Because the night belongs to lovers. (Warston)

♛ Because the night belongs to lovers.

Nikolaï n’a pas besoin de faire semblant, pas avec elle. Exactement comme elle ne l’a jamais fait avec lui. Même pour ses souffrances les plus enfouies, elle a pu les garder pour elle, mais sans jamais les nier, sans jamais lui mentir. Il y a ce climat de confiance incroyable entre eux, depuis le début, une confiance belle et pure qui détonne totalement avec la nature immorale de leurs rapports. Elle ne sait pas pourquoi, ni comment, Isabella. Mais tout ce qui compte, c’est que c’est réel. Il doit bien le ressentir lui aussi. Parce que c’est à elle qu’il a téléphoné ce soir. C’est jusqu’à sa demeure qu’il s’est rendu. Et c’est dans ses bras qu’il se blottit sans hésiter. C’est rassurant de le savoir ici, avec elle, plutôt que souffrant seul dans son coin. Mais ce n’est pas facile pour autant, oh non. Elle a même beaucoup de mal à le voir aussi meurtri, aussi coupable même d’un drame dont il n’est pourtant pas responsable. La jeune femme tente de le convaincre qu’il ne pouvait rien faire pour sauver son coéquipier, mais elle sent bien que ses paroles ne l’atteignent pas. Comme s’il l’écoutait, mais qu’il ne l’entendait pas vraiment. Comme si sa douleur était tellement forte qu’il n’entendait plus rien d’autre. Elle devine les larmes qui coulent son visage, elle les décèle dans sa voix tremblante, elle les sent dans sa peau qui s’humidifie. C’est la première fois qu’il pleure devant elle, la première fois même que l’un d’eux pleure devant l’autre. Alors elle le serre un peu plus fort encore, contre elle, sans dire un mot. Elle le laisse évacuer tout ce qu’il ressent, elle le laisse se libérer de toute cette culpabilité, cette incompréhension comme il semble en avoir besoin. C’est tout à fait normal, c’est même sain. Il vaut mieux qu’il livre tout ce qu’il a sur le cœur plutôt qu’il le garde au fond de lui. Et, en même remps, elle essaye d’emmagasiner les informations qu’il lui donne, les comprendre pour mieux savoir ce qui a pu se passer. Lorsqu’il se recule enfin, laissant entrevoir les perles salées sur ses joues, Isabella approche elle aussi ses mains de son visage pour les effacer avec bien plus de délicatesse, de tendresse. Elle le contemple, les yeux emplis d’affection et de tristesse pour lui. - Viens, suis-moi. murmure-t-elle finalement avant de prendre sa main pour l’entraîner jusqu’à l’intérieur du parc. Elle l’incite à s’asseoir sur un banc, et s’installe quant à elle sur ses genoux pour garder cette proximité. Elle oublie toute prudence une fois encore. Entourant l’un de ses bras autour de lui, Isa pose son autre main sur la joue du jeune homme pour le pousser à croiser son regard. - Ce qui est arrivé est horrible mais tu n’y es pour rien... Tu l’aurais sauvé si tu avais pu, je le sais et tu le sais aussi. Elle caresse sa joue avec amour sans le quitter des yeux tout en poursuivant. - Tu as bien fait de rester avec lui. T’en prendre à eux ne l’aurait pas ramené mais, au moins, il n’était pas seul pour ses derniers instants... Elle déglutit difficilement en tentant de visualiser la scène. Ça a du être terrible pour Nikolaï, plus qu’elle ne peut l’imaginer. Il a perdu un coéquipier aujourd’hui... Mais il a aussi risqué sa vie lui aussi. Et s’il ne semble pas le relever, Isa, elle, en a parfaitement conscience. C’est cette idée qui lui fait le plus de mal. - Ne t’en veux surtout pas, Nikolaï. C’est normal que tu sois triste, en colère même, mais la culpabilité n’a pas sa place. Tu n’es pas responsable.  

♛ Because the night belongs to lovers.

Nikolaï ne lui doit aucune reconnaissance. Elle n’a pas besoin d’entendre un merci de sa part, elle n’a besoin de rien. Rien d’autre que d’être là pour lui. Cela fait un petit moment, déjà, qu’ils ont dépassé le stade de la reconnaissance. Quand elle allait mal, à cause de cette vidéo, c’est vers lui qu’elle s’est tournée, instinctivement, sans réfléchir. Elle s’est réfugiée dans ses bras tellement de fois qu’il lui paraît normal, même rassurant, qu’il sache qu’il peut faire la même chose avec elle. Puis, c’est d’Isabella dont il s’agit. Elle sait être une oreille attentive pour les autres. Elle sait aider les autres. La seule chose qu’elle redoute, c’est d’être incapable de l’aider, lui. Il suffit d’écouter les paroles du jeune homme pour prendre conscience que ce sera loin d’être une tâche aidée. Mais ce qui apaise un petit peu ses inquiétudes, c’est de voir qu’il se laisse faire. Il ne la repousse pas, au contraire il accepte ses gestes, ses mots. Il l’accepte, elle, dans son intimité totale, là où il est le plus vulnérable. Et cela, elle ne l’oubliera pas, Isa. Assise sur ses genoux, pour mieux l’entourer de sa présence, elle le serre contre elle sans jamais dévier son regard du sien. Elle essaye, surtout, de trouver les paroles les plus appropriées, les plus convaincantes aussi pour qu’il comprenne qu’il n’est coupable de rien. – Mais ça a dû aller tellement vite. Tu n’aurais pas pu le voir venir, même lui… Il n’en a sûrement pas eu le temps… Tu es un bon flic Nikolaï, je pense que ce n’est pas le réflexe ni le courage qui t’a manqué, c’est la situation qui a été trop imprévisible. dit-elle avec la plus grande sincérité. Elle ne supporte pas de l’entendre se faire tant de reproches. Il est beaucoup trop dur avec lui-même alors que, pour lui non plus, la journée n’a pas été facile. Il a perdu un coéquipier, un ami, l’un des siens. La douleur est suffisamment grande pour qu’il y ajoute de la culpabilité. Mais Nick reprend la parole et, cette fois, il laisse entrevoir qu’il a été suspendu de ses fonctions. Elle ne sait pas s’il s’agit de la procédure habituelle ou non. Mais elle le connaît suffisamment pour savoir qu’il vivra très mal de rester cloîtré chez lui, d’autant plus en plein deuil. Ce qui l’effraie aussi, c’est de l’entendre parler de justice. Elle redoute qu’il ne veuille se venger. – Tu parles sous le coup de la colère… Tu sais que ça ne fonctionne pas ainsi. lui rappelle-t-elle, le ton le plus doux possible, comme pour ménager ses réactions. – Oui, tu étais là. Vous avez tous les deux risqué vos vies. Tu aurais pu… Mourir, toi aussi. Cette seule idée lui retourne le cœur. Mais elle continue, malgré tout, ses prunelles toujours ancrées dans les siennes. – Tu as vécu quelque chose de suffisamment difficile, tu dois affronter la mort d’un homme qui comptait pour toi. Tu ne peux pas ajouter à tout ça la culpabilité, je t’assure, sinon tu… Tu ne tiendras jamais le coup. murmure-t-elle avant qu’il ne vienne poser son front contre le sien. Elle l’enlace de ses deux bras cette fois alors qu’ils ferment tous les deux les yeux pendant quelques secondes. – Le seul coupable est celui qui lui a tiré dessus. Pas toi.

♛ Because the night belongs to lovers.

Elle fait tout ce qu’elle peut pour aider Nikolaï. Elle tente de lui ouvrir les yeux pour qu’il réalise qu’il n’a rien fait de mal. Et, surtout, pour qu’il comprenne qu’il ne doit absolument pas se laisser submerger par la culpabilité. Mais c’est difficile de l’en convaincre. Isabella est pourtant prête à continuer longtemps, toute la nuit même, s’il le faut. Seulement, elle n’est pas préparée à entendre ce qui sort pourtant de ses lèvres. Peut-être que ça aurait dû être moi ! Elle le contemple, stupéfaite, presque offensée qu’il puisse dire une chose pareille. Et, chamboulée, surtout. S’il avait été à la place de cet homme, c’était elle qui en aurait souffert. Non, Isa. Pas toi mais Claire. Sa femme. Il n’empêche que. Elle ne l’aurait pas supporté. Pour la première fois depuis qu’elle l’a rejoint, elle détourne son regard du sien, comme pour encaisser ces mots qui, au fond, ne devraient pas l’atteindre autant. – Tu n’as pas le droit de dire une chose pareille… déclare-t-elle d’une petite voix, la gorge nouée. Elle se rend compte qu’elle aurait pu le perdre, elle aussi. Elle ne l’aurait plus jamais vu, comme ça, d’un coup, du jour au lendemain. C’est beaucoup trop douloureux pour qu’elle puisse l’envisager. Elle a besoin de plusieurs secondes pour ôter cette idée effroyable de son esprit. C’est d’imaginer Nikolaï se mettre en danger en voulant à tout prix se venger qui la pousse à se reprendre. Elle refuse de le laisser faire quelque chose qu’il finirait par regretter à un moment ou un autre. Elle ne peut pas le laisser faire. Mais la colère de l’inspecteur de police ne descend pas. Il commence même un petit peu à s’emporter en évoquant la vie gâchée de son coéquipier par ces hommes. La Latina garde le silence un petit instant, ignorant quelle réponse lui apporter. Elle ne sait pas ce qu’elle peut lui dire, elle sait juste qu’il y a une limite qu’il ne doit pas franchir, pour son propre bien. – Vous pouvez les retrouver, les poursuivre, mais tu ne peux pas… Tu ne dois pas confondre justice et vengeance Nikolaï. Il finirait par se perdre. Et là, ce serait pire que tout. Mais comment peut-elle le raisonner s’il se sent carrément coupable d’être… Encore en vie ? Elle lui caresse la joue, avec tendresse, alors que son regard cherche à nouveau le sien. – Et moi j’ai peur de ce qui t’arrivera si tu te retrouves en face d’eux. avoue-t-elle sans le quitter des yeux. Elle tient à lui, beaucoup, beaucoup trop pour le laisser sombrer sans réagir. Mais elle ignore si elle a vraiment le pouvoir de l’aider en vérité. Elle se sent impuissante, inutile même. Elle ne sait pas le bien qu’elle peut lui faire. Mais il vient pourtant lui caresser la joue avec une délicatesse qui contraste totalement avec sa colère. Et, pour la première fois, il lui dit qu’il a besoin d’elle. La jeune femme le contemple d’un air touché, empli de tendresse aussi. – Et je suis là. Je ne te laisse pas. Approchant son visage du sien, elle lui vole un baiser. Le premier de la soirée. Un baiser très doux, très tendre, très différent de ceux qu’elle lui donne habituellement. Mais elle a compris que ce soir, ce n’est pas de son amante qu’il a besoin mais d’elle, Isabella. Elle recule tout doucement ses lèvres alors qu’il lui demande finalement si elle va bien. Il a deviné que non, au téléphone. Elle est surprise, troublée même, qu’il ait pu s’en apercevoir en quelques mots. Il commence à la connaître beaucoup trop bien, Nikolaï. – Ce n’est pas moi qui importe ce soir, c’est toi. lui dit-elle, sincèrement oui, mais aussi pour éluder sa question. Il a perdu quelqu’un aujourd’hui. Sa petite altercation avec son époux, à côté, est loin d’être aussi importante.

♛ Because the night belongs to lovers.

Ses paroles la touchent, elles la blessent, même. Bien plus qu’elles ne le devraient, bien plus qu’Isabella ne l’avouerait. Confier ses états d’âme n’est vraiment pas dans ses habitudes, encore moins dans un moment aussi difficile pour son interlocuteur. Mais elle est chamboulée, indéniablement, parce qu’il pense peut-être à son coéquipier en affirmant qu’il aurait dû prendre sa place. Mais il ne pense pas aux autres, il ne pense pas… A elle. Sans doute qu’il n’imagine pas combien elle souffrirait de sa disparition. C’est sûrement elle, la responsable, elle qui est si secrète sur ses sentiments. Elle le prouve une fois de plus en taisant ce qu’elle éprouve alors qu’il poursuit un peu plus dans ses paroles. Son ami ne méritait pas ça, non, mais lui, le mériterait-il davantage ? Et elle, mériterait-elle de perdre encore quelqu’un… De le perdre lui ? Peut-être que c’est elle, l’égoïste. Elle refuse l’idée de vivre sans lui. Obstinément. – Et toi non plus… dit-elle faiblement avant d’oser enfin relever les yeux vers lui. Il est en colère, plus en colère qu’elle ne l’a jamais vu. Il semble capable de tout à cet instant, même du pire, ce qui inquiète particulièrement la jeune femme. Mais peut-être que c’est normal, peut-être que c’est le contrecoup. Elle l’espère, parce qu’elle sait qu’il ne supporterait pas de perdre son travail. Et elle, elle ne supporterait pas de le perdre lui. – La justice n’a rien de parfait, tu le sais sûrement encore mieux que moi. Mais si tu es devenu policier, c’est parce que tu sais qu’elle est la seule réponse à apporter à un crime. déclare-t-elle, la voix douce et compréhensive. Elle veut le raisonner, elle veut lui rappeler la personne qu’il est. Plus que tout, elle veut qu’il apprenne à accepter ce qui est arrivé. Elle sera là pour l’aider, elle sera là à chaque fois qu’il le faudra. C’est ce qu’elle lui assure, tendrement, avant qu’ils n’échangent un doux baiser. Il semble l’apaiser, lui faire du bien. Cela leur en fait à tous les deux. Elle aussi, elle ressent ce besoin d’être avec lui. Mais l’essentiel reste Nikolaï. Elle l’a calmé, momentanément, parce que c’est d’elle dont il se préoccupe désormais. Seulement, elle ne veut pas l’accaparer avec ses histoires de couple, Isa. La colère l’a suffisamment envahi comme ça. Puis, en réalité, elle ne saurait pas comment lui expliquer ce qui s’est passé. Elle a l’impression que le problème vient d’elle. C’est sûrement le cas. Tout vient toujours d’elle. Mais le jeune homme insiste. Il lui assure que c’est important, pour lui, de savoir comment elle va. Et il est adorable, vraiment. Elle sait aussi combien c’est vrai. Il est le premier homme qu’elle fréquente qui se préoccupe autant de son bien-être. Mais elle ne peut pas lui dire. – Si, si, je t’assure… Son regard accroche le sien. Elle se mordille la lèvre inférieure sans s’en rendre compte. Elle est, comme, incapable de lui mentir. Pour une femme qui l’a fait toute sa vie, c’est terriblement troublant. Mais elle n’y arrive pas, pas avec Nikolaï. – C’est juste qu’il s’est passé un truc étrange avec Luke juste avant que tu ne m’appelles… Mais ce n’est vraiment rien de grave, tu n’as aucune raison de t’en faire.

♛ Because the night belongs to lovers.

Peu à peu, Nikolaï semble se calmer. Elle ne sait pas si elle parvient réellement à lui ôter ses idées les plus sombres de l’esprit, ou bien s’il les garde simplement pour lui. Mais il paraît écouter ce qu’elle dit, il finit même par lui donner raison, juste à peine, comme s’il abandonnait. Comme s’il admettait, enfin, tout ce dont elle tente de le convaincre depuis le début de leur conversation. Elle sait que ce n’est qu’une petite victoire, Isabella. Elle sait qu’elle va devoir le surveiller avec attention durant les prochains jours. Elle se met elle-même dans cette position, celle de jouer les anges gardiens pour lui, uniquement parce qu’elle est incapable de rester indifférente à sa douleur. – Tu le sais, oui, alors s’il-te-plaît, ne fais pas quelque chose que tu regretterais. demande-t-elle en glissant sa main contre sa nuque. Son regard toujours plongé dans le sien, la jeune femme ajoute dans un murmure. – J’ai besoin de toi, moi aussi. Peut-être le sait-il déjà, peut-être ne l’a-t-il pas encore compris. Ce n’est pas un aveu qu’elle fait si facilement, Isa. Mais, malgré ce mur qu’elle a construit autour de son cœur, cela devient de moins en moins difficile de se détacher de ses limites et lui exposer, un peu, ce qu’elle ressent véritablement. Cependant, la Latina n’est pas pour autant décidée à confier à son amant ce qui a pu se passer entre elle et son mari. Elle essaie de lui ôter ses inquiétudes tout de suite, mais Nikolaï lui demande de ne pas lui mentir. Exactement comme elle l’a fait un petit moment plus tôt. Un petit sourire apparaît sur les lèvres de la belle brune avant qu’elle ne baisse les yeux. Il lui est impossible de lui mentir. Ce serait plus simple pourtant, elle lui assurerait que tout va bien. Ils reviendraient sur le sujet le plus important de cette soirée, Lui. Mais elle cède, une fois encore. Et une nouvelle barrière s’effondre alors qu’elle commence, tout juste, à lui expliquer. Elle veut surtout le rassurer mais il ne semble entendre qu’une chose, qu’il s’est passé quelque chose. – Je t’ai aussi dit que ce n’était pas important. proteste-t-elle, vainement. Elle voit au seul regard de Nikolaï qu’il ne laissera pas tomber, pas tant qu’elle lui aura dit toute la vérité. – Il n’était pas comme d’habitude… C’est difficile à expliquer. J’avais l’impression qu’il… Avait besoin de se rassurer. Avec ses mots, d’abord, puis ensuite avec ses gestes. Elle en a encore froid dans le dos quand elle pense à la manière dont il s’est adressé à elle, à celle dont il l’a embrassée. Peut-être qu’il comprend peu à peu qu’elle n’est plus aussi accrochée à lui qu’auparavant, peut-être que c’est parce qu’elle se détache de lui sans s’en rendre compte.