au clair de lune / dafne

01/ tout le monde le sait et pourtant elle continue de s'en cacher. fille de la rue, fille de petite vertue. c’est écrit sur son visage, à dafne, qu’elle laisse tomber ses fripes pour quelques billets seulement. l’égo traîne derrière elle, malmené par les cordes sanglantes, gît sur le sol comme une vulgaire possession. y a dans ses yeux tout le mal du monde, la gamine tout juste assez grande pour tenir debout, elle qui a déjà tout vu. tout vécu. elle qui rêve de mieux, d’ailleurs, sans rien ni personne pour empêcher la colombe de voler. 02/ elle fuit le soleil pour rejoindre la lune, dafne. c’est à la lumière de la nuit qu’elle laisse apparaître son visage, dafne, qu’elle laisse tomber les masques. la traînée n’est qu’une poupée fragile, brindille tangible. un sourire et le monde devient beau. un mauvais pas et c’est le monde qui s’effondre. l’oiseau de nuit rêve au clair de lune, fuit la lumière du jour, pas encore prête à se dévoiler au monde. 03/ un vieux sac à dos, toujours sur le départ. dafne elle a ni famille, ni chez elle. tirée d’iran par des passeurs en quête d’argent, ils la suivent à la trace depuis qu’elle s’est en allée, depuis qu’elle s’est jurée qu’elle serait pas la proie des hommes. vivre avec dafne c’est vivre sur la pointe des pieds. le moindre faux pas pourrait la ramener en enfer. alors elle s’enfuit, dafne. et elle se le jure, que jamais elle ne leur reviendra. 04/ et lors des matins d’hiver y a le souvenir de maman. à danser dans la cuisine, à voler dans les hautes herbes. maman et son vieux pendentif en toc autour du cou, celui qu’elle a dérobé de son corps gisant dans les rues de téhéran. celui qu’elle porte nuit et jour sans relâche, le vieux toc devenant diamant à ses yeux. 05/ il y avait maman. il y a eu dafne. et enfin, il y a eu lyra. lyra, la gamine solaire. lyra que les rêves dépassent, lyra trop libre, trop téméraire pour rentrer dans la case qu’on lui impose. lyra se rebelle, ça cause à dafne du soucis. elle a bien trop à perdre, lyra avant tout. 06/ princesse d'egypte, reine de saba. le menton levé, la malice au creux des lèvres. elle se laisse bercer par les comptes devenant réalité au même rythme que ses dires, change de nom au gré de ses envies. elle berne personne dafne, ment comme elle respire juste parce qu'elle aime bien. ça la fait planer, aussi haut que les oiseaux. 07/ effarouchée. oiseau sauvage mis en cage. dafne elle vit pas comme tout le monde, s'amuse d'un rien. creuse des sourires sur les poupées pour pas penser au vide de sa vie. gamine imprévisible, l'approcher c'est planer, la toucher c'est se brûler. 08/ coeur gros, coeur grand, dafne elle aime pour elle, pour dix, pour cent. coeur intrépide toujours à deux doigts de la collision, elle s'amourache, n'a peur de rien, pas même d'y perdre du sien. dafne elle comprend pas, elle mélange tout, les amis, les amants, s'emplit le coeur de joie pour oublier la misère de l'existence.