in the shadow (frida&amos)

Les ongles de sa main droite claquent sur le bar. Le cliquetis incessant de ses pensées se répercutant sur le bois. Les clients se bousculent, mais elle n'a pas envie de voir leur tronche. Tous plus ridicules les uns que les autres, à la limite du pathétique. Frida ne supporte plus d'entendre leur gueule de con faire des réflexions sur elle. Sur ses courbes. Sur ses lèvres trop pulpeuses pour être chastes. Elle les emmerde, et ils le savent. Alors, elle a décidé de les faire attendre ce soir, pas pressée de leur donner de quoi ajouter de l'aigreur dans leur cerveau.
L'alcool rend con, ils ont dû tomber dans la marmite étant petits.
Elle risque de se prendre une brasse par le patron, à force de végéter ainsi sous les injures des ivrognes qui attendent leur commande. Elle s'en moque. Elle n'a jamais eu peur de perdre son travail depuis son arrivé, étant la petite préférée de l'ancien propriétaire des lieux. Il avait mis toute sa confiance en elle, et lui passait tous ses caprices lorsqu'elle estimait qu'il était bon pour elle de ne plus travailler ou de s'en prendre à un client parce que son regard s'échappait sur ses courbes, ou son décolleté. Depuis que le patron a changé, Frida n'a pas changé ses habitudes, ce qui lui vaut des remontrances de ses collègues principalement.

Finalement, tout s'arrête. Un de ses collègues apparaît près d'elle, le regard sombre et visage fermé. « Le patron te demande, il doit te parler. » Frida se redresse doucement, en bombant le torse. Elle s'en doutait, il allait certainement la sermonner pour laisser ainsi dépérir des clients qui ne demandent rien de plus que de mettre de l'argent dans les caisses de la boîte. Elle tourne le dos aux pochtrons en adressant un signe de tête affirmatif au collègue. Avant de s'éloigner, elle attrape une bouteille au hasard et s'en sert un shot qu'elle avale aussitôt, comme pour se donner du courage. « Prends ma place, je n'serai pas longue. » Elle s'éloigne, de sa démarche assurée. Pensant qu'il la convoquait seulement afin de lui parler de son travail déplorable lorsqu'elle n'était pas de bonne humeur. Elle ne savait pas que c'était pour une raison bien plus importante.
Elle marche assez lentement, prenant son temps. Peu désireuse d'arriver à destination et de se retrouver dans le bureau de son patron, aussi sexy soit-il. Ce n'est donc qu'au bout de bonnes minutes qu'elle atteint la porte du boss, sur laquelle elle frappe deux coups secs. Elle attend la permission, puis ouvre la porte. Il est là, à l'attendre. Elle referme la porte derrière elle et se contente de le regarder un moment. Elle ne scille pas, ne l'ayant jamais craint. Bien trop protégée par le serment de son prédécesseur. Elle sourit alors, rictus mesquin, et croise ses bras sur sa poitrine. Toujours debout, à lui faire face. « Pour ma défense, ils sont plus insupportables les uns que les autres. » Elle veut expédier cette conversation, retourner le plus rapidement glander à son poste.
Laisser le temps s'écouler.
Tendre l'oreille en cas de conversation importante.
Puis retourner à son réel poste, auprès de ses camarades de l'ombre.

Tu sais que t’es fait pour sa Amos, tu le sais dans tes tripes, dans chaque partie de ton corps, dans tout ce que tu ressens. tu le sais depuis que tu’es gosse, quand un jour tu t’es rendu compte que tu tenais plus de ton oncle que de ta mauviette de père. À cet instant la tu as su. Tu as su qu’un jour tu serais sur le trône, la couronne posée sur ta sainte tête, ton majestueux crâne. Pourtant il t’arrive de douter, ces périodes ou rien n’est plus sur, ou ton pied d’étale pourrait bien s’effondrer, t’emmenant dans sa chute, ramassant au passage tout ce que ton oncle a construit, bâtis de ses mains. Tu voyais ça de loin avant, bien qu’il t’ait confié dès ton plus jeune âge des responsabilités importantes, tu’avais l’impression que rien n’était vraiment grave, qu’aucun problème n’était sans solution. Aujourd’hui t’en doute. peut-être parce que tu as ouvert les yeux depuis son départ, depuis sa mort, peut-être aussi parce que son passage dans l’autre monde à réveiller de vieilles rancunes, rendue plus flagrante les trahisons qui s’opèrent, là, justes tous ses yeux. Et ça te rend dingue, te ronge, de l’intérieur, gangrène les cellules de ta confiance, celle que tu’avais posée entre les mains de vos plus fidèles alié. Aujourd’hui tu doutes. De pouvoir encore leurs faire confiance, t’en devient parano, à imaginer le pire des scénarios pour tous ceux qui t’entoure, tous ceux qui gravitent autour de toi. Et si on voulait ta peau Amos ?

Tu contemples un moment le club qui s’étend sous tes pieds, observe les quelques clients qui commencent à affluer, le personnel remuant comme une vague colonie de fourmi. Tu la fais appeler. Elle. Celle que tu soupçonnes le plus. Elle avait beau avoir la protection infaillible de ton oncle, tu sais au plus profond de toi qu’elle n’est pas nette, qu’elle vous cache quelques choses. T’en a la certitude, une intuition tenace qui ne te lâche plus depuis un moment, depuis que t’es entrée dans cette chasse aux sorcières. Éliminé tous les traîtres. On frappe à la porte, deux coups secs. L’invite est entrée. Elle se plante là, les bras croisés autour de sa poitrine, le regard prêt à t’affronter, le sourire déjà au coin des lèvres. Tu détestes son attitude, sers la mâchoire, prêt à lui faire ravaler son petit sourire. Elle se défend, pense être convoquée pour son boulot derrière le bar, pour les verres qu’elle sert en oubliant de sourire, d’être aimable, se défend directement en les accusant eux, les clients insupportables. Tu te tournes vers le bar, te sert un verre de ce fabuleux bourbon que l’on t’a offert quelques jours plus tôt. Une inspiration et tu te tournes enfin vers elle, l’observe un moment. “Je t’ai pas fait monter pour ça”, tu cherches un moment, la façon de lui dire, porter les accusations sans vraiment avoir de preuve, tu le sais bien que ce n’est pas très malin, pourtant ça te brûle les lèvres, préfère afficher un petit sourire cruel. “la protection de Rafail… ça tient plus Frida”, tu poses ton verre sur le bureau derrière toi, te redresse un peu, un pas, deux pas, trois vers elle sans lâcher ton sourire. Tu t’approches encore un peu, réduis la distance entre vos corps. “tu devrais faire attention”, ça sonne plus comme une menace qu’un conseil, elle sait très bien ce dont tu veux parler, connaît bien tes soupçons. t’attend quoi pour en avoir le cœur net Amos ?