Because the night belongs to lovers. (Warston)

♛ Because the night belongs to lovers.

La nuit commence à tomber alors que les époux Kingston sont en train de dîner. Relativement tard, à cause d’un rendez-vous d’affaires de Luke qui s’est éternisé. Mais la jeune femme ne lui en tient pas rigueur, parce qu’elle a remarqué qu’il fait des efforts ces derniers temps. Il est même beaucoup plus attentif à elle, à ses envies, à ses besoins, ou même simplement à son emploi du temps. Un intérêt qui l’a surprise mais qu’elle apprécie néanmoins et dont elle prend compte. Mais cela ne l’empêche pas, pour autant, de continuer à voir son amant. C’est même de plus en plus souvent. A chaque fois qu’elle le peut. Même quand elle ne le peut pas, parfois, elle s’arrange toujours pour reporter un entretien, annuler un repas, et aller le retrouver, lui. Nikolaï prend une place si importante dans sa vie qu’elle ne sent plus les absences de son mari. C’est lui, à la vérité, qui remarque un peu plus les siennes. Et peut-être aussi qu’il a eu un coup de main pour le comprendre. Mais cela, elle ne s’en doute pas, Isabella. – Je suis heureux d’avoir pu finalement me libérer. Elle lui sourit, presque, machinalement. – Moi aussi. – C’est vrai ? Je t’ai manqué ? Cette fois, elle le regarde avec une pointe d’étonnement. Luke n’est pas le genre d’homme à réclamer des mots doux. – Oui, bien sûr. Puis, je préfère te savoir ici qu’à travailler jusqu’au petit matin. Il n’a pas l’air satisfait par sa réponse. Elle le voit, mais elle ne comprend pas. C’est si évident, pourtant. – Ce n’est pas pour cette raison, c’est pour être avec toi Isabella. Et ? Elle ne sait pas quoi dire, Isa. Qu’est-ce qu’il voudrait qu’elle lui réponde ? Qu’elle lui soit reconnaissante ? Peut-être qu’elle l’aurait été, avant. Avant Nikolaï. – Luke, tu es sûr que tout va bien ? Il détourne le regard. Il sent qu’elle lui échappe, il déteste ça. – Et pour toi ? Tout va bien ? Là encore, elle ne comprend pas. Elle n’a jamais paru aussi heureuse. Et, entre eux, il n’y a plus de dispute depuis des semaines. Pourquoi pense-t-il qu’elle ne va pas bien ? – Mais oui, chéri ! Elle se lève finalement pour s’approcher de lui. Elle s’assoit sur ses genoux alors qu’il l’enlace déjà, comme pour la garder auprès de lui. Et elle l’embrasse. Langoureusement. Passionnément. Juste, pour lui effacer ses interrogations, ou peut-être le faire taire. Elle n’en a même pas conscience mais elle est en train de faire à Luke ce qu’elle aurait pu faire, il y a quelques temps, à Nikolaï. Comme si les deux rôles s’inversaient, comme si l’amant se substituait doucement au mari. Et peut-être que c’est le cas, tout doucement, sans qu’elle ne s’en rende compte. Après tout, sa relation avec Nick a considérablement évolué. Il y a quelques jours, elle l’a même emmené jusqu’à Los Angeles, juste pour passer une journée en tête à tête avec lui. Il devient un élément indispensable de son quotidien, au détriment de son propre époux. Pourtant, Luke semble rassuré par cette réponse. Il prolonge son baiser avec force, peut-être même un peu trop pour Isa qui se recule, légèrement troublée par cette marque de… Possession. – Tu ne m’as pas répondu. Est-ce que ça va, Luke ? demande-t-elle en glissant sa main contre sa joue. Parce que, malgré tout, cela lui importe vraiment. Et parce qu’elle se rend bien compte, aussi, qu’il n’est pas comme d’habitude. – Oui. Et ça ira encore mieux dans quelques minutes. Il l’attrape par la taille pour la relever et l’asseoir sur la table. Elle le regarde, un brin interloquée, alors qu'il détache déjà les premiers boutons de son chemisier. – Tu veux faire ça ici ? Il commence à l'embrasser dans le cou mais elle, elle n’est pas du tout à l’aise. Cela fait un petit moment déjà qu’il ne s’est rien passé entre eux du point de vue charnel. Depuis… Sa rupture avec Nikolaï. – Oui, ici. – Tu oublies qu’on n’est pas tout seuls… Elle fait référence au majordome même si c’est surtout une excuse. Elle n’est pas émoustillée, elle est… Embarrassée. – Oh, je suis sûr que le risque d’être surpris ne fera que t’exciter. Tu vas aimer ça, tu vas voir. Elle recule son visage brutalement. Cette fois, elle a presque eu l’impression qu’il lui envoyait une pique. Elle le repousse enfin. – Pas maintenant Luke. Il l’a… Refroidie. Il lui a parlé comme si elle n’était qu’un objet, comme… Son père aurait pu le faire. Il n’a pas le temps de dire un mot qu’elle entend son téléphone sonner. Elle quitte la table d’un bond, trop vivement pour que son soulagement ne se ressente pas. Elle le récupère et s’éloigne, d’autant plus quand elle voit le nom affiché. –  Allo, oui ? Nikolaï. Il n’imagine même pas à quel point elle est soulagée d’entendre sa voix.

♛ Because the night belongs to lovers.

Totalement déconcertée par la scène qui vient de se dérouler, Isabella s’éloigne avec beaucoup trop de précipitation sous le regard mécontent de son époux. Elle ne s’attendait pas à cette attitude de sa part, comme s’il voulait lui prouver quelque chose, ou bien se le prouver à elle-même. Elle ne l’a pas reconnu, elle a même reconnu un tout autre homme en lui, celui qui hante ses pires cauchemars. Mais peut-être que c’st elle qui n’a pas réagi comme elle est censée le faire, peut-être que c’est elle qui n’est pas comme elle l’a toujours été avec lui. Elle ne sait pas, Isa. La seule chose dont elle a conscience, c’est qu’elle est immensément soulagée de se dérober d’un tel moment. Tellement qu’elle a l’audace de répondre à l’appel de son amant à quelques pas seulement de Luke. Mais elle a juste besoin d’une porte de sortie, peu importe si elle la prend trop rapidement. Sous les yeux de son mari, la jeune femme décroche alors son téléphone, reconnaissant la voix familière et rassurante de Nikolaï. Quoique. Familière, elle l’est. Mais il n’a pas son ton habituel, cette voix qui lui donne l’impression d’être face à un roc, celle qui lui donne le sentiment que rien ne peut lui arriver. Il va mal. Elle ne sait pas pourquoi, elle ne sait pas comment, mais elle en est convaincue. Et elle en a un peu plus encore la confirmation quand elle entend le jeune homme lui confier combien il est heureux d’entendre sa voix. Ses mots la touchent, mais ils l’inquiètent davantage. Toutefois, Isabella ne peut formuler aucune des pensées qui l’envahissent parce que, même si elle s’est un petit peu éloignée, elle sait que Luke est juste à côté. Elle ne peut que garder une distance, pour lui répondre sans en avoir l’air. – C’est tout à fait réciproque. dit-elle d’une voix un peu trop professionnelle tout en approchant tout doucement de la porte d’entrée. Elle ne peut pas rester ici, elle le sait. Mais elle a un peu de mal à réfléchir alors que la conversation se poursuit de l’autre côté. Il veut la voir. Maintenant ? Elle n’a aucun moyen de partir, comme ça, subitement. Elle éveillerait beaucoup trop les soupçons de son mari. – Hum, quelles sont vos disponibilités ? Mais elle en a assez de parler en langage codé. Puis, aussi, elle ne se sent pas très bien, ici. Elle ne réfléchit plus longtemps. Elle finit par sortir de la maison, sans prendre la peine d’attraper une veste, ou même de détacher les quelques boutons de son chemisier ouverts par son époux. Elle veut uniquement parler avec Nikolaï sans rien, sans personne pour l’en empêcher. Enfin dehors, elle pousse un petit soupir de soulagement à peine perceptible alors qu’elle retrouve un peu d’air frais. – Excuse-moi, il y avait… Luke, juste à côté. dit-elle d’une voix faible tout en avançant de quelques pas en direction du jardin. Le terrain est immense, si bien qu’elle ne fait pas attention à la voiture garée juste devant le portail. Elle tente simplement de s’éloigner de cette atmosphère irrespirable et… Pouvoir parler comme il faut avec son amant. Très vite, la Latina reprend d’ailleurs la parole pour lui dire ce qu’elle voulait vraiment lui demander quelques secondes plus tôt. – Que se passe-t-il ? Tout va bien ? Non, elle sent bien que non. Mais elle n’en imagine pas du tout les raisons. Elle commence à avoir peur, Isa. Elle veut comprendre mais, pour y parvenir, elle a besoin de savoir d’abord. Pour pouvoir être présente pour lui, comme il l’a déjà tant été pour elle, pour lui donner ce qu’il mérite.  

♛ Because the night belongs to lovers.

Nikolaï et Luke. Deux hommes, deux relations totalement différentes, deux parties de sa vie qui n’ont jamais été aussi proches l’une que l’autre qu’en ce moment. C’est une situation délicate, une situation qu’elle a toujours réussi à éviter jusqu’à présent. Et peut-être que, en temps normal, elle l’aurait évité une fois de plus. Elle n’aurait pas répondu à Nikolaï quelques semaines plus tôt. Parce qu’elle n’était pas aussi proche de lui, parce qu’elle l’était davantage de son mari. Mais est-ce cette distance avec Luke qui l’a poussée à décrocher son portable, ou bien cette proximité avec Nikolaï ? Ou, peut-être, elle ne se pose pas les bonnes questions, Isa. Peut-être que c’est parce qu’elle s’est tant rapprochée de son amant qu’elle s’éloigne de plus en plus de l’homme qui est censé partager sa vie. Au point qu’elle soit gênée durant cet appel, presque irritée de devoir être si distante avec son amant à cause de son mari. Elle ne lui parle pas comme à son habitude, son ton est plus professionnel, ses mots le sont aussi. Alors que lui, au contraire, a une voix bouleversée, une voix qui serre le cœur de la jeune femme. Rapidement, il comprend qu’elle n’est pas seule. Et, tout de suite, il semble regretter son appel. Malgré elle, Isabella s’écrit un peu, alors qu’elle est tout juste dehors. – Non ! Je veux dire… Tu as bien fait de m’appeler. Il en avait besoin, elle s’en rend parfaitement compte. Et, il ne le sait pas, mais elle aussi, elle en avait besoin. Elle s’éloigne de plusieurs mètres, loin de la villa, loin de toutes les oreilles indiscrètes éventuelles. Et, sans le savoir, elle se rapproche de plus en plus de lui. Sans attendre davantage, la belle lui demande enfin ce qui se passe. Il essaye de la rassurer mais il n’est guère convaincant. Elle a l’impression qu’il pourrait craquer à tout moment, et elle déteste ça. – Tu es sûr… ? demande-t-elle d’une voix préoccupée, loin d’être rassurée. Elle voudrait qu’il lui dise, qu’il lui explique ce qui peut bien le mettre dans cet état. Il voulait entendre sa voix. A ces mots, un petit sourire apparaît sur les lèvres d’une Isabella touchée. Sans qu’elle ne devine les larmes qui menacent à tout instant de couler. Et puis, elle l’entend ajouter qu’il est devant chez elle. – Quoi, c’est vrai ? Elle relève subitement la tête pour apercevoir, en effet, une silhouette derrière le portail. Les battements de son cœur viennent de s'accélérer instinctivement, sans qu'elle ne sache si c'est la peur ou bien… Seulement de savoir qu'il est juste à quelques mètres d'elle, à portée de main. Il est pourtant fou d’être venu si près, totalement fou. Mais elle ne le dit pas, parce qu’elle se rend compte qu’il va encore plus mal qu’elle ne le croyait. A la place, elle continue d’avancer vers lui. Ses pas sont plus pressés tout à coup. – Nikolaï, écoute-moi. Il y a un parc à quelques mètres, à ta gauche. Juste après la deuxième maison. Vas-y, je te rejoins. dit-elle, d’un ton qui ne laisse place à aucun refus. De toute manière, elle doute qu’il refuse. Il n’est pas venu jusqu’ici simplement pour la voir derrière les barreaux d’un portail.  

♛ Because the night belongs to lovers.

Tout a tellement changé entre eux depuis leur rencontre. Ils ont été amants, ils le sont toujours, mais leur relation prend une ampleur différente. Elle est de plus en plus proche de celle d’un couple. Ils passent tout le temps qu’ils ont à leur disposition ensemble, comme s’ils ne pouvaient plus faire autrement, comme s’ils en avaient besoin. Et ce n’est plus seulement physique, c’est un tout. Elle a besoin de Nikolaï, Nikolaï tout entier. C’est probablement pour cette raison qu’elle n’est pas si surprise, ce soir,  d’être celle qu’il ait ressenti le besoin de retrouver alors qu’il semble si mal. Pourtant, lui paraît douter tout à coup. Il émet même l’hypothèse qu’il pourrait la déranger alors que non, c’est tout l’inverse. Il n’imagine pas qu’il vient de la sauver d’une situation qu’elle voulait à tout prix éviter. Puis, en vérité, il ne la dérangerait jamais. A n’importe quel moment. C’est là qu’elle se rend compte que leur lien n’est plus du tout le même qu’au début. Elle mettait un point d’honneur à séparer sa liaison de tout le reste. Elle préservait sa vie au détriment de Nikolaï alors que, désormais, elle privilégie Nikolaï au risque d’empiéter sur sa vie. – Je t’assure que tu ne me déranges pas, au contraire. avoue-t-elle avec un brin d’amertume. Peut-être qu’elle a paru froide au début de leur conversation mais c’était uniquement à cause de la présence de son mari. Elle est toujours la même avec lui, celle qu’il connaît si bien. Tout autant qu’elle le connait et qu’elle devine, malgré les tentatives du jeune homme pour la rassurer, qu’il ne va pas si bien. – Ne me mens pas Nikolaï… murmure-t-elle, comme une demande. Ils ont toujours été totalement sincères l’un envers l’autre. Elle n’a même jamais été aussi sincère avec quelqu’un d’autre que lui. Elle ne veut pas qu’il lui cache son mal-être, c’est trop tard de toute manière. Elle a bien compris que quelque chose s’est passé, Isabella. Et quand il lui apprend qu’il est juste devant la villa, elle n’hésite plus. Elle lui donne rendez-vous dans le parc, ce qu’il accepte aussitôt. – A tout de suite. conclue-t-elle juste avant de raccrocher. Elle ne prend pas vraiment la peine de réfléchir, ni à ses actes, ni à leurs conséquences. Ce n’est pourtant pas dans ses habitudes. Mais le fait de savoir que Nikolaï souffre en ce moment lui ôte toute précaution. Elle avance jusqu’au portail qu’elle ouvre sans plus attendre. Elle en sort et le referme, laissant un instant son regard se poser sur la bâtisse face à elle. L’image de Luke frappe une seconde son esprit mais, avec la scène qu’ils viennent de vivre, elle n’a aucune envie de se retrouver face à lui tout de suite. Elle lui dira qu’elle avait besoin d’un peu d’air, voilà tout. Ce n’est pas ce qui lui importe à cet instant alors qu’elle rejoint avec une certaine impatience son amant. Moins de deux minutes plus tard, elle arrive devant le parc. Elle reconnaît la voiture de Nick garée juste à côté et, surtout, lui debout qui l’attend. Instinctivement, elle se précipite un peu plus pour arriver à sa hauteur. – Nikolaï… Elle saisit ses mains avec les siennes alors que son regard va chercher celui du jeune homme. Un regard qui l’effraie un peu plus instantanément. Elle n’a jamais vu une telle détresse, une telle souffrance dans ses yeux. Elle a peur, pour lui, vraiment peur. – Qu’est-ce qui s’est passé ?

♛ Because the night belongs to lovers.

C’est la première fois qu’elle fait passer Nikolaï avant son mari, la première fois qu’elle le fait passer avant tout. Comme s’il avait dépassé tout ce qui a toujours compté pour elle, comme s’il avait réussi, surtout, à dépasser toutes les limites qu’elle avait instaurées entre eux. Il n’y en a plus aucune, pas quand il vient la voir jusqu’à sa propre demeure et qu’elle le rejoint sans se poser de question. Sans penser, un seul instant, à tous les risques qu’elle prend. Elle n’y réfléchit plus, simplement parce qu’il est devenu bien plus important que ses inquiétudes. La seule chose dont elle a peur, ce soir, c’est de le retrouver plus bas que terre. Mais ses appréhensions vont vite trouver des réponses puisqu’elle arrive enfin jusqu’au parc où elle lui a donné rendez-vous. Il est là, à l’attendre, avec impatience. Il paraît à deux doigts de paniquer alors qu’il fait les cent pas sans la voir tout de suite. Et quand elle manifeste enfin sa présence, il réagit aussitôt, se rapprochant en même temps qu’elle. Leurs mains se lient et leurs regards se trouvent, plus ou moins difficilement, parce qu’il détourne très vite les yeux comme si c’était trop difficile de se trouver face à elle. Son attitude, cet air si meurtri, lui tout entier, il ne fait que l’effrayer davantage. Elle ne l’a jamais vu ainsi, Isabella. Il tente de lui adresser un sourire rassurant mais ça, c’est juste avant de lui expliquer ce qui a bien pu se passer. Il a perdu son coéquipier. Il est… Décédé. – Oh bon sang… murmure-t-elle, entre la surprise et la compassion. La tristesse, même. Elle ressent la douleur de son amant comme si c’était la sienne. Comme si elle la partageait avec lui. Alors qu’elle ne le connaît pas, cet homme, mais la souffrance de Nikolaï, elle lui est insupportable. Plus encore quand elle le sent s’approcher d’elle pour la serrer dans ses bras. Son cœur se resserre un peu plus dans sa poitrine alors qu’elle entoure instinctivement ses propres bras autour de lui. – Je suis tellement désolée Nikolaï… Ses mots sont inutiles, vains. Elle le sait. Elle se sent impuissante, c’est terrible. Elle le serre plus fort encore dans ses bras. – Ne dis pas ça... Si tu avais eu la possibilité de le sauver, tu l’aurais fait. Tu le sais. Elle a senti cette pointe de culpabilité dans sa voix mais elle la refuse. Elle n’a aucun doute sur le fait qu’il aurait sauvé son coéquipier s’il avait pu le faire. Ce serait compliqué d’expliquer comment elle peut bien en être aussi convaincue mais c’est le cas. Elle le sait, c’est tout. Elle le connaît, Isa.