie. Elle a pas voulu lui donner la satisfaction dérangeante d’avoir fait assez de mal à quelqu’un pour qu’il décide de partir, alors après une énième insulte à son image, elle lui a collé son flingue de service sur la tempe, jurant que s’il ouvrait encore une fois sa gueule ce serait probablement la dernière. Et ce fût comme une électricité presque insoutenable qui s’est emparée de lui ce jour là, puis à chaque fois que ce regard candide soutenait le sien, le soignait de sa dureté un peu plus chaque jour depuis qu’elle était là, constamment, un peu trop. Terrain glissant pour un homme qui ne savait plus comment aimer, alors ils ont baisé, savouré leur chairs dans les nuits trop froides pour deux âmes à la mer avant qu’il ne lâche la phrase de trop. Elle a prit ses jambes à son cou, la belle, s’éloignant du démon pour que jamais il ne puisse la posséder entre les doigts sales et sanguinaires de sa possessivité exacerbée. Cesar n’a jamais autant regretté cette impulsivité incontrôlable qui lui pourrit la vie, les sens, ne sait même pas s’il l’aime vraiment. Non, il désire juste la garder auprès de lui et empêcher ces chiens qui lui tournent autour comme un vulgaire morceau de viande de briser cette âme si belle. Parce qu’il sait qu’elle est bien plus que ça, bien plus qu’une flic à la morale un peu trop pacifiste. Elle est de celles qu’on ne verra qu’une fois dans sa vie, le genre de femme au tempérament bien plus fort derrière un sourire toujours parfait, celle pour qui il se battra jusqu’à ce qu’il en décide autrement.