les journées s'étirent et s'étiolent.
le temps s'égraine et la rengaine est infinie.
tu fais la moue, la joue négligemment écrasée contre une main néanmoins délicate et parfaitement manucurée. que les heures sont ennuyeuses quand l'enfant capricieuse est privée de ses jouets.
tu observes un client sur trois du coin de l'oeil, paries contre toi-même sur les raisons de leur venue dans le temple de la lubricité.
perdue dans tes songes, pas un seul détail ne t'interpelle, pas même le rauque d’une voix qui t’avait pourtant marquée autrefois.
« salut… j’aurais besoin de quelques conseils. »il était l'un de ces paris que tu n'avais pas pris.
v i n c e
la carrure déglinguée éhontément dressée devant toi, plus réelle encore qu'elle ne l'avait jamais été.
putain d'enfoiré.et tu les entends soudain les voix dans ta tête, les souvenirs qui éclosent enfin après avoir été trop longtemps étouffés. ils hurlent, te rappellent à tes fautes, se font tourments tortionnaires. ils te prennent à la gorge comme si le moment était venu de les lui cracher à la gueule.
(flashback)
vince : « montre-moi à quel point tu veux que je reste. »
betsi : « à ce point-là. »
mais les mots ne sont que ça et n'entraînent avec eux aucune image, aucune sensation. ses lèvres resteront alors aussi glacées que si les tiennes ne les avaient jamais rencontrées. comme si en un baiser, elles ne lui avaient jamais demandé de rester.
-- les as-tu oubliées, barlow
les paroles qui jamais n'ont naquit
c'que j'ai jamais su dire avec des mots
c'que j'ai laissé pourrir au fond de moi
les cadavres de vérités que j'ai abandonnés là
comme autant de fleurs en hiver qui n'ont jamais fleuri ?
sauras-tu te rappeler, dis-moi
que dans un baiser je te les ai faites entendre
et qu'elles ont laissé en émoi
celle qui ne savait que les coeurs tendres
pouvaient aussi prendre d'assaut sa poitrine ?
putain de sensibleries clandestines
tu restes silencieuse, betsi. ça dure une seconde, ou peut-être de longues et interminables minutes. l'estimation est impossible lorsque le temps semble comme en suspension. et toi, tu tangues en son sein, vulgaire pantin qui ne peux qu'attendre que chronos daigne reprendre sa course. tu te souviens pourtant qu'un jour, il a couru trop vite.
aussi vite que vince quand il s'est tiré.
(flashback)
betsi : « et maintenant, vince ? vas-y. dis-moi que c'est pas assez et tire-toi. »
et c'est ce qu'il a fait. il est parti.
putain de fugitif sans baluchon - paluches vides, sans un rond.
ailleurs et nulle part, là où tu n'étais pas.
(flashback)
vince : « je pensais que tu serais plus convaincante. »
la respiration s'accélère, le sang bouillonne plus qu'il palpite. c'est la rage qui papillonne au creux du bide, l'amertume qui râpe le palais. avide des offensives, tu t'autorises pourtant une caresse fantaisiste sur la joue abîmée. mais la flânerie minutieusement calculée s'abat finalement sur la pleine rosée en un claquement franc.
l'oeil brillant, le sourire réhaussé d'une étole de suffisance, tu redresses tes épaules et fais un pas en arrière pour abolir la promiscuité que tu avais fatalement initiée.
«
le premier conseil que j'aurais à te donner, c'est de ne pas retourner sur la terre des ennemis en pensant que c'est un terrain conquis. d'ailleurs, en temps de guerre, on apprécie très moyennement les déserteurs. »
la vexation est dégoûtante,
betsi a mal, betsi fomente
une haine dont il était aujourd’hui le seul engrais.