hot date (finose)

les talons. la robe qui était accrochée dans la penderie, tombée de son cintre. le fer à repasser chaud posé sur une serviette au dessus de sa machine à laver. son sandwich préparé il y a une heure, qui l'attend encore sagement sur le plan de travail. les vêtements de fin posés sur le canapé, encore dans leur blouse. la salle de bain complètement embuée, témoin de la douche brûlante qui vient d'être prise il y a quelques minutes - les femmes, ces démons qui se lavent en poussant la chansonnette sous mille degrés. la trousse à maquillage fraîchement retrouvée, dont le contenu est éparpillé dans le lavabo. le blush, qui a décidé de ne pas suivre les troupes en préférant sortir des rangs, pour finir sa course par terre, explosé. les traces de pas roses qui ont suivies jusqu'aux toilettes après que la blonde ait marché dedans. les chaussons jetés dans un coin du salon, pour éviter de laisser des empruntes sur le plancher et faire valser la caution. l'alarme qui se fait de plus en plus forte, qui émane d'un téléphone perdu entre les couches de vêtements qui recouvrent le lit double de leur propriétaire.
pour résumer, beaucoup trop de choses qui se passent en même temps.
elle est plutôt organisée, rose. sauf quand elle est stressée, dans ces cas-là ça devient la troisième guerre mondiale dans son trente mètres carrés. et aujourd'hui, elle a de quoi être stressée. c'est la première soirée entre collègues à laquelle elle a été conviée. mais c'est pas n'importe quelle soirée, elle va pas simplement boire un verre au pub du coin avec l'équipe qu'elle fréquente tous les jours au boulot. non, cette soirée c'est une soirée privée, à laquelle seuls quelques membres de la nbc ont été conviés. c'est un délire sur un rooftop, le genre de soirée VIP qu'elle a jamais été apte à fréquenter, et par un miracle qu'elle ne saurait expliquer, son manager s'est apparemment arrangé pour que son nom figure quelque part sur la liste. et sur cette même liste, quelque part, y a tous les grands patrons, ceux dont la montre au poignet dépasse à elle seule le prix de son loyer, qu'elle n'a pu qu'apercevoir au détour d'un ou deux couloirs durant la totalité de son parcours professionnel.  
elle a encore des doutes quant à la situation. peut-être que c'est une blague, peut-être que le type s'est moqué d'elle et attend juste qu'elle se pointe devant l'immeuble et se fasse refouler en beauté. si elle n'entretenait pas une bonne relation avec lui, elle s'en serait déjà convaincue.
vaut mieux pas qu'elle se marie, rose. parce que si elle est déjà dans un état d'hystérie à cause d'un simple évènement professionnel, elle va clairement faire des morts lorsqu'elle devra célébrer ce qui est sensé être l'un des plus beaux jours de sa vie. quelqu'un va finir avec un escarpin envoyé sur la gueule, ou une tête dans le gâteau.
une sonnerie qui retentit, qui vient couvrir le son de son alarme - elle est à deux doigts de jeter son portable pas la fenêtre - pour un court instant et qui lui fait savoir que son plus one est déjà là.
son plus one, c'est fin. et le plus bizarre dans cette situation actuellement, c'est que n'importe quel plus one se contenterait d'attendre bien sagement derrière la porte jusqu'à ce qu'elle ne daigne lui ouvrir. n'importe qui, en fait. mais pas fin.
ce qui l'amène à penser, après quelques secondes sans le voir débarquer, que la porte est sûrement fermée à clés. elle enjambe difficilement les terrains minés dans trois pièces avant d'arriver devant la porte, qu'elle s'empresse d'ouvrir.
- FIN, faut que tu m'aides, lui dit tout bonnement la blonde en guise d'accueil, avant de s'empresser de faire demi-tour pour vaquer à une énième occupation. elle a même pas le temps de réaliser qu'elle lui a ouvert la porte vêtue de rien d'autre qu'une serviette qu'elle a déjà filé, disparaissant dans la salle de bains pour effacer la buée sur le miroir.
- TES VÊTEMENTS SONT DANS LA BLOUSE SUR LE CANAPÉ, lui crie-t-elle depuis la pièce où elle s'est retranchée.
et les tiens rose? se dit-elle soudain après que sa main s'attelant à la glace laisse apparaître son reflet en serviette.
- merde.
elle court à travers le salon pour aller s'emparer d'un jogging et un débardeur dans sa chambre, continuant sur la même mélodie avant de claquer la porte derrière elle le temps de se changer. elle en ressort quelques secondes plus tard en se séchant les cheveux à l'aide de sa serviette, regardant autour d'elle pour voir où est passé le brun.

j'ai réussi, putain. j'ai réussi. il n'a pas fallu beaucoup d'efforts, juste un talent inné pour la comédie, celui de me faire passer pour malade, ce talent que j'ai pratiqué un nombre incalculable de fois que ce soit au foyer, dans les maisons d'accueil, ou en cours. il a suffit que je feigne avoir envie de vomir, la tête qui tourne, et j'étais parti suffisamment à temps pour arriver à quinze heures chez rose, comme prévu.
rose, c'est bien la seule à qui je ne ferais pas semblant d'être malade pour éviter de la voir, ou m'échapper plus tôt. jamais, parce que rose, j'ai toujours envie de la voir.
même si des fois, j'appréhende. comme aujourd'hui. aujourd'hui, j'appréhende pas mal. non pas d'aller la voir, ni même de passer la soirée avec elle, non. j'appréhende la soirée qui suit, l'évènement assez chic, et surtout très important pour elle, dans lequel je n'ai absolument pas ma place. j'y peux rien, moi, c'est pas mon environnement. et en plus de ça, ça m'angoisse, parce que j'veux pas risquer de faire le moindre faux pas et de tout gâcher pour elle.
c'est si important.
alors je monte les marches trois par trois, pantalon et chemise froissée dans la main, au cas où la tenue volée ne m'aille pas. ce qui est sûr, c'est qu'elle ne me conviendra pas, sa tenue. me mettre dans un costume trois pièces, cravate incluse, et finir par ressembler à un pingouin, telle est ma destinée.
je m'apprête à rentrer directement dans son appartement, comme je le fais dans le mien, comme j'ai toujours fait chez elle, d'ailleurs. le temps a beau avoir passé, rien ne changera jamais. jusqu'au jour où elle aura un mec, rose. et ce jour-là, j'espère qu'il n'arrivera jamais. par pur égoïsme, je lui souhaite de ne pas trouver l'amour, je souhaite que ma seule présence lui suffira. parce que rien que d'y penser, ça me brise le coeur tout entier.
mais la porte est fermée. alors je sonne, j'attends sagement, j'ai l'impression d'être un adolescent qui attend d'aller chercher son date le soir du bal de fin d'année. les fleurs en moins. et habillé à l'arrache, en jogging et vieux t-shirt. j'ressemble pas à grand chose, pour être honnête. rose, tu vas avoir des miracles à faire.
rose, d'ailleurs, qui finit par m'ouvrir, à peine vêtue d'une serviette autour d'elle, les cheveux mouillés qui tombent sur ses petites épaules, et mon coeur se met à accélérer d'un coup, d'un seul, sans prévenir.
elle est si belle, comme ça. si douce, si naturelle. et si rapide. elle s'est déjà éclipsée. j'ai pas eu le temps de quoi que ce soit, à peine de l'observer et l'écouter, à peine le temps d'arriver jusqu'aux vêtements qu'elle m'a choisi, de jeter les miens sur le canapé, qu'elle est partie, revenue, puis repartie. et moi, j'suis comme un con, les fringues dans la main, à me revoir en boucle cette scène, que je tente de chasser comme je peux de mon esprit.
- t'as.. t'as besoin d'aide pourquoi?
visiblement pas pour zipper ta robe, tu ne la portes même pas.
j'avance dans l'appartement, l'air complètement ailleurs, pour tenter de la retrouver, sans savoir où elle est passé encore, celle-là, et je finis par lui rentrer dedans.
merde.
je sens mes joues qui commencent à chauffer légèrement, et je recule d'un pas.
- ça te dérange si je vais prendre une douche en vitesse? j'pue.
j'dis ça comme pour casser le léger romantisme qui aurait éventuellement pu s'installer, sans certitude qu'il y en ait vraiment déjà eu un jour entre nous.
- et après, promis je t'aide, et tu pourras me coiffer comme tu veux, aussi, j'm'en fous.

elle l'entend lui dire quelque chose depuis la pièce voisine, et le temps qu'elle sorte de sa chambre pour chercher après lui les deux se rentrent tout bonnement dedans - pas très pratique le 30 mètres carré. ou peut-être que c'est juste la panique croissante de rose qui lui fait perdre ses sens. elle fait un pas en arrière d'un même geste que le brun tout en dédoublant d'énergie pour se sécher les cheveux, parce que le temps leur est compté. elle doit sûrement être en train de tremper fin au passage, mais c'est pas grave, parce qu'il réclame une douche.
une douche - ça courte circuit son cerveau le temps d'un instant, ça la force à se stopper dans son élan pour ne pas lui déballer la liste de choses à faire qu'elle avait prévu pour lui. une douche, ok, elle peut bien lui accorder ça, parce qu'il a du courage fin. le courage de se pointer chez elle un samedi soir, quand elle est tellement stressée qu'elle était à deux doigts d'insulter la voisine qui traînait dans les escaliers quand elle est rentrée.
il lui fait la promesse de voler à son secours dès qu'il aura fini, mieux encore, il lui laisse carte blanche pour s'occuper de ses cheveux. à ces mots, la blonde est presque sur qu'il peut déjà voir ses prunelles pétiller de joie. elle pose rapidement la serviette sur sa nuque, les cheveux en pétard, et place ses mains sur les épaules du brun pour lui faire faire demi tour, glissant ses doigts dans son dos en le faisant avancer vers la salle de bain.
- oui, une douche, ok, tu te douches et ensuite t'enfiles tes fringues. je les ai passé au steamer donc elles sont pas froissées. attends, deux secondes! le coupe-t-elle en le dépassant, se ruant pour récupérer ses affaires dans la salle de bain. elle s'empare de son sèche cheveux et d'un fer à boucler, laissant le reste en plan dans la pièce - de toute façon il n'y passera pas des heures. les traces par terre c'est pas du sang juste du maquillage, fais pas attention, précise-t-elle, parce qu'on sait jamais avec les mecs, il serait bien capable de s'imaginer le pire.
elle attrape une serviette propre sur une étagère qu'elle lui fourre entre les mains, et claque la porte derrière elle, courant de nouveau à travers tout l'appartement pour commencer un dernier truc qu'elle n'aura probablement pas le temps de finir. en une quinzaine de minutes elle a le temps de se sécher les cheveux, ramasser sa robe qui traine par terre en poussant une longue plainte qui la fait sonner comme une baleine triste, repasser la robe en question et manger un bout de son sandwich.
elle est en retard, putain elle est en retard, elle sera jamais prête à temps, ils arriveront jamais à l'heure. d'ailleurs, il est quelle heure?
quinze heure trente?!
elle manque de s'étouffer avec son sandwich, qu'elle balance sur le plan de travail en s'essuyant les lèvres d'un revers de main, avançant à pas rapide jusqu'à la porte de la salle de bain.
- me dit pas que t'as vraiment fait croire que t'étais malade au taff hossman?? piaille-t-elle en martelant la porte de petits coups de poing.
elle sait pas si elle doit pleurer de soulagement parce que non, il n'est pas dix-sept heures, ou de désespoir parce qu'il s'est clairement barré de costco plus tôt que prévu à cause d'elle.

la rencontre est brutale, les deux corps qui se cognent et l'odeur de son shampoing qui remonte à mes narines, ses cheveux mouillés qu'elle sèche brutalement dans la serviette, les gouttes d'eau qui viennent s'écraser contre mon visage. le coup de chaud. un pas en arrière, idem pour rose, je tente de reprendre mes esprits. ouais, une douche me fera réellement le plus grand bien.
j'en ai trop besoin.
j'ai tout un tas d'infos qui me viennent, subitement. mes fringues. elles sont pas froissées. ça veut dire que je dois impérativement faire attention, c'est ça? si je les froisse au passage, en les enfilant, je me fais tuer. clairement. et à en voir la façon dont elle s'excite et court dans tous les sens, j'imagine qu'on n'a pas le temps de repasser encore les vêtements. mais j'me demande quand même si elle a regardé l'heure ou pas, à un moment donné. j'pense pas.
j'ai un air dégoûté sur le visage quand elle parle de sang, qui n'en est pas, au sol de la salle de bain. sérieusement, rose? tout un tas d'images me passent en tête, et j'sais même pas si la pire est celle où tu t'es ouvert la jambe en te rasant, ou bien celle où t'as pas été assez rapide pour mettre ton tampon. j'en sais rien, mais en attendant, maintenant que j'ai ça en tête, ça risque d'être compliqué de m'en défaire. putain, rose, t'abuses. ça aura au moins eu l'avantage indéniable de me sortir la vue que j'ai eu d'elle en serviette de bain de la tête, ça, c'est sûr.
j'me fais jeter une serviette dessus, claquer la porte au nez, et j'me retrouve seul. je soupire, non, je souffle. la soirée va être longue, si longue, à en croire son niveau de stress déjà présent. alors je me dépêche. je m'attelle à me laver le plus rapidement possible au gel douche senteur fraise, à laver mes cheveux aussi, shampoing spécial cheveux blonds. la totale. j'ai aucune idée de ce que je vais sentir, en sortant de là, mais je dois bien avouer qu'avec son panel présent dans la douche, j'aurais presque envie d'en profiter pour me faire un gommage et un masque. presque.
on n'a pas le temps.
quinze minutes. il ne se passe que quinze minutes avant qu'elle vienne hurler à la porte. nouveau soupir. tu m'exaspères. j'ouvre la porte, pantalon à peine enfilé, torse nu, et je la regarde, les sourcils légèrement froncés.
- alors j'te le dirais pas, markle. mais tu pourrais me dire merci, aussi.
je sais pas, merci d'avoir pris la peine de faire ça pour moi. merci de venir ce soir me soutenir. merci d'accepter les fringues que je t'oblige à porter. merci d'être là tout court, à me supporter.
par exemple.
merci d'exister, aussi? moi, des fois, souvent même, j'ai envie de te le dire. merci d'exister, rose, parce que j'serais pas grand chose, sans toi. et ce n'est que la stricte vérité.
porte grande ouverte, j'enfile la chemise et commence à grimacer. et quand je tente d'attacher les premiers boutons, ma grimace se transforme, à mi-chemin entre le dégoût et l'envie soudaine d'éclater de rire.
- j'crois que.. t'as largement sous estimé mes muscles, non? elle est légèrement trop petite, cette chemise, rose.
légèrement. disons que je la passe. la fermer serait une autre histoire mais possible, éventuellement. la garder toute la soirée sans déchirer une seule couture, ça, ça serait beaucoup plus compliqué.
alors j'abandonne. je la retire et la jette en boulette dans un coin de la salle de bain. tant pis. c'est sûr que j'peux pas y aller en jogging et t-shirt? j'ai mis des belles nike, aujourd'hui.
et puis, j'en profite d'être là pour attraper ma brosse à dents, celle qui a toujours trainé chez rose, malgré les quelques déménagements, celle qui aura toujours sa place dans sa salle de bain, je le sais, et m'attelle à mon sourire blancheur, digne d'une publicité colgate.

il ouvre la porte à la volée, et trois choses ont le temps de s'enregistrer dans l'esprit de la blonde lorsqu'il apparaît dans l'embrasure de la porte. de une, la porte sortira probablement de ses gonds la prochaine fois qu'il l'ouvre avec autant de force. de deux, il est pas entièrement habillé. de trois, elle a pas écouté ce qu'il vient de dire.
elle bat des cils, une, deux fois, le temps de reprendre ses esprits, parce qu'elle s'attendait pas à ce qu'il lui ouvre si tôt, voire qu'il lui ouvre tout court.
il râle apparemment, il enfile la chemise qu'elle lui a trouvé et en cet instant elle invoque tous les dieux en lesquels elle n'a jamais cru de sa vie pour que tout lui aille comme un gant. et vu la tête qu'il fait, c'est peine perdue. forcément, parce que sinon ce serait trop facile, parce qu'il faut lui foutre une pression supplémentaire à quelques heures de la soirée.
- mais non elle est pas trop petite, lui dit-elle en se plaçant devant lui, rayant sa remarque de la liste. elle lui tape sur la main pour qu'il la laisse faire, qu'il lui laisse docilement prendre le contrôle de la situation dans l'espoir d'arranger les choses avant que tout ne s'effondre. regarde je suis sûre que si on la boutonne correctement...
un bouton saute. un bouton saute littéralement de la chemise, finit sa course sur le carrelage, dans le blush, sous le regard des deux jeunes adultes qui le regardent rouler un instant et tomber sur une face. la blonde pousse un gémissement plaintif et s'occupe de déboutonner le bas du vêtement, la seule partie qu'il avait réussi à fermer avec succès.
- mais depuis quand t'as pris des muscles comme ça toi, qu'est ce que tu bouffes au petit déjeuner, lui dit la blonde d'une voix plaintive en enlevant le troisième bouton, laissant apparaître le ventre du brun. ou plutôt des abdos. elle les regarde bêtement pendant quelques secondes, comme s'ils allaient se mettre à parler et l'inviter à s'asseoir, pour lancer un powerpoint sur les origines de leur naissance. quelques secondes qui sont déjà des secondes en trop. elle se rue hors de la salle de bain, marchant à petits pas pressés jusqu'au salon pour s'emparer de la chemise de rechange qu'il lui a ramené.
- tiens, enfile ça, lui dit-elle pressement en lui donnant le vêtement. pitié faites que ça match avec le pantalon. si ça te va, tu peux aller la repasser, le fer est chaud.
elle marque un temps d'arrêt et coule un regard vers le brun, qui à lui seul supporte déjà tout le poids de la question qui suit.
- tu sais repasser?

j’me dis, à l’instant même où je me rends compte que la chemise va être trop petite pour moi, j’me dis que je vais me faire tuer, c’est clair. elle va vraiment m’assassiner, elle va me frapper jusqu’à ce que mort s’en suivre, juste parce que je vais avoir le malheur de nous mettre un tout petit peu en retard avec mes changements de vêtements. quoi que. étant donné l’avance avec laquelle je suis arrivé, pas sûr qu’on ait le moindre retard, au final.
mais rose, elle me croit pas, et elle peut pas s’empêcher de tout vérifier par elle même. non, elle peut pas. sauf que ses mains qui tiennent la chemise, ses yeux penchés vers le bas qui observent ce qu’elle fait, moi, ça me tue. un bouton saute, littéralement au sol, et quand j’aurais dû rire normalement, j’esquisse juste un sourire. juste ça, parce que j’essaie d’user de tout le self control dont je possède pour ne pas devenir fou.
et honnêtement, la tâche devient beaucoup plus difficile quand elle se met à me la déboutonner, la chemise.
- je.. j’sais pas.. la même chose qu’avant..
mais je parie que rose, elle s’en cogne de savoir vraiment à quel moment mes muscles ont commencé à apparaître, et comment j’ai fait pour les faire sortir de là. alors j’la finis pas, ma phrase.
je me retrouve à me pincer les lèvres, les humecter doucement, le ventre qui se contracte, trop concentré pour que rien ne puisse paraître dans mes réactions. et ses yeux qui ne veulent pas lâcher mes abdos, sa petite réflexion à laquelle je pourrais avoir mille réponses.
j’avance ma main lentement jusqu’à son visage, dans une envie soudaine de toucher sa joue et de faire relever son regard jusqu’au mien, de regard, qu’elle arrête tout pour qu’on se regarde dans le blanc des yeux, quelques instants. mais non. non, j’ai pas le temps de m’exécuter, qu’elle a déjà filé dans une autre pièce. je la suis tranquillement, me retrouve avec ma propre chemise dans les mains, et la regarde, un sourcil haussé. est-ce que j’ai une tête à savoir repasser, rose? franchement.
- oui elle me va, c’est la mienne.. par contre..
sans le temps de finir ma phrase, elle la pose, la question fatidique, suivie du regard accusateur. alors moi, je sors mes yeux de chien battu, de merlan frit, mon charme fou auquel elle ne résiste jamais.
- ben, non, mais.. j’espérais.. que tu veuilles bien le faire..
j’attrape sa main gentiment, dans la mienne, et la serre un peu, la regarde dans le blanc des yeux, toujours le même regard, pour qu’elle abdique et qu’elle la repasse, ma chemise, pendant que moi je continue de me trimballer torse nu.

elle l'entend tenter de se justifier avant qu'elle ne quitte la pièce pour aller prendre la chemise froissée sur le canapé, mais de ce qu'elle a compris c'est de bien maigres explications. de toute façon, qu'est ce qu'il y a à expliquer là dedans? elle avait effectivement pas remarqué qu'il s'était autant musclé, mais c'est le prix à payer pour cotoyer fin au quotidien, elle est pas forcément consciente des changements qui s'opèrent lentement sur son physique. bien-sûr, elle est pas bête, elle a remarqué la transformation par laquelle il est passé par l'adolescence, comme tout le monde. le mioche chiant qu'il était est devenu plus grand, plus costaud, avec une voix bien plus grave et une machoire bien plus carrée. pas désagréable à regarder, faut bien l'avouer.
mais bon, dans le fond, il est toujours le même mioche chiant.
la preuve, il vient pour l'aider mais c'est elle qui va devoir repasser sa chemise. elle le sait, qu'elle va le faire, elle va pas y échapper. déjà parce qu'elle n'est pas assez bête pour refuser et courir le risque qu'il se pointe avec une chemise froissée, ou pire, qu'il s'attèle à la tâche et fasse un trou dedans avec le fer à repasser. mais aussi, principalement, parce qu'il est en train de lui faire son regard de chien battu, qu'il l'implore avec des petits yeux suppliants et que ça marche. dans ces cas là, y a que de rares occasions où elle est amenée à refuser.
et puis, il prend sa main dans la sienne, comme si son numéro de regardes moi, c'est moi fin, et je suis malheureux n'était déjà pas suffisant. et ça lui procure cette sensation étrange, ce chatouillement au bout des doigts qui semble si étranger, mais qui réapparaît de manière récurrente depuis les derniers mois. son estomac qui se noue, un peu, comme pour lui signaler qu'il se passe quelque chose. mais ça, ça n'est familier qu'avec fin.
et c'est peut-être bien ça le problème.
elle lui lâche vite la main, elle détourne vite le regard. elle arrive pas à expliquer pourquoi, mais elle est gênée, et c'est encore plus désagréable quand elle est pas capable d'en comprendre les raisons.
- est ce que j'ai le choix? soupire la blonde d'une voix un peu plus forte que la normale. parce qu'elle est stressée, mais peut-être aussi parce qu'elle est mal à l'aise. juste un peu.
elle s'occupe de sa chemise en premier, histoire d'avoir une raison valable de regarder autre chose que la tête du brun.
ou ses abdos.
la chose est faite en quelques minutes, à la fin desquelles elle s'empresse de lui remettre la chemise.
- du coup, essaye la veste, au cas où, même si je pense pas qu'elle t'ira. j'vais aller mettre ma robe.
si la chemise ne lui va pas, y a pas de chance pour que la veste lui convienne magiquement. mais on peut toujours rêver rose, c'est bien d'avoir encore des espoirs sur le déroulement de cette soirée.
ça pourrait être pire, dans le fond. au moins ils ne seront pas en retard, fin s'en est chargé. elle se dirige vers sa chambre, le laissant se débrouiller avec sa veste le temps d'enfiler sa tenue.
elle a choisi une robe noire -ou plutôt, mylan a fait la grimace devant cinq robes et trois combinaisons avant d'esquisser un sourire approbateur pour celle-ci. une couleur simple, mais une coupe originale, en crepe. elle lui moule le corps, part en bustier d'un côté et vient rejoindre l'autre en diagonale, s'allongeant sur une manche. elle a choisi une petite veste rouge avec, qu'elle meurt d'envie de passer. mais d'abord, la robe.
elle sort de la chambre une fois vêtue, après dix bonnes minutes à s'être battue pour choisir les sous-vêtements appropriés, à savoir le bas qui fait pas de marque grossière, et le haut qui ne se laissera pas voir malgré son bustier.
- ça donne quoi la veste? demande-t-elle à fin en retournant vers la salle de bain, marchant à petits pas mesurés pour ne pas froisser la robe.

sa main dans la mienne, j'ai pas pu m'en empêcher. j'y suis pour rien, j'avais déjà tenté, le rapprochement, deux minutes auparavant, ma main qui a voulu aller se poser sur sa joue, qui a voulu tenir son visage l'espace de quelques secondes, sentir sa peau sous mon pouce, glisser, toute douce. mais elle s'était échappée, comme elle s'échappe à nouveau, là, alors que le contacte me fige, m'électrifie. elle s'échappe trop vite, trop brusquement, le regard trop fuyant, pour que ce soit naturel, que ce soit normal, que ça ne cache rien.
la vérité, c'est qu'au fond, mes gestes à moi aussi en cachent des tas, de choses. pourquoi au juste, j'aurais besoin ou même envie, de ce contact, cette envie irrépressible, incontrôlable, inexplicable. pourquoi?
sans raison, probablement. pour rien, juste comme ça. juste parce que c'est mon amie, c'est tout. après tout, c'est normal entre amis, j'en suis persuadé. surtout entre amis de si longue date.
alors une énième fois, je chasse tout rapidement de mon esprit, comme si rien ne s'était passé.
moi, au fond, j'veux juste qu'elle accepte de repasser ma chemise, et je sais qu'elle le fera, pour la raison simple qu'elle refusera que j'aille à cette soirée avec des vêtements froissés. jamais de la vie.
je la récupère rapidement, ma chemise, et elle s'éclipse en une fraction de seconde. sa robe. ma veste. moui.
j'enfile la chemise, me mets devant un de ses miroirs pour faire ça proprement, correctement, je la rentre même dans mon pantalon comme il faut, mets une ceinture en cuir noir que j'avais embarqué avec moi. et là, je commence déjà à ressembler à quelque chose. malgré mes pieds nus contre le carrelage, malgré mes cheveux encore humides et loin d'être coiffés. malgré mon look pas finalisé, c'est vrai.
je regarde longuement la veste, immobile, comme si elle allait me donner tout un tas de réponses, comme si ça allait la rendre plus grande, et je finis par la mettre. du moins, essayer. je me retrouve coincé, les bras légèrement levés, et j'éclate de rire.
sérieusement, rose? t'aurais au moins pu me demander quelle taille de vêtements je mets.
je l'entends me demander ce que ça donne au loin, alors je la rejoins à l'entrée de la salle de bain, prêt à la faire rire avec ma dégaine, coincé dans un vêtement trop petit.
- ça donne que.. j'ai besoin de toi pour..
je la regarde, et au beau milieu de ma phrase, je m'arrête net. je suis stoppé, le souffle coupé par la vue qui s'offre à mes yeux. une rose sublime dans une petite robe noire qui laisse entrevoir une seule de ses deux épaules.
rose, j'crois que je ne t'ai jamais vue aussi élégante, et ça te va si bien. tu devrais faire ça plus souvent, m'emmener dans des soirées classes, être magnifique, et me laisser me rincer les yeux toute la nuit.
mais j'peux rien dire. elle va croire que je me fous de sa gueule, hésiter, douter, puis finir par partir en paniquant, prête à trouver une autre robe à enfiler, une qui me fera me taire, qui ne lui fera pas semer le doute dans sa petite tête blonde.
- ouais, j'ai besoin de toi pour la retirer la veste, et du coup, j'en ai pas.. j'crois que j'ai un blouson en cuir dans ma voiture sinon, ça peut le faire?
non, ça ne peut probablement pas le faire, fin, sinon, rose t'aurait déjà proposé cette option. c'est pas possible, ça le fera pas.
putain.
mais j'peux pas aller à cette soirée sans veste, pas vrai? c'est comme si elle, allait à cette soirée, je sais pas moi, sans talons? ça complète la tenue, c'est impossible de faire sans.
- ou sinon.. je vais rapidement en acheter une. on a le temps, non?
et tant pis, pour mon compte en banque déjà pas bien épais, qui sera un peu plus allégé. tant pis pour ma limite angoisse du shopping, j'le ferais. tant pis pour moi, c'est pour rose, que je le fais.

elle est en train de le chercher du regard et quand elle le trouve, il est déjà occupé à faire le clown. en temps normal -c’est à dire quand rose est super stressée comme aujourd’hui, ce qui est considéré comme normal dans son quotidien- elle l’aurait déjà supplié de retirer la veste pour pas la craquer, mais la vision du brun coincé dans le vêtement lui arrache un sourire. c’est peut-être parce qu’elle est contente de voir que sa chemise s’accorde au moins avec le pantalon, ou peut-être parce que ça la met de bonne humeur de porter une jolie robe pour l’occasion. non pas qu’il le lui ai fait remarquer d’ailleurs, à croire qu’elle pourrait être vêtue d’un sac à patates qu’il se passerait de commentaire. il a juste rien dit. rien dit pendant un moment d’ailleurs, peut-être qu’il s’est retenu de critiquer sa tenue?
les mecs sont vraiment pas doués pour ce genre de trucs, c’est comme quand une femme rentre de chez le coiffeur et leur demande s’ils aiment leur nouveau look. ils la dévisagent toujours de haut en bas, désespérés à l’idée de trouver un indice qui leur indiquerait ce qu’elle a bien pu changer. ces idiots.
elle se précipite pour lui enlever la veste, tirant sur les manches très lentement, avec précaution. faudrait quand même pas qu’elle déchire le vêtement alors que personne n’est sensé l’avoir porté.
- j’pense que tu connais déjà la réponse pour le blouson en cuir. t’as l’air malin comme ça, lui fait-elle remarquer avec un petit sourire.
et du coup, fin n’a pas de veste. ça la rassure de constater qu’il a l’air de s’en inquiéter un peu lui aussi, parce qu’elle s’attendait clairement à ce qu’il lui dise que tant pis, qu’on abandonne, qu’il se pointera à la soirée  comme ça et que de toute façon si t’es pas contente markle c’est pareil, c’est déjà bien qu’il soit là alors qu’il était sensé bosser, non mais putain quelle ingratitude celle là c’est toujours pareil- mais maintenant qu’il a le début du costume, autant y aller à fond.
- ouais on a un peu de temps, mais pas assez pour rester une heure à faire les magasins quoi... lui dit rose en sortant son portable, se mordillant la lèvre en fixant l’écran avec inquiétude. tu sais quoi attends, regarde sur ce site. la boutique est pas loin et elle ferme à 18h, les vestes sont pas trop chères. tu peux faire une pré-selection sur mon portable et demander au magasin de les mettre de côté. comme ça on y passera sur le chemin.
barbie passion organisation. c’est ça, c’est le titre de sa vie. des fois elle se fait peur avec son agenda, son google calendar et ses post-its. elle est pas sensée avoir la coordination d’une meuf de trente ans, c’est nika qui le lui répète tout le temps.
- en attendant je me maquille, et après on fait tes cheveux, lui dit-elle en lui plaçant le portable dans les mains pour lui laisser le choix.
elle s’attèle à la partie maquillage, ramenant son grand miroir un peu plus près de son canapé, histoire de  pas abandonner fin pendant trente minutes en s’éclipsant dans la salle de bain. la blonde opte pour quelque chose de plus prononcé que sa routine habituelle. elle rajoute juste un peu plus de blush, un beau rouge à lèvres, du crayon pour dessiner le contour de sa bouche et un peu d’eye-liner - qu’elle recommence trois fois, bien sûr. elle a peut-être lancé quelques insultes au miroir après l’avoir raté, c’est possible.
- t’as trouvé?? s’enquit-elle alors qu’elle fait la grimace devant le miroir, la bouche qui forme un ô, tentant d’appliquer son mascara correctement.

bloqué, je me retrouve complètement bloqué, les bras pris dans la veste trop petite, levés, incapable de les bouger sous peine de tout faire craquer au passage, et ça, j'voudrais éviter. mais surtout, je me retrouve complètement sous le charme, pris au dépourvu, pantois devant rose, à peine capable de continuer à cligner des yeux.
rose, t'es magnifique. cette robe te va merveilleusement bien, elle moule parfaitement chacune de tes courbes, ne laisse ressortir que le meilleur de ta silhouette, si tant est qu'il y ait quelque chose de désagréable au regard. t'es rayonnante, t'es sublime, même sans maquillage, encore plus avec ce sourire aux lèvres. rose, tu nous fais chavirer, mon coeur, et moi tout entier. j'peux pas te lâcher du regard, j'peux pas m'en empêcher de t'observer, et ça risque de durer toute la soirée. tous les regards vont être tournés vers toi, et ça m'en file déjà la nausée.
j'me tais.
dans un repave que j'ai déjà fait, un rêve complètement cinglé que j'ai vite appris à oublier, t'avais une tenue comme ça, je venais te chercher et on allait au restaurant, juste tous les deux, juste toi et moi. un dîner aux chandelles, et tout ce qui allait avec. et même là, t'es encore plus sublime que dans mon rêve.
mais c'était qu'un rêve, pas vrai? et les rêves n'ont pas tous des significations particulières, non. il voulait rien dire, celui-là, de rêve, absolument rien. c'est juste mon subconscient qui a tout mélangé probablement après qu'elle m'ait fait regarder un film à l'eau de rose ensemble, affalés sur son canapé, en jogging, et sans aucune classe.
ouais, c'est probablement ça.
oui, je la connais rose, la réponse, concernant le blouson en cuir, c'est pour ça que je m'empresse de proposer une virée shopping, que je me dis qu'on a le temps, et que ça serait toujours mieux que d'y aller sans veste, honnêtement.
je me retrouve avec son téléphone en main, j'écoute ses instructions attentivement, hoche la tête, et la regarde ramener tout son bordel, miroir compris, jusqu'au canapé.
alors moi, dans un premier temps, j'en profite pour me prendre en photos et spammer son téléphone. parce que je manque clairement de maturité, mais c'est rien de nouveau. puis je l'observe se maquiller, et la filme, pendant qu'elle galère avec son trait noir aux yeux. j'trouve ça très drôle. les insultes lancées au passage sont d'une beauté impressionnante.
et finalement, enfin, je m'y mets, je retourne sur la page pour observer les vestes de costume. j'imagine que l'option la plus jolie serait de rester dans du noir et de prendre une veste qui pourrait s'accorder parfaitement au reste de la tenue. mais en même temps, j'me dis que ça risque d'être compliqué d'avoir exactement la même teinte de noir. alors la sélection s'agrandit, au fur à mesure, composée finalement d'une veste noire, une autre bordeaux, puis une camel, aussi, et une autre toute remplie de sequins réversibles. parce que je sais qu'elle va peut-être s'énerver, en voyant ça.
mais peut-être aussi que ça va la dérider, et lui retirer un peu de son stress.
alors quand elle me demande si j'ai trouvé, je lui colle le téléphone sous le nez, bouscule légèrement sa main pendant la tâche visiblement complexe qu'elle est en train d'effectuer, extrêmement fier de mes trouvailles, et au passage, de mes conneries.
- tadaaaa! t'en penses quoi? honnêtement, la dernière est ma préférée. un peu chère, je le reconnais, mais, elle a le mérite d'être voyante. tous les yeux seront posés sur nous au moins. ça te permettra de sortir du lot, j'pense à toi, aussi.
des fois, j'me dis que dans sa tête, à rose, ça doit résonner inlassablement à coups de ta gueule fin, ta gueule.