Surprise, surprise. Couldn't find it in your eyes. But I'm sure it's written all over my face. Surprise, surprise. Never something I could hide. When I see we made it through another day.
Les lueurs de l’aurore nimbent The Big Appel. Réduisant en lambeaux les tièdes velours d’une nuit de septembre, aux accents estivaux. Une nuit au cours de laquelle Hypnos lui a catégoriquement refusé l’accès à son léthargique royaume. Lui, le galérien harassé à l’échine courbée par le poids des basses œuvres. Et qui n’aurait pourtant pas boudé son bon plaisir, devant la perspective de se délasser et se prélasser entre les plumes du sommeil. La myriade de démons et de hantises se sont affranchis de leurs fers, pour libérer l’inopportune insomnie d’une geôle des plus friables. Liguant leurs pernicieuses forces, ces antagonistes se sont ingéniés à persécuter le manant d’orient. Avec autant d’acharnement que les Erinyes assommant Oreste de tourments. Un combat vain et joué d’avance, au terme duquel l’hoplite désarmé n’a pu que sortir défait.
Les prémices d’une déroute annoncée, s’étant esquissées quelques heures avant que la marionnette harnachée au fils du destin, ne regagne précocement l’intimité de sa couche sur les coups de dix heures. Sitôt ses pénates regagnées des suites d’une âpre journée de bachotage à la bibliothèque, le forçât a immédiatement su que ses peines n’allaient pas consentir à lui offrir le luxe d’une trêve. Tel un perfide serpent lovant son longiligne corps glacé autour de son épine dorsale, l’appréhension et la tension étreignirent le dernier bourgeon de la lignée Al Tahir à la vue de son rayonnant colocataire, lestant la table basse du salon de canettes de bières, pizzas et autre profusion de junk food. Assailli par un frissonhorrifique, l’ami des corps célestes s’éclipsa discrètement en mettant le cap en direction de la cuisine.
Désireux de partir en quête de denrées davantage saines et diététiques. L’éventualité de passer aux yeux de son compagnon de logement pour un rabat-joie - doublé d’un pisse-froid faisant bande à part – devenant dès lors le cadet de ses soucis. Malheureusement, face à la vacuité des placards et du frigo, l’éphèbe aux fragrances des mille-et-une nuits dut se résoudre la mort dans l’âme à rejoindre l'athlète affalé sur le sofa, pour prendre part à la soirée Netflix & Chill et chipoter du bout des lèvres d’infimes rognures de la pitance au menu. Incapable de se concentrer sur l’intrigue du film égayant l’écran plat ; l’esprit de la boule de nerfs turbina inlassablement à vive allure, dans le but de satisfaire une idée fixe. Calculer et recalculer le nombre pharaonique de calories ingurgitées, et qu’il lui faudra au plus vite brûler. Les dents rongeant jusqu’au sang les cuticules et le genou remuant frénétiquement. Afin de lutter contre les pulsions boulimiques hurlant à ses oreilles, et avivées par l’étalage de malbouffe le narguant.
Le tout sous l’œil suspicieux d’un Thiago, se rapprochant chaque jour un peu plus du diagnostic de la pathologie accablant son camarade de chambrée. En sa qualité d'étoile filante du tennis, le titulaire du bail connaît mieux que quiconque les composantes d’une alimentation exempte d’excès. Nonobstant, et ayant été depuis un long moment le témoin privilégié de la nutrition plus que frugale à laquelle s’astreint le gaillard ; l’émule de Nadal doit bien avoir conscience que quelque chose cloche. Incapable d’endurer plus longtemps ce supplice fouaillant ses chairs – et soucieux de ne point aiguiser davantage les doutes du tennisman assis à sa droite – Malik prit congé de son aîné, en prétextant une fallacieuse migraine fulgurante, résultat d’une surdose de fatigue. Allongé, les draps rabattus sur son bassin, le réceptionniste du D-Light en nage tourna tel une toupie psychédélique sur le matelas d’un lit démesurément grand et désespérément vide. L’obsession de la graisse plantant ses banderilles dans sa masse musculaire, réduisit à néant toute velléité d’assoupissement.
Le regard fixe et hagard échoué sur la fenêtre. Scrutant les jeux de lumière des lampadaires éclairant la rue. Quand il ne s’accrocha pas au plafond, pour admirer le ballet des ombres chinoises. Les mélopées des volatiles et des entités de la faune urbaine nocturne, inaptes à le guider vers le pays des songes. Le tintinnabulement des cloches de l’église accompagnant le lent effeuillage des heures. Et sonnant la réalisation de compulsives salves de pompes et d’abdominaux, à même la moquette jonchant le sol. Ayant fait le deuil d'un sommeil un tant soit peu paisible, et las de tourner tel un fauve en cage, le golgoth se posta devant l’armoire made in Sweden. Portes ouvertes d’un geste sec traduisant un énervement certain, le vizir de la basse extraction revêtit sans tergiverser un tank top en coton blanc et un short anthracite. Chaussettes enfilées et pieds incarcérés dans une paire de baskets grises. Un bandana rubis, réquisitionné en bandeau éponge de fortune, vint parachever et accessoiriser la mise, annonciatrice d’un imminent effort physique.
Petit crochet par la salle de bain réalisé, histoire de se vivifier à grands coups d’eau fraîche aspergée sur la frimousse. Illusion d’ordre remis dans sa tignasse ébène, l’insomniaque gagna alors les contrées de la cuisine, en tâchant de ne pas réveiller le beau lusitanien dormant à poings fermés. Mug rempli d’un fond de café de la veille réchauffé au micro-ondes et promptement lampé d’une traite, le disciple de Galilée quitta dans un silence de cathédrale son humble demeure. Escaliers de l’immeuble dévalés quatre à quatre. Cueilli par la douceur de l’aube, il fit alors battre les semelles de ses chaussures sur le bitume. Amorçant ainsi le prélude d’un footing en petites foulées allongées, aux allures de purge calorique. Hélios, posant les fondements de son règne dans le baldaquin céleste, pour seule compagnie. Ou presque … .
choi yeonjun. mayumi (av), prettygirl (sign). anan. 331 1359 25 célibataire dont les attaches ont du mal à prendre. certaine lassitude qui s'installe après les premières découvertes, quand on se connait trop vite. peut-être que les peurs sont trop profondes, les plaies trop béantes, pour s'accrocher vraiment. étudiant en troisième année de licence sciences de l'éducation. un an de retard pour avoir redoublé en arrivant ici. pour les gamins paumés, il se dit qu'il peut, peut-être, montrer l'exemple. peut-être. le queens huppé, bien caché derrière les grandes baies vitrées. c'est tôma qui a pris cette colocation avec ses moyens affligeants.
In a car colored gray I'm running away beyond this fucked up world my hand clutching yours, it's all banged up it doesn’t matter when I'm with you.
sarasvati
outfit > Perpétuels engrenages d’une histoire surfaite. Il n’est pas le seul, Nihjee – il le sait. Mais il s’en fout des autres. Ils racontent ce qu’ils veulent, imaginent des fins plus heureuses. Lui, il n’imagine pas grand-chose. Pas vraiment. L’histoire s’est simplement arrêtée là, à un moment donné. La page suivante est devenue de plus en plus blanche au fur et à mesure des années qui se sont écoulées.
( J’ai pas peur. )
Mensonges. Ehontés, qui plus est. L’enfant se croit grand quand les apparats sont trompeurs. Avidité de s’éclipser, d’ouvrir un autre bouchon ; le voir s’évader dans l’obscurité. Est-ce que Tôma viendra le chercher ? Non, pas cette fois. Il a tout éteint, Nihjee. Le portable et l’âme. Les étoiles ont cessé de briller et, finalement, il n’a même pas assez bu pour se faire arrêter. La police en a peut-être marre, aussi, de l’entendre brailler derrière leurs barreaux le temps que son meilleur ami vienne le récupérer. Idioties mornes qui, le pense-t-il, distraient encore un peu. Au moins durant ces quelques heures, ces quelques nuits, où l’asphalte a été rencontré plusieurs fois de suite. Mains écorchées plaquées contre le cœur éventré se relèvent ensuite pour apporter la liqueur puissante au creux des veines. Distille les idées pour les remplacer par des rêves, fugaces. Qui vont finir par s’estomper au fur et à mesure des pas qui l’emmènent ici ou là. Ailleurs.
Quelque part. Sans vraiment trop savoir où. Cela fait quelques années à présent qu’il est arrivé en Amérique, mais tous les endroits ne lui sont pas encore connus. Une fois sous l’emprise de l’alcool, reconnaître une allée ou une rue est tout de suite plus difficile. Il zigzague, s’arrête parfois pour relever les iris vers le ciel nocturne et imaginer combien ça aurait pu être meilleur. Et quand il se souvient que ça ne l’est pas, il reprend son chemin, de guingois, un peu débraillé, certes ; fais fuir quelques passants, travailleurs de nuit, qui l’observent en coin ou pas du tout. Peu importe, il s’en moque bien, Nihjee. Un peu comme ces examens qui approchent, ces notes qui doivent être parfaites s’il ne veut pas avoir à tout refaire. Ses études lui plaisent, il a toujours eu des facilités sans pourtant se montrer très assidu, seulement il y a cette désolation qui pèse. Assèche tout sur son passage et empêche bien souvent de fois de respirer. Modèle absent, complètement désuet au fil des années. En fait, il a peut-être un peu peur de tomber. Ne pas être assez bien. Pas assez doué – pour retenir le monde qui l’entoure. Tous ces êtres qui se sont éloignés, certains pour ne jamais revenir. Myocarde qui suffoque quand le visage se tord d’une grimace désagréable.
Les souvenirs s’égrènent à mesure que les premiers rayons pointent le bout de leur nez. Nihjee n’a pas compté les bouteilles qu’il a abandonné, vides ou à peine entamées. Ne s’aperçoit même pas qu’il fonce droit vers l’un des premiers sportifs du matin. Collision qui le propulse, lui, quelques pas en arrière. Il chancelle, se laisse tomber les fesses par terre. « Eh, fais gaffe, mec ! » Il l’interpelle, cherche une seconde sa bouteille du regard qui a roulé un peu plus loin. Elle ne s’est même pas cassée. Mais maintenant qu’il est assis, Nihjee, il ne sait pas vraiment s’il pourra se redresser. Alors il soupire, passe une main dans ses cheveux bruns et ses yeux sont dans le vague ; divaguent. Il demeure juste là, à même le sol glacé et le corps tremblant. Un instant, le temps parait s’arrêter sur tout ça. « J’suis où, là ? » Paumé.
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Courir, courir et encore courir. Qu’importe où ses enjambées le portent. Ecouteurs Bluetooth nichés au seuil des conduits auditifs. Portable arrimé à un brassard ceignant son biceps râblé. Les heures s’égrènent. Sans que l’enfant du Thal daigne mettre un frein à sa folle cavalcade. Les sourcils froncés et la mâchoire serrée, afin de faire fi des montées d’acide lactique étrillant les membres inférieurs, vastement sollicités et mis à contribution. Le débardeur, transformé en serpillière gorgée de transpiration, épouse et met en exergue les reliefs herculéens d’un buste que d’aucuns qualifieraient de vaillant, mais qui relève selon lui - à son grand désarroi et sous son œil, aussi sévère qu’austère, de dysmorphophobique – davantage du carton pâte. L’épiderme praliné ruisselant, brunissant, et même rougeoyant, à mesure que l’astre solaire approche de son zénith. Ne pas faillir. Ni défaillir. Et plus que tout : poursuivre. Afin de ne pas donner raison à celles et ceux prétendant, pétris de certitudes, qu’il est en dessous de la suffisance.
Ces âmes renchéries, qui se targuent de savoir bien mieux que lui ce qu’il vaut. Ce qu’il est. Et ce qu’il représente. Une procession d’engeances qui l’invitent instamment à faire ce qu’elles lui intiment. Implicitement, tacitement, et parfois même en usant de manœuvres aussi fourbes que fallacieuses. "Obéi, fais et tais-toi.". Sans broncher, ni rechigner. Et surtout sans réfléchir, se forger une opinion et la partager. Papa s’élevant en tête de gondole et figure de proue, de cette poignée de quidams le toisant et s’escrimant à le modeler selon leur fantaisie, tel une statuette en glaise. D’effrontés marionnettistes qui ne puisent satisfaction, qu’en voyant "le petit d’homme à sa maman" s’agiter à la manière d’un fantoche désarticulé, sous leur commandement. Eux, qui se gardent bien d’ensevelir la chrysalide, goûtant le sel de l’amertume, sous un torrent de blâmes ; mais dont les regards réprobateurs et lourds de sens, valent bien mille sermons pontifiants.
Alors, Malik continue. Passant outre les térébrants heurts de ses pieds, martelant l’asphalte délabré ici et là. Clouant la fourchue au pilori de ses canines, pour endurer sans ciller les brûlures immolant ses mollets joliment galbés. Ainsi que les morsures ravageant les ischios, en proie à la tétanie. Le souffle lourd, bruyant, appuyé. Et la paume compressant le flanc, dans l’espoir de dissiper les points de côté épars bourgeonnant épisodiquement. Guère enclines à l’honorer de leurs exquises vertus, les endorphines – censées irriguer son cerveau encore passablement embrumé – se font désirer et prennent un malin plaisir à faire mariner l’orthorexique emmuré dans sa citadelle de déni. Nul autre choix donc, que de tenir en haleine l’esprit soucieux, afin de détourer son attention focalisé et cristallisé sur les peines d’une carcasse tournant en sur-régime au plus fort de l’effort. L’enfant de la plèbe portant en lui les tanins de deux pays antagonistes, offre à ses pensées erratiques le loisir et le luxe de naviguer à leur guise, sur les eaux troubles de son subconscient.
Retorses, elles se démènent pour exhumer et ramener à la surface, tout ce qu’il s’emploie à refouler sans relâche depuis maintenant trois longues années. Tout ce qu’il est trop effrayé pour admettre. Tout ce qu’il ne saurait dire, sans cuire sous les feux de la honte. Tout ce qu’il est fatigué de taire et enfouir. Tout ce qu’il envoie rageusement au loin. Mais qui finit inéluctablement par revenir à lui, tel un boomerang des antipodes. Ils dansent devant ses opales boueuses. Ces corps virils et musculeux entremêlés, et reluqués en loucedé sur des sites qu’il est incontestablement trop vieux pour consulter de la sorte. Ou au détour des pages de magazines ne se lisant que d’une seule main, et que l’on planque sous le matelas de son lit. Comme un adolescent aux hormones en furie, et hésitant quant au bord vers lequel il devrait pencher. D’impures – et pourtant si délicieuses – rêveries éveillées, qui attisent tel un soufflet les braises d’un désir défendu.
Un désir en passe de s’embraser. Tanguant sur le filin du point de rupture, le mécréant ressent soudain l’urgente nécessité d’endiguer des fureurs, s’apparentant à ce que ses aïeux lui ont de tout temps présenté comme étant l’un des pêchés les plus inexpiables qui soit. L’éventail des possibilités s’avère en l’espèce relativement restreint. Serrer les poings à s’en écorcher les lignes de la main. Hocher négativement du bonnet. Se répéter comme un mantra les préceptes coraniques inculqués par "Maman", ainsi que les prêches – un rien hostiles et va-t-en-guerre – de l’Imam, pour revenir dans le droit chemin. Et se convaincre d’être "normal". Atteindre les abords du fleuve. Longer la baie et la marina bercées par les flots scintillants. Presser les boutons sur la tranche du téléphone pour accroître le volume. Disséminer les idées égrillardes à l’aide de la voix de Kim Petras vrillant ses tympans. Courir, courir, courir. Toujours plus vite. Toujours plus loin. A l’instar d’un dératé souhaitant échapper au danger, et se ruant vers un précipice les yeux bandés.
Se calfeutrer dans une bulle, qu’une inopinée collision ne tarde pas à faire voler en éclats. Abrupt retour à la réalité. A la faveur de ton corps frêle venu se fracasser contre le buste – aux pleins et déliés somme toute vigoureux – de l’aficionado des diamants stellaires. Quelque peu déboussolé, Malik dodeline du chef pour se reconnecter à l’instant présent et ôte les écouteurs de ses ouïes. Ces derniers renvoyés dans la poche de son short, l’ouvreur du D-Light frictionne promptement son muscle pectoral, pour anesthésier l’infime élancement résultant du choc. Grognement atrabilaire ravalé, le joggeur porte alors son attention sur ta bouille effarée d’hoir de Mars fulminant, assis à même le bitume. Adonis aux embruns du Levant et à l’angélique frimousse. Avoisinant son âge. Des traits poupins, tout en rondeurs, réguliers et très harmonieux. Un brin tirés et creusés par la fatigue, ainsi qu’un certain déficit de sommeil. Teint subtilement ambré. Rendu blême et cireux par l’harassement – et l’abus évident de spiritueux. Tirant ainsi légèrement sur l’olivâtre. Tes lippes charnues et gourmandes, aux airs de bonbon en guimauve. Ton petit nez fripon et effronté. Des pommettes saillantes rehaussées d’un rougissement d’embarras, saupoudré de scories hargneuses. Portrait sublimé et magnifié, par deux oblongues d’obsidienne. Cernés noir et empreints d’une indicible tristesse.
"J-je … j’suis vraiment désolé, c’est de d’ma faute. J’aurais dû faire plus attention où j’allais.", rétorque-t-il posément, d’une voix onctueuse et à la prononciation des "r" bien singulière. La dextre s’emparant de l’ourlet du tank top, pour éponger à la hussarde la pellicule de sueur tapissant sa trogne et faisant luire la pilosité de sa barbe de sept jours – à la taille laissant quelque peu à désirer. Octroyant par la même occasion une brève respiration d’air frais à sa ceinture abdominale proéminente. Le formel vouvoiement renvoyé sur le banc de touche et délaissé au profit du convivial tutoiement, du fait de l’apparente proximité générationnelle vous unissant.
Faute avouée est à moitié pardonnée, dit-on. Et compte tenu qu’il faut nécessairement être deux dans ce genre d’aléa ; autant partager la responsabilité des torts. Tandis que le digne représentant de la basse extraction s’affaire à éradiquer les plis gondolant l’étoffe humide de son débardeur, ta frimousse hébétée s’agite de tous côté pour balayer les alentours, te conférant ainsi des airs de papillon de nuit emprisonné dans un abat-jour. Naufragé aviné sur le bitume accablé par le soleil. Petit faon d’Orient qui gesticule pour tâcher de revenir sur tes pattes. En vain.
"Ca va, rien de cassé ?", s’enquit-il confus et le verbe mal-assuré. Le bandana noué autour du front hâtivement retiré, pour mieux laisser aux phalanges la possibilité de gambader dans l’opaque tignasse trempée, et y remettre une illusion d’ordre. Gênée, la paume glisse jusqu’aux alentours de sa nuque calcinée par l’astre du jour, et y applique de petites frictions circulaires empruntées. Les pulpeuses pincées et se résumant en un fin filet, sous le poids du tracas. Un amble timide décrite, pour te tendre un empan tressaillant et t’aider à recouvrer l’usage de la bipédie.
Alors que le soleil à son apogée vient trôner tel une auréole derrière ta tête. Faisant ainsi briller les écheveaux bruns de ta soyeuse chevelure. En plus de t’accorder des airs de séraphin descendu des cieux. Un charme qui désarme et coûte des larmes. Et face auquel le rejeton d’immigrés s’échine à rester de marbre.
choi yeonjun. mayumi (av), prettygirl (sign). anan. 331 1359 25 célibataire dont les attaches ont du mal à prendre. certaine lassitude qui s'installe après les premières découvertes, quand on se connait trop vite. peut-être que les peurs sont trop profondes, les plaies trop béantes, pour s'accrocher vraiment. étudiant en troisième année de licence sciences de l'éducation. un an de retard pour avoir redoublé en arrivant ici. pour les gamins paumés, il se dit qu'il peut, peut-être, montrer l'exemple. peut-être. le queens huppé, bien caché derrière les grandes baies vitrées. c'est tôma qui a pris cette colocation avec ses moyens affligeants.
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sarasvati
outfit > Ce n’est pas la première fois qu’il disparait. Parfois, cela dure plusieurs jours d’affilé. Parce qu’il n’a pas envie de rentrer ou qu’il perd juste la notion du temps ; sous l’emprise de l’alcool, comment mettre un pied devant l’autre ? Nihjee sait qu’il va s’inquiéter. Qu’il va vouloir lui faire la peau et lui arracher toutes ces maudites bouteilles d’entre ses mains. Mais il sait aussi qu’il recommencera. Encore et encore. Comme un cycle vicieux, infini. Et de toute façon, il lui dit à chaque fois, à Tôma. Tu n’es pas mieux que moi. Les pas déambulent au cœur de la ville, ignorent où se rendre. N’ont pas de but en particulier sinon celui d’errer. Las, présence fantomatique qui n’intéresse personne. Une fois, lorsqu’il était encore en Corée, il a essayé de crier. Si fort qu’il a fini par s’en briser la voix. Il a crié en espérant peut-être que cela changerait quelque chose. Que cet homme reviendrait le chercher, lui dire qu’il n’est qu’un idiot. S’excuser et désirer apprendre à le retrouver. Ce n’est jamais arriver. Cela n’arrivera probablement jamais – l’espoir indicible d’en attendre encore quelque chose. Idiot. Pauvre idiot. Alors il lève le bras, Nihjee, s’engorge davantage. A fini de crier à l’extérieur ; hurle à l’intérieur.
( En fait, je crois bien que j’ai peur. )
Rien ne change. Nihjee ne croit même plus à un monde qui pourrait s’avérer meilleur, moins égoïste. L’histoire s’est close à l’adolescence et depuis il ne s’agit que d’une aventure de survie. L’oxygène s’y fait rare, les chaussures sont abîmées, le dos est courbé. Vingt-deux ans, il n’a que vingt-deux ans. Lui aussi, il est tout cassé. Le paysage défile sous ses yeux qui n’observent rien, pas vraiment. Il zigzague, grimpe sur un banc, un muret. Redescend. Continue son chemin. Toujours tout droit. Il ne sait pas tellement si c’est son cœur qui le guide ou cette odeur imperceptible. L’instinct. Alors, quand il rencontre l’asphalte, les fesses dévorées par le bitume glacé, il faut longtemps à l’asiatique pour diriger ses prunelles vers celui qu’il vient de percuter. De qui est-ce la faute ? Qu’importe. La main est vide. Les doigts s’agitent, agrippent le bas de son sweat. « T’es quoi ? Une sorte de Dieu ? » Et il se met à rire tout seul, Nihjee. Pas vraiment dans son état. Mais il voit cette silhouette se découper dans l’aube qui se lève. Il se reflète, l’inconnu, paraît être une drôle d’apparition. Existe-t-il dans le monde réel ou est-ce une hallucination ? Il semble être si grand, là, quand le coréen demeure vissé au sol. Incapable de bouger. Il n’a plus d’ailes pour s’envoler, Nihjee. « Putain merde, j’en reviens pas. Un Dieu ! » Il s’esclaffe, pathétique ivrogne qui, pourtant, n’est pas insensible à la beauté de cet homme venu d’ailleurs. Il finit par se taire, pince les lèvres et plisse davantage ses paupières étirées. Analyse peut-être un peu. Juste un peu. Sans la moindre gêne que devrait pourtant lui conférer son éducation. Après tout, qu’importe, à présent qu’il vit en Amérique.
Les rayons du soleil entourent le sportif du matin qui lui tend une main. Veut l’aider à se relever. Abasourdi Nihjee. Pourquoi faire ? Il hausse les épaules à sa question, s’y accroche, à sa main, et se remet enfin debout, chancelle jusqu’à sa bouteille. « Et toi, rien de cassé ? » Le goulot dirigé vers l’interlocuteur lui donne la parole. Nihjee n’y a pas répondu parce que ce serait trop long de tout expliquer quand tout est cassé. Le cœur. L’âme. Les douleurs, même. « Tu m’as toujours pas dit où j’suis. » Il regarde brièvement autour de lui, boit une gorgée et grimace. Ça n’a plus le même goût. L’odeur lui donne envie de vomir. Il se prend alors à envier l’apollon près de lui. « J’veux danser. » Pour de vrai. Pas comme dans les films. Danser à plein poumons et se libérer de tous ces maux qui sévissent et enserrent la poitrine. C’est sa passion, à Nihjee. Abandonner son corps à la mélodie qu’il choisit, laisser ses émotions guider ses gestes. Néanmoins, saoul, c’est tout de suite beaucoup plus difficile. Ça ne ressemblerait à rien. Et toi, qu’est-ce que tu veux vraiment ? Il s’est tourné vers lui, lui offre son sourire. Fatigué. Sourit de toutes ses dents.
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Les autres. Ces semblables qui parfois n’en ont que le nom, tant le sentiment de leur être étranger et en total inadéquation brûle plus fort. Une somme d’individualités, massées en une horde à laquelle on ne peut échapper, ni se soustraire. Comme une meute de hyènes cernant et privant un gnou esseulé de toute échappatoire. Des congénères dont il est impossible d’éluder le regard. Pour peu que l’on ne se la joue pas façon Tom Hawks, dans un remake au rabais de "Seul au monde". Ce regard qui analyse, sonde, scanne – voire toise. D’une manière pouvant s’avérer incommodante, lorsque l’impression d’être brutalement mis à nu s’insinue sous la peau et serpente sur les os. Décortiquant, disséquant et passant au crible, jusqu’à la plus infinitésimale fraction d’une essence. Touchant du doigt la substantifique moelle de l’intimité. Une constellation de météores braqués et cristallisés sur un corps céleste, aspirant à ne plus être étiqueté objet volant non-identifié.
Les soit-disant fenêtres de l’âme. Au fond desquelles d’aucuns redoutent de voir crépiter les inquisitrices étincelles d’un jugement péjoratif, fielleux, acerbe et plus corrosif que du vitriol. Sentence mutique ou oralisée, synonyme d’arrêt de mort. Ou tout du moins, de mise au ban et d’exclusion. L’une des pires – si ce n’est la pire – infamie qui soit, dans une société qui se plaît à mesurer la valeur d’un quidam en fonction de sa popularité, son influence et autres followers gravitant autour de lui. D’où le besoin – presque viscérale – pour tout un chacun de quérir l’acceptation, l’adoubement et l’assentiment d’autrui à son encontre. Intuition on ne peut plus compréhensible et légitime, pour ce bipède vertébré portant le nom d’Homme. Lui qui ne saurait désormais vivre privé de sociabilisation et d’interactions. Et qu’un trop-plein de solitude, finit à terme par fatalement affliger. Etioler. Occire. Faire chorus auprès de ses pairs. Comme la condition sine qua non, pour pouvoir se sentir pleinement exister. Pour enfin s’autoriser à déguster les juteux fruits doucereux et gorgés de soleil, que ce capricieux mystère nommé la vie daigne épisodiquement offrir aux bienheureux sachant les cueillir.
Appartenir et être reconnu. Deux désirs ardemment prisés, convoités et recherchés par le commun des mortels. Et qui pour certains font l’objet d’une inexorable quête, vouée à être poursuivie ad vitam æternam. Des préoccupations qui ont été pendant longtemps le cadet des soucis de l’indigent, et qui n’ont fait qu’accentuer la sensation de s’inventer à contre-courant. Jusqu’à ce que les hormones s’éveillent et que les premiers émois mitigés, l’amènent à timidement reconsidérer l’image que ses homologues peuvent avoir de lui. Bien que cela soit imperceptiblement moins le cas aujourd’hui, être dans les petits papiers et en odeur de sainteté auprès de son prochain, sont autant de choses qui l’ont toujours indifférées. L’amoureux des astres n’a en effet jamais attendu de glaner l’estime des autres, pour être au fait de sa valeur, ses qualités, ses défauts et ses aptitudes. Non … il ne les a pas attendu pour vivre – et des fois même survivre. Se contentant de récolter les nèfles blettes mollement accrochées aux branches de l’arbre de la vie, pour se repaître sans broncher de leurs saveurs vineuses et sures.
Sans aller jusqu’à dire que "le petit d’homme" se suffisait à lui-même, le fait est qu’il n’a toujours eu cure d’être bien vu de ces impitoyables autres. Et pourtant … . Il suffit d’une épaule osseuse venue se fracasser sur sa clavicule humectée. Du furtif et soyeux contact d’une peau flambante, truffée de soleil et supplantant la suavité de la soie de Médine. Juste là. Tout contre sa carne bistrée. De la symbiose d’effluves musquées enlacées à de subtiles notes d’exsudation, qui taquinent le sens olfactif en sommeil. D’un rien. D’une autre. Qui souffle au loin la méfiance et la défiance que lui inspire le monde autour. Armé d’une simplicité, d’un naturel et d’une fragilité à fendre les myocardes de silex ; tu parviens à mater et dompter l’irascible chiendent. Quelques propos d’ivrogne ânonnés, qui en un tourne-main amènent le fauve farouche à ranger les crocs et rétracter les griffes. Une fraîcheur teintée de candeur, qui réussit, dans une facilité insolente, à asphyxier les protestes. Comme une melliflue ondée, qui éteindrait toute velléité qu’aurait le Adam Rippon pakistanais, à se fendre d’un accès de colère, d’humeur ou d’emportement.
Touché. Bien qu’il en faudra plus pour couler et sombrer. Tel le roseau qui ploie mais jamais ne rompt. Oui … il aura suffit d’une malencontreuse collision, pour que l’attitude je-m’en-foutiste et tutoyant la morgue de l’enfant de la tourbe, cède la place au souci d’apparaître sous son meilleur jour. De montrer son plus beau visage. Au point de le pousser à se fustiger et s’imputer la responsabilité totale – ou presque – de l’avarie survenue. Les esprits tourneboulés reconquièrent leur nord temporairement perdu. Ton semblant de sens commun recouvré, tu apprivoises d’un air ahuri le monde qui t’entoure. Toi le petit satyre en herbe qui se sent comme écartelé loin de son hydromel vicié. Bon an mal an, et d’un phrasé saccadé, tu affubles le malandrin s’enquérant de ton état d’un titre auquel il n’aurait la prétention d'aspirer. Et qui, soit dit en passant, ne manque pas de lui faire piquer un phare. Gênées, les gemmes fuligineuses du runner se prennent momentanément d’affection pour le cours assoupi de l’Hudson. Juste le temps d’anesthésier la confusion suscitée par tes flatteuses paroles. Des mots dont le petit prolo ne se sent pas digne. Et que de toute manière, il sait biaisés par ton état d’ébriété des plus avancés. Mais … quelque part dans les tréfonds de son for intérieur ; cela le flatte, Malik. Alors, ses joues virent au vermillon. Comme un adolescent amouraché goûtant le nectar de son premier flirt.
"Ca va, merci : j’n’ai rien. Tu … . Tu es dans le Queens. Sur la baie.", déclare-t-il capot et d’un timbre de rogomme, partiellement étouffé par l’incessant trafic automobile. La mine déconfite et chichement enluminée par une moue contrite. Un index grattant le coin du sourcil d’un air navré. Tandis que la paume jusqu’alors inactive, vient frotter le tissu en polyester d’un short gris, afin de se débarrasser des derniers et tenaces résidus de sueur incrustés dans les lignes y serpentant.
Le sempiternel pardon qui lui colle à la peau, comme le parfum d’un amant envolé. Des excuses. Voilà bien tout ce que l’étudient en fin de cycle a à t’offrir en l’espèce. A toi, le damoiseau ayant fait les frais de son imprudence. Même si c’est facile. Même si c’est galvaudé. Même si les mots lui paressent vides de sens. Même s’ils sonnent faux. Comme les discordants larsens décochés par un violon mal accordé. Pour lui qui ne les connaît pas. Ces mots qui ravissent les tympans et descendent tout au fond du cœur pour le réchauffer durablement. Lui pour qui les mots ne sont teintés que de grossièreté, de vulgarité et de prosaïsme. Des mots qui s’amoncellent, s’embouteillent et s’enlisent dans cette boule croissant au fond de sa gorge. Tandis que ceux rabâchés par "Papa", depuis qu’il est en âge d’avoir recours à la bipédie, tournent en boucle dans sa tête, comme un quarante-cinq tours rayé qui grince. "Tu le pètes, tu le payes". Nonobstant, pas sûr que cette aphorisme soit le bienvenu et de très bon ton dans pareille situation. De facto, le digne enfant de Bacchus que tu es, n'as nul besoin d’une nouvelle chopine d’ambroisie enivrante. L’ivresse ayant déjà congédié manu militari ton jugement. Bel éphèbe aux traits poupins demandant implicitement à l’Intouchable la grâce d’une danse aux accents psychédéliques.
"Et si je t’offrais à la place un café, pour t'aider à te remettre de tes émotions ?", propose-t-il dans un phrasé incertain, et une intonation rehaussée d’un octave afin d’acquérir la certitude d’être audible et parfaitement compris de son interlocuteur, au milieu de la cacophonie urbaine battant son plein autour d’eux. Les iris fangeuses qui roulent en direction d’un barista et de son stand itinérant, établis sur le trottoir d’en face. Invitation ponctuée par un succinct rictus pincée. Vaine tentative censée distiller un soupçon de sympathie et de chaleur. Bien que l’initiateur doute sévèrement de son efficience. Ainsi que de la bonne tenue de l’effet escompté.
Subterfuge et ersatz brinquebalant trouvé, pour honorer malgré tout la pécuniaire maxime patriarcale. Compensation que d’aucuns jugeront dérisoire, ridicule et grotesque, au regard de la perte matérielle fraîchement essuyée. Et ils auraient ô combien raison. Mais qu’aurait-il dû faire d’autre ? S’en tenir à ces excuses minimalistes et dépouillées, pour mieux poursuivre son footing comme si de rien n’était ? Non merci, pas pour lui. Comme quoi, les peignes-culs aussi peuvent faire preuve de manières et d’éducation … !
choi yeonjun. mayumi (av), prettygirl (sign). anan. 331 1359 25 célibataire dont les attaches ont du mal à prendre. certaine lassitude qui s'installe après les premières découvertes, quand on se connait trop vite. peut-être que les peurs sont trop profondes, les plaies trop béantes, pour s'accrocher vraiment. étudiant en troisième année de licence sciences de l'éducation. un an de retard pour avoir redoublé en arrivant ici. pour les gamins paumés, il se dit qu'il peut, peut-être, montrer l'exemple. peut-être. le queens huppé, bien caché derrière les grandes baies vitrées. c'est tôma qui a pris cette colocation avec ses moyens affligeants.
In a car colored gray I'm running away beyond this fucked up world my hand clutching yours, it's all banged up it doesn’t matter when I'm with you.
sarasvati
outfit > Perdu dans ses maux, il ne s’aperçoit pas, Nihjee, que ses paroles alcoolisées peuvent mettre mal à l’aise. Faire rougir. Il s’en amuse, de cette vision qu’il ne pense pas réelle en premier lieu. Ça non plus, ça ne serait pas la première fois que ça arriverait. Les hallucinations sont communes à ses prunelles étirées lorsque la sensation d’ivresse est passée et que demeure le plus désagréable. L’effet d’être saoul et conscient à la fois. Alors il se contente de sourire, de rire, aussi. Un peu. Afin d’alléger cette peine dans sa poitrine. A l’impression de voir quelque chose ricocher jusque sur les traits étrangers de cet homme bien matinal. Ses raisons sont différentes des siennes. « Oh, sur la baie. » Ça ne lui dit pas grand-chose. Il hausse les épaules. Il sait au moins qu’il a du chemin à parcourir pour rentrer à son appartement – et qu’il a dû, aussi, en parcourir, depuis cette fête de laquelle il est partie voilà bien des heures désormais. Une connaissance de l’université qui a organisé son anniversaire. Nihjee est arrivé les mains vides, a dérobé une bouteille bien emballée pour la tendre à ce garçon. Apparemment, personne n’a rien vu. Tant mieux. Dans le pire des cas, ils se seraient un peu battus. Un coup ou deux, pour ravaler la fierté et engrosser les autres déjà enfiévrés. « Sois pas gêné, c’est pas ta faute. » Il secoue la bouteille ramassée une minute plus tôt, la lève au niveau de ses yeux pour fixer la silhouette du joggeur à travers le liquide encore présent. Tout semble différent. Sans vie. Sans la moindre étincelle. Surfait. Nihjee hoquète et vise une poubelle à quelques pas. Il y jette ce breuvage qui lui donne désormais plus envie de vomir que d’y perdre un peu plus son âme. Vagabond de cette nuit sans étoiles. Il ne sait pas tellement si l’autre l’observe, tente de comprendre le pourquoi du comment quand lui-même a choisi depuis des années de ne plus y prêter la moindre attention.
( Désuet. Imparfait. )
Alors il lui dit qu’il veut danser. Et ses iris s’illuminent d’une lueur particulière. Une seconde ou deux. Il a envie de danser, Nihjee. D’abandonner son corps au rythme d’une musique douce, d’étendre ses bras, de libérer ses jambes. De détendre tout ça. Seulement, il ne ferait que chuter. Offenser cet art qu’il aime tant. Dans son état, il n’est bon à rien, le gamin perdu. A peine de respirer correctement quand le froid s’insinue peu à peu dans ses poumons. Heureusement qu’il ne fume pas – ou qu’une fois, comme ça. « T’as pas à faire ça. T’es pas obligé d’avoir pitié de moi. » Ce n’est pas méchant. Il émet juste ce qu’il pense. Rabat sa capuche sur sa chevelure brune et avise néanmoins le stand de l’autre côté de la route. Du café ? Il ne sait pas trop si cela l’aiderait à décuver. A se sentir mieux dans cet endroit qui le comprime. Enserre sa gorge et son myocarde. Nihjee pourrait juste laisser son interlocuteur là, avec ces mots en guise de fin. Pourtant, il n’est pas parti, semble même attendre l’homme en short. Ce n’est qu’à cet instant que l’asiatique se dit qu’il est réel. Il n’a plus tout à fait l’air d’un Dieu. C’était peut-être à cause de cette lumière qui s’est reflétée dans ses cheveux. « T’es pas d’ici, toi non plus ? J’viens de Corée. » Il aime bien, Nihjee, être entouré. Quand tout devient sombre. Il lui a souri et ils peuvent traverser. Il reste sage. Analyse les choix qui s’affichent sur la pancarte du magasin ambulant. Drôle de duo qu’ils représentent ensemble. Il pointe du doigt quelque chose, se retourne vers l’étranger, se rend aussi compte qu’il est plus grand que lui. Ou c’est peut-être parce qu’il se tient mal, Nihjee. « J’voudrais bien une crêpe avec du thé. Une crêpe au chocolat. » Il fouille dans ses poches, attrape son téléphone, ses clés, un billet. Le tend à son vis-à-vis. « J’t’inviterais la prochaine fois, j’crois bien que j’suis à sec… » Mauvais jeu de mots qui le fait rire jaune. Lui donne un haut-le-cœur. Toutes ces odeurs agressent son odorat et lui font autant envie que dégoût. Mais une crêpe au chocolat c’est bien. C’est bon. Ça rassure et ça sécurise. Un peu. Ramène à des souvenirs du passé. « J’m’appelle Nihjee. » Il se dandine d’un pied sur l’autre, essaie de se réchauffer.
Surprise, surprise. Couldn't find it in your eyes. But I'm sure it's written all over my face. Surprise, surprise. Never something I could hide. When I see we made it through another day.
Six ans. Six années passées à musarder, dans ce tortueux labyrinthe à ciel ouvert nommé la vie. Tel un sculptural Minotaure atrabilaire, claquemuré dans des abîmes oubliées par la lumière. Où le miroir se déforme. Et les rêves s’endorment. L’âme à l’envers, le cœur à l’étroit. Six révolutions d’errance dans les méandres d’un dédale sinueux. A chercher le sens d’une existence devenue terne. Sinistre. Insipide. Sclérosée par une pléiade de "Pourquoi … ?" et d’"A quoi bon … ." résignés. Désillusionnés. Désenchantés. A quoi bon se lever ? Et pour qui le faudrait-il dorénavant ? Maintenant que la seule qui vaille s’en est allée. Que la raison d’être s’est envolée. Un Astérios devenu orphelin de sa boussole. Privé de son étoile du berger. Sans cap à suivre. Six âcres vendanges d’un cépage aux tanins de vicissitudes et tribulations. Eclusés en grimaçant et serrant les dents. Pantin brinquebalé par les cruautés de la fatalité, et s’agitant selon son bon vouloir.
Colosse miniature au cuir d’airain et au pied d’argile, qui s’est un temps aventuré à refuser l’inévitabilité du destin. La révolte brièvement sonnée. A travers des coups de bélier assénés contre de volumineux murs inébranlables. Dans l’espoir de créer une percée, qui permettrait de recouvrer le sentier des songes. Des passions. Des engouements. En vain. Armes déposées, abdication proclamée, drapeau blanc érigé. L’abandon l’a emporté. Lui passant les fers d’une amère acceptation aux poignets et aux chevilles. Renoncement. Captif d’une vie étriquée et monochrome. Subie en simple spectateur. Passent les jours. Tournent les ans. Calciné par le soleil des étés caniculaires. Battu par les hallebardes pluvieuses des automnes larmoyants. Frigorifié par les morsures givrées des hivers rigoureux. Enlisé dans le marasme d’une routine uniforme.
Jusqu’à ce que jaillisse finalement l’étincelle, au plus fort de l’abattement. Comme une brèche anticyclonique dans l’azur d’un firmament criblé d’opaques nues. Permettant au thérianthrope du Moyen-Orient de retrouver l’extrémité d’un fil infrangible, soumis à la grève du rouet depuis presque une décennie. Un toron remonté hâtivement, et dont le rembobinage se solde par une grisante collision, avec ta charpente de Thésée éméché et tout droit sorti d’élégies tamisées. Les secondes s’étirent et s’étendent. La radieuse brutalité de l’instant tend à gommer la frontière entre la réalité – hier encore blafarde – et l’imaginaire. A tel point que Malik ne sait plus si ce qui se joue sur la berge s’inscrit dans une exactitude irréfutable, ou s’il s’agit de fantasmagorie et d’onirisme barbouillés par une psyché surmenée. L’abrupte reconnexion au charivari urbain new-yorkais - au sortir d’une fâcheuse bousculade, dont le l’heurt lui fait l’effet d’un coup de sagaie éventrant le palpitant exsangue - ne tarde pas à lui donner réponse.
Gauche et emprunté, les dommages collatéraux métamorphosent le barbu à l’œil de crin, en cocker pataud marchant sur ses longues oreilles pendantes, et menaçant à tout moment de trébucher. En témoigne ses pitoyables et quasi incompréhensibles propos cafouillés, se passant de tout commentaire. Balourdise qui n’est cependant pas sans t’arracher une frêle esquisse de faune espiègle et candide, entraînant tes commissures dans une timide conquête du lobe des oreilles. Un sourire, certes un tantinet niais, mais dont il se dégage une infinie bienveillance teinté de langueur. Tout en mélancolie et en sincérité. Accentué par deux orbes onyx luisant de nostalgie, et un regard aussi velouté que de la guipure de Venise. Doux enfant qui doit sans nul doute faire tourner bon nombre de têtes, et chavirer bien des cœurs. Quel genre de monstre dénué de toute vague notion d’allocentrisme faut-il être, pour te tenir rigueur ou te garder rancune ?
Probablement les mêmes monolithes ambulants, qui restent de glace, face à la candeur et l’ingénuité, qui émanent de ton écorce mordorée. Même si tu portes en toi la gravité propre aux individus, que les affres de la vie n’ont pas épargnés. Ces êtres qui ont vu plus d’horreur, ou essuyé plus de déboires, qu’on ne saurait le dire. Et pourtant, tu demeures bel et bien là. Debout et hilare. La tête molle et lourde. A l’image de ton maintien. Peut-être un rien trop avachi et affaissé. Et en même temps si léger éthéré et vaporeux. Comme un gracieux danseur étoile, virevoltant sur les planches et portant à bout de bras un corps de ballet. Exquis chef-d’œuvre de complexité, de nuances et de contraires, qui se tient en cet instant devant le prolo aux parfums d’ailleurs. Insaisissable et insondable. Un chef-d’œuvre que le chantre du sarcasme a l’outrecuidance d’avilir et souiller, en formulant une honnête proposition partant néanmoins d’une bonne intention. Invitation, en tout bien toute honneur, qui ne manque pas de te dérouter, toi le bénéficiaire. En témoigne le cocktail de scepticisme, de stupeur et d’incrédulité, qui colore ta frimousse ambrée. Trop direct ? Pas suffisamment subtil ? Suranné ? Galvaudé ? Aller savoir. Le fruit d’une secondipare n’a jamais été très dégourdi, lorsqu’il s’agit d’interactions avec ses semblables. Alors, autant dire que présentement … c’est voyage en terra incognita ! Ou presque. Quelques dodelinements latéraux de la tête. Ne laissant rien présager d’affirmatif.
"Dis-moi, quand on t’offre des roses ; tu griffes toujours la personne avec les épines ? Aller viens, j’te le propose de mon coeur. Et sans la moindre arrière-pensée, ou je-ne-sais-quel sentiment de pitié.", t’assure-t-il d’un timbre plus assuré et confiant qu’il ne l’aurait imaginé. Les sourcils hoquetant pour agrémenter l’intonation interrogative, parsemée d’ironie. Tandis que les pulpeuses se déploient timidement et que le chef décrit un à-coup en direction de l’autre côté de la rue, pour mieux renouveler l’invitation.
Quelques secondes d’expectative. Le feu tricolore qui consent à passer à l’émeraude. Signal visuel qui t’instigue, armé d’une démarche de guingois, à procéder à la traversée du ruisseau goudronné, sans piper mot. Ni une, ni deux, le presque diplômé t’emboîte le pas et marche dans ton sillage. Sous ses yeux impudents, ta taille ciselée en un ravissant V balance à la faveur d’une dégaine de soûlographe juché sur les crêtes de l’ivresse. Un manège étrangement leste et déliée, digne d’un petit farfadet qui chercherait à se poser sur la terre ferme. Dansant, troublant, charmant. Avec un appui très légèrement plus prononcé sur le pied droit. N’étant qu’homme, l’hôte du D-Light laisse ses amandes bistrées skier sur tes dorsaux mignonnets de minet embaumant la mélancolie. Ehontées, elles dégringolent sans vergogne jusque dans le creux de tes reins. Pour finalement s’appesantir sur ton rusé inférieur, comme on le désignait poétiquement naguère. Tonique, galbé, affriolant.
"Oui et non. Mes parents sont originaires du Pakistan, mais j’ai grandi et toujours vécu ici.", explique-t-il en repositionnant ses prunelles chocolatées sur la ligne d’horizon, au cas où tu viendrais à jeter une œillade par dessus ton épaule afin d’établir un contact visuel. Le verbiage monocorde, placide et terne. Presque désincarné et machinal. Réponse souillée par un zeste de lassitude. La faute à une question à laquelle il a déjà répondu plus de fois qu’il ne saurait le dire.
Fin de l’entracte. Reprise du spectacle. Un spectacle qui aurait depuis longtemps suffi pour mettre les sens de moult individus, disposant d’un double chromosome X et de formes voluptueuses, en effervescence. Malheureusement pour le natif de Décembre féru de danse sur glace, l’efficience de tes appas s’avère aussi probante que l'apport d’une goutte d’eau pour procéder à l’extinction d’un torrent de flammes. C’est pourtant là. C’est à ce moment là que le cyclothymique, devrait en toute logique ressentir quelque chose. Une vague de chaleur qui le submerge, des braises qui crépitent dans son bas-ventre, le cœur qui joue des castagnettes contre la cage-thoracique … . N’importe quoi. Hélas, une fois n’est pas coutume : rien. Encore et toujours. Sempiternellement rien. Tout demeure placide à l’intérieur. Endormi. Tari. Un imperceptible soupir teinté d’affliction, sinue entre ses narines face à cet immuable constat. Tandis que ses gemmes opaques désabusées, se prennent furtivement d’affection pour l’azur des cieux. Le désarroi fuse tel une étoile filante. Déjà, vous voilà arrivés sur l’autre rive.
"Vas-y. Commande ce qui t’fait plaisir.", t’enjoint-il cordialement, la voix un brin trop grise et traînante. L’arrêt marqué à quelques mètres du stand nomade. Afin de te laisser, en ta qualité d’inattendu convive, la primeur de choisir le breuvage caféiné avec lequel tu souhaites enthousiasmer ses papilles. Sous l’œil ambré d’un quinquagénaire latino, levant nonchalamment le nez de son journal sitôt que le tandem de clients approchent des abords de son humble échoppe roulante.
Une rapide autopsie de ses poches réalisée, l’impie musulman dégaine une famélique poignée de billets froissés et quelques piécettes. Le pouce gambade sur la monnaie épousant la paume de la dextre, et accompagne le comptage silencieux du maigre pécule. Les iris faisant la navette entre les tarifs des consommations affichés sur un encart aux couleurs délavées surplombant la buvette montée sur essieux, et les rognures de trésor au creux de sa main. L’esprit turbinant à vive à allure, et multipliant les différentes combinaisons de breuvages possibles. Procédant à une ribambelle de calculs par ordre de grandeur, pour s’assurer qu’il pourra s’acquitter du règlement des réconforts liquides. Détail – qui au final ne l’est pas tant - non négligeable, en l’espèce. Sans mauvais jeu de mots. Sans être Rain Man, ni un virtuose des probabilités et des statistiques ; le pince-sans-rire estime qu’il sera en mesure d’honorer la créance dans quatre-vingt dix-sept virgule huit pourcents des cas. Grosso modo et à la louche. Sélection faite d’un herbeux ambroisie et d’une régalade nappée de cacao ; Malik s’avance à son tour pour faire de même.
"Un déca, s’il vous plaît.", demande-t-il haut et clair, à l’intention de l’hispanique aux tempes grisonnantes et au visage buriné. Addict à la théine, qui peine encore à s’habituer et apprécier les saveurs de la concoction énergisante. Requête que le barista adoube d’un "yep" baragouiné et abaissé au degré minimum d’articulation. Tandis que le chaland brosse brièvement le sourcil, habillant son arcade droite, d’un revers de l’index.
Sans plus tergiverser, l’orfèvre de grains moulus s’active pour élaborer les philtres chauds et stimulants. Deux tours de trotteuses au cadran sont nécessaires, pour qu’il présente les rafraîchissements fumants au golgoth d’Arabie. Achats payés, l’uraniste inavoué s’empare des deux gobelets et remercie l’aîné aux embruns sud-américains, en joignant un compendieux signe de tête au petit mot magique. Ta silhouette bringuebalante retrouvée, le Gagarine aux aromes de Lahore tend sa main droite pour t’offrir le nectar désiré et la gourmandise fourrée à la pâte à tartiner. Godiche et ne sachant trop que faire, "le petit d’homme" se fend d’un fugitif rictus et lève – aussi sommairement que bêtement – son contenant en carton. Comme pour porter un toast mutique. A mon infini balourdise. A ton attendrissante lypémanie. A nos exquises sottises. Lippes perchées sur le rebord du godet, le pakistanais lampe une généreuse lampée du café light. La brûlure générée par la descente du fluide au fond de sa gorge et le long de son œsophage, a au moins le mérite de pleinement le réveiller et museler la fatigue.
"Et moi Malik. C’est bon, t’inquiète pas pour cela. M’enfin, cela serait quand même avec plaisir. Ne serait-ce que pour te voir dans de meilleures dispositions et au summum de ta forme.", t’apprend-il placidement, en calant le récipient entre le creux séparant ses pectoraux joliment dessinés. Volutes de fumée ondoyant devant sa trogne basanée. Les phalanges engourdies et ankylosées retrouvant petit à petit des sensations, grâce à la chaleur du mazagran jetable. Alors que les charnues baptisées roulent l’une contre l’autre. Tant pour mieux apprécier la boisson torréfiée, que pour s’essuyer rudimentairement les babines.
Nouveau manquement à ses devoirs. Un de plus. Aussi pompeux et irritant soit-il pour lui ; l’idéaliste réalise – un peu tard – qu’il aurait sans conteste été judicieux, de se plier à l’inévitable cérémonial des présentations, sitôt ses premières excuses formulées. Rite de passage qu’il a bien failli passer sous silence. Et qui aurait été comme un bras d’honneur porté aux usages, aux conventions et au protocole social. Rustre et malappris. A l’image du reniflement, tout sauf ragoutant, qui vient trahir son embarras. Le rubis myocardique niché dans l’écrin de sa poitrine se tord et s’affole. Maintenant que les fibres de son être redoutent à l’unisson, de savoir l’image que tu as de lui définitivement ternie.
choi yeonjun. mayumi (av), prettygirl (sign). anan. 331 1359 25 célibataire dont les attaches ont du mal à prendre. certaine lassitude qui s'installe après les premières découvertes, quand on se connait trop vite. peut-être que les peurs sont trop profondes, les plaies trop béantes, pour s'accrocher vraiment. étudiant en troisième année de licence sciences de l'éducation. un an de retard pour avoir redoublé en arrivant ici. pour les gamins paumés, il se dit qu'il peut, peut-être, montrer l'exemple. peut-être. le queens huppé, bien caché derrière les grandes baies vitrées. c'est tôma qui a pris cette colocation avec ses moyens affligeants.
In a car colored gray I'm running away beyond this fucked up world my hand clutching yours, it's all banged up it doesn’t matter when I'm with you.
sarasvati
outfit > Si les instants sont las et se ressemblent tous, beaucoup trop et bien trop souvent, il n’en est rien en ce qui concerne ces rencontres. Multiples, parfois incroyables. Parfois moins agréables. Les hommes et les femmes se pressent, se sourient et finissent par s’éloigner. Et c’est ainsi. Alors ils recommencent. Nihjee en fait partie. Lui qui est terrorisé par l’abandon ne fait que perpétrer cette peur qui l’anime depuis bien des années à présent. Ce dos droit et fier, cette figure forte, imposante ; il n’en reste plus que les mornes souvenirs qu’il retrace au travers de ces breuvages imbuvables. Alors même s’il sourit aussi, qu’il s’évertue à faire de son mieux tous les jours, ce n’est jamais assez. Il voudrait davantage, Nihjee. Davantage de quoi ? D’amour ? De douceur ? De solitude ? Ou de cette rancœur qui assèche son corps quand il le remplit pourtant de tout cet alcool bon marché. C’est pathétique parce qu’il est doué. Il est capable de se hisser bien plus haut – au lieu de tomber. La chute est infinie quand l’ascension est impossible en marche arrière. Il invective son interlocuteur, déclare qu’il s’agit de pitié. Juge aussi. Peut-être un peu. L’observe de son regard qui s’échappe, qui est dérouté. La gorge serrée, Nihjee a envie de vomir. Rien ne vient. La vérité est que rien ne vient jamais vraiment. Ça tord les boyaux, abime le cœur. Il se contente de hausser les épaules à sa réponse, de pencher la tête sur le côté (un peu trop lourde sans doute) et de lui sourire. Une nouvelle fois. Nihjee est là sans être tout à fait là.
S t o n e.
Cela lui vaut la plupart du temps des bagarres. Il se prend des coups et comme si cela ne lui suffisait pas, il en remande. Agresse les gens, les met au pied du mur et joue, un peu, avec eux. Ne s’encombre pas de l’inutilité de ces instants dérobés. Les blessures physiques finissent toujours par guérir, avec le temps. Toutefois, le sportif du matin ne s’en va pas davantage qu’il ne lui offre son poing en pleine figure en guise d’au revoir. Non, il maintient son offre et ils déambulent à travers le passage clouté pour rejoindre le trottoir d’en face. La capuche sur la tête, Nihjee commence peu à peu à ressentir le froid s’immiscer en lui. Il se balance d’un pied sur l’autre, triture son téléphone portable, le temps que sa commande arrive. Il a plusieurs messages. De Tôma. Ça lui fait du bien. Ça le fait sourire derrière tout ça. Il sait déjà qu’ils se disputeront quand il rentrera à l’appartement. Que son ami lui fera la morale et lui dira que ça ne peut plus durer. Qu’il s’est inquiété, aussi. Et dans le fond, c’est quelque chose de réconfortant pour l’aîné. Il se sent attendu quelque part. La chaleur est là, au creux de ses mains qu’il renfonce pourtant au fond de ses poches. Sans répondre. « Eh ! T’y es déjà allé ? » Au Pakistan. Il le hèle tout à coup, comme s'il se rappelle de ces paroles dites une minute plus tôt. Nihjee ne connait pas ce pays, n’y a jamais mis les pieds. Il pense surtout à la Corée. Se demande si sa mère est toujours avec son idiot de beau-père. Si elle continue de songer à lui ou si elle a déjà choisi de le laisser faire ce qu’il veut. Ses doigts se resserrent dans ses poches avant qu’il ne redresse le visage, aperçoit la crêpe et la boisson. Il s’en empare aussitôt, un peu maladroit. Manque de renverser son thé. Rit en le voyant lever son gobelet, comme pour trinquer. A cette rencontre ! « T’es sympa, Malik. T’étais pas obligé. » Il croise son regard avant de mordre avec avidité dans cette crêpe bien chaude et parfumée. Ça fait du bien. Il ne se souvient même plus s’il avait mangé un peu avant de boire, boire, boire. « J’crois pas que les gens agissent de manière désintéressée. Tu sais, comme s’il y avait toujours un prix à payer, quelque chose à y gagner. » La bouche pleine, il ajoute : « Pourquoi tu fais ça, toi ? » Il y a forcément une raison. Il y a une raison à tout. Nihjee en est convaincu. Il l’a appris à ses dépens, parfois. Les hommes sont par nature des rats. Des voleurs. Il y a une contrepartie pour chacun des actes qu’ils entreprennent. Qu’importe qu’elle soit rationnelle ou plus absurde. Le jeune homme abandonne un soupir, avise un banc non loin et s’y installe. Dépose son thé entre ses cuisses tandis qu’il dévore sa crêpe. Lentement, le soleil se lève, irradie la baie tout entière de sa douce lumière. Nihjee a toujours envie de danser. Il reporte son attention sur Malik, veut dire quelque chose. Pourtant, lorsqu’il rouvre les lèvres c’est pour y porter un peu de thé. Frissonner.