Because the night belongs to lovers. (Warston)

♛ Because the night belongs to lovers.

Le silence. Tout ce qu’elle obtient de sa part, c’est un silence. Cela ne montre rien qui vaille pour une Isabella déjà trop inquiète. S’il était prêt à se tenir tranquille, il aurait au moins consenti à sa demande. Mais non. Il reste désespérément silencieux, même lorsqu’elle lui confie enfin avoir besoin de lui. C’est bien là le signe qu’il est incapable de la rassurer. La jeune femme ne sait pas ce qu’elle peut faire de plus. Elle ne peut pas le surveiller à chaque instant, elle ne peut pas lui imposer une quelconque décision. Quoi qu’il fasse, c’est lui seul qui l’aura choisi. La seule chose qu’elle puisse faire de son côté, c’est garder un œil vigilant sur lui. S’assurer qu’il continue à vivre normalement malgré le deuil qu’il est en train de vivre. Et être là pour lui. Être présente pour l’aider, pour le soutenir, pour lui changer les idées. C’est un peu ce qu’elle fait lorsqu’il l’interroge au sujet de son mari. Seulement elle n’est pas sûre que parler de son mari soit la meilleure manière de lui changer les idées, Isa. Elle ne veut pas l’inquiéter, ni créer de tensions entre eux. Ce n’est pas le moment. Elle tente encore de lui assurer que ce n’est pas important, que ce n’est pas grave… Mais, pas un instant, elle lui dit qu’elle va bien. Elle s’en rend compte quand il lui affirme qu’il a besoin de savoir si c’est le cas ou non. Elle n’y a pas réfléchi jusqu’à présent. Elle ne se demande jamais vraiment si elle va bien en réalité. Alors, poussée par son amant, elle ne le fait que maintenant. Et elle se rend compte que, non, elle ne va pas bien. Elle ne dit pas un mot, elle reste pensive. Elle a été chamboulée par l’attitude de Luke, cela lui a même rappelé des souvenirs qu’elle rejette d’ordinaire le plus loin possible dans son esprit. Mais elle survivra, Isabella. Ce n’est vraiment pas grand-chose. Elle ne parvient pourtant pas à trouver les mots pour convaincre Nikolaï et se retrouve, à la place, en train de lui expliquer avec le moins de détails possibles ce qui s’est passé. Bien évidemment, il est surpris. Même un peu moqueur. Il ne porte pas Luke dans son cœur, ce n’est pas nouveau. La Latina le contemple silencieusement, d’un air qui veut tout dire. Il sait qu’elle n’aime pas qu’il soit aussi… Injuste avec lui. Mais elle attend simplement qu’il retrouve son sérieux. – Non ! Enfin, il… Il ne me ferait jamais de mal. Il n’a jamais montré un signe de violence. Il n’est pas violent, ni impulsif. Il est tout le contraire, d’ordinaire, elle ne connaît personne d’aussi maîtrisé que lui. Son comportement ne l’a pas effrayée, il l’a… Perturbée. Il a créé ce sentiment de malaise en elle, un sentiment qui revient alors qu’elle se remémore la scène. Elle voudrait s’éloigner un peu, garder contenance auprès de Nikolaï. Mais, ironiquement, elle se retrouve piégée par la proximité qu’elle a elle-même installée pour qu’il reste auprès d’elle. Elle laisse échapper un soupir presque imperceptible. – Il était content de s’être libéré pour le dîner. Je lui ai dit que je l’étais aussi. Il m’a demandé s’il me manquait et… Et après… Elle se tut subitement. Elle n’est vraiment pas certaine que Nikolaï soit la bonne personne pour entendre cette histoire. Alors elle détourne les yeux, elle fixe au loin la voiture de son amant garée devant le parc. Et elle se souvient d’un tout autre moment, avec lui cette fois. Elle ne s’est jamais sentie si mal avec lui alors que, plus souvent encore, il lui a fait perdre tout contrôle de la situation. Peut-être qu’elle n’avait juste… Pas envie. Comme avec son père. C’est peut-être elle qui s’est braquée sans raison. Elle ne sait pas, elle ne sait plus. – Laisse tomber, maintenant que j’y pense, ce n’était vraiment rien. Et elle se dérobe une nouvelle fois. C’est plus facile de se dire que le problème vient d’elle, elle et son traumatisme… Plutôt que de l’homme qu’elle a épousé.

♛ Because the night belongs to lovers.

Et elle y est. Elle se retrouve dans cette position délicate où elle doit mettre en lumière son intimité avec son mari à… Son amant. Dans cette position, plus difficile encore, où elle doit lui expliquer un ressentiment qu’elle a eu alors qu’il ne comprendra sûrement pas pourquoi elle l’a eu, pourquoi avec une telle force. Elle se retrouve dans cette position incomprise, perdue. Seule. Silencieuse. Comme elle l’a toujours été. Durant les récits de ses amies lorsqu’elles racontaient leur première fois, aux interrogations de ses petits-amis au sujet de son passé. Elle s’est renfermée, toujours, à chaque fois que l’on se rapprochait un peu trop près de son plus sombre secret. Et c’est ce qu’elle fait, une fois de plus, devant l’homme qui veut à tout prix lire en elle tout ce qu’elle ne dit pas. Elle est déstabilisée, un peu nerveuse aussi. Elle entend ses questions mais elles ne l’aident pas à trouver les mots. Bien au contraire, elles ne la déroutent que davantage. Car, après, rien. Son mari a seulement voulu coucher avec elle. Voilà ce qu’il y a eu après. Ce n’est rien d’exceptionnel, encore moins de dramatique. C’est elle qui a l’impression d’en faire un drame. Et elle déteste ça, Isa. Depuis son adolescence, elle rejette en bloc tout ce qu’elle a subi. Elle n’est pas en déni, elle a conscience de l’avoir vécu. Mais c’est comme si elle s’était persuadée qu’elle avait tourné la page, comme si elle était passée simplement à autre chose. Comme si elle avait résolu le problème, et c’est ce qu’elle a fait, quelque part, en mettant son père à la porte. Mais les souffrances ne s’en vont jamais complètement, il y a toujours quelque chose qui reste. Quelque chose qui la pousse à se taire, à cet instant même, devant les questions de son amant qui s’enchaînent. – Non, il n’était pas contrarié. dit-elle seulement d’une voix blanche, uniquement pour effacer les derniers soupçons au sujet d’une éventuelle violence de la part de Luke. Il ne voulait pas lui faire de mal, enfin… Elle repense une nouvelle fois au baiser qu’ils ont partagé. Pendant un instant, elle a eu la sensation qu’il était forcé. Mais elle ne sait pas si c’est elle qui l’a ressenti ainsi, si c’est lui qui a été beaucoup trop brutal. Elle est tellement cassée par son passé, Isa, qu’elle n’a même pas les cartes en mains pour savoir si ce qu’elle a ressenti était infondé ou… Légitime. Elle baisse la tête, détournant une nouvelle fois les yeux de son amant, comme si la conversation devenait trop insoutenable. Elle ne l’inquiète que davantage, elle a tort d’agir de la sorte. Mais elle ne le contrôle pas. Elle ne contrôle pas cette boule non plus qui se forme dans son ventre alors que les images de Luke et de son père viennent simultanément envahir son esprit. Elle n’est plus là, plus tout à fait. C’est la voix de Nikolaï seule qui arrive finalement à lui faire retrouver la réalité. – Il ne m’a posé aucune question, ça… Ça allait bien. Elle prend une inspiration, et tente de réfléchir plus posément. Plus rationnellement surtout. Mais elle n’a pas le temps d’ajouter quoi que ce soit parce que le jeune homme finit par reprendre la parole pour la remercier. Aussitôt, il retrouve son attention alors qu’elle relève ses yeux pour croiser les siens. Elle lui sourit doucement tout en venant lui caresser la joue. – Tu n’as pas à me remercier. Je veux que tu m’appelles à chaque fois que tu te sentiras dépassé. Et elle se rend compte, Isa, qu’elle lui demande des choses qu’elle ne fait pas de son côté. Elle se rend compte qu’il parvient à se mettre à nu devant elle alors qu’elle… Elle se renferme dans sa coquille en une fraction de seconde. C’est comme ça qu’elle retrouve un peu de courage alors qu’elle avoue, peut-être un peu brutalement pour le coup. – Il voulait coucher avec moi. Sauf que je… Je n’en avais pas envie. Et, je ne sais pas comment te décrire ça, je me suis sentie… Oppressée.

♛ Because the night belongs to lovers.

Elle ne le fait pas volontairement, Isabella. Surtout pas contre lui. Elle a l’habitude de détourner le sujet, de dévier la conversation à chaque fois qu’elle s’approche de trop près des abus qu’elle a pu subir. C’est un automatisme, un moyen de défense pour elle. Le seul qu’elle a trouvé, quand elle était encore une adolescente, pour être capable de continuer à avancer pour les siens. Mais c’est quelque chose qui se perpétue dans le temps, encore et encore, au point de l’éloigner des autres. Et, même avec Nikolaï qui est sans doute l’homme le plus persévérant qu’elle connaisse, elle ne fait rien d’autre que le pousser à fuir, lui aussi. Il ne le fait pas pourtant. Il est prêt à briser toutes les barrières qu’elle a construites autour de son cœur une à une s’il le faut. Il est d’une patience incommensurable avec elle. Si bien qu’elle se demande, malgré elle, combien de temps il sera capable de l’attendre. Combien de temps il pourra supporter ce mur, qui est un peu moins imposant certes, mais qui est toujours là, entre eux. Il paraît presque agacé de la voir si évasive, si peu claire avec lui alors qu’elle pourrait simplement lui raconter les faits. Mais elle est bloquée, Isa. Cela la ramène à des souvenirs trop douloureux, trop ancrés en elle, pour qu’elle soit capable d’en parler si aisément. Mais, il le dit lui-même, plus elle cherchera à le rassurer, plus il voudra savoir. Elle le sait, en plus, elle reconnaît le policier en lui. Il sait comment la rendre encore plus nerveuse. – Je n’essaie pas de t’éloigner… murmure-t-elle en baissant le regard. Il ne comprend pas, lui. Elle ne le fait pas exprès, elle est juste paralysée par ce passé qui la hante. Et le voir ressurgir, même à peine, c’est déjà trop difficile pour la jeune femme. Elle se sent grandement soulagée quand elle l’entend changer totalement de sujet. Il la remercie, alors qu’elle n’en a pas besoin, alors qu’elle n’attend rien de sa part. Il a besoin d’elle, elle est là. C’est si simple dans ce sens… Pourquoi le contraire lui paraît-il si laborieux ? – Tu sais, je me sens concernée par ce qui t’arrive. Si quelque chose te fait du mal, ça m’atteint aussi. Elle n’aurait jamais dit une chose pareille au début de leur relation. Il avait sa vie, elle avait la sienne. Elle protégeait autant qu’elle le pouvait le reste de son existence, Isa. Mais il a pris une telle place dans son cœur qu’elle est incapable d’être indifférente à sa détresse. Elle n’aurait jamais pu le laisser tomber, ce soir ou n’importe lequel d’entre eux. Mais il veut qu’elle fasse la même chose en retour. Evidemment, elle sent tout de suite le sous-entendu. – Je le fais… Je l’ai fait quand la vidéo est sortie, tu te souviens ? Mais c’était une blessure instantanée, nouvelle. Incomparable avec ses plaies les plus profondes, celles dont elle n’a pas guéri. Il insiste un peu plus, il lui dit même qu’il veut être là pour elle. Et elle voit, à ce regard océan avec lequel il la contemple, combien c’est vrai. Combien il est attaché à elle, combien… Il l’aime. Il la regarde comme s’il n’attendait que cela, d’être là pour elle, et qu’elle lui refusait cette place alors que… Il fait tout pour elle depuis le début. Il arrive à provoquer ce petit élan de culpabilité en elle, ce petit pincement au cœur qui la fait céder. Peut-être le fait-il volontairement pour la pousser à parler, elle ne sait pas, mais si c’est le cas, c’est réussi. Elle commence enfin à lui raconter. Immédiatement, Nikolaï lui demande si elle a repoussé son mari. Et si… Il l’a forcée à aller plus loin. Elle devrait réagir, vivement, comme elle l’a fait quand il a émis l’hypothèse qu’il lui aurait fait du mal. A la place, elle déglutit difficilement avant de se lever, comme si elle avait besoin de prendre du recul. – J’ai essayé de l’arrêter en lui rappelant que le majordome était là, on… On était dans la salle à manger. Son récit est décousu, comme sa voix. Elle lui lance les informations sans être très claire, mais elle les dit comme elles lui viennent. – Il a continué, il a dit que j’aimerais ça et… C’est là qu’elle s’est sentie au plus mal. Ramenée des années en arrière. A l’époque où elle n’était qu’un objet qui satisfaisait les envies d’un autre. – Je l’ai repoussé, tu m’as appelé à ce moment-là. J’ai pris l’appel et je suis partie. Elle se rend compte, surtout, qu’elle a fui. Qu’elle a vraiment eu mal au point de fuir sans même dire quoi que ce soit à Luke. Ce n’est pas son genre. Il va la questionner à son retour, assurément, et elle n’en a aucune envie. Sortant de ses pensées, la belle relève soudain les yeux vers Nikolaï. – Est-ce que tu crois que c’est ma faute ?

♛ Because the night belongs to lovers.

Long silence. C’est tout ce qui suit la demande de Nikolaï, un long silence. Elle est incapable de lui accorder sa demande, incapable de lui expliquer. Pour pouvoir lui expliquer ce qui se passe en elle en ce moment, elle devrait lui raconter d’abord tout ce qui s’est passé il y a longtemps, bien avant de les connaître, lui ou Luke. Mais elle n’y arrive pas, Isabella. Elle reste obstinément silencieuse jusqu’à ce que, lui, décide de briser ce soudain calme pour la remercier. Elle ne s’y attend pas. Elle sait qu’il n’est pas du genre à laisser tomber si vite. Encore moins quand il a ce regard pénétrant, troublant, celui qui semble vouloir sonder son âme. Mais elle saisit la perche qu’il lui tend pour se dérober. Et pour lui confier, aussi, l’importance que les émotions qu’il peut éprouver comptent pour elle. L’importance qu’il a, lui, pour elle. Il paraît surpris mais, surtout, touché par des mots qui sont si évidents, pour elle, mais qui ne le sont pas tant que cela, finalement. Ils ne l’étaient pas, un mois plus tôt. Son regard ancré dans le sien, la jeune femme l’écoute avec attention alors qu’il lui avoue à son tour qu’il ne supporte pas qu’on puisse lui faire de mal. Il va même plus loin en ajoutant que c’est pire que si on lui en faisait. Elle ressent une drôle de sensation au cœur à ce moment, Isa. Un peu comme s’il gonflait subitement, comme si Nikolaï le remplissait d’un amour qui lui a toujours manqué. Jamais, personne ne lui a dit une chose pareille. Jamais, personne ne l’a fait passer avant soi-même. Elle le contemple, sans dire un mot, avec cette intensité particulière dans ses grands yeux noirs. Elle approche son visage du sien pour s’emparer de ses lèvres une nouvelle fois. Un baiser plus passionnel, plus profond. Tentant de dire avec ses gestes ce qu’elle est incapable encore de formuler avec des mots. Le baiser s’interrompt alors qu’elle commence à manquer de souffle mais ses lèvres restent suspendues aux siennes quand elle avoue dans un murmure. – J’ai tellement de chance de t’avoir. Elle s’en rend compte, Isabella. Il est tellement attentionné envers elle, tellement à son écoute. Elle n’a jamais connu quelqu’un qui se préoccupe autant de son bien-être. Ce n’est peut-être pas la faute des autres, c’est elle qui a toujours fait mine qu’elle n’a pas besoin qu’on soit là pour elle. Mais Nikolaï ne s’est pas arrêté à ce qu’elle montrait, il a cherché plus loin, il cherche toujours à aller plus loin. Et c’est certainement l’une des choses qui rendent leur relation si différente de tout ce qu’elle a connu. A ses paroles suivantes, la belle caresse délicatement la joue de son amant. Il la touche en plein cœur là où elle pourrait être effrayée. Là où elle le serait, effrayée, quelques temps plus tôt encore. Mais non. Ce soir, elle se sent rassurée d’être avec lui, rassurée que lui soit avec elle. Elle se sent mieux avec Nikolaï à ses côtés. C’est avec quelqu’un d’autre qu’elle dort chaque nuit, quelqu’un d’autre qui partage chacune de ses journées. Quelqu’un d’autre, aussi, qui devrait être là à chaque fois qu’elle va mal. Mais, ce soir, c’est avec lui qu’elle est, et ça lui fait un bien fou. – Moi aussi, je veux être près de toi. confesse-t-elle d’une voix presque inaudible, comme un secret inavouable. Elle ne précise pas quand, elle n’y pense pas, elle dit seulement ce qu’elle ressent en cet instant. Et c’est cette envie d’être avec lui. Bercée par ce moment, entourée de l’affection du jeune homme, elle arrive enfin à parler. Elle lui raconte, plus ou moins d’une manière compréhensive, la scène qu’elle a vécue quelques minutes plus tôt seulement avec son époux. Elle se relève, fébrile, elle s’agite un peu alors qu’il reste d’un calme étonnant. Ce n’est que lorsque, brusquement, elle lui demande si elle est responsable qu’il réagit. Aussi vite que l’éclair. Il se lève pour s’approcher d’elle aussitôt et la rassurer, tout de suite. Non, ce n’est pas sa faute. Non, elle ne doit pas se sentir coupable. Elle ne sait pas si ses paroles doivent la rassurer, parce qu’elles la libèrent de la responsabilité de son passé, ou bien si elles doivent l’inquiéter. Elle n’a aucune envie de retrouver Luke. Les caresses du policier l’apaisent, un petit peu, mais pas suffisamment pour lui ôter cette boule au ventre. – Je… Je sais. dit-elle d’une petite voix alors qu’au fond d’elle, ce n’est pas du tout ce qu’elle souhaite. Mais sa raison l’emporte, autant que lorsque Nick lui propose de l’amener à l’autre bout du monde. Un faible sourire apparaît sur ses lèvres mais, pas une seconde, elle ne pourrait l’envisager. Elle est beaucoup trop raisonnable, beaucoup trop ancrée dans ses responsabilités, pour en être capable. – Ce serait beau… murmure-t-elle en le serrant instinctivement contre elle. La perspective de s’en détacher l’angoisse. Elle ne sait plus si c’est pour lui, ou pour elle. Silencieusement, elle écoute le jeune homme lui assurer que Luke n’aurait jamais dû lui forcer la main. Alors c’est ce qu’il a fait, il lui a forcé la main. Pourtant, elle ne parvient pas à s’ôter de la tête l’idée qu’il n’ait pas… Compris. Parce qu’elle n’aurait pas réagi de cette façon en temps normal, elle ne se serait pas sentie si mal à l’aise. Sa culpabilité est toujours là. C’est difficile de remettre en cause son mari. Tellement moins que de le faire avec elle-même. – Peut-être qu’il a juste voulu… Être spontané, je ne sais pas… Il ne serait pas allé plus loin, c’est juste… Juste qu’elle est traumatisée, Isa. Mais elle ne peut pas dire une chose pareille. – Il a peut-être senti que je m’éloignais.

♛ Because the night belongs to lovers.

Toute la douceur dont l’enveloppe Nikolaï, toute cette affection dont il la berce, toute cette tendresse qu’il lui offre. Il n’imagine pas le bien qu’il peut lui faire, il n’imagine pas combien elle en avait besoin. Elle non plus, elle ne l’imaginait pas. Elle n’a jamais eu la sensation d’avoir véritablement besoin d’amour, Isabella. Elle a besoin de celui de sa famille, indéniablement, mais le reste lui a toujours paru secondaire. Les petits-amis qu’elle a pu avoir lui ont fait vivre de beaux moments mais, jamais, elle ne s’est sentie d’une quelconque façon dépendante d’eux. C’est sûrement pour cette raison que, trop souvent, ils ont pu lui reprocher cette distance, cette presque froideur dès lors qu’il s’agissait d’entrer réellement dans sa vie. Puis, il y a eu Luke. Luke qui a su lui donner cette stabilité, Luke sur lequel elle a pu apprendre à se reposer, sans qu’il ne lui demande quoi que ce soit. Tout a toujours été simple, facile. Presque, comme, évident. Mais leur relation n’est jamais allée plus loin, elle ne s’est jamais approfondie au point qu’elle puisse se dire, ne serait-ce qu’une fois, qu’elle serait incapable de vivre sans lui. Avec Nikolaï, c’est tout le contraire. Il ne se contente pas de prendre ce qu’elle veut lui donner. En fait, c’est même tout l’inverse. Il veut avoir plus, toujours plus. Comme pour la dépouiller de son âme, en connaître chaque parcelle cachée, chaque partie secrète. Comme si elle était un mystère qu’il voulait à tout prix percer. Cela n’a rien de simple ou naturel pour elle. Il la pousse dans ses retranchements, il la pousse au plus loin de ses limites. C’est exaltant et effrayant à la fois. C’est quelque chose de nouveau, pour Isa, si bien qu’elle a du mal à mettre des mots sur ses sentiments. Mais ce dont elle a conscience, là tout de suite, c’est qu’elle en a besoin. Elle a besoin de Nikolaï. Elle a besoin de sentir toute cette passion, cette tendresse, cet… Amour qui émane de lui. Là où elle aurait fui de telles émotions, au début de leur liaison, elle semble la chercher, s’en imprégner, pour mieux s’en nourrir. Il n’en a sûrement pas conscience parce qu’au fond, il n’agit pas différemment ce soir. Il agit comme il l’a toujours fait. Pour elle. Mais il est en train de s’insérer de plus en plus profondément dans les abymes de son cœur. Il s’immisce en elle, comme un poison, sans qu’elle ne puisse le retenir. Elle fait même tout l’inverse, Isa. Elle recherche sa présence, elle recherche son contact. Accro. Elle ne veut plus s’en détacher. Mais plus les minutes passent, plus elle sent ce moment approcher. Elle se raccroche un peu plus à lui comme pour la retarder, cette séparation qu’elle redoute tant. Mais leur conversation éveille des craintes supplémentaires en elle, celle que son mari ne se doute de quelque chose. Et puis, le fait aussi, qu’elle doive l’affronter. – Je n’en ai aucune idée. Je ne sais pas comment il réagira, ni comment moi je le ferai. avoue-t-elle avec, presque, une certaine nonchalance. Ce n’est pas la perspective de retrouver Luke qui l’inquiète le plus finalement, c’est celle de se séparer de lui. Détournant les yeux pendant quelques secondes, la belle peine à trouver ses mots. Ce n’est pas comme si elle savait s’y prendre pour ce genre de déclarations. – Est-ce que… Est-ce qu’on peut passer cette nuit ensemble ? Et là, elle ne pense pas à Luke. Elle ne pense pas à Claire. Elle pense juste à lui qui a besoin d’elle, elle qui a besoin de lui.