where there is light a shadow appears

01/ Alfredo Romao naquit à Medellin, en Colombie, de l’union de Gola et Isai Romao. Premier enfant du couple, une petite fille viendra compléter la fratrie l’année 1991. Les parents d’Alfredo la nomment Lucrezia, mais Alfredo l’appelle Luz, qui signifie Lumière. 02/ Les Romao quitteront Medellin en 1994. Alfredo avait l’âge de huit ans. En effet, le climat d’incertitude et de violences dû à la forte présence de narco-trafiquants n’étaient pas l’atmosphère désirée par les parents Romao pour leurs jeunes enfants. Soucieux d’offrir un meilleur avenir à sa géniture, Gola prend la décision de tenter sa chance pour le rêve américain. Ils emménagent à New York, dans le Bronx. Ils déménagent, cependant, deux ans plus tard dans le Queens où ils ouvrent un restaurant à spécialité hispanique. 03/ C’est là qu’Alfredo rencontre sa future femme. Dans son restaurant. Restaurant dans lequel elle rentre, la tête haute, fière, une expression de dégoût sur le visage lorsqu’elle scrute les alentours. Les Romao ne sont pas très riches. Le père d’Alfie ne maîtrise pas encore très bien l’américain. Elle les prend pour des sans-papiers. Lorsqu’elle parle pour la première fois à Alfredo, elle suppose qu’il ne maîtrise donc pas la langue. Elle lui parle avec de grands gestes, en articulant chaque mot, comme si elle parlait à un attardé. Il mettra plusieurs mois à, finalement, répondre, dans un anglais parfait, aux longs monologues qu’elle dirige. 04/ La jeune demoiselle vient, environ une fois tous les deux mois, avec sa famille. Elle emmène des vêtements à Alfredo, des jouets, de la nourriture. Elle suppose que la famille Romao est trop pauvre pour s’en payer. Les Romao ont des revenus moyens, mais gagnent suffisamment pour élever leurs deux enfants. 05/ Alfredo a treize ans lorsqu’il est approché par un homme mystérieux qui lui propose quelques boulots pour se faire de l’argent facile. Naif, le jeune garçon accepte. Cela commence par quelques deals de drogues (du cannabis principalement), en passant par du vol à l’étalage. « Rien de bien méchant » qu’on lui dit. Progressivement, le vol se fera armé. Les substances vendues seront bien plus fortes. Alfredo se baladera en bande, une arme toujours sur lui. Multiples agressions, vols, deals : « rien de bien méchant. » 06/ C’est en 2003 qu’Alfredo débute une relation amoureuse avec la petite bourgeoise qui pensait l’avoir sorti de la « misère ». Elle a fait de lui une sorte d’oeuvre caritative sans même qu’il ne s’en rende compte. Elle le fait emménager, avec elle, dans un appartement luxueux de Manhattan, souhaite lui payer des études de droit - ce qu’il refuse véhément -, des fringues, son permis. Elle se vante, dans les soirées dans lesquelles ils se rendent, d’avoir sauver Alfredo de son milieu. Elle commence à l’appeler Alfie, pour que ça sonne plus américain. Il ne se rend même pas compte qu’elle tente, progressivement, de l’effacer. Elle l’a pris pour le modeler à l’image de l’homme dont elle rêvait. 07/ La relation d’Alfie avec sa famille se dégrade. Luz déteste la petite amie d’Alfie et le clame à qui veut l’entendre, tandis que Gola et Isai se font plus discrets sur leur opinion sans en penser moins. Ils pensent qu’Alfie renie ses origines, a honte d’eux. Ils ne le reconnaissent plus. Pendant plusieurs années, la famille connaîtra de fortes tensions où un mot mal choisi peut mener à une dispute de plusieurs heures. 08/ Alfie est engagé en tant que secrétaire dans un grand cabinet d’avocat, mais évidemment, sa petite amie raconte qu’il est juriste dans le dit cabinet. Le garçon a l’impression d’être une sorte de « sugar baby ». Il ne supporte pas de tant dépendre de quelqu’un. Il continue ses activités illicites en secret pour se faire son propre revenu de son propre choix. 09/ En 2009, Alfie se fiance. La nouvelle passe mal au sein de sa famille, mais ils ne disent rien, de peur de perdre leur enfant. 10/ En 2011, Alfie se marie. Sa femme garde, bien évidemment, son nom et insiste véhément auprès d’Alfie pour qu’il prenne le sien. Un nom bien américain, cela va de soit. Il accepte. Après tout, il ne lui a jamais refusé quoique ce soit. Il l’aime. L’année de leur mariage, la femme d’Alfie donne naissance à Charles, qu’il surnommera Charlie, son premier et unique enfant. Cette année-là, Alfie se retire de toutes activités illicites. Il ne veut pas de cette vie pour son fils. 11/ Son passé le rattrape, néanmoins, en 2013. Il est arrêté pour complicité dans un trafic de stupéfiants. Il risque gros. L’avocat engagé par sa femme fait presque des miracles. Sa sentence est fortement réduite. Il donne quelques noms, le coeur lourd, mais il doit le faire : il a un fils qu’il ne peut abandonner. 12/ Lorsqu’il perd le procès, Alfie le sait ; c’est la fin de son mariage. Il n’a pas tord. Début 2014, alors qu’elle ne lui a rendu visite qu’une fois, il reçoit les papiers de divorce. Il perd la garde, rend son nom à sa femme et reste seul, à croupir, entre quatre murs. 13/ Les quatre années qui suivent sont terribles. Alfie est au fond du trou. Tout semble sans espoir, mais il résiste dans l’espoir de retrouver son fils. 14/ En Janvier 2018, après avoir fait appel début 2017, il est relâché pour bonne conduite. Sans revenus, seul, il part vivre chez sa petite soeur, Lucrezia, qui prend soin de lui et l’aide à remonter la pente. Alfie s’investit dans sa nouvelle vie, refuse de reprendre un mauvais départ. Il commence à travailler dans le restaurant familial avec ses parents. Si, parfois, tout semble noir, s’il galère, voudrait parfois tout abandonner, il se bat pour son fils.