if you bled, i bleed the same (finose)

rose accueille brièvement ce sentiment de soulagement à l'idée que le sujet soit enfin abordé.
parce que ce qu'il a à dire à ce sujet, fin, elle aimerait bien l'entendre.
ça fait des jours que ça l'embête, qu'elle s'efforce de ranger ça dans un coin de sa tête, pas bien décidée à le prendre d'elle-même dans ses petites mains et le retourner, pour en inspecter chaque côté.
elle est pourtant douée pour l'analyse, rose. très peu d'idées se permettent de faire un bref stop dans sa tête sans avoir été évaluées sous toutes les formes possibles.
mais celle-ci, paris, se retrouve comme volontairement à peine effleurée.
comme si elle avait mis un point d'honneur à pas le faire tant que c'était pas en présence de fin. elle pouvait pas se le permettre. pouvait pas s'imaginer transformer ça en quelque chose de concret sans l'avoir à ses côtés.
et voilà que ça se concrétise bien, là, devant eux.
mais absolument pas de la façon dont elle l'avait imaginé.
réponse d'abord lointaine, comme s'il avait la tête ailleurs.
puis, plus distante encore.
ton froid, réponses brèves.
elle comprend alors.
fin, il s'imagine pas avoir à donner son avis sur la question. pour lui, elle a déjà pris sa décision.
rose s'apprête à lui dire, à remettre les points sur les i.
tu te trompes, fin,
j'aurais pas décidé ça sans toi,
mais les reproches suivent, font leur apparition,
et c'est comme un coup porté, suffisamment violent pour l'arrêter dans son élan.
pour faire accélérer son petit coeur, glacer son sang.
- non, dit-elle d'une voix tremblante.
colère qui aura pas mis longtemps à refaire son apparition, sentiment qu'il a le don de faire disparaître d'une simple voix et ré-invoquer dans la facilité d'un claquement de doigt.
- t'as- t'as pas le droit de retourner la situation. ça fait un mois que je me ronge les sangs, que je me demande ce que j'ai bien pu faire pour- et toi, toi tu penses que- que j'ai déjà-
discours entrecoupé par les inspirations qu'elle peine à prendre, par les mots qui s'entremêlent à leur habitude dans sa tête, incapables de s'aligner comme il faut pour pouvoir franchir ses lèvres de manière ordonnée.
- t'as rien compris,
gorge qui se noue, vue qui se brouille à l'entente du félicitations jeté au passage, en plein visage,
comme s'il la raccompagnait déjà de là où elle venait, une main dans le dos,
alors qu'elle a mis des semaines à rassembler tout son courage pour franchir le pas de sa porte,
s'asseoir sur son canapé,
puis lui montrer à contrecoeur sa vulnérabilité.
l'état dans lequel elle est capable de se mettre, quand il est plus là.
les cheveux en pétard, le visage pâle à en faire peur, les yeux irrités qui pourraient tout aussi bien crier
tu m'as manqué,
je vais pas bien, quand t'es pas là,
je veux pas te perdre, s'il te plait, me lâche pas.
nouvelle bouffée de colère. pourquoi c'est toujours à elle de réparer les pots cassés?
de devoir se torturer l'esprit à comprendre quel est le problème, puis l'adresser, alors qu'il rassemble toute son énergie pour la tenir à distance?
- qu'est ce qui te dit que j'ai déjà pris ma- faut que t'arrêtes fin, putain,
arrête de mettre des paroles dans sa bouche,
arrête de penser qu'elle est toujours dans ta tête,
capable de lire tes pensées, appréhender tes réactions,
- je peux pas continuer comme ça. je peux pas faire tout le travail pour nous deux,  pas toute seule, je- faut que tu m'aides, bordel, dit la jeune femme d'un ton saccadé, passant une autre main tremblante dans sa longue chevelure blonde.
pourquoi est ce qu'il s'acharne à creuser cet écart entre eux?
si lui en laissait l'occasion, elle l'agripperait de toutes ses forces, rose,
l'empêcherait de gesticuler jusqu'à ce qu'il s'immobilise,
qu'il réalise,
la place qu'il occupe dans son coeur, la réelle position dans laquelle il est.
celle qui mettrait en lumière que jamais, non jamais,
elle se permettrait de partir à paris sans recevoir son avis.