we might as well be strangers (finn)

des années déjà qu'elle portait sur elle le titre d'infirmière. des études qui lui étaient apparues évidentes dès son plus jeune âge et qu'elle avait tout fait pour mener à bien. elle avait même brillé et s'était illustrée comme l'une des meilleures dans l'exercice. elle avait côtoyé les têtes de liste, l'élite, et n'en était ressortie que plus fière encore de ce qu'elle avait entreprit. des années qu'elle avait fait sa place dans de nombreux endroits à new york, de ceux où ses talents étaient fortement appréciés et plus encore, demandés.
elle avait quitté son lieu de travail habituel, l'hôpital, peu après midi. ne s'accordant qu'à peine une heure pour rassasier son estomac, avant de retrouver quelques collègues au centre médico-social le plus proche. là-bas aussi on la connaissait, elle qui avait l'habitude d'aller et venir selon les besoins. la plupart du temps pour des interventions de prévention pendant lesquelles elle assistait une collègue. ces réunions faisaient partie de ces aspects du job qu'elle affectionnait le plus. ça lui tenait à coeur de pouvoir tendre la main et d'être celle qui dira que personne n'est jamais seul, qu'il y a toujours une solution à chaque problème. la diversité des activités dans son métier le rendait si intéressant. alors c'est le sourire aux lèvres qu'elle s'échappe de la salle quand sonne l'heure de la pause. elle en profite pour passer à l'accueil, saluer deux-trois connaissances, échanger quelques mots avec d'autres. et mission accomplie, elle prend le chemin menant à la machine à café. le vrai moment de détente arrive maintenant. c'est du moins ce qu'elle croyait avant que son regard ne rencontre la silhouette, puis le visage de finn. et là, y'a tout qui remonte. en l'espace de trois secondes cinquante, elle se reprend tout dans la gueule. bien trop violemment pour un petit bout de femme comme elle. de leurs moments à leurs silences, en passant par leurs disputes et leurs éclats, jusqu'au point de non-retour qu'elle n'avait pas vu venir. elle a tenté de tout balayer en s'envolant vers d'autres horizons. elle a essayé de se persuader que ça l'aiderait à accepter plus facilement. mais tout ce qu'elle a réussit à faire, c'est ensevelir le choc et l'incompréhension sous une bonne couche d'autres fausses priorités. et l'heure n'est plus aux larmoiements, plutôt au face-à-face. l'infirmière continue sa route jusqu'à la machine, où elle appuie dans l'attente de son remontant. qu'est-ce que tu fais là ? elle ne se retourne même pas, elle sait qu'il est là. et surtout, elle n'a rien trouvé d'autre. par perte d'habitude, assurément.

il aimait bien ces occasions de sortir du bureau. c'est pas qu'il venait souvent ici, mais on l'appelait de temps en temps, ou un collègue pour venir faire un petit point administratif sur les droits de ces bonnes gens. il y avait souvent des grands silences, on ne lui posait pas trop de questions à finn. trop peur d'admettre devant son voisin qu'on a besoin d'aide, qu'on aurait bien besoin du petit coup de pousse qu'il leur proposait. après son petit laïus bien ficelé par les années, il laissa quelques secondes. des questions? personne ne broncha, les yeux étaient baissés ou tournés vers l'extérieur. il posa un petit tas de cartes de visites, sachant pertinemment avec l'expérience que chacun repartirait avec une carte et qu'il recevrait rapidement quelques coups de téléphone. il coupa court à une conversation avec un psychologue du centre pour aller chercher un café. alors, il la vit. vous avez, finn c'est pas le genre de type à s'émouvoir facilement. enfin, il ne bronche pas, rien ne se passe au niveau de son visage. elle a pas bronché gaia, toujours aussi belle. du profil qu'il observe discrètement pendant qu'elle lui tourne le dos pour le dépasser à la machine à café. il y a pas eu tant de filles que ça qui ont compté. et au fond, il a toujours trouvé dommage que leur histoire se soit terminée, bien qu'il sache qu'il n'aurait pas pu lui donner plus que ce qu'il lui avait donné. le ton est amer, mais finn lui sourit. dans l'inconscience de son égoïsme, il est surtout content de la revoir après tant de temps. là tout de suite j'attends de pouvoir me servir un café. quant à ma présence ici ici je travaille, comme toi je suppose? il la laisse se retourner enfin vers lui pour lui offrir un sourire. le sourire. comme si de rien était, il glisse une pièce dans la machine pour avoir son café. tu vas bien? demande-t-il, comme si finalement il engageait la conversation avec une connaissance comme une autre.

son foutu karma, toujours lui. même quand tout semblait aller pour le mieux dans sa vie et qu'elle pensait enfin se trouver en terrain sécurisé, il ne manquait jamais de venir se rappeler à son bon souvenir. quelques heures auparavant, elle n'avait croisé que des visages familiers et chaleureux, gaia. et en l'espace d'une demie-seconde, la tendance venait de s'inverser, du moins à ses yeux. finn, il avait le sourire, il pouvait bien se le permettre. il n'avait pas eu besoin de tirer un trait sur elle dans l'incompréhension la plus totale, lui. dans tout ce qui les liait l'un à l'autre, il avait encore le beau rôle et la meilleure des places, lui. si seulement elle pouvait cogner ce foutu karma qui semblait ne lui vouloir que du mal, elle s'en sentirait enfin libérée et plus légère. malgré le choc des retrouvailles inattendues, elle n'en perd pas moins de vue son objectif. sans se retourner vers lui, elle attend que la machine lui délivre son café qu'elle prend avant de se reculer de quelques mètres. elle crève d'envie de fuir, loin, très loin. pour ne plus avoir à le revoir, à lui reparler et à se reposer des tas de questions rien qu'en le croisant au détour d'une rue. elle en vient même parfois à penser que new york sera toujours bien trop petit pour eux deux. la preuve, ils parviennent encore à tomber l'un sur l'autre. dans un élan d'elle-ne-sait-quoi, elle cède à l'envie de lui demander ce qu'il fait là. alors que la réponse aurait été évidente pour tout un chacun. sauf que dans des circonstances où l'on ne trouve plus les mots, les phrases finalement prononcées deviennent ridicules assez rapidement. et malgré le fait qu'elle ne manque pas d'intelligence, elle n'échappe pas à la règle gaia. là tout de suite j'attends de pouvoir me servir un café. quant à ma présence ici ici je travaille, comme toi je suppose ? étonnamment, elle ose enfin poser son regard déviant vers lui. d'autant qu'il continue de sourire et qu'elle n'est même plus capable de faire de même. elle hoche la tête pour toute réponse. à quel moment est-ce que c'était devenu si gênant entre vous ? elle se pose mentalement la question la brune, alors qu'elle connait pertinemment la réponse. et que lui aussi, à coup sûr. tu vas bien ? un haussement d'épaule plus tard et un regard qui s'échappe de nouveau, tandis qu'il rejoint la machine à café qu'elle avait abandonné quelques minutes plus tôt. on va dire que oui, qu'elle laisse échapper dans un premier temps. elle n'a pas envie de s'étaler, pas envie d'en dire trop. ça ne le regarde plus, pas vrai ? disons que j'essaie de composer avec ce qui me tombe dessus, j'fais ce que j'ai toujours fait. des paroles qui veulent dire beaucoup pour une petite femme qui n'avait jamais été épargnée. et ce, depuis son entrée dans la vie. elle en a certainement tiré une force qu'on ne peut pas lui enlever, mais il n'en reste pas moins qu'elle n'a jamais été capable de tout encaisser. même avec toute la bonne volonté du monde. et elle hésite à lui renvoyer la question gaia. pas qu'elle se fiche de son sort, ça n'a jamais été le cas et ça ne commencera pas aujourd'hui. elle n'est juste pas à l'aise avec la scène qui se joue devant ses yeux. celle-là même à laquelle elle n'a même pas l'impression de réellement prendre part tant elle se sent en apnée, dans une toute autre dimension. et toi, tu t'en sors bien ? t'as l'air en forme. c'est finalement sorti parce qu'elle n'est pas méchante et qu'elle se refuse à lui opposer un désintérêt total. pas de mensonge, juste un constat. il avait l'air bien plus épanouit qu'elle, évidemment.

c'est son truc, sa patte à lui. il ne voyait tout simplement pas le problème dans la situation. ah ça, il en résolvait des situations tendues pour les autres, il participait à sortir les gens de la misère, à franchir des obstacles monstrueux. mais quant à sa vie personnelle, finn aurait bien besoin d'un psy, d'un conseiller, bref de quelqu'un qui réussisse à lui montrer combien il pouvait se tromper sur toute la ligne. il était touché, il essayait d'insuffler un peu d'humour dans cette conversation bien trop tendue. peut-être qu'il le voyait, mais qu'il ne voulait tout simplement pas comprendre la rancœur du regard de la jeune femme. il attendait sans doute que gaia lui sauterait dans les bras, ou du moins qu'elle montrerait un peu plus d'enthousiasme. parce qu'entre les deux anciens amants, gaia exprimait les sentiments de leur relation pour deux. outch, il encaissait les remarques, il voulait bien reconnaître que c'était mérité. il s'attendait à ce que la conversation se termine comme ça. comme elle avait commencé. tu prends un café, j'en prends un et chacun retour à sa vie. c'est un peu le rythme qu'il avait imposé finalement. aimons-nous et puis restons-en là. dans ce court laps de temps, finn supposa qu'il était peut-être bien venu qu'il s'excuse. mais gaia reprit la parole pour lui retourner - plus ou moins la question. sans doute un heureux contre-temps qui lui épargnait la cruauté d'excuses trop tardives. ça va, oui. dit-il sans en rajouter, un sourire humble aux lèvres. qu'est-ce qu'il pouvait bien lui dire? finn avait ses torts, il avait sans doute des pensées beaucoup moins généreuses que ce qu'on voulait bien croire de lui. mais il n'était pas hypocrite, il ne voulait pas mentir sur son état, s'attirer la pitié de gaia pour se sentir moins coupable. aussi terrible que ça puisse être pour la jeune femme, il assumait ses actes. et tout ambigu que pouvait être son comportement, il l'aimait assez pour ne pas la blesser davantage. tu crois que tu aurais le temps de t'asseoir boire ton café avec moi? on pourrait discuter? le masque tombait, la question était sincère, et il l'avait posé spontanément, sans savoir ce qu'il attendait vraiment de cette entrevue si la brune lui accordait. pendant ce court instant où finn se laissa aller à un peu de sincérité, il croisa le regard de la jeune femme pour de vrai. ça pouvait donc faire aussi mal que ça? il eut de la peine pour gaia, sans arriver vraiment à faire le lien entre le ressentiment qu'il lisait dans les yeux d'andreani et son rôle dans l'affaire. il lui désigna la petite table contre le mur et décida de s'asseoir, fixant volontairement la petite touillette en plastique dans son café pour ne pas recroiser le regard de gaia qui lui faisait se poser beaucoup trop de questions.

elle croyait cette époque révolue gaia. ce "nous" complètement relégué à l'arrière plan, un moment intense mais d'une autre vie. elle s'était même habituée au fait que les explications n'existeraient jamais. venait un temps où il fallait se forcer à avancer. elle n'était pas celle qui avait orchestré leur faillite, elle avait tout juste été contrainte d'y céder. dans une relation, il faut être deux. et malgré toute la bonne volonté du monde, elle ne pouvait plus rien faire si finn avait déjà un pied dehors. les jours, voire même les mois suivants s'étaient avéré compliqués à appréhender. et la guérison avait tardé. cela expliquait sûrement sa fuite, l'envol qu'elle prenait chaque fois qu'elle se sentait couler. son unique échappatoire était le bout du monde qui lui interdisait de ressasser en lui attribuant des vraies priorités. pourtant encore aujourd'hui, parler sur son état n'était pas chose aisée. elle n'était pas au bord du gouffre mais des petits tracas de la vie s'imposaient toujours sur son chemin, la réduisant à faire des compromis, à s'adapter à chaque situation. jamais, elle ne pouvait réellement certifier qu'elle était au top de sa forme. alors elle l'explique à son interlocuteur, fraîchement débarqué du tréfond de ses souvenirs. puis, elle hésite à s'intéresser à lui. avait-il fait cas de son état quand il s'était tiré sans lui accorder les quelques mots qu'elle méritait sûrement ? la rancune est tenace, mais pas assez pour passer au-dessus de ce qui les avait lié un jour. ça va, oui. elle hoche la tête, ne parvenant pas à trouver plus de mots à engager. elle n'est pas en position de force et elle se laisse totalement submerger par l'évidence qui n'existe plus dans l'espace qui les sépare désormais. mentalement, elle se demande si ça va durer encore longtemps. parce que le malaise qu'elle ressent l'étouffe. d'autant qu'ils avaient certainement tout deux un meilleur endroit où se trouver qu'ici même, en compagnie de personnes bien plus propice à leur épanouissement. et alors qu'elle s'évertue toujours à trouver un point d'ancrage à son regard bien trop vacillant, finn crée la surprise. encore. tu crois que tu aurais le temps de t'asseoir boire ton café avec moi ? on pourrait discuter ? la forçant à relever ses prunelles confuses vers lui. sur quoi pouvait-il bien avoir envie d'épiloguer ? ils avaient dépassé ce stade depuis longtemps, et c'était juste tellement bizarre de se parler comme si de rien était, dans la situation qui était la leur. non, tu n'as pas le temps. non, tu n'en as pas envie. non, ça n'a plus d'importance désormais. non, disparais simplement de ma vie comme tu l'as déjà fait autrefois. cette petite voix dans sa tête s'anime de toute part. lui assurant que pour mille-et-une raisons, c'était la pire des décisions à prendre. et pourtant... ça fait des mois qu'on aurait dû faire ça déjà... mais j'prends ce que tu me donnes. comme toujours, qu'elle se retient d'ajouter. une fois encore, elle courbe l'échine. la faute à ses foutues prunelles qui ont croisé celles de finn une seconde de trop. elle ne peut décidément toujours rien lui refuser même si elle se maudit intérieurement d'être aussi faible. pas très sûre de ce qu'elle était en train de faire, elle marche à sa suite gaia. avant de s'asseoir face à lui autour de la table qu'il lui avait indiqué. elle pose son gobelet sans pour autant cesser de le triturer de toute part, trop heureuse de la distraction improvisée. je t'écoute. c'est bien toi qui voulais parler finn ? alors vas-y, parle. parce que toi, tu n'as rien à lui dire. tu ne te sens même plus capable de maintenir un quelconque échange avec lui. c'était à son tour de prendre les rennes de ce qu'il avait choisi d'initier de son plein gré. elle prend sur elle gaia, mais elle tente de le fixer un chouïa, en attendant la sentence.

il n'avait rien préparé, ce qui était plus qu'étonnant de la part de finn. dans l'immédiat de leur rupture, il avait préparé un semblant de discours bien ficelé qui donnait assez d'informations à gaia pour qu'elle lâche l'affaire sans trop en dire sur la réalité des raisons qui avaient poussées finn à briser le cœur de la jeune femme. mais gaia s'était évaporée dans la nature, alors que finn croyait - et espérait quelque part - que la vie pousserait leurs chemins à se croiser de nouveau. alors le temps avait sacrément érodé les arguments de finn. encore inspiré parce que son confort personnel nécessitait, il piégeait gaia dans ses filets en lui imposant une discussion qui n'avait sans doute pas d'autre but que de s'assurer qu'elle ne l'oublie pas complètement. il avait été maladroit, pas très appliqué dans sa manière de l'aimer, en revanche elle y avait mis tout son cœur. la question est lancée, elle ne lui appartenait plus et il restait accroché aux lèvres de gaia. c'était tout ou rien. un refus de sa part ne l'étonnerait pas, il s'y attendait même. rationnellement, elle n'avait vraiment aucun intérêt à accéder à sa demande. mais gaia n'était pas finn, et c'était tant mieux. elle répondait sûrement à des voies intérieures que finn ne comprenait pas. il ne cacha pas sa surprise quand elle accepta de s'asseoir face à lui, sur un tabouret au moins aussi inconfortable que la conversation qui s'annonçait. si elle répondait positivement, elle mettait aussi finn au pied du mur. parler en premier lui coûtait un effort quasi surhumain et elle tenait là une de ses meilleures vengeances. ça aurait mérité d'avoir lieu plus tôt, j'en ai conscience. commença-t-il difficilement, les mains volontairement bien à plat sur la table pour éviter de trop gesticuler et avouer ainsi sa nervosité. je voulais te présenter mes excuses, je suis vraiment désolé de ne pas t'avoir ... disons impliquée dans la décision finale. elle attendait qu'il sorte ce qu'il avait en tête et sur le cœur, mais le regard qu'il lui jeta appelait à l'aide. il aurait aimé qu'elle intervienne, qu'elle parle pour lui, qu'elle complète sa phrase et qu'elle s'en contente. ses iris se baissèrent de nouveau en direction du gobelet de café maintenant froid qui trônait au milieu de la petite table. sans une respiration et d'un seul trait, il tenta. je pense encore aujourd'hui que c'était la seule façon de ne pas te faire de mal. explications floues, mais qui avaient le mérite de contraster avec l'indifférence qu'il avait affiché lors de leur rupture. un court instant, il s'était vu tout balancer, se lever et tourner les talons pour de bon. mais la présence de la brune, le regard de gaia sur lui et de nouveau il considérait le fait de ne pas se faire tout à fait détester par elle. il attendait qu'elle réponde, tâchant d'imaginer ce qui pouvait bien se passer dans la tête de gaia, qu'est-ce qu'elle en pensait, quelle pouvait être sa réaction.

la scène qui se jouait actuellement dans un lieu public où ils n'avaient jamais prévu de se recroiser arrivait définitivement quelques mois en retard. et dans la tête de gaia se maintenait, comme un fait avéré, que si le hasard ne les avait pas réunit aujourd'hui, elle n'aurait jamais rien su de la réalité des choses. ça aurait mérité d'avoir lieu plus tôt, j'en ai conscience. si tant est que finn se décide à être plus explicite, ce qui semblait bien mal engagé. il n'avait vraiment aucune idée du chaos qu'il avait engendré chez elle en tirant un trait sur eux aussi facilement. pour la simple et bonne raison qu'elle n'avait rien vu venir. elle avait été forcée d'accepter une décision qu'elle n'approuvait pas. alors des jours durant, lors de ses courts moments d'accalmie à l'autre bout du monde, elle s'était repassé en boucle leurs derniers mois. cherchant désespérément la clé à l'énigme imposée. et malgré tous ses efforts, ses recherches étaient resté vaines. la laissant là, seule avec elle-même, pour panser ses maux.
assise face à lui dans cet endroit pas vraiment propice à un échange aussi personnel, elle ne savait plus si elle voulait des réponses. même si la vérité était évidente, il s'avérait qu'elle avait seulement peur de ce qu'elle pourrait être amené à entendre. il lui avait fallu tant de temps pour digérer ou pour faire semblant d'y être parvenue, pour donner au moins l'illusion à son entourage qu'elle était décidée à avancer et à ne plus laisser finn avoir une telle emprise sur son existence. ce pourquoi l'imminence des aveux si longtemps attendus n'avait plus la même saveur et la rendait même excessivement fébrile. je voulais te présenter mes excuses, je suis vraiment désolé de ne pas t'avoir... disons impliquée dans la décision finale. elle hoche simplement la tête. que pouvait-elle bien répondre à ça ? ses excuses, elle les méritait amplement, elle n'avait rien à y ajouter. c'est pas ce que j'te reproche finn. elle aurait pu le laisser dérouler le fil de ses remords et ses regrets mais ce n'était définitivement pas ce qu'elle était venu chercher. elle tenait à remettre les choses dans leur contexte. j'attendais seulement que tu me donnes la véritable raison de cette rupture, qu'elle débute. je t'aurais jamais forcé à m'aimer, ni même à rester avec moi si t'en étais plus capable ou si t'en avais plus envie. j'suis pas ce genre de personne. et ça, il le savait forcément. du moins, c'est ce qu'elle se plaisait à croire pour ne pas caresser du doigt l'hypothèse selon laquelle il ne la connaissait pas si bien que ça. plus elle le regarde, plus elle le détaille, et plus elle a cette désagréable impression qu'il n'est pas plus avancé qu'elle dans ses explications. et c'est sûrement là son plus grand drame. si lui-même n'était pas capable de lui fournir les réponses qu'elle espérait, qui le ferait ? je pense encore aujourd'hui que c'était la seule façon de ne pas te faire de mal. et c'est cet aveu qui achève de la surprendre et de la perdre complètement en chemin. l'incompréhension se lisant sur chaque trait de son visage fin. la seule façon de ne pas me faire du mal ? explique-toi, j'comprends rien. elle en avait assez de ces phrases qui n'en disait ni trop, ni pas assez. de ces phrases tellement vagues qu'elle n'y trouvait aucun véritable sens. elle était fatiguée de se triturer les méninges pour ne jamais rien obtenir de concret. et c'est de ses yeux brillants qu'elle l'implore de lui dire la vérité, pour une fois. pour qu'elle cesse enfin de se reprocher mille-et-une choses qu'elle avait pu faire ou qu'elle n'avait pas faite. pour qu'elle comprenne que peut-être elle n'était pour rien dans tout ce désastre et dans cette histoire gâchée.

les mains moites, la nuque qui fait mal à force de se raidir pour ne pas trop flancher. ce sont des sensations que finn n'a pas l'habitude d'expérimenter. d'ailleurs, c'est exactement le genre de choses qu'il avait pensé éviter quelques mois auparavant. avant, ça avait marché avec d'autres filles. le silence radio. alors il n'y avait pas de problème. finn n'avait qu'à retourner à sa petite vie confortable de blondinet qui mène son monde par le bout du nez. et il aurait espéré qu'encore une fois, le petit air innocent qui lui allait si bien lui sauve la mise. mais gaia était rompue à l'exercice. et quoiqu'il en dise, c'était facile avec les autres filles parce qu'elles n'étaient pas gaia. le départ, l'absence d'aurevoir avaient au moins l'utilité d'avoir occulté violemment mais nécessairement des mois de souvenirs plutôt heureux et amoureux. et tout ça elle le porte sur le visage, dans ses petits tics de langage qu'il reconnait tout de suite, dans sa manière de se tenir, là, juste en face de lui. il gigotait sur son tabouret, tout en tâchant de ne pas faire couiner les pieds sur le sol, pour ne pas se faire remarquer. il appréciait la relative intimité que le monde semblait leur avoir accordé. même si dans l'inconfort de sa situation, il espérait toujours un peu qu'un élément extérieur vienne perturber leur conversation. on le forçait à rien finn. il aurait aimé lui dire qu'il ne voulait pas qu'elle pense ça, qu'au contraire que ces mois à ses côtés avaient été délice. mais à quoi ça allait le faire ressembler. néanmoins, il baragouina deux mots, entre ses lèvres à moitié closes. il ne s'agit pas de ça. même s'il s'agissait un peu de ça. il n'était jamais allé plus loin que ce qu'ils avaient. et ils avaient trente ans ou presque. il avait peur de ce que signifier leur aventure à cet âge-là. et si, d'un coup, installés dans leur bonheur elle avait voulu plus? courageusement - pour lui pas pour le commun des mortels - il se risque à parler de ça. je craignais que tes envies ne soient pas les mêmes, qu'on arrive à un point où je te décevrais forcément. son café était froid de toute façon, donc pas de porte de sortie. et puis, faux. il entretenait le mystère comme ça, il se donnait le beau rôle. il avait été prévoyant, il avait pensé à son bonheur. elle pouvait se rappeler de lui comme ça. un jour, elle lui pardonnerait cette version de l'histoire. mais l'autre? jamais, au grand jamais elle ne le regardait avec cette pointe de nostalgie comme elle le faisait. ça change rien gaia, on refera pas l'histoire. il avait le souffle court, le fond de sa pensée prêt à exploser, à lui dire. partagé entre l'assurance que la vérité serait dure à entendre mais qu'elle méritait de tourner la page, et l'envie de la garder encore un petit peu pour lui.

elle savait déjà avant de commencer qu'elle n'apprécierait pas ce qui se dégagerait d'eux, ni de leur échange. elle aurait préféré être n'importe où ailleurs même. pas dans l'espoir de fuir finn, ça n'avait jamais été son but premier, plutôt dans l'optique d'échapper à la réalité de ce qu'était devenue leur relation. à dire vrai, elle ne savait même plus ce qu'ils étaient l'un pour l'autre. ils n'étaient plus un couple et ça, c'était la seule certitude qu'elle avait dans cet océan d'interrogations. ils n'étaient pas non plus des amis puisqu'ils ne communiquaient pas autant que pourraient le faire ceux-ci. étaient-ils au moins des connaissances ? elle n'en était même plus sûre. elle avait ce sentiment qu'ils n'étaient plus que deux étrangers, qui n'étaient même plus capables de bien dialoguer. parce qu'irrémédiablement, il restait des non-dits qui pesaient au-dessus de leurs têtes et ça n'aidait pas à faire subsister quelque chose de sain entre ces deux êtres. l'inconfort qui l'habite transpire de tous ses pores, de tous ses gestes, de toutes ses attitudes. à cet instant précis, elle se présente tel un livre ouvert gaia. et elle ne doute pas du fait que finn capte tout, sans le moindre mal. il l'a suffisamment connue pour ça après tout. et tristement, elle n'a pas les armes pour se sortir correctement de cet amas de souvenirs l'infirmière. elle aurait aimé savoir quoi dire, comment réagir. mais par-dessus tout, elle aurait souhaité comprendre pourquoi il était parti du jour au lendemain, sans se retourner. alors elle prend sur elle, en essayant de ne piper mot, pour simplement le laisser dévoiler des vérités qui apaiseraient ses demandes, à défaut de l'apaiser tout court. ça lui fait du bien d'obtenir finalement des excuses, même si elle lui laisse entendre qu'il n'a pas compris ce qu'elle lui reprochait. il ne s'agit pas de ça. s'il n'est pas question de sentiments disparus, de quoi pouvait-on bien parler ? elle s'était sans doute fourvoyée en espérant mettre un terme à des mois de spéculations gaia. parce que plus elle l'écoute, plus ses raisons lui semblent floues. je craignais que tes envies ne soient pas les mêmes, qu'on arrive à un point où je te décevrais forcément. et là, elle tique. est-ce que toute cette histoire était réellement en train de lui retomber dessus ? est-ce qu'elle avait payé de son couple, des demandes jamais formulées ? attends... arrête-moi si j'me trompe surtout, elle se repositionne, déjà légèrement agacée. est-ce que t'es vraiment en train de tout me remettre sur le dos ? cette fois, elle le regarde vraiment parce qu'elle veut savoir ce qui lui est passé par la tête. ce qu'elle a fait pour qu'il en arrive là. donc t'es en train de me dire que tu m'as quitté, à cause des envies peut-être naturelles que j'aurais pu avoir, mais que je n'ai pour autant jamais évoqué ? elle voit rouge gaia, parce que c'est encore pire que tout ce qu'elle aurait pu penser. elle se laisse aller contre le dossier de sa chaise avant de rajouter. t'es au courant que t'as peut-être tout foutu en l'air pour rien ? et après ça, t'arrives encore à dormir la nuit finn ? parce qu'avec des et si de cette trempe, elle se serait bien trop torturée l'esprit pour y survivre la andreani. à ce moment-là, elle n'a même plus envie de faire un pas vers lui, même plus envie de lui tendre la main. elle comprend simplement qu'il est juste parti pour rien, parce qu'elle ne lui aurait jamais forcé la main sur quoique ce soit. elle se serait contentée de faire taire ses besoins, ses aspirations. comme elle le faisait toujours quand il s'agissait des gens auxquels elle tenait. ceux qui passaient toujours avant elle. ça change rien gaia, on refera pas l'histoire. à ses mots, elle lève les deux mains en signe d'abandon. elle jette l'éponge puisqu'il ne semble rien vouloir entendre. elle sait qu'elle n'a rien à se reprocher et c'est tout ce qui compte. ok finn. mais elle lui en veut d'avoir tout bousillé pour du vent. j'vais pas te retenir plus longtemps. même si dans les faits, ce n'était pas elle qui avait demandé à partager ce café, agrémenté des souvenirs de son passé jamais correctement cicatrisés.

il ne comprenait vraiment pas pourquoi elle le prenait aussi mal. il la regardait avec l'air pantois d'un gamin qui ne comprend vraiment pas sa bêtise. son innocence apparente ne laissait pas transparaître le flot de pensées contradictoires qui secouaient à un rythme effréné les pensées pourtant d'ordinaire si calmes de finn. c'était le problème de gaia, elle réagissait beaucoup trop avec les tripes. elle ne savait pas preuve de discernement, ils ne pouvaient pas avoir une discussion rationnelle. pourtant, il trouvait sa décision plutôt courageuse lui. il devait maintenant avoir l'honnêteté de reconnaître qu'il avait été amoureux d'elle. suffisamment pour la laisser le supporter pendant de longs mois. il aurait pu continuer encore longtemps comme ça. elle aurait fait quoi? elle aurait vraiment abandonné ses espoirs juste parce que lui il ne voulait pas? si c'était le cas, il était d'autant plus heureux d'avoir mis fin à tout ça parce qu'il n'aurait pas supporté cette relation à - presque - sens unique plus longtemps. elle répondait trop vite, elle le heurtait beaucoup trop dans ses principes et ses croyances pour qu'il ait le temps de réfléchir à des réponses calibrées. arrête gaia, j'essaye pas de rejeter la faute sur toi. si je n'avais pas pris la décision, tu aurais fini par le faire. tu aurais supporté combien de temps qu'on vive comme ça tous les deux? que je ne te donne rien de ce que tu veuilles vraiment? il reprit son souffle, calma sa voix. il retrouva son flegme, même si le regard se portait nerveusement sur le côté. c'était le moment de fuir. et quand, par désespoir, gaia estima qu'ils n'avaient plus rien à se dire, finn se sentit soulagé qu'elle mette fin à son calvaire. même si rien n'avait été dit. même si la situation était encore plus catastrophique entre eux qu'elle ne l'était avant que finn ait la bonne idée de lui proposer de partager leur café. mais elle n'abrégea pas ses souffrances, elle restait là. supposant sans doute que c'était à finn de partir. il la regarda un moment, esquissa un mouvement de départ. est-ce que c'était le moment de se faire détester un peu plus? ce qu'il vit lui fit un drôle d'effet. il l'avait peut-être plus déçue qu'autre chose. c'était sans doute plus difficilement récupérable. temps de répit où il put organiser sa prochaine sortie. la vérité, c'est que j'ai fais une connerie gaia ... il lâcha, empruntant dangereusement le chemin de la vérité ... avant de se rétracter. la voie de l'ambiguïté, de la facilité. si elle venait à lui reprocher un jour, au moins il pourrait prétexter lui avoir dit. et j'en suis désolé, même si ça change pas grand chose et que tu es passée à autre chose. et même si ça n'avait pas été le cas, rien dans l'attitude de gaia ne lui laissait la moindre chance. si jamais sa véritable intention avait finalement été de faire marche arrière, une fois en face de sa bêtise. tu veux que je parte? puisqu'il était si soucieux de ses envies. puis, peut-être que le sens de sa question était plus profond. une rencontre fortuite comme ça, il n'y en aurait sûrement pas deux. s'il partait maintenant, il s'attendait cette fois à vraiment ne plus la revoir. mais finn ne voyait pas non plus ce qui donnerait envie à gaia de le voir rester.

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