onde de choc /kemen

le temps passe, mais les souvenirs restent...

j'ai pas l'droit d'te faire ça...

pourtant, je n’ai pas regretté un seul instant kemen.
depuis tout ce temps, ce souvenir me hante, cette douceur que tu as posé sur ma peau a accentué cette proximité que j’ai essayé de détourner. mais le temps à passer, nous nous sommes quitté dans un sourire forcé par l’agonie de nos désirs inassouvis. tout s’est arrêté à ces mots, même si par la force des choses, le quotidien nous a ramené l’un à l’autre, jamais nous n’avons décidé d’en reparler.

alors, pourquoi souffrir à ce point de cette décision ?
plus d’un an plus tard, tu te sais prendre le chemin de ce travail pour la dernière fois. convaincue par la force des choses que quelque chose t’attends ailleurs. une étape à franchir, toujours les mêmes démons pour t’assaillir et le retour de ce prince maléfique pour te détourner d’un chemin sûrement plus réconfortant que l’enfer qui t’appelle. l’appel de l’argent, du passé qui revient à toi comme une pression entourant ta trachée. la même que tu n’as jamais su correctement analyser. cette décision ne devrait pas te faire aussi mal, mais cette boule au ventre est bien là pour te la rappeler. lourde de sens, oppressante, elle t’indique tous ces voyants rouges que tu ne veux pas voir s’ajouter aux conséquences de tes actes, pourrissent un peu plus tes idées à chaque pas posé sur le bitume. tu n’es pas rassurée, tu ne veux pas lui faire du mal, mais c’est surtout à toi que tu en feras kiona.

enfermée dans tes idées, toujours déterminée mais jamais rassurée, tu fonces tête baissé mais le coeur au bord des larmes. le quitter. ou du moins, ne plus faire partie de son quotidien, ne plus le voir chaque jour et ressentir la bienveillance de son regard, tout pour perturber le bon fonctionnement de ton organisme. c’était comme si tu ressentais à nouveau la chaleur de sa peau et l’apaisement de sa voix.
où en serais-je sans toi ?
sûrement nulle part, peut-être même plus rien.

ton visage est pâle et fermé face aux autres. sur ton passage, tu souris maladroitement à ceux qui te salue avant de te diriger rapidement vers son bureau. ton poing frappe deux coups et sans attendre, te voilà entrée sans invitation. tout pourrait s'effondrer, l'impression amère de venir bousculer une ligne de vie parfaite dans l'incohérence de ta bipolarité. tout comme tu avais franchis le seuil du bureau d'aayat, tu arrivais la ferveur aux mots mais la fragilité dans les yeux.
je dois te dire quelque chose... ces premières notes annoncent le pire et il n'est pas difficile de déceler l'hésitation dans sa mélodie dramatique. tu le regardes s'arrêter net dans ses affaires, te donner toute l'attention que tu ne paraît pas mériter. ... on m'a proposé un nouveau boulot. ajoutes-tu finalement entre deux battements de coeur.

il y avait eu des hauts et des bas, avec nana. il y en avait eu et il y en aurait encore. et d'votre relation, ne restait qu'le lien et le profond attachement qui vous connectaient. hier, aujourd'hui ou bien demain, à la poursuite d'une forme d'avenir. d'la douceur aux éclats, vous aviez parcouru tous les sentiers pour en arriver là. pour tisser c'fil à la fois ténu, à la fois solide. un équilibre semblant précaire face aux vents contraires qui pourraient mettre à mal c'que vous étiez devenu. les rafales d'un hiver menaçant ou les ouragans commandités par d'autres gens. parce qu'avec le temps, nana tu en avais fait ta variable non négociable. celle qui dans chacune d'tes équations se manifestait. par choix, par envie, par besoin. elle avait d'abord forcée l'entrée d'ton paysage professionnel avant d'pénétrer le plus personnel. sauf qu'elle était louve sauvage, indomptable, in-apprivoisable. disparaissant et ré-apparaissant au gré d'ses lubies. elle était celle après qui on courrait, sans jamais réussir à la rattraper. t'avais finalement accepté les conditions kemen, prenant ce qu'il y avait à prendre sans rechigner. et tu l'as gardé au bureau, comme tu l'as gardé dans ta vie. t'as tendu la main plus d'une fois, à celle qui était comme un prolongement d'toi. parfois à tort, parfois à raison. elle n'a pas toujours su l'accepter, ni en profiter. mais t'es resté là quand même, dans l'ombre. là pour ce dans quoi elle voudrait bien t'impliquer. ça s'est retourné contre toi kemen, quand tu t'es pris les pieds dans l'plat. quand t'as fait l'amalgame entre tes droits et tes devoirs, entre tes sentiments brouillon et ta raison. alors la partie a été avorté, sans plus jamais être évoquée.
pour autant, elle n'a pas quitté ton horizon nana. quand tu passais la porte d'ton bureau, quand tu réunissais tes collègues pour un briefing, quand tu lui confiais une tâche précise. à la machine à café, au déjeuner et même à l'heure d'la fermeture. du matin au soir, elle était là. et rien n'a jamais changé. t'as écrasé les incertitudes, les peut-être, les et si. et t'as continué, et vous avez continué.
la matinée n'a rien à envier aux autres, elle leur ressemble fatalement. toi, toujours retranché derrière ton bureau, en train d'trier les confirmations d'un tas d'réservations. et ceux qui travaillaient pour toi, quand tu préférais dire avec toi, de l'autre côté d'la vitre. s'affairant ici et là pour honorer tous les clients. tu l'entends même pas arriver, tu n'captes même pas les coups tapés contre la porte. tu n'réagis qu'quand sa voix s'élève et que c'est ton regard qui suit l'mouvement. je dois te dire quelque chose... tu n'sais pas pourquoi t'as un mauvais pressentiment. tu n'sais pas pourquoi elle te semble étonnamment bizarre nana. comme si c'était elle, sans être vraiment elle. elle t'parait déjà ailleurs, comme si elle avait un pied ici et un pied dehors. tu n'bronches pas plus que d'ordinaire, mais t'abandonnes tes projets à court terme. tu sens que c'est important, tu sens qu'elle réclame qu'on l'écoute. et ce, peu importe le sujet qu'elle comptait aborder. ... on m'a proposé un nouveau boulot. tu t'attendais pas à c'que ses mots s'échappent si rapidement. comme s'ils lui brûlaient si acidement la langue, qu'elle n'avait pas l'temps de s'asseoir, ni d'se poser. l'coup qu'tu prends est sauvagement délivré. ta tête aurait pu faire trois tours face à l'uppercut inopiné. pourtant, tu reprends tranquillement ta contenance et tu choisis de n'pas t'emballer. pas maintenant, pas tout d'suite. pas tant que tu n'aurais pas tous les tenants et les aboutissants. d'un coup d'oeil, tu l'invites à s'approprier la chaise en face de toi. et tu balayes les dossiers qui t'agaçaient soudainement. j'savais pas qu'tu cherchais du boulot. un autre boulot, que tu t'retiens d'filtrer. tu n'savais pas qu'elle cherchait à fuir, et tu savais encore moins depuis quand l'idée avait germé dans son esprit endolori.

tu te sens dégoupiller la grenade. machine imperturbable aux dégâts immatériels dévastateurs dont tu n’as pas conscience des répercutions. il est encore difficile à cette heure, d’assumer une telle décision auprès de lui. cette épreuve te semblait déjà insurmontable à peine les bribes d’idées imagées. en vérité, tu ne sais pas comment t’en sortir et si même tu arriveras à naviguer autre part sans lui. sa protection n’a nulle autre pareil et même si tu as l’impression de suivre une route qui t’apportera ce que tu désires à cet instant, tu sens un fragment de ce lien se briser sous tes yeux.

j'savais pas qu'tu cherchais du boulot. tu le sens inquiet, l’explosion est inopinée et chargée d’incertitude pour lui qui avait bien l’intention de te garder si près de sa sphère.
comment trouver les mots ?
est-ce au fond si terrible de se séparer ?
ce n’est pas définitif. te forces-tu à penser intensément.
ta vie sans lui ne serait qu’une multitudes d’échecs et sans compter cette cadence déterminée par ton coeur à son contact. odeur, toucher, tous tes sens à jamais en éveil lorsque kemen continue de te regarder parmi la foule qui vous entoure. tout est si facile, si doux à ses côtés et pourtant, pour une énième fois encore, tu prends le chemin inverse par peur de plonger. tu te sens être le fardeau de sa vie. un chiffre sommaire dans l’équation qui n’a de cesse de changer de position jusqu’à le rendre dingue. fou, au point de t’embrasser ce soir-là, sûrement par pur déraison. c’est du moins ce que tu as toujours cru.

ton corps se redresse quand tu finis par t’asseoir, jambes croisées et mains tremblantes d’incertitude. le seul argument plausible est celui que tu sors machinalement en premier pour excuser ton aveu brutale, tentant de fermer à mi-clos la peine engendrée. j’dois aider mes parents, j’ai besoin… d’argent. tu es faible de ta condition. restreinte à l’idée de rendre la fin de vie de ton père plus décente et que ta mère souffre le moins possible. mais de là où tu te trouve, tout est aussi flou qu’un paysage maritime embrumé, prisonnière du temps qui passe et du destin annoncée. c’est une opportunité. un dessein que tu trouvais facile d’accepter, mais jusqu’à quel point oublier le véritable bonheur. te voilà bercée d’illégalité, d’argent facile sans y voir l’instant où tu couleras remplie de remords assumés. la corde au cou assurée.

vois le bon côté des choses kemen. tu n'auras plus à te soucier de moi. un léger sourire pour amorcer la déflagration imminente car tu sais très bien qu'aucun mot ne pourrait l'apaiser maintenant. ça n'a rien d'un adieu kemen. son prénom glissé entre tes lèvres te ramène trop amèrement au résultat de vos attentes murmurées trop souvent, discrètement ensevelis sous la routine que vous vous êtes instaurés par peur de recommencer ou même de continuer à tomber l'un contre l'autre. ce mécanisme de défense à marcher un temps et tu te trouves contrainte par toi-même à l'abandon pour ne plus ressentir cette pulsion étrangère à vos coutumes.

à l'intérieur, l'orage gronde. comme une déferlante d'eau d'pluie venue d'un ciel pas assez gris. et tout c'que tu croyais posséder d'vérités immuables, semble t'filer entre les doigts. comme de vulgaires grains d'sable qu'tu serais incapable d'retenir. c'est c'qui vous définissait qu'tu sens s'gommer. sous l'assaut, sous les mots d'trop. t'es presque bouche-bée, l'explosion d'incompréhension et d'sentiments contraires t'compriment les cordes vocales. t'es mis devant l'fait accompli, t'es pas consulté sur un avenir qui t'impliquait et tu détestes ça. imprévisible nana, toujours là où on ne l'attend pas. tu revois immédiatement ton ordre des priorités, tu remets à plus tard c'que tu n'considérais plus qu'comme une broutille. et ce, même si c'était d'ton boulot dont il était question. tu prends enfin la mesure de l'aveu énoncé. elle avait toujours été là nana, demain elle ne l'serait pas. c'était une nouvelle salve d'habitudes auxquelles tu devrais faire face, des nouveaux automatismes dont tu t'improviserais maestro. forcé par nana, l'courant d'air dans ton existence imperturbable. l'image est nette devant tes yeux. cette forme indéfinissable qui pourrait disparaître si on l'approchait d'trop près, si on osait la toucher. t'es heurté d'être l'dernier informé quand t'aurais dû être l'premier. c'est comme un ultime voyage dont elle s'est faite héroïne quand elle a débarqué, t'réduisant au simple rôle d'figurant. celui qui est présent, qui observe, mais qui n'a pas droit à la parole. tu ravales l'amertume qui acidifie déjà tes pensées, qui menace de s'déposer partout sur c'que tu laisseras filtrer. tu voiles la blessure qui n'devrait pas être la tienne, tu fais semblant encore un instant. et tu déblayes le chemin obstrué. tu questionnes, en espérant obtenir l'ombre d'un presque rien qui t'aiderait à y voir plus clair. j'dois aider mes parents, j'ai besoin… d’argent. elle est maintenant assise face à toi nana. elle est là, au même endroit qu'toi. pour combien d'temps encore ? tu n'te risqueras pas à l'décompter. tu n'le perdras pas à calculer. tu préfères la regarder, la faire parler, décortiquer ses rides d'expression. ce qu'elle voudrait dire mais ce qu'elle n'dit pas. ce qu'elle tait, pourtant juste devant toi. pourquoi tu m'en as pas parlé ? tu sais que je t'aurais aidé. c'est sûrement ça qui t'ébranle le plus. savoir qu'sa situation lui échappait mais l'garder pour elle, te tenir à l'écart alors que t'aurais pu faire beaucoup. tu n'auras plus à te soucier de moi. et si m'soucier d'toi était c'qui m'faisait tenir debout ? tu n'te l'es pas posé cette question-là nana. et si j'avais envie d'continuer ? t'aimes pas la façon qu'elle a d'le dire. comme si t'avais été réduit à cette tâche sans même le vouloir, comme si on te l'avait imposé. cette place, tu l'avais prise parce que tu l'avais voulu. et t'aurais pu t'y soustraire à tout moment. sans doute que tu n'lui avais jamais rien promis, même si silencieusement, ça y ressemblait. ça n'a rien d'un adieu kemen. t'es presque soulagé de l'entendre te l'dire. mais t'avais pas peur de ça. en réalité, t'avais peur pour elle. quand tu t'imaginais où elle avait pu mettre les pieds pour espérer s'en sortir. et où est-ce que t'as trouvé un job de rêve qui paye mieux qu'ici en si peu d'temps ? tu veux la pousser à délivrer ses atouts, tu veux qu'elle cesse d'conserver ces parts d'ombre qu'tu devines sans même les soupçonner. t'es persuadé qu'elle ne t'ment pas sur toute la ligne. parce qu'elle était pleine d'bonne volonté nana et qu'elle avait en commun avec toi, cette faculté à aider les siens. pourtant, son argument ne te convainc pas entièrement. il est flou et dépossédé d'une vérité incontestable. t'appuies tes propos d'un regard, t'insistes pour obtenir les vraies raisons d'son départ. au fond, c'est pas à elle que t'en veux, elle n'a fait qu'saisir l'opportunité qui s'présentait. l'unique responsable restait celui qui t'avait délogé d'ton trône de héros, celui qui t'volait tout espoir d'rester son pilier sur la route d'vos lendemains.