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| (juliet) j’irai à la rencontre de notre hiver | |
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| Sujet: (juliet) j’irai à la rencontre de notre hiver Lun 22 Fév - 14:49 |
| j’irai à la rencontre de notre hiver@juliet nervalentre les pages cornées du cahier, son nom et son adresse, et puis son portrait. sérénité de profil, qui la représente mieux que n’importe lequel de ses souvenirs. il trace une caresse sur la page, sur la miniature de sa joue, relit d’un air absent les notes qui l’emportent dans des ailleurs beaucoup plus abscons, où le deuil habillait la vie de couleurs étranges. il se souvient de la came qui palpitait dans son sang, épaissi par l’orgueil et les instincts du manque. du manque de la vie, du manque de sa famille perdue, du manque des bras d’abelina qui ne donnait jamais assez de réconfort pour exister un peu, du manque de sens, du manque de lueurs passées enfoncées au futur pour le défigurer. il se souvient de son prénom, et du manque, c’est vrai. il la connaît depuis un autre âge, univers en contradiction de celui qu'il a désormais élu, quand d’un pays étranger elle maîtrisait la langue, les coutumes, savait se perdre dans ses paysages. il l’a rencontrée sur fond de mer, océan déchaîné en plein hiver qui bordait sa silhouette d’iode et de bleu. juliet c’est la contradiction du calme et des remous marins, il inspire et il ressent encore le parfum d’une journée et sa tonalité. à ses côtés, il découvrait la france, à ses côtés il recouvrait le calme. à ses côtés parfois, il a même pansé la douleur de l’absence. puis quand il a fallu se revoir dans cette amérique au visage d’acier, quand il a fallu tracer l’horreur et l’expliciter grâce à son expertise, tout a basculé. juliet et ses contours bleu mer, devenus bleu nuit. jusqu’à l’amer. parce qu’il n’aura pas su l’épauler pour emporter à deux une victoire, il n’y a pas eu de procès pour ces filles vendues, lynchées, désincarnées. il n’y a pas eu de justice, il n’y aura eu que des noms oubliés et une colère rentrée de n’avoir pas su les prononcer devant la silhouette décharnée des coupables. il l’a déçue, sa collaboratrice des ombres, il l’a abandonnée sans ne rien lui expliquer, sans se justifier devant les doutes qui leur tissaient comme un costume mortuaire. entre les pages cornées du cahier, il l’a enfermée. puis il a cherché à oublier. jusqu’à aujourd’hui. parce qu’il vous a écrit, directement, à la cellule d’enquête, comme pour braver l’intelligence que vous ne possédez pas. et tu te fais détenteur de ce premier contact, des mots sur la page sans empreinte, des mots qui professent sa loi de prédateur. tu relis sa façon de justifier par la symbolique ses meurtres odieux, de femmes enfants étranglées, de gamines qui perdent le souffle puis la vie, dans des mises en scène choisies. si proches. si proches de celle que tu donnas à songer à une autre. alors les crimes s’embrouillent et s’emmêlent. drôle d’aubaine qui te laisse froid et songeur. quant à la suite, tu sais, tu sais que tu ne pourras pas l’écrire sans elle. sans que son esprit meurtri n’analyse l’horreur pour en chanter avec toi l’indicible teneur.juliet. tu prononces son nom. et tu es sur son seuil. l’adresse relue, réapprise. tu sonnes, tu n’as même pas essayé d’appeler. d’expliquer ou de dire. tu sonnes. c’est tout. et tu apparais sur son seuil comme une énième prophétie. qu’importe si tu as perdu le droit de l’énoncer devant elle.il n’est pas nerveux iskandar, il ne l’a jamais été réellement. il a fallu que la morsure de la chimie endigue le flot lent de sa personnalité pour qu’il apparaisse dans leurs souvenirs communs comme une entité fracturée, qui suintait de frénésies obscures et de cruauté langoureuse. quand elle lui ouvre sa porte, il relève un regard brumeux sur elle. dans ses iris à lui, il y a toujours les brumes fantomatiques de l’oregon, quand le matin crève déjà sous l’assaut d’une nuit qui s’enfuit. et dans ses yeux à elle, il espère revoir la mémoire bleu mer, la mémoire bleu nuit. et ressentir l’amer qui les a à jamais unis. |
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| Sujet: Re: (juliet) j’irai à la rencontre de notre hiver Mer 7 Avr - 15:47 |
| Couchés sur le papier, Juliet et les mots sentencieux et affables. La joue colle aux grains, froisse les sévices dessinés par l’encre, quelques mèches de cheveux tombent sur la détresse voisine. Il y a des mots qui crient et elle s’est allongée contre eux comme pour tendre l’oreille et répondre à leurs pleurs. Elle a passé la nuit à butiner dans les dossiers, le nez et les yeux agressés par la poussière des archives. Juliet s’est jetée dans les affaires classées, passées, qui continuent pourtant de coexister dans le malheureux présents, des tas de noeuds ensanglantés. La nuit s’est rapidement écoulée derrière elle penchée sur son labeur. La nuit qui avait été tissée par les ouvriers du désespoir dans laquelle, néanmoins, elle avait trouvé à s’assoupir.
Mais dans ces sommeils, l’onirisme frelaté, baignant dans le sordide inconscient. Elle trouve le répit amer, malvenu, lorsque le réel sert son apanage de cauchemars. C’est un répit à voix de ténor qui la berce longtemps et fait traîner dans la poitrine ce sentiment chaud, presque de pesanteur. Une sérénité qui surnage finalement en-dessus du naufrage féminin et dont elle reluque l’horreur à longueur de vie. Le répit. Masculin. Qui complait aimablement au silence, empêche depuis la naissance qu’elle se cabre en la retenant dans l’étreinte forte et rassurante. Elle est entrée à contre-coeur dans l’abri qui protège de ce que l’existence porte d’ignominies, et enrage maintenant dans l’étroitesse du réconfort. Coupable et passive, qui s’en veut de trahir les mortes et les vivantes pour quelques heures de cette modique accalmie.
Les globes vibrent sous les paupières éclairées par le jour, s’entrouvrent bientôt sur un ras-de-sol qu’elle se sent avoir toujours habité. Là, parmi la poussière inanimée, battue par les semelles et ignorée. Une vertèbre après l’autre, exultant un soupir d’endolorie, Juliet se redresse et tire sèchement sur le papier collé à la salive. Une brève rencontre avec les transcriptions pour en renâcler la cruauté d’un regard évidé, et son reflet incapable dans le lointain. Les yeux s’élèvent alors vers le pendule, découvre le cadavre d’une nuit dont elle se sent encore si proche, alors même qu’elle s’est faite engloutir par l’aube.
Aux pépiements des oiseaux à travers la fenêtre de la cuisine se mélange le cliquetis de la vaisselle contre l’évier en inox. La nuque voûtée, Juliet rince une tasse et la remplit d’une vase caféinée et âpre. La radio s’allume lorsqu’elle en titille le bouton, puis s’éteint aussitôt dès qu’elle ouït toujours par la fenêtre les bruissements du gravier menant jusqu’à chez elle.
Ça fait si longtemps que la mémoire se rebiffe, mais il finit tout de même par lui revenir, le partenaire dans la chute, la cicatrice imperceptible. Il piétine le sentier des souvenirs jusqu’à la porte et elle, observe cette violente apparition, les empreintes qui se brûlent au contact de la céramique. Et tous les cris des nuits d’antan, des nuits dernières, lui parviennent et somment un court instant qu’elles se brûlent encore un peu et les paumes avec. La tasse s’éclate au fond de l’évier, sonne le glas sous lequel Juliet obtempère.
La porte s’ouvre sur la figure du fiasco que viennent cribler les orbes éternellement gelées et distantes de la jeune femme. Iskandar, l’aura pluvieuse, de la grisaille pour couvrir la pensée, la torture claudiquante derrière l’opacité de son regard. Nerveuse, ses billes tombent soudainement sur le col de sa veste lorsqu’elle brise enfin le silence: « que puis-je pour toi? ». À en mirer la tension personnifiée, Juliet comprend qu'il est venu la chercher. Ce qu'elle demande réellement c'est qui sont les monstres et quelles sont les terreurs semées, qui font battre l'harmonie entre leur obsession mortelle pour la justice.
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