les éclats de rire dominent la terrasse et les filles rayonnent dans la nuit pluvieuse. les sourires bruyants se battent contre les trombes, se multipliant entre les débats politiques et les histoires d'amour de la semaine qui font polémique. encore une fois où vous triomphez du chaos, tirant satisfaction pour les unes ou adrénaline pour les autres de vos dernières frasques, celles qui manifestent vos vies animées d'abus et d'entropies. quand vient ton tour, tu tais les nouveautés, avec des yeux sincères qui fardent ta culpabilité. t'as pas envie de t'attarder, alors tes lèvres retrouvent l'amertume du vin pour éviter d'épancher tes secrets. t'aimerais passer ton tour et profiter de ton jour pour finir moitié ivre, à danser sur du latino dans le bar voisin. mais il arrive, ton secret, couvert jusque sur le crâne, t'offrant son premier regard sur les lieux. tu baisses instinctivement les yeux, alors que tu sens ton cœur pulser, si fort, qu'il te ravage la tête, si fort qu'il t'aurait fait bégayer si t'avais préféré les aveux au silence. et pourtant, il y a aussi cette émotion particulière qui naît dans un coin de ton encéphale dérangé, et qui t'apaise, et qui rend l'accalmie à ton cataclysme.
putain. mais, comment peux-tu créer l'émeute et aussitôt soumettre à l'ordre ? comment sais-tu maîtriser une anarchie si eurythmique ? casse-toi. s'il me plaît. va jouer les chefs d'orchestre ailleurs. va écrire une musique à une âme martiale et la chanter à un cœur moral. et regarde ailleurs. et rentre chez moi. non rentre chez toi.
t'aimerais pas vraiment qu'il s'en aille.
t'aimerais pas vraiment qu'il reste.
t'aimerais,
t'aimerais qu'il arrête de te faire penser au conditionnel
et qu'il disparaisse de ton présent.
t'aimerais l'aimer,
aussi, mais surtout à un autre moment,
pas quand tu conjugues déjà l'amour
avec un futur simple qui, tu le sais, est
plus que parfait.
t'as jamais compris pourquoi les gens qui s'aiment se séparent. comment, crèveraient-ils leurs cœurs s'ils sonnent à l'unisson ? aujourd'hui, faute à lui, tu le sais. c'est parce que l'amour, ça cogne. et s'il s'éteint à corps défendant, c'est pour prévenir des hématomes, pour inhiber l'effusion de monstrueux chagrins. en fait, c'est par amour, que des couples se scindent - si bons, qu'ils n'oseraient faire souffrir l'autre. mais toi, tu ne sais pas aimer. toi t'as l'amour égoïste, qui inflige ses scrupules à chaudes larmes. relationnellement retardée et émotionnellement instable, ton immaturité est tangible lorsqu'elle prend l'apparence d'un regard enjôleur ou de larmoiements aphones. et puis t'es honnête, tout du moins comme tu te le permets, comme une menteuse de dentelle aux mœurs indécises.
c'est plus fort que toi. il faut que tu relèves tes yeux. et que tu retrouves les siens. pour un énième assaut qui t'extrait toute arme. c'est pas vital. c'est un caprice. t'écoutes seulement ton palpitant qui brûle de l'avoir rencontré, incendiant alors tout le reste si ce n'est pas lui. il sourit et tu fuis encore. l'abandonnant à ses inconduites que tu refuses une seconde sur deux de partager. t'aimerais que ça s'arrête. t'aimerais en fait qu'il devienne soudainement courageux, qu'il se comporte comme la figure royale sur laquelle tu fantasmes, et qu'il proclame enfin la mise à mort de tout ce qui vous fait manquer à vos honneurs. mais ce n'est pas le cas. et ça ne le sera pas.
démon
je le sais,
car si ça l'avait été,
j'aurais déjà quitté mon prince
pour le roi.
tu n'as pas cherché longtemps son identité. b e l i a l. la bête aux cornes saillantes. démon du péché, dans l'ombre des légendes, quand d'autres le reconnaissent plus puissant que satan ou belzébuth. c'est une créature de dieu, à l'étymologie dépourvue d'équivoque : sans valeur. l'abbé des anges déchus incarne l'insoumission aux règles divines, l'incitation aux vices et à l'impureté, et est parfaitement imperméable aux malheurs des autres. personnification du mensonge et du désordre, il prend l'apparence d'un être affriolant, assiégé sur un char de feu.
quand vient l'instant de régler ton addition, tu te faufiles entre les clients, ne lui concédant qu'un typhon parfumé en lui passant devant. tu l'ignores, puérile, ainsi cherchant tant à repousser ton béguin qu'à susciter ses avidités. la démesure de ton égo voudrait qu'il t'aborde, l'éthique de ton cœur infidèle préférerait qu'il te méconnaisse, figeant de lui un tendre regret pour toujours. et ça ne serait être que le plus facile, puisque, de toutes manières, tu n'as jamais eu l'audace de favoriser les remords.
mais il est faible, lui aussi. preuve en est quand tu sens la chaleur de sa présence dans ton dos, sur la droite, alors que le barman te rend ta carte de crédit. «
ça fait un bail. » initie-t-il, le sourire calqué sur un ton de jeu indémodable.
et alors tu sais.
de vous deux,
il ne restera certainement
que deux perdants.