la fronde / barbie

la capuche se rabat sur les cheveux hirsutes dont quelques mèches strient l'obscurité du visage aussi sombre que la nuit. la poupée se faufile, furtif chat de gouttière que les rues malfamées ne sauraient apprivoiser. dans la poche du sweat noir elles rassurent, ces griffes rétractées mais prêtes à se planter sur les corps de ceux qui pensent dominer. les ivrognes de ce pouvoir aveuglant qui les grise, les enivre dans leurs délires aussi malsains soient-ils. les bagues glissent dans les poches arrières, quittent les mains baladeuses et les doigts intrusifs de peur que l'immondice ne s'infiltre jusque dans les murs immaculées des maisons où les mensonges pullulent. derrière la façade lustrée, la mascarade de tous ces couples parfaits, ils camouflent la vermine qui abonde à la surface de l'évier. comme une boue visqueuse qu'ils peinent à dissimuler, écho de leurs perversités lascives.
barbie, à ce sempiternel sadisme, la chair et les os s'y sont soumis. sur la nuque, tu sens encore les souffles chauds et la salive obscène de l'effort qui les terrasse et qu'ils crachent sur la carcasse pour le réduire au statut de pantin. mais la marionnette se souvient. des cris étouffés dans des pantalons mouillés, le goût du tissu rêche et salé infectant les lippes. le corps réduit à l’infini du rien, endoctriné par leurs ignominies. vulgaire déchet qu’ils disent et courbée la carapace se détruit. sous elle l’encéphale finit par accepter la fin de l’être. sous la langue, les pilules ont glissé, tuant dans l'oeuf les moindres sensations. mais barbara est morte par la même occasion, broyée par les viles chimères, condamnée à n'être plus rien dans la vacuité de son existence.
de la suie nihiliste tu t'es badigeonnée barbie, recouvrant les derniers vestiges de la silhouette jeune et fébrile. comme ces oiseaux déchus atrophiés par les marées noires et toxiques, devenus ces bagnards incapables de s'échapper, les ailes lourdes et visqueuses trainant de part et d'autre ; le bec plongé dans les miasmes poisseux. et il n'y a que ces mains toutes aussi charbonneuses que les tiennes qui peuvent toucher l'épiderme poisonneuse. les doigts entrelacés dans une union silencieuse. celle des maux frappant vos âmes de l'apathie malade.
« file la bombe, j'te laisse les collages »
que fulmine l'acrylique sur le béton anthracite, que ton venin s'incruste et dégouline comme les larmes de toutes celles qui ne pleurent plus. tic, tac patriarcat. les secondes filent et vous ne serez bientôt plus les rois. car la colère gronde, dans les entrailles, elles rugissent, les lionnes évadées de leurs cages. les doigts se fixent sur le spray indélébile. mais t'as envie de plus barbie, bien plus que de simples lettres accordées ensemble sur un pan de mur invisible.
« tu t'es jamais dit que ça servait à rien ? qu'ils en ont rien à foutre de trois malheureuses phrases sur un mur dégueulasse ? »
parce qu'ils les effaceront, réduiront au néant la prétendue révolution. avec leurs brosses imbibées d'eau trouble, ils annihilent toutes vos tentatives. leur victoire est trop facile, barbie. et ce soir, tu refuses de voir les affiches arrachées, profanées par la verve masculine. alors, vers nana les carmines s'étendent et les billes s'illuminent. un seul signe de tête et le briquet sort déjà de ta poche arrière. la flamme vacille sous les orbites, aspire la noirceur de vos rêves détruits. tu veux foutre le feu, barbie, qu'ils brûlent tous dans les immeubles assoupis pour que sonne enfin le début de votre délivrance.