it all comes down to this (finn)

elle sait qu'elle ne devrait pas faire ça gaia. pourtant, elle le fait quand même. il y avait cette patiente dont elle s'était occupée tout le long de son séjour à l'hôpital, avec laquelle elle avait beaucoup discuté aussi. et même si ce n'était pas franchement recommandé, elle avait tissé des liens avec cette femme. c'était plus fort qu'elle, elle n'avait pas pu s'en empêcher. le coeur toujours prêt à s'amouracher d'une nouvelle âme, elle n'était pas aidé à se réfréner face à toutes les nouvelles rencontres qu'elle faisait chaque jour. comme si le monde s'épuisait à l'entourer d'un tas d'êtres, tous plus différents les uns que les autres. comme si cela lui était nécessaire pour continuer de respirer normalement. alors après avoir refusé plus d'une fois, elle a cédé gaia. elle a fait taire son instinct qui lui criait très fort de ne pas déroger aux règles qu'imposait son métier et elle y est allé. elle a débarqué chez cette patiente qui depuis sa sortie de l'établissement hospitalier présentait quelques troubles dont elle ignorait la provenance. et il était visiblement impensable pour elle de faire un aller-retour, ayant bien trop peur de régresser et d'être obligée de passer les fêtes de fin d'année seule, avec pour unique compagnie le personnel soignant plutôt que sa propre famille. à bien y réfléchir, elle peut comprendre ça l'infirmière. pour la simple et bonne raison qu'elle ne s'imaginait pas passer noël loin de son frère et de ses soeurs. eux qui représentaient les seuls liens du sang qui lui restaient, depuis que les parents andreani avait trouvé d'autres priorités qui ne leur imposaient aucune responsabilité. elle a insisté gaia, elle ne se limitera qu'à une seule visite. si les soucis persistaient, l'hôpital resterait la seule option. elle ne voulait pas risquer véritablement sa place. elle tenait à son boulot, et elle en avait plus que besoin pour maintenir un minimum le cap de sa vie qui avait bien trop tendance à dérailler ces derniers temps. elle est d'ailleurs sur le chemin du retour quand c'est sa voiture qui lui fait le coup de la panne. elle ré-essaie bien une vingtaine de fois avant de capituler, de se résigner à son triste sort. décidément, elle n'en manquait pas une, son karma était vraiment pourri en ce moment. elle soupire en laissant sa tête aller contre le volant. par chance, elle avait juste eu le temps de se ranger sur le bas-côté quand elle avait senti que ça commençait à ne plus sentir bon. elle avait au moins le mérite de ne pas se trouver en plein milieu de la route, à bloquer la circulation. une rapide réflexion plus tard, elle comprend qu'il est inutile d'appeler une de ses soeurs. les unes comme les autres ne lui serait d'absolument aucun secours, quelle veinarde elle faisait. alors elle tente d'appeler son frère qui ne répond évidemment pas, sûrement plongé en plein boulot. lui qu'il ne fallait jamais déranger sous aucun prétexte quand il était en pleine investigation. il lui reste une option qu'elle éloigne aussitôt dès que l'idée germe dans son esprit. c'était in-envisageable, à ne prendre en compte sous aucun prétexte. pourtant, plus elle y pense et plus elle se dit qu'elle risque de passer la journée ici si elle ne se décide pas plutôt à s'asseoir sur ses principes. ce pourquoi elle ne tarde pas à prendre une grande inspiration avant de se lancer.

de gaia à finn, à 11h53.
j'suis désolée de te déranger...
mais ma voiture m'a lâché, est-ce que tu pourrais venir me chercher ?
j'te revaudrais ça.

elle joint son emplacement au sms initial et croise les doigts très fort pour qu'il ne la laisse pas dans son pétrin. elle l'aurait fait pour lui. mais qu'est-ce qu'elle n'aurait pas fait pour lui aussi ? alors la comparaison devenait nulle. et intérieurement, elle se maudit de toutes ses forces d'avoir osé lui demander ça. il ne lui devait plus rien, ils n'étaient plus rien l'un pour l'autre. il aurait tout aussi bien pu la rembarrer d'un coup d'un seul, et c'était peut-être même ce qui l'attendait. tant pis pour toi gaia, les jeux sont faits.

la période des fêtes a toujours constitué un moment compliqué pour finn. il ne gardait que de très vagues souvenirs d'une période où sa famille ressemblait encore à celles des téléfilms sur cette période de l'année. ça n'avait rien de très joyeux, il se rappelait plutôt les râles de sa mère quand il s'agissait de préparer le dîner du réveillon, de l'air contraint de son père quand il grimpait sur l'échelle pour accrocher une guirlande sur le toit de leur petite maison de bord de mer. puis les années suivantes constituaient des souvenirs sans goût. le divorce avait définitivement ôter à son père le goût des fêtes de noël tandis que le soudain enthousiasme de sa mère depuis qu'elle vivait avec son beau-père avait pu vexer l'adolescent qu'il était à certains égards. il était déjà fatigué à l'idée de faire les voyages entre les deux morceaux de la famille pour contenter tout le monde bien qu'il ne sache jamais trop pourquoi sa présence leur semblait si importante. les mêmes conversations chaque année avec ses cousins, les mêmes photos de famille un peu crispées, les mêmes fausses promesses "d'essayer de prendre un café ensemble quand je suis sur new york". la seule personne de sa famille pour qui il avait une sincère affection vivait déjà sous son toit alors ... trois paquets mal emballés trônaient sur la table de l'entrée à côté de deux bouteilles de vin qu'il avait été chargé d'amener chez sa grand-mère le soir du réveillon. sa soeur était déjà partie, le bureau était fermé, la télé ne l'intéressait pas. sans être un grand convaincu du destin, quand il reçut le message de gaia il eut la drôle d'impression que ce moment de flottement n'était pas là par hasard. il n'hésita pas parce qu'elle avait expressément besoin de son aide et qu'il n'y avait donc pas de temps à perdre sinon de prendre la voiture pour la rejoindre. sur le chemin, il ne put s'empêcher de sourire, tout seul dans sa voiture. il avait fini à se faire par l'idée que leur dernière rencontre était peut-être leur façon de se dire au revoir. il avait fini par se dire que la jeune femme était sûrement revenue à la raison et avait tiré un trait sur lui. il vit sa voiture arrêtée sur le bas côté et il se gara en enfilade, laissant les warning allumés. un peu facile le coup de la panne. lui dit-il avec un sourire espiègle, tâchant de masquer - plutôt que de briser vraiment - l'embarras de la situation. à vrai dire, il ne savait pas trop quoi lui dire, il était plus intellectuel que manuel mais il fallait qu'il justifie qu'elle l'ait appelé. si elle voyait son inutilité dans de ce genre de situations, elle aurait bientôt fait de ne plus l'appeler. et soyons honnêtes, pour l'instant c'est tous ce qu'ils avaient pour se voir. il ouvrit le capot et avec ses trois connaissances en mécanique, il tâcha d'établir un diagnostic. là regarde, je pense que tu n'as plus de liquide de refroidissement. on devrait appeler un dépanneur pour qu'un garagiste la voit, vérifier qu'il ne faille pas changer une pièce ... il lui montrait du doigt, avant de lui jeter un regard. je vais attendre avec toi. tu allais quelque part? demanda-t-il avec curiosité. bien sûr qu'elle allait quelque part. mais la question en sous-entendait une dizaine d'autres. sur ce qu'il s'était passé dans sa vie depuis leur rupture, sur qui elle voyait maintenant, qui elle ne voyait plus, qu'est-ce qui avait changé depuis qu'il l'avait quitté si ce n'est que ses cheveux étaient un peu plus longs. ce n'était plus son droit, c'était lui qui avait pris la décision, pourtant ça lui brûlait les lèvres.

elle-même s'était prévenue du ridicule de la situation, du fait qu'elle n'était pas en droit de faire ce qu'elle s'apprêtait pourtant à faire. pas moins de trente fois, elle avait retourné le problème dans sa tête, et ce dans tous les sens. jamais elle n'avait été capable d'en démordre, gaia ne serait pas gaia si elle ne pliait pas sous les appels à l'aide d'une patiente. et tant pis si ça lui retombait sur le coin de la tête, elle saurait faire en sorte de se tirer de ce mauvais pas. l'heure n'était pas encore à la défense de toute façon. la visite s'étant relativement bien passée, elle prend le chemin du retour plus sereinement, rassurée sur le sort de la femme qu'elle venait de quitter. pourtant le trajet inverse s'avère bien moins idéal que le premier. quand sa voiture la lâche, elle se retient d'hurler au complot gaia. elle qui venait de faire une bonne action, qui venait de tendre la main à quelqu'un, voilà comment le ciel choisissait de la remercier. ça lui couperait presque l'envie d'offrir encore des faveurs à qui que ce soit. longtemps elle réfléchit, avant de se décider sur la meilleure personne à appeler. et le choix qui lui revient en rafale est bien loin d'être le plus logique, ni même le plus sain. sauf que c'est quand même l'option qu'elle se décide à prendre puisqu'elle ne pouvait pas compter sur ses soeurs lorsqu'il s'agissait de mécanique, et il faisait encore bien trop jour pour oser tirer tehani de l'ombre. c'est finalement finn qui reçoit le sos, même si elle n'a aucune idée de comment il prendra son message. il était totalement en droit de la recaler, de la laisser se dépêtrer de ses propres problèmes. peut-être qu'elle le mériterait bien après tout. étrangement, ce n'est même pas ce qu'il fait. il lui restait peut-être encore une bonne étoile quelque part, au même titre qu'il restait encore un peu de bons sentiments de la part de finn à son égard. il se pouvait qu'elle n'ait pas encore tout perdu. pourtant, quand elle voit sa voiture approcher, elle perd un peu pied, tant elle ne sait pas comment gérer la situation. il allait sans doute se demander pourquoi lui, et il serait totalement dans son droit. et même elle ne savait pas pourquoi c'était vers lui qu'elle s'était tourné. par habitude, parce que celles-ci ont la dent dure. inconsciemment, parce qu'elle n'avait jamais accepté de le rayer complètement de sa vie. très fort, elle espérait qu'il ne poserait pas trop de question, qu'il éviterait élégamment de la mettre dans l'embarras. un peu facile le coup de la panne. un fin sourire qui se transforme en une espèce de grimace. j'me suis dit qu'on avait pas dû te le faire depuis longtemps. ou comment savamment prêché le faux pour savoir le vrai. merci d'être venu. t'étais pas obligé. elle l'ajoute avec empressement ce deuxième état de fait. pour lui montrer sa gratitude en quelque sorte, là où d'autres ne se seraient pas gêné pour la laisser sur le bas-côté. elle se recule rapidement pour lui donner libre accès au moteur de la voiture. et elle ne bronche pas le temps qu'il établisse un lien avec la panne qui l'avait paralysée. là regarde, je pense que tu n'as plus de liquide de refroidissement. on devrait appeler un dépanneur pour qu'un garagiste la voit, vérifier qu'il ne faille pas changer une pièce ... elle hausse les épaules, elle hoche la tête, elle voulait bien être d'accord avec tout ce qu'il lui dirait. elle n'y connaissait rien de toute façon. c'était d'ailleurs pour ça qu'elle s'était retrouvé si démunie. je vais attendre avec toi. tu allais quelque part ? écoutant ces quelques phrases, elle lui adresse un sourire de remerciement pour sa patience et pour son aide plus que bienvenue. j'sortais de chez une patiente à vrai dire... je devrais pas être là, c'est le karma. elle avait délibérément choisi d'enfreindre le règlement de l'hôpital, elle était en train de le payer. c'était très simple. j'ai pas réussi à joindre mon frère. elle ajoute presque aussitôt, comme si elle ressentait le besoin de se justifier sur ce qui les avait mené là à cet instant. j'espère que je t'ai pas coupé dans quelque chose... j'suis désolée. ça aussi, elle se devait de le dire. la vie de finn n'avait plus rien à avoir avec la sienne désormais et il avait sans nul doute un tas d'autres priorités qui ne lui ressemblaient plus aujourd'hui. ce pourquoi elle ne voulait pas passer pour l'intruse qui ne cessait de se rappeler à son bon souvenir, pour toujours revenir hanter son existence. ce n'était pas ce qu'elle voulait laisser paraître, vraiment pas. pourtant, elle aurait sans doute pu appeler un tas de personnes, autre que lui. sauf qu'en vérité, elle était heureuse qu'il soit là.

tout cela manquait cruellement de cohérence. et finn aimait que les choses soient bien à leur place. il aimait quand les couleurs s'assortissaient joliment, la symétrie, la logique, les explications qui tombaient sous le sens. et tout ça, tout ça, il n'arrivait pas à trouver la logique mathématique. avant même qu'il ne se demande pourquoi elle avait pensé à lui pour lui sauver sa journée, le trentenaire s'était d'abord demandé pourquoi il accourait. après tout, il lui aurait suffi de ne pas répondre, ou bien tout simplement de lui dire qu'il n'était pas disponible. la laisser une fois, pourquoi pas deux? certes, il lui avait laisser traîner les possibilités lors de leur dernière rencontre, mais il aurait pu s'agir d'une proposition sans fond. une manière de clore l'histoire d'une plus jolie manière. donner au lecteur ce qu'il attend, des adieux déchirants sans cri et sans reproches. mais ce n'était pas ce qu'il avait voulu. c'était le résultat de sa décision, celle qu'il avait prise égoïstement et malgré sa grande responsabilité dans cette échange de questions à double sens et de sourires embarrassés, il avait la sensation que c'était elle qui lui donnait une chance. une chance de on-ne-sait-trop quoi. c'était à lui d'en faire quelque chose. pendant un instant, son sourire se joignit à celui de l'italienne. deux secondes, une parenthèse pendant laquelle son cœur se réchauffa au contact de gaia. ça résonnait de souvenirs agréables. franchement, j'aurais pas pu rêver mieux, rien n'est plus romantique qu'un bord de périphérique. ensuite, il préféra tourner son attention vers le moteur du véhicule. trop tôt pour faire ce genre de références? il oscillait entre l'idée de détendre l'atmosphère et prendre les choses de haut et la peur d'en faire trop. c'était très naïf de croire que la conversation ne serait jamais remise sur la table mais pour l'instant carlyle préférait étendre toutes ses connaissances de mécaniques. autant dire qu'après son monologue de quinze mots, il avait tout dit. heureusement le regard perdu de gaia lui suggéra qu'il avait servi à quelque chose. au moins à lui donner l'impression que la situation était prise en charge. tu ne vas pas voir les patients à domicile normalement, non? demanda-t-il un peu étonné. en même temps, qu'est-ce qu'il en savait? elle avait pu changer des choses pendant plus d'un an. il hocha la tête, bien sûr, bien entendu elle avait appelé son frère avant lui. voilà, elle remettait juste la dose de logique qu'il attendait. elle ne l'avait interrompu dans rien, si ce n'est une journée un peu longue et la perspective d'un repas de famille qui ne lui donnait pas vraiment le sourire. c'était malsain mais finn aurait aimé avoir été occupé à ce moment-là pour ne pas avoir l'impression que gaia allait lui rire au nez quand il lui dirait que non. que sa vie sans elle n'avait rien de trépidant, qu'il ne l'avait même pas quitté pour vivre quelque chose de plus fou avec quelqu'un d'autre. c'était un raisonnement complètement tordu que finn vivait souvent tout seul mais qui était bien là. s'il lui racontait toute la nouveauté de sa vie depuis qu'il avait simplement décidé de la plaquer, un beau matin? elle n'aurait qu'à contempler à quel point il avait raté sa sortie. comme si, inconsciemment, sans avoir rien à faire, elle lui avait fait payer. il aurait aimé ne pas avoir à être soumis à ces connexions chimiques qui lui retournaient son esprit pourtant normalement si bien ordonné. je suis content que tu aies appelé. finit-il par dire, avant de sourire. enfin pas pour ta voiture, ça craint. mais je suis content que tu aies pensé à moi. il pensa un instant à rajouter qu'il était content qu'elle ait pensé à lui pour l'aider. parce que c'est ce qu'il faisait pour le commun des mortels de toute manière. mais pour une fois, il n'ajouta rien. les mots étaient réfléchis et ressentis. le lecteur pouvait se rassurer, la fin ne serait pas autour d'un café froid. parce que je pense que tu étais au courant que je surjoue à mort mes compétences en mécanique. allez, elle avait à moitié admis le coup de la panne. il ouvrit le coffre de sa propre voiture et d'un petit signe de main, il invita gaia à s'asseoir sur le bord avec lui. tu aurais pu appeler quelqu'un de plus qualifié peut-être? il ne poserai jamais la question directement. il n'avait pas ce genre de droits. mais son regard dans le sien, la question était sans équivoque. c'était intéressé - un peu, mais il aurait été rassuré aussi de savoir qu'elle n'avait pas perdu sa propension à aimer.

cette scène, avec le son en moins, aurait pu avoir un sens quelques années plus tôt. à l'heure actuelle, elle résultait uniquement d'un univers parallèle qu'elle avait rappelé dans son présent d'une manière tout à fait consciente. parce que c'était l'inattendu de la situation qui l'avait mené à une réponse du même acabit. alors elle ne sait pas comment gérer l'arrivée de finn, surtout depuis leur dernier échange. d'autant qu'elle n'avait plus aucune légitimité dans sa vie. elle en est là de ses réflexions quand elle plaisante à la perche qu'il lui lance. autant gênée que rassurée qu'il le prenne comme ça, elle se perd dans ses propres sentiments une énième fois. il lui sourit et elle ne résiste pas à en faire de même. pour une fraction de seconde seulement, elle aurait pu oublier tout ce qui avait déconné au milieu de leur histoire, entre le jour de leur rencontre et aujourd'hui. elle aurait voulu poser un voile dessus pour ne pas que ça vienne entacher ce moment. mais gaia et finn étaient ce qu'ils étaient, coincés dans un conte dont ils étaient les propres héros et pourtant incapables d'y effacer les fausses notes. même pas chefs d'orchestre de leur propre mélodie. franchement, j'aurais pas pu rêver mieux, rien n'est plus romantique qu'un bord de périphérique. c'était bien loin d'être l'endroit rêvé pour des retrouvailles, au contraire. mais la plaisanterie avait le mérite de détendre une atmosphère déjà beaucoup trop lourde pour ces deux-là. quand finn porte enfin son attention sur le moteur, elle l'observe faire. comme si cette simple action l'aiderait à acquérir des connaissances qu'elle n'avait jamais possédé et qu'elle ne posséderait sûrement jamais. on dit souvent que la mécanique est plus une affaire de mecs, et elle était l'exemple type qui confirmait la règle. ce pourquoi elle le laisse étaler une pseudo science dont elle ne savait rien, avant qu'il reprenne sur un tout autre terrain. la raison de sa présence ici, à presque mille lieux de son quartier d'habitation. tu ne vas pas voir les patients à domicile normalement, non ? touché. il met immédiatement le doigt sur le fond du problème finn, il connait les règles aussi bien qu'elle, aussi bien que tout le monde d'ailleurs. elle le sait qu'elle les a enfreinte à l'instant où elle a décidé de se rendre chez sa patiente gaia. mais c'était quelque chose de plus fort qu'elle, quelque chose qu'elle ne maitrisait pas. tu me connais, moi et mon âme de saint-bernard. je résiste pas à un appel à l'aide. elle hausse les épaules, dans un demi-sourire gêné de sa propre bêtise, de mettre ainsi en danger son métier et sa place. puis finalement, elle lui explique qu'il avait été son dernier recours. elle le relègue à la seconde place en lui avouant que edoardo avait été son premier choix. est-ce que c'était par simple envie de ne pas lui mentir ou pour couper court à des pensées qui lui avaient peut-être déjà traversé l'esprit ? elle ne le savait même plus vraiment. ou alors c'était simplement dans l'espoir de lui prouver qu'elle ne courrait plus après tous les prétextes du monde pour le ramener à elle. je suis content que tu aies appelé. ça leur faisait déjà au moins un point sur lequel ils étaient encore d'accord. enfin pas pour ta voiture, ça craint. mais je suis content que tu aies pensé à moi. elle rit, un peu. de l'honnêteté qu'il met dans cette phrase, de celle pour qui elle passait désormais. dis-moi à qui d'autre j'aurais pu penser, hein finn ? mes soeurs auraient été aussi incapables que moi. et je n'ai jamais aimé m'entourer de trop de monde pour rien. elle se satisfait de peu de proches, pourvu qu'ils lui soient chers gaia. la qualité avait toujours primé sur la quantité à ses yeux. parce que je pense que tu étais au courant que je surjoue à mort mes compétences en mécanique. il met les pieds dans le plat finn, en même temps qu'il met à mal toutes les espèces de justifications qu'elle avait tenté de lui servir. son regard se pose ailleurs, vers l'horizon alors qu'elle vient s'asseoir près de lui, happée par l'invitation. tu aurais pu appeler quelqu'un de plus qualifié peut-être ? ses pupilles la transperce, tout le temps qu'elle cherche ses mots. ceux qu'elle devrait dire dans cette situation. qu'est-ce que tu cherches à me faire dire finn ? pose-moi la véritable question à laquelle tu attends une réponse. et elle pourrait ne serait-ce qu'appliquer son propre conseil. l'interroger sur ce qui l'intéressait vraiment, mais elle n'en fait rien. parce que ce n'est pas gaia que de se noyer dans un tourbillon qui la dépasserait. j'avais pas le numéro du moindre garage, le tien était le seul que j'avais sous la main. parce qu'elle n'avait même pas été foutue de supprimer et de rayer pour de bon cette suite de dix chiffres, après ce qui lui était tombé sur la tête. c'était peut-être aussi un moyen de soigner notre dernier échange, j'étais pas satisfaite. ses lèvres s'étirent dans un sourire taquin. il avait toujours compté pour elle finn, et elle ne pouvait pas se résoudre à rester en mauvais termes avec lui. parce qu'elle n'est pas femme à supporter les ombres au tableau, à rester en conflit. ça l'atteignait beaucoup trop pour sa propre sainteté d'esprit. du coup... tout va bien pour toi ? ta vie prend le chemin que tu voulais, ta carrière progresse, les personnes autour de toi sont les bonnes, t'es heureux finn ? promets-moi que t'as au moins pris la bonne décision pour toi, à défaut de l'avoir pris pour moi.

la conversation n'était pas anodine et derrières leurs échanges en apparence banals, les regards se cherchaient. il se faisait violence et ne voulait pas laisser le silence s'installer entre eux. finn avait trop réfléchi, trop planifié, trop analysé le moindre de ses gestes, le moindre de ses mots. il avait voulu anticiper, dès qu'il avait senti les choses lui échapper. et il était passé à côté d'une des meilleures choses qui aurait pu lui arriver. carlyle se réconfortait en se disant qu'elle avait vu le pire de lui. sa lâcheté, son impassibilité. pourtant, elle avait eu besoin d'aide et elle avait pensé à lui comme une personne de confiance. dans les yeux qu'il posait sur elle se mêlait étonnement et le ravissement de pouvoir lui parler avec moins d'appréhension que la fois précédente. il n'arrivait pas à déterminer si tout était oublié ou bien si inexorablement ils devraient de nouveau faire face à la réalité de leur relation. finn savait qu'il restait encore beaucoup à dire et que la décision qu'il avait prise il y a plus d'un an méritait encore quelques commentaires. mais avec une innocence non feinte, il se délectait de ce moment de complicité avec gaia. l'idée qu'elle le déteste pas lui convenait. elle se confia sur les raisons qui l'avait poussé à emprunter sa voiture et il avait fini par poser directement la question. il aurait réprimandé n'importe qui d'autre. il adorait faire ça, rappeler les gens à l'ordre. trop peu courageux lui-même pour enfreindre les limites qu'on lui posait. il était le plus respectueux de la déontologie de son métier. pourtant, aucune remarque de ce genre ne lui vint. il connaissait trop l'italienne pour savoir à quelle point elle pouvait prendre ces choses à cœur. elle pensait d'abord aux autres, après à elle. il lui adressa un sourire, elle n'hésitait pas à prendre le risque si c'était nécessaire. c'est quelque chose qu'il lui enviait un peu. il n'avait pas cette qualité et il doutait l'avoir un jour. je te reconnais bien, un patient spécial? si finn avait quelque chose d'agréable c'était qu'il avait l'oreille attentive. puis, il avait pris une grande décision pour lui. le trentenaire avait fait le chemin jusqu'ici - et il ne le regrettait pas - mais il ne voyait pas son utilité. il avait préféré le reconnaître, mettre fin à une mascarade qu'il aurait pourtant pu tenir encore longtemps. finn ne savait pas quoi faire de la situation qu'il avait devant lui. tirer un trait définitif sur la jeune femme, passer à autre chose une bonne fois pour toute aurait sans doute été la décision. mais, il n'avait pas voulu gâcher la chance qu'ils s'étaient créé lors de leur dernière conversation. mais tout n'était pas clair entre eux. et gaia lui confirma que des choses lui restaient encore sur le cœur. il lui rendit son sourire, quoique beaucoup moins à l'aise qu'il n'avait pu l'être quelques minutes plus tôt quand il avait pris le volant pour la rejoindre. il courba l'échine, assis inconfortablement sur le bord du coffre de sa voiture. il connaissait la réponse que tout le monde attendait de lui. c'était le scénario qu'il s'était fait quand il avait mis fin à leur relation. ce n'était pas le bon moment mais ça viendrait, avec quelqu'un d'autre, autre part. il avait cru qu'il se sentait incomplet parce que leur relation ne l'amenait pas où il voulait être. mais peut-être que le problème était tout autre. il se levait des matins avec la boule au ventre de n'avoir pris qu'une série de mauvaises décisions. puis, certains jours, il avançait la tête baissé, bravant les questions de ses proches de preuves bien fondées de son épanouissement. ça va, ça se passe bien au travail, enfin rien de très spécial depuis... lily vit avec moi en ce moment, enfin je pense qu'elle va profiter de la fin de l'année scolaire pour se faire la malle. il annonça, peu convaincu. il plongea son regard dans celui de la jeune femme une nouvelle fois. il n'avait pas envie de lui mentir, il lui devait au moins ça. mais je n'ai pas trouvé ce que je cherchais. je suis même pas vraiment sûr de ce que je cherchais maintenant. il ne savait pas si c'était ce qu'elle attendait, ou si tout ce qui ressortirait de tout ça c'est un peu plus de rancune d'avoir fait ça en vain. paradoxalement, je me suis convaincu que ce qui me convenait pas c'était d'être accroché à quelqu'un, à quelque chose et j'ai acheté une maison. il ne masqua pas le sourire qui lui vint malgré lui. parce que ça avait quelque chose de tristement drôle. il finit par soupirer en lui donnant un petit coup d'épaule. j'espère juste que ça t'a été plus profitable que moi. il préférerait, tout serait plus simple si elle avait son bonheur à lui dérouler en plusieurs chapitres. il n'aurait que ce qu'il méritait et le livre serait fermé.

la notion du temps et des époques semblent lui échapper quand elle se retrouve face à finn. davantage quand c'est lui qu'elle appelle à l'aide alors qu'elle aurait dû s'escrimer à tout tenter pour l'éviter comme la peste. et ce sont les automatismes, comme une piqure de rappel de ce qu'avait pu être leur passé, qui s'invitent à une vitesse fulgurante dans leur échange. des habitudes qu'ils avaient acquis avec les années et qui ne les avaient jamais quitté. peu importe les jours qui passaient, ils n'avaient pas le pouvoir de tout effacer. tant que le tournant que prend la conversation est à mille lieux des dernières paroles qu'ils avaient pu s'échanger. le temps leur fût salutaire pour apaiser quelques acidités qui subsistaient encore jusqu'à aller empoisonner les mots qu'ils pourraient s'échanger. les voix sont plus calmes, les esprits moins échaudés. et les rapports ne s'en trouvent que simplifiés. pourtant, sa situation n'est pas idéale puisqu'elle savait aussi bien que lui qu'elle n'avait rien à faire ici. pas si elle comptait garder sa place à l'hôpital en tout cas. elle mesure les risques et les termes qu'elle emploie quand elle s'applique à justifier sa présence dans les environs. elle se sait en tort, en mauvaise posture, mais c'est finn. et c'est sa petite voix intérieure qui lui souffle qu'elle avait toujours pu lui faire confiance. ce pourquoi, capituler lui apparaît comme la meilleure des solutions. il l'avait connu mieux que personne, peut-être qu'il avait oublié depuis. mais elle préfère se raccrocher à l'idée que tout n'était pas perdu et qu'il n'avait pas complètement gommé tout ce qui se rapportait à elle. je te reconnais bien, un patient spécial ? y avait-il réellement des patients plus spéciaux que d'autres ? en soit, il s'agissait seulement là de sa pathologie chronique à ne pas savoir refuser de tendre la main à une âme en détresse. parce qu'elle a besoin d'exister gaia, elle a besoin d'avoir un objectif, de se savoir indispensable pour quelqu'un. l'espace d'un instant, elle était devenue la sauveuse de cette vieille dame, qui n'avait plus compté que sur elle pour ne pas avoir à refaire un aller simple vers l'établissement médicalisé. avec moi, ils le sont tous. si il y avait bien une vérité dans toute cette histoire, c'était celle-là. incapable qu'elle avait toujours été de faire une quelconque différence entre chaque patient qu'elle traitait. son coeur pur ne cessait de s'emballer pour tout et n'importe quoi. peut-être avait-il même accéléré son rythme habituel quand l'homme avait débarqué. celui-ci souffrant encore beaucoup trop des changements atmosphériques qui régissaient son existence. l'organe déconne à nouveau quand finn fait état de son incapacité à lui filer le coup de main qu'elle attendait pour sa voiture. prise à son propre piège, elle se retrouve un moment sans savoir quoi rajouter à la discussion, avant de s'en dépêtrer avec un talent assez discutable. la dernière fois qu'elle l'avait croisé, elle s'était suffisamment répété que ce n'était pas uniquement la fin d'un chapitre. c'était la fin d'un roman, du manuscrit que le ciel leur avait accordé. chacun apposait son empreinte dans le monde, à l'aide de ses histoires plus ou moins jolies. eux, venaient de mettre le point final à ce qu'ils devaient vivre ensemble. elle était prête à tourner la page, mais force était de constater que c'était la page qui ne voulait pas se tourner. d'abord, elle laisse passer l'aveu gênant qui la désigne comme la coupable toute désignée de leur situation. et elle saisit l'occasion d'en apprendre plus sur ce qu'était devenu sa vie aujourd'hui. une année s'était écoulée depuis eux. en une année, il pouvait s'en passer des choses. ça va, ça se passe bien au travail, enfin rien de très spécial depuis... lily vit avec moi en ce moment, enfin je pense qu'elle va profiter de la fin de l'année scolaire pour se faire la malle. un hochement de tête, accompagné d'un demi-sourire qui en dit long. j'imagine qu'elle doit animer ton quotidien. finalement, t'as pas eu le temps de t'ennuyer. lily, la famille de finn. dans le fond, elle préférait entendre qu'il vivait avec sa soeur, plutôt qu'avec une nouvelle conquête. il n'y avait sans doute plus rien à espérer d'eux deux. cela dit, elle n'en restait pas moins hermétique à certaines idées. c'est le regard marronné de celui qu'elle avait tant aimé qui la transperce une nouvelle fois. et même la séparation n'en a pas amoindri les effets. mais je n'ai pas trouvé ce que je cherchais. je suis même pas vraiment sûr de ce que je cherchais maintenant. la succession de mots peine à se faire un chemin sensé jusqu'à tes neurones fonctionnels. ça te soulage autant que ça te pique. ça t'aurait fait mal de le savoir heureux loin de toi, mais ça t'aurait rassuré d'entendre qu'il avait tout gâché pour au moins vivre mieux. paradoxalement, je me suis convaincu que ce qui me convenait pas c'était d'être accroché à quelqu'un, à quelque chose et j'ai acheté une maison. l'étonnement, c'est le sentiment qui ressort de tous ces aveux. parce qu'elle le croyait enfin bien dans sa vie, maintenant qu'il avait fuit ce qui le freinait. mais la vérité est toute autre. il paraît que l'homme est un éternel insatisfait... on souffre seulement du modèle sur lequel on a été fabriqué. c'est sûrement comme ça qu'elle se rassure, en se disant que personne n'était responsable de sa condition. que c'était le ciel, ou une force supérieure qui avait voulu faire de l'être humain ce qu'il était. peut-être que t'avais simplement besoin de t'en rendre compte par toi-même. tu serais pas le premier. un coup d'épaule et elle sourit, s'imaginant déjà à quoi pouvait ressembler son nouveau pied-à-terre. tout est redevenu flou autour de lui désormais, elle n'avait plus rien à quoi se raccrocher. j'espère juste que ça t'a été plus profitable que moi. elle est tentée d'exagérer, de s'inventer ce qu'elle ne vivait même pas. juste pour provoquer une réaction chez lui, juste pour voir s'il regretterait son choix. cependant, il ne lui faut pas longtemps pour se raviser parce qu'elle était bien loin de ces jeux-là gaia. et ce, peu importe ce qu'elle avait dû encaisser auparavant. j'aurais plutôt tendance à dire que ça a été profitable aux patients qui peuplent les urgences quotidiennement. le sous-entendu à peine voilé de l'implication dans son boulot qu'elle avait multiplié. j'me partage entre mes amis et ma famille, et ça remplit pas mal mon temps libre. jusqu'à ce qu'on me rappelle pour ailleurs. les missions humanitaires, elle ne vivait que pour ça. encore plus aujourd'hui qu'elle n'avait plus de vie de couple. une échappatoire, un sentiment criard d'utilité. tu repartiras sûrement gaia. tu repartiras toujours gaia. et peut-être même qu'un jour, tu ne reviendras pas. quand t'auras finalement compris que c'est là-bas qu'on n'a le plus besoin de toi. et qu'ici, plus rien ne te retient réellement.

» ABS / finn (09/06).
» - one of those nights. (finn)
» we might as well be strangers (finn)
» If I could do it all again, I know I'd go back to you (ft.finn)
» kindness (finn)